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lundi 2 novembre 2009

GANESHA



GANESHA*




Ganesha ou Ganapati, signifie littéralement « le Seigneur des catégories » (de gana que A. Daniélou traduit par catégorie), c’est à dire ce qui peut faire l’objet d’une classification. Selon le Bhagavat Tattva, le mot gana représente une collection d’objets et le Seigneur des catégories, Ganapati, préside à « toutes classifications permettant d’établir des relations entre les choses, entre les différents degrés de la manifestations, c’est à dire entre le macrocosme et microcosme »[1].
Une légende puranique relate que Pârvatî brûlait du désir d'avoir un enfant. Il en fit part à Shiva qui lui prescrivit l’austérité (tapas ou tapasya) durant un an, ce à quoi elle se soumit. Elle reçut ensuite une injonction divine lui demandant d'aller dans sa chambre chercher son enfant qui venait de naître.
Elle y courut, le vit et fut émerveillée car il était encore plus beau que tous les dieux réunis. Son visage brillait comme le soleil levant, sa joie ne connut plus de limite.
Tous les dieux et déesses se rendirent alors au mont Kailash, le séjour des divins parents, pour contempler l’enfant glorieux et lui présentèrent leurs hommages tout en étant ravis par sa beauté.
Les neuf planètes[2], les Navagraha, vinrent aussi pour féliciter le couple divin et leur fils bien-aimé. L'une d'elles, Shani ne voulut pas lever les yeux vers l'enfant et demanda que ce soit lui qui baisse la tête.
Pârvatî fut vexée. Shani[3] expliqua que sa femme, jalouse, avait prédit que toute personne qu'il regarderait avec admiration serait détruite ![4]
Pârvatî ne le crut point et exigea que Shani fasse comme tous et admire l’enfant. Il s'exécuta et instantanément la tête de Ganesh fut séparée de son corps et s'envola dans l'espace jusqu'au Goloka, le monde dans lequel séjourne Krishnâ[5]. Pârvatî se lamenta bruyamment et créa un grand tumulte. Vishnu, comprenant le drame, partit aussitôt sur sa monture Garuda[6] en quête d’une nouvelle tête afin de remplacer celle qui avait disparu.
Sur les rives de la rivière Pushpabhadra, il vit un troupeau d'éléphants endormis. Choisissant un animal couché dont la tête était tournée vers le nord, il la trancha et la rapporta immédiatement. Cet éléphant était en réalité un Gandharva[7] qui espérait être libéré de son existence terrestre. Vishnu, à son retour, plaça la tête de l'éléphant sur le cou de l'enfant Ganesh en insufflant la vie dans le corps inanimé. Il le présenta ainsi à Pârvatî qui fut ravie d'avoir un enfant de la sagesse et de la puissance d'un éléphant.
Vishnu vêtit l'enfant de parures raffinées convenant à sa beauté et Himavân, le père de Pârvatî, fit de même. Vishnu rassembla alors tous les êtres célestes, rendit un culte à l'enfant et lui donna les huit noms par lesquels on le connaîtrait désormais : Vighneshvara, Ganesha, Heramba, Gajânana, Lambodara, Ekadanta, Soorpakarna et Vinâyaka.
Si Ganesh a été créé par Pârvatî sans l'intervention de Shiva, ce dernier joue cependant un rôle essentiel puisque c’est par son pouvoir transformateur, en réalité, que Ganesh obtient la tête de l’éléphant et réalise ainsi un être de sagesse et de spiritualité à partir d’un garçon impétueux et irascible. Pour obtenir cette tête d'éléphant, Shiva l'envoie en effet chercher vers le Nord. Or l'on sait que le Nord (uttaram) est une direction polaire correspondant à l’obtention de l'illumination et de la délivrance par le parcours initiatique de la voie des dieux (devayana) : la tête d'éléphant rapportée ne possède qu'une seule défense, signe qu'au terme de son voyage initiatique vers le Nord, Ganesh a réalisé l’état suprême de la non-dualité (advaita).

Fréderic Morlet, dont nos lecteurs pourront lire dans ce numéro la suite de l’Introduction au Devîmahâtmyâ[8], signale que, pour les hindous, aucun travail, aucune entreprise ne porte de fruits bénéfiques, qui ne soit inauguré par une offrande à Ganesh, Seigneur des dévots et gardien des portes ; tout spécialement si les portes sont celles qui introduisent aux arcanes de la Science spirituelle puisque ce dieu est l’Intelligence lumineuse qui guide l’adepte vers l’accomplissement et lui procure succès et perfection dans sa quête.

* Commentaire de la couverture VLT du n° 117.






[1] Voir Alain Daniélou ; Le Polythéisme hindou, ed. Buchet/Chastel.
[2] L’astrologie hindoue ajoute les nœuds lunaires appelés Rahu et Ketu aux sept planètes traditionnelles en leur accordant autant d’importance.
[3] Shani représente saturne, l'une des neuf planètes divinisées sous le nom des Navagraha. Shani porte un trident, un arc et une lance; il est le fils du Soleil (Surya).
[4] Pour comprendre ce passage, il faut lui appliquer le symbolisme astrologique de Saturne.
[5] Selon le Brahmavaivarta-Purâna, Ganesha, à l'origine, était Krishnâ lui-même sous forme humaine.
[6] Animal-véhicule ( vâhana) deVishnu. Garuda est un oiseau fabuleux, doté d'un corps humain et d'une tête de vautour. Il est muni d'ailes et de serres puissantes. Il symbolise les enseignements ésotériques des Védas. Il est l'ennemi farouche des serpents Naga.
[7] Etre céleste, représentant l'harmonie. Les Gandharva sont représentés sous la forme de musiciens célestes, partenaires des Apasarâ.






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