LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

lundi 24 septembre 2018

Y. B. : « LA VOIE, LA VÉRITÉ ET LA VIE »








APERÇUS SUR LE « RETOURNEMENT »
(Extrait)







Dans le Coran, « la loi du talion » est généralement mise en relation avec l’idée de « Vie » et cela peut s’expliquer par le passage suivant de Guénon :
« Remarquons encore en passant (…) que l’on pourrait, (…) donner une interprétation métaphysique de la parole bien connue de l’Évangile suivant laquelle le Verbe (ou la “Volonté du Ciel” en action) est (par rapport à nous) “la Voie, la Vérité et la Vie”. Si nous reprenons (…) notre représentation “microcosmique” et si nous considérons ses trois axes de coordonnées, la “Voie” (spécifiée à l’égard de l’être envisagé) sera représentée (…) par l’axe vertical ; des deux axes horizontaux, l’un représentera alors la “Vérité”, et l’autre la “Vie”. Tandis que la “Voie” se rapporte à l’“Homme Universel”, auquel s’identifie le “Soi”, la “Vérité” se rapporte ici à l’homme intellectuel, et la “Vie” à l’homme corporel (…) ; de ces deux derniers, qui appartiennent l’un et l’autre au domaine d’un même état particulier, c’est-à-dire à un même degré de l’existence universelle, le premier doit ici être assimilé à l’individualité intégrale, dont le second n’est qu’une modalité » (1).
Ces dernières considérations peuvent s’appliquer aux deux axes solsticial et équinoxial et, à propos de l’homme corporel, Guénon fait allusion à la transposition suivante :
« Ces trois aspects de l’homme (dont les deux derniers seulement sont “humains” à proprement parler) sont désignés respectivement dans la tradition hébraïque par les termes d’Adam, d’Aish et d’Enôsh » (2).
Le terme arabe qui désigne le talion (qisâs) est formé de la même racine que celle désignant le récit « tranchant » (qasas) et cette relation peut s’expliquer par la « revanche d’Abel sur Caïn » dont l’histoire de Joseph est la première occurrence qui peut être considérée comme « modèle » de l’ascension spirituelle des législateurs du Kali-Yuga voilée par la fonction prophétique. Du reste, on peut remarquer que par le récit de sa vision, Joseph modifie son destin, en apparence du moins, ce qui s’apparente avec le caractère « sacrificiel » du Verbe (kalâm).
Le nom Joseph s’écrit avec les mêmes lettres (YWSF) en hébreu comme en arabe et leur valeur numérique est identique (10 + 6 + 60 + 80 = 156), sans doute un cas unique parmi les noms sémitiques. Dans la Kabbale, ce nombre 156 est celui d’Adam Alyâ (45 + 111), l’Homme universel ; d’Ézéchiel (10 + 8 + 7 + 100 + 1 + 30) qui a la vision de la Merkabah et qui est le pôle de la sphère du Soleil parmi les patriarches Juifs ; ainsi que de Sion (90 + 10 + 6 + 50) qui représente le « Cœur du Monde » pour les hébreux (3). Et Yûsuf est identifié au cœur par Qâchânî (4).
En outre la valeur numérique du Sâr ha-ôlam, qui
« signifie bien “Prince du Monde” au sens absolu, c’est-à-dire de tout l’ensemble de la manifestation universelle, exactement comme l’expression similaire de Melek ha-ôlam » (5),
vaut 651 et ce nombre est retourné par rapport à celui de Joseph (156). Or, à cet égard la valeur numérique du Pôle suprême en Islam, al-Ghawth (1 000 + 6 + 500) est assez proche de celle du nom de Joseph et on peut remarquer que son premier songe est en rapport avec la hiérarchie islamique : le Soleil et la Lune correspondent aux deux Imâms et les onze étoiles aux sept Abdal et aux 4 Awtad. Enfin l’expression hébraïque Lob Eden (130 + 2 + 70 + 4 + 50) a également 156 pour nombre, et l’Eden est le plus haut degré paradisiaque, celui qui correspond à la Demeure du Roi (dâr al-Malik)* dans la doctrine akbarienne (6). Sans pouvoir nous arrêter sur cet aspect ésotérique du patriarche Joseph, précisons que la majorité des thèmes qui sont abordés dans cette étude sont en relation étroite avec la sourate qui lui est consacrée dans le Coran.


Y. B.



  





NOTES




(1) Le Symbolisme de la Croix, ch. XXIII.
(2) Ibid. n. 9.
(3) Toutes les correspondances kabbalistiques citées proviennent de G. Ruchet : Considération ésotériques sur les 12 fils de Jacob (Joseph), Paris, 1992. Nous n’insiterons pas sur le caractère parodique de cette étude qui participe à une volonté de « renversement » de la Kabbale amorcée par G. Scholem et poursuivie par Moshe Idel (cf. Le Golem, Paris 1992) sous l’égide de l’Université hébraïque de Jérusalem ; renversement auquel la tradition hébraïque est tout particulièrement prédisposée puisque c’est elle qui a « ordonné » la Chute.
(4) Les Sept Étendards du Califat, p. 293, n. 26. Toujours selon Qâchânî, Adam symbolise l’âme raisonnable (nâfs nâtiqah) universelle (al-kulliyât) qui est le « cœur du monde » (qalb al-‘âlam) (cf. P. Lory :Les Commentaires ésotériques du Coran, Paris, 1980, p. 57- 59, 69, 72-73 ).
(5) Comptes-Rendus, p. 208.
(6) Cf. Asin Palacios : L’Eschatologie musulmane dans la Divine Comédie (Paris, 1992), p. 245 et 251. Al-Ghawth c’est le Sceau des Califes (Khâtm al-Khulafâ) que le sheikh Al-Akbar rencontre à Tunis (Futûhât I, p. 81). Sa fonction est permanente et il constitue avec le sceau des engendrés et les trois sceaux conventionnels un ensemble de 5 degrés hiérarchiques : le Pôle suprême symbolisé par la lettre Alîf du nom d’Adam et les 4 awtad symbolisés par la lettre Dâl du père de l’humanité. La lettre mîm a pour valeur 40 qui est le nombre de nujabâ (ou anjâb ; cf. Aperçus sur l’Ésotérisme islamique et le Taoïsme, p. 66), qui n'« agissent que pour le compte d’autrui » (cf. L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 187, n. 38). Ce nombre correspond aussi à celui des compagnons du cheikh Abu-l-Hassan ash-Shadhulî qui symbolise également une fonction permanente : « les trésors des quarante (khizânat al-arba‘incf. Hizb Cheikh Abî-l-Hasan). En effet, dans son essence profonde, la Shadhuliyyah est à la lettre mîm ce que le Pôle suprême est à la lettre alîf occultée dans le du mîm.
La lettre est représentée par une spirale symbolisant la « Voie du Milieu » qui est au-delà  de la « droite » et de la « gauche » figurée par les deux points diacritiques qui représentent les dualités cosmiques (hâ mîm) et les deux mondes de la non-manifestation () et de la manifestation (wâw) – Yâ Huwa est un vocable (Ô Soi) dont la valeur numérique (10 + 1 + 5 + 6) est identique à celle du « nom caractéristique » de Muhammad qui est Habîb (8 + 2 + 10 + 2) Allâh, c’est-à-dire-le « Bien-Aimé d’Allâh » (cf. C-A Gilis : Marie en Islam, p. 68, n. 4 ; p. 87, n. 31 et p. 95, n. 19). Zacharie, en hébreu comme en arabe, se lit « invocation du  » : il s’agit de l’invocation de la nature primordiale qui gémit « organiquement » de son éloignement spirituel. La relation entre la lettre et l’amour est figuré par la lettre Vattan correspondante qui représente une coupe, symbole du cœur, en forme de cornes de bélier, évoquant le feu qui embrase l’Orient et l’Occident de la « Voie de la Terre » dont l’initié prend possession sans jamais la souiller car elle est toujours « Vierge ». Yâ huwa est constitué de lettres qui se retrouvent dans le terme Yûh, le nom de l’ange qui gouverne le IVe Ciel, celui d’Idrîs (cf . Henri Corbin : Corps spirituel et Terre céleste, p. 172, n. 13 et p. 183) et qui peut aussi être figuré par la spirale et les deux points souscrits du car il semblerait être en correspondance avec l’Étoile Polaire symbolisée dans la Maçonnerie par la lettre G ou la lettre Iod, équivalent hébraïque du arabe, et qui «  pour le maçon opératif [représente] le siège effectif du Soleil Central Caché de l’Univers Iah » (Symboles de la Science sacrée, ch. XVII, p. 122). Dans cette perspective, alîf pourrait correspondre à Saturne (Adoni Tsedeq), au Soleil (Kohen Tsedeq) et nûn à la Lune (Melki Tsedeq).

* C‘est de Hadrat al-Malik que provient l’Ange qui inspire Ibn Arabî à la rédaction des Futûhât al-Makkiyya (Éd. Boulaq, p. 51, ligne 24). [Note rajoutée par l'auteur]











lundi 10 septembre 2018

1 moharram 1440 / 11 sept. 2018 - « Les Cahiers de l’Unité » : Droits de réponse.











    On appelle salaf les compagnons (sahâba) du Prophète ; leurs suivants furent nommés les tâbi‘în, et leurs disciples, tâbi‘în al-tâbi‘în et la génération suivante, zuhâd (pl. de zâhid, ascète), qui préfigurent ceux que l’on désignera au deuxième siècle de l’Hégire par le terme de çûfî. Il n’y aucune solution de continuité entre les représentants spirituels de ces différentes générations, et, leurs maîtres successifs figurent dans toutes les silsilah de chacune des turûq du taçawwuf*. À rigoureusement parler, le terme « soufisme » inventé par les orientalistes n’a pas plus de légitimité que tous les substantifs dont on abuse aujourd’hui tels que « sunnisme », « chi’isme », « jihadisme » qui tendent à dissocier formellement les différents aspects de la doctrine islamique pour aboutir, sous l’influence de la mentalité de l’Occident moderne, à la formation de courants hétérodoxes. Ainsi, le terme « islamisme » permet au monde médiatique de confondre l’Islam avec des déviations religieuses telles que le Wahhabisme ou le Salafisme et pire encore, de lui assimiler le terrorisme armé issu du Salafisme ou des Frères musulmans. D’ailleurs, le Soufisme évoque pour la plupart des personnes acquises à la mentalité moderne (dont hélas beaucoup de musulmans) un courant à part considéré fautivement comme se distinguant de l’Islam.
    Dans une petite plaquette publiée récemment par les éditions Iqra (Les Quatre Ecoles Sunnites - Malikite, Hanafite, Chafi‘ite et Hanbalite - l’intérêt de leurs divergence, traduit du Jazîl-l-mawâhib fî ikhtilâf-l-madhâhib de l’Imam al-Suyûtî), Ali Hamoneau, présentant la traduction de Mohamed al-Fateh, conclut : « (…) les premières générations de Musulmans reçurent une religion libératrice, tant sur le plan spirituel que moral, culturel, économique, qui permit un progrès dans tous les domaines de la vie humaine : liberté de conscience, amélioration de la condition féminine, affranchissement des esclaves, égalité juridique et fiscale, réglementation de l’économie dans le sens du bien public, à l’antipode des doctrines passéistes récemment apparues dans la communauté musulmane. 
     En réalité, les soi-disant « fondamentalistes » ne sont que les victimes et les jouets des gouvernements du monde matérialiste occidental (plutôt athée que chrétien). Ils en épousent d’ailleurs beaucoup de leurs croyances (par exemple leur réfutation des miracles du Prophète béni et des saints, leur négation des apparitions du Prophète et des Anges aux saints etc.) En plus, ils servent presque toujours les intérêts politiques, économiques et géostratégiques militaires des puissances non-musulmanes. Les dirigeants occidentaux ne s’y trompent d’ailleurs pas, et c’est leur intérêt, également idéologique, que de soutenir les formes les plus rétrogrades et repoussantes existantes dans l’Islam actuel, dans le but de le défigurer et de ralentir la progression universelle de la belle religion de notre saint Prophète béni, comme Dieu – a‘zza wa jal – l’a annoncé dans son Livre révélé, le Noble Coran.
    “Gloire à ton Seigneur, Seigneur de la puissance, Il est au-dessus de ce qu’ils fabulent ! Paix sur ceux qui furent envoyés et louange à Allâh, Seigneur des univers” (Coran 37, 180-182) ».  



    « Gloire à ton Seigneur, le Seigneur de la Toute-Puissance, au-delà de ce qu’ils [Lui] attribuent. Et Paix sur les envoyés. Et la louange appartient à Allâh, le Seigneur des mondes. »
(Al-Çâfât, 180-182)

    Malgré quelques réserves sur l’accent religieux de l’auteur (en outre, il eut été préférable de parler d’une « progression spirituelle de la belle religion de notre saint Prophète béni… » plutôt que d’une « progression universelle » qui donne un sens équivoque à ce verset), nous sommes en accord avec son jugement similaire aux propos que nous avons déjà tenu dans divers articles sur ce blog.
    La traduction d’Al-Fateh de ce traité de Suyutî est malheureusement loin d'être excellente. L’absence de note ou de commentaire et les nombreuses coquilles et fautes de syntaxe ne facilitent pas la compréhension de certains propos de lauteur en apparence contradictoires. Ne possédant pas le texte original, nous nous abstiendrons d’en rendre compte. Nous regrettons que les éditions Iqra produisent de plus en plus ce genre de travail laborieux à l’instar de quelques éditeurs parfaitement incompétents qui saturent les rayons des librairies avec des ouvrages islamiques qui, pour la plupart, sont d’une grande médiocrité.

* Cf. Al-Qushayrî, Kitab al-nafahât.





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*   *







Lorsque le disciple est prêt, le Maître se présente.

    Anecdote

    Un homme vint trouver le Shaykh Abû al-‘Abbas al-khashshâb avec un traité sur la Voie dans les mains. Il lui en lut aussitôt une bonne partie, mais Abû al-Abbas restait silencieux. L’homme finit par lui dire :
    « Maître, pourquoi ne me parles-tu pas à ce sujet ? 
    – C’est moi que tu dois lire », lui rétorqua Abû al-‘Abbas.
    L’homme trouva la parole un peu forte et il se rendit auprès d’Abû Madyân :
    « J’étais chez Abû al-‘Abbas al-khashshâb et lui lisais un livre d’enseignement pour qu’il me le commente. Il m’a répondu : C’est moi que tu dois lire ! » Abû Madyân lui répondit :
     « Abû al-‘Abbas a dit vrai » (1).

    Dans son ouvrage, Al-Mawâddad al-ghaythiyya an-nâshi’a ‘an al-hikam al-ghawthiyya, Le Shaykh Ahmed al-‘Alâwî (2) délivre plusieurs enseignements à l’égard de ceux qui s’illusionnent sur la véridicité de leur engagement dans la Voie et notamment les défauts de certains disciples qui ne sont pas dans les meilleures dispositions ; mais celui qui entre dans la Voie avec toutes les intentions excellentes recommandées par le Shaykh est par là-même virtuellement parvenu à son terme :
     « (…) Dieu déteste vous voir parler de ce que vous ne faites pas » (61, 3). Le maître de cette communauté, Moulay l-‘Arabî al-Darqâwî, disait : “Notre communauté (tarîqa) est celle des lions ; il arrive cependant qu’on y trouve des porcs ou des singes.” » ;
     « Il est vraiment triste de constater que le soufisme, qui était avant une réalité en acte que son éminence et son élévation rendaient inaccessible aux gens à prétentions spirituelles, s’est réduit peu à peu à de simples discours. Aujourd’hui, on voit les gens en discuter à l’aide de termes techniques, et avec eux, il s’est transformé en une discipline qui se transmet extérieurement ; ils en ont même fait une “matière” que l’on peut étudier comme n’importe quelle autre. Le plus incroyable, c’est qu’ils sont tellement experts dans la manière d’en parler que l’on finit par croire qu’ils l’ont vraiment goûté (…). » (p. 109-110)
    Cela évoque d’une manière saisissante nos actuels universitaires spécialisés dans l’étude de la « mystique musulmane », mais nous avons déjà parlé de ce milieu et de ses exceptions. Pour autant, il ne faudrait pas exclure de ce jugement les meilleurs de ceux qui écrivent sur le taçawwuf (3), quelques soient leurs intentions ou leur appartenance, dans la mesure où ils s’exposent à la tendance mentale d’attribuer une importance excessive à la théorie quand ce n’est pas à celle de leur propre « statut d’écrivain ». 

     Au chapître IV de cet ouvrage, le Shaykh évoque ceux qui refusent « la formation spirituelle dispensée par des maîtres » :
    « Seules leurs prétentions les empêchent d’acquérir l’éducation auprès de ses détenteurs, prétentions qui excluent toute possibilité de repentir ; en effet, on dit que la porte du repentir est toujours ouverte, sauf pour le prétentieux qui la voit se fermer devant les yeux car il refuse de renoncer à ses prétentions en se confiant à autrui. » (p. 121) (4)
      Le Shaykh distingue aussi les Maîtres ne transmettant que la barakah des Maîtres murshîd
« dont l’action conduit manifestement ses disciples à des illuminations et à l’acquisition de connaissances spirituelles » (p. 125).
    Dans le cas d’une transmission de la barakah, le Shaykh dit que ceux des musulmans qui le servent peuvent
« en tirer quelque chose dans le domaine des règles de la religion et du bon comportement qui est de rigueur à l’égard de tous les musulmans, contrairement à ce que l’on peut voir à notre époque. Il arrive en effet qu’un disciple, avant de se rattacher à la voie du soufisme, éprouve de l’amour pour tous ses adeptes (5) ; jusqu’au jour où, se rattachant à un groupe particulier, les autre groupes en viennent à lui paraître inférieurs : un tel disciple aurait mieux fait de ne jamais s’affilier au soufisme, car il est ainsi sorti des limites fixées par Sa Parole : En vérité, les croyants sont frères (49, 10) » (p. 126).

     L’idée selon laquelle sa propre voie est la meilleure s’applique légitimement à sa propre forme religieuse lorsqu’on envisage les choses d’un point de vue exclusivement religieux ; le domaine de l’ésotérisme, se situant au-delà de cette limitation, tend à échapper par là-même à toute considération sentimentale. Enfin, le shaykh citant Ibn ‘Atâ Allâh :
    « “Sache que ce ne sont pas les guides qui manquent ; seule fait défaut la pureté d’intention de celui qui les cherche : sois sincère, tu trouveras à coup sûr un maître ! En témoignent ces versets : N’est-ce pas Lui qui répond à celui qui L’implore poussé par un impérieux besoin de Lui ? (27, 62) Il serait vraiment préférable pour eux d’être sincères avec Dieu (47, 21). »

     Cet ouvrage du Shaykh al-‘Alawî, Sagesse céleste Traité de soufisme, inspiré des Hikam d’Abû Madyan, est certainement, dans le domaine du taçawwuf, une des rares traductions importantes qui ait été publiée depuis 2007. Nous rappellerons que M. Chabry a traduit un autre ouvrage de ce grand murshîd : Lettre ouverte à celui qui critique le soufisme (Al-Qawl al-ma‘rûf fî l-radd ‘alâ man ankara l-tasawwuf), publié chez le même éditeur en 2001, qui reste à ce jour la seule réfutation doctrinale vraiment sérieuse de l’esprit de réforme à l’origine de tous les courants modernes du  fondamentalisme  religieux. 







NOTES




(1) Rapporté par D. Gril.
(2) Sagesse céleste –Traité de soufismeAl-Mawâddad al-ghaythiyya an-nâshi’a ‘an al-hikam am-ghawthiyya – Introduction, traduction de l’arabe et notes de M. Chabry et J. Gonzalez ; Éditions La Caravane, Paris 2007.
(3) Guénon dit nettement que les adeptes n’écrivent plus : « nous n’avons point la prétention d’être un “adepte”, et même la preuve péremptoire que nous ne le sommes point, c’est que nous écrivons encore ; nous savons nous tenir à notre rang, si modeste soit-il ; mais, puisqu’il est question d’“adeptes”, disons que, s’ils ont une inaltérable sérénité, il est du moins exact qu’ils n’ont aucune “mansuétude” et qu’ils n’ont pas à en avoir, car ils ne font point de sentiment, et ils sont, toutes les fois qu’il le faut, d’implacables justiciers ! » (Études traditionnelles, comptes rendus de revues, janvier 1933).
(4) En note, le traducteur écrit qu’« il est intéressant de voir que pour l’auteur, la question n’est pas d’avoir plus ou moins de chance pour débusquer le maître spirituel, les véritables obstacles étant la prétention et la suffisance de l’âme… ». Il faut reconnaître qu’une personne partant à la recherche d’un maître comme on  « débusquerait » une proie serait vraiment mal partie. Le désir de la réalisation spirituelle doit effectivement l’emporter sur la prétention et la suffisance de l’âme qui seront l’objet même du travail que donnera le maître à son disciple  jusqu’à ce que son individualité disparaisse ; c’est alors seulement que le Maître peut « apparaître » vraiment et définitivement au disciple. On peut dire que, initialement, si le futur murid cherche son shaykh, c’est en revanche le shaykh qui in fine le choisit.
(5) M. Chabry ne donne pas le terme arabe qu’il traduit par « adepte » ; s’agit-il de tous les « gens du taçawwuf » (les foqarah comme les shuyûkh) ou exclusivement de « l’élite de l’élite » comme le voudrait la signification du terme « adeptat » presque toujours, sinon toujours, utilisé à tort et à travers ?
On peut noter que le verset cité mentionne les mûminûn (les croyants), ce qui élargit le propos du Shaykh au-delà du cadre strictement confessionnel.


« En vérité, les croyants sont frères, aussi, œuvrez à ce qu’ils soient [vraiment] frères entre eux. » 
(Al-Hujurât, 10)





*      *

 




En réaction à notre compte rendu des Cahiers de l’Unité, nous avons reçu les remarques suivantes que J. F. Houberdon nous a prié de mettre en ligne sur FTM :

         

 

« L’unique remarque de M. Rouge à notre réponse au « spécial VLT » de J.L. Gabin  concerne sa difficulté à comprendre comment on peut affirmer que les seules forces capables de contrer les « idéologies hérétiques et totalitaristes  (…)  sont représentées en Occident par un soufisme authentique d’inspiration guénonienne et d’application vâlsanienne qui s’intègre dans un Islam mohammadien à vocation universelle » ; cette interrogation est ponctuée par cette remarque : « Soit Houberdon en dit trop ou alors pas assez pour être suffisamment compris ». De même, plus spécialement au sujet de « l’application vâlsanienne » , il fait remarquer qu’« il faudrait encore expliquer de quoi il s’agit », en mettant d’ailleurs en avant la question de la succession de sa fonction spirituelle.

 Nous sommes tout de même quelque peu étonné, de la part de l’ancien directeur de cette revue, qu’il n’ait pas pris soin de tenir compte dans son jugement personnel, ni de la teneur exacte de l’article de M. Gabin, ni surtout des trois n° précédents de notre article dans les Cahiers, où ces points sont pourtant largement traités et progressivement amenés dans la conclusion de façon à aboutir progressivement à la conclusion ici en cause. Dans cette partie finale, supposant être connus des lecteurs, ils sont simplement résumés dans cette phrase  incriminée pour éviter de répéter ce qui précède. 

Nous rappellerons donc ce que, pour nous, il convient d’entendre par les expressions suivantes :

- le « soufisme d’inspiration guénonienne »  désigne la voie  initiatique choisie par les lecteurs de René Guénon dans le cadre d’une orientation islamique, tout en gardant la conscience de la portée universelles on enseignement. Il s’agit là d’une première spécificité au sein de l’Islam occidental contemporain, mais aussi d’une voie comportant plusieurs modalités, d’ailleurs souvent concurrentielles et exclusives entre elles, les unes insistant sur l’aspect universel guénonien, les autres sur l’aspect strictement islamique, mais sans faire de réelle synthèse opérative entre les deux.

- son « application vâlsanienne » constitue une seconde spécificité de cet« Islam occidental », inaugurée par M. Vâlsan, dont la fonction doctrinale se caractérise par un ensemble d’éléments qui lui sont propres et la définissent comme telle. Ce qui est visé, c’est une synthèse entre les deux modalités des doctrines guénonienne et islamique, qui en respecte intégralement les caractéristiques respectives, dans une perspective de réalisation  de l’aspect universel de la tradition muhammadienne, dans son actualité intemporelle et sa finalité eschatologique.

- « l’Islam mohammadien à vocation universelle » est la forme de cette tradition qui intègre positivement toutes les constantes traditionnelles transposables en mode universel, tant exotériques qu’ésotériques, et qui ne sera rendu réellement opératif que par la fonction du Mahdî.

Ces explications nous paraissent suffisamment claires par elles-mêmes pour définir ce que l’on peut entendre par un soufisme occidental d’obédience vâlsanienne et d’influence guénonienne, et dans le cas contraire, nous ne pouvons que suggérer de renvoyer les lecteurs intéressés à l’intégralité de notre article pour éviter d’en rappeler toute l’argumentation dans le cadre de cette réponse. On peut certes contester un point ou l’ensemble de la démonstration où ces expressions sont employées, mais non prétendre ne pas la comprendre, sauf aveu d’incapacité.

 

Quant à la fonction doctrinale de M. Vâlsan, qui est implicitement mise en cause dans ces remarques, nous constatons une fois de plus qu’il n’est aucunement fait allusion à son véritable contenu, qui est occulté par des questions purement techniques relevant d’un autre domaine. M. Rouge souligne ici les problèmes de succession et de régularité de la transmission initiatique, comme M. Gabin insiste sur l’excès de formalisme exotérique ou le comportement contestable de certains disciples. D’autres mettent en avant une prétendue invalidité du rattachement depuis l’origine de la tariqah par F. Schuon, qui impliquerait de fait une voie défectueuse dans l’ordre doctrinal et méthodique, ou encore se plaisent à détailler les conflits internes à cette tariqah. En réalité, tous ces arguments, qui sont toujours mis en avant dans de telles controverses, sont de même nature, et ont pour effet de voiler la question de fond, quant à elle purement doctrinale, à savoir la valeur de l’enseignement traditionnel d’un maître authentique de l’intellectualité sacrée, dans son complémentarisme avec celui de R. Guénon  et son orthodoxie avec l’Islam. Toutes ces accusations ne sont que des excuses ou des cache-misère pour affaiblir la portée d’un tel apport intellectuel et jeter le doute sur sa réelle valeur intrinsèque, et, par là-même, pour masquer une incapacité de répondre sur des questions plus essentielles.

Nous ne disons pas que certains de ces points ne soient pas discutables dans une certaine perspective, mais dans tous les cas, ils n’ont pas à être traités dans ce contexte. Si nous avons été obligé de répondre à certains d’entre eux, c’est uniquement parce qu’ils étaient directement envisagés par M. Gabin, ce qui n’est pas le cas des remarques soulevées par M. Rouge, auxquelles ce pamphlet ne fait aucunement allusion. 

Nous nous situons explicitement dans le cadre de remarques doctrinales pour défendre une fonction du même ordre. La confusion vient d’un manque de distinction entre fonction doctrinale impliquant un enseignement traditionnel général, et fonction spirituelle impliquant une méthode initiatique. S’il est vrai que les deux peuvent être liées dans certains cas, en l’occurrence celui de M. Vâlsan, il n’est question ici que de la première. C’est du reste uniquement celle-ci qui constitue la spécificité de sa voie, en dehors de laquelle elle ne se distinguerait pas d’une autre, ou du moins n’aurait à revendiquer aucune particularité  ni supériorité quelconque. En d’autres termes, l’influence de M. Vâlsan dans le domaine doctrinal n’est pas intégralement conditionnée  par  sa propre méthode initiatique, pas plus que celle de R. Guénon ne l’est par son orientation personnelle. Elle dépasse le cadre stricto sensu de sa propre tariqah, puisqu’elle peut être reconnue, plus ou moins ouvertement il est vrai, par d’anciens disciples maintenant rattachés à d’autres branches du taçawwuf, ou par d’autres qui n’ont jamais fait partie de cette tariqah, sinon même encore par d’autres se situant en dehors de la tradition islamique.

Par ailleurs, dans le cas des deux maîtres, nous pensons que cette influence intellectuelle doit perdurer post mortem. En effet, qui affirmerait que l’enseignement traditionnel de R. Guénon ne puisse plus exercer sa présence après sa mort ? Cela n’a pas de sens ! Il en va de même pour M. Vâlsan, qui le confirme et le prolonge en l’actualisant de manière plus concrète. Par conséquent, il est parfaitement absurde de penser, comme le suggère M. Rouge, que « ceux qui n’ont pas connu ce shaykh et pratiqué sa méthode »  n’auront d’autres options que d’être « anéantis par les idéologies hérétiques et totalitaires et/ou séduis par la puissance de suggestion et les effets de la contre-initiation » 

Il n’est aucunement demandé de suivre sa méthode initiatique, mais seulement de prendre objectivement en compte certaines de ses positions doctrinales, de reconnaître le bien fondé de ses applications générales sur le plan des idées, et de son apport intellectuel dans le débat traditionnel contemporain.

Si nous avons mis cette fonction en avant, c’est parce c’est elle qui est directement visée par J.L. Gabin, l’intention de l’auteur étant d’assimiler par ce biais le taçawwuf se recommandant de l’enseignement de M. Vâlsan au fondamentalisme terroriste, en insistant sur son opposition supposée avec celui de R. Guénon. Pour démontrer l’inanité de cette thèse à partir des propres allégations de l’auteur, il fallait s’en tenir à présenter une argumentation doctrinale essentiellement basée sur un résumé des principaux thèmes vâlsaniens, en prouvant leur continuité et leur orthodoxie avec l’enseignement de R. Guénon. En effet, sur ce dernier point capital, comme nous l’avons rappelé dans notre réponse, cet enseignement de M. Vâlsan ne peut être que parfaitement conforme à celui de son prédécesseur, puisqu’il ne fait que le développer en s’appuyant sur les mêmes données, ce qui revient à dire que contester M. Vâlsan sur ces questions revient à contester R. Guénon lui-même.

Nous n’avons donc fait que saisir cette opportunité pour rappeler les points principaux  de cet enseignement : la fonction de R. Guénon par rapport à l’Occident et l’Islam, les relations de l’Islam avec les autres traditions, la conjonction des formes traditionnelles, impliquant les relations entre formes sapientiales et religieuses, en particulier celles entre Hindouisme et Islam, l’œuvre du Cheikh al-Akbar et son complémentarisme avec celle de R. Guénon, la doctrine des Sagesses prophétiques, la science de l’Heure et la fonction eschatologique de l’Islam. Toutes ces questions sont liées les unes aux autres et définissent le contenu d’un enseignement spécifique qui ne peut être négligé.

Qui, à part M. Vâlsan, s’est réellement préoccupé de ces sujets fondamentaux, et a proposé en conséquence une réponse globale et une orientation adéquate aux conditions actuelles, et ceci en conformité aussi bien avec l’orthodoxie islamique qu’avec l’enseignement de R. Guénon ? N’y a-t-il aucune nécessité, tout spécialement pour les occidentaux amenés à l’Islam par ce dernier, de s’efforcer de  réaliser en ce sens le véritable message qui y est contenu ? Sinon par quelle autre voie prolonger sa spécificité ? N’y a-t-il aucun intérêt non plus à rechercher une synthèse opérative entre les enseignements d’Ibn ‘Arabî et de R. Guénon, dans une perspective eschatologique universelle ? Ces questions ne sont-elles pas de première importance pour répondre à la grossière accusation véhiculée par ce genre d’article ?

Par contre, nous reconnaissons que la formulation de la phrase en question aurait pu faire l’objet d’une remarque plus explicite  de la part de M. Rouge, et c’est surtout sur ce point que nous nous serions attendu à une réaction plus vive : en effet, en affirmant que « les seules forces capables de contrer les idéologies hérétiques et totalitaristes sont représentées en Occident » par les modalités guénonienne et vâlsanienne du soufisme, on pourrait répondre à juste titre en contestant l’absence de mention à toute autre forme de taçawwuf, représenté par d’autres turuq plus spécifiquement orientales, de même qu’à celle de l’Islam exotérique authentique, ainsi qu’à toute autre forme traditionnelle, sans parler des interventions objectives de certains auteurs profanes que cite d’ailleurs M. Rouge. Tous ces éléments possèdent bien évidemment, chacun dans leur domaine propre, la même capacité réactive, et doivent jouer un rôle similaire sur ce plan en s’associant pour agir dans le même sens. Si l’on n’a pas en mémoire l’intégralité de notre réponse, cette formulation pourrait effectivement prêter à confusion, en l’interprétant comme un exclusivisme prétentieux ou une préférence occidentale, ce qui dans ce cas serait évidemment critiquable. Mais ici encore, dans ce qui précède et ce qui suit de notre article, il y a une réponse à cette éventuelle remarque, puisque nous reconnaissons explicitement que cette voie du “soufisme vâlsanien” s’intègre dans l’Islam muhammadien universel , au même titre que toute autre voie authentique, et qu’elle ne saurait évidemment le représenter à elle seule ; que l’exotérisme islamique joue lui aussi un rôle complémentaire, dans sa fonction de base légale de l’ésotérisme et de protection contre le monde profane et ses déviations idéologiques ; que le principe de la validité de l’ensemble des formes traditionnelles n’exclut pas, bien au contraire, la nécessité d’« une collaboration éclairée entre leurs divers représentants »sur la question.

Ce que nous voulons dire, encore une fois, c’est que c’est bien le soufisme occidental d’obédience vâlsanienne, et, par conséquent, d’influence guénonienne, qui est spécialement visé par M. Gabin dans son accusation de connivence implicite avec le fondamentaliste. Or, parmi toutes les composantes traditionnelles que nos venons de rappeler, c’est justement celle que nous pensons être la plus à même d’argumenter de la meilleure manière pour défendre en Occident, sur le plan doctrinal, l’idée d’un Islam universel à vocation eschatologique. Ceci est lié aux caractéristiques qui la définissent comme telle, à savoir, d’une part, sa  propre constitution et sa situation même en Occident, de l’autre, sa position explicitement universaliste s’appuyant sur une connaissance des doctrines des autres formes traditionnelles et de leurs relations avec l’Islam, tout spécialement celles en cause dans l’article de M. Gabin, comme l’Hindouisme et le Christianisme . C’est bien là la spécificité - et non pas l’exclusivité - de cette voie sur laquelle porte la sournoise accusation de l’auteur, et c’est sur ce point particulier qu’il fallait réagir.

Au-delà des divergences d’opinion relatives à la fonction de M. Vâlsan, le milieu traditionnel des lecteurs de R. Guénon engagés dans une voie islamique est tout de même d’une manière ou d’une autre directement concerné par ce genre d’agression provocatrice visant la spécificité de cette voie du tacawwuf occidental, et il ne faudrait pas encore une fois se tromper de cible. 

 

 

 

 

* * *

 

 

 

 

 

Je suis désolé pour Mr. Houberdon. Je n’ai dit que du bien de son étude, ainsi que de tous les articles des collaborateurs des Cahiers de l’Unité, à l’exception de ce passage signalé dans mon compte-rendu. En dépit des arguments contenus dans cette réponse, je ne vois rien à retirer de ma remarque ni grand-chose à y ajouter. Comment justifier l’idée d’« un soufisme d’inspiration guénonienne » ? Pour moi, le taçawwuf est d’inspiration mohammadienne (incluant l’inspiration, selon leurs degrés, de tous les shuyûkh d’une silsilah) ; elle est purement et techniquement traditionnelle. D’ailleurs, l’œuvre entière de Guénon va dans ce sens. Sur lextrait suivant : « (…) l’‟Islam mohammadien à vocation universelle”  est la forme de cette tradition qui intègre positivement toutes les constantes traditionnelles transposables en mode universel, tant exotériques qu’ésotériques, et qui ne sera rendu réellement opératif que par la fonction du Mahdî (…) », il me semble que la formulation complique plutôt ce que Guénon a clairement exposé : existe-t-il ou pourrait-il exister un Islâm qui puisse être qualifié de mohammadien ou de non mohammadien ? Et, que pourrait bien être un Islâm sans « vocation universelle » ? Le terme Islam ou la  « soumission à la Volonté divine » est la condition nécessaire pour l’obtention de la « Paix » ; sa signification profonde est à rapprocher du dharma hindou,  disait Guénon dans Le Roi du Monde.  Son universalité ou sa « Totalité » ne se laisse pas définir par ce qui lui serait extérieur. C’est l’occasion de rappeler qu’il n’y a nulle part d’islâm politique comme voudrait le faire croire Gilles Képel, ni d’Islâm intérieur, prétendu par certains, pas plus qu’un Islâm théologique, culturel, historique ou autre. Ce n’est pas une simple question de langage, mais de sémantique, que de penser correctement en disant « politique islamique », « théologie islamique », « ésotérisme islamique », « prophétologie islamique » etc. Houberdon voulait sans doute évoquer le rûh mohammadiyyah dont le sens pourrait rejoindre ce que j’ai cru deviner de son intention, mais passons. Quant à « l’application vâlsanienne », la nature de sa « spécificité », relativement à d’autres voies, m’est actuellement incompréhensible. Schuon, de malheureuse mémoire, a bien tenter d’appliquer ses conceptions et nous savons tous hélas jusqu’où cela l’a emporté… J’espère que le Shaykh Mustafâ n’a jamais rien appliqué d’autre que ce qu’il avait lui-même reçu et qu’il était chargé de transmettre de par sa fonction. Si c’est bien le cas, il représentait simplement une branche de la Shadhiliyyah. Que cette branche fut mieux adaptée en son temps aux personnes entrées en Islâm par l’œuvre de Guénon n’est qu’accidentel et peut très facilement se comprendre étant donné l’absence d’« organisation initiatique musulmane » dans l’hexagone à cette époque. Ce fut alors sa seule spécificité. Enfin, monsieur Houberdon admet le second point implicite soulevé de mon cr (« sur ce point que nous nous serions attendu à une réaction plus vive ») puisqu'il le développe lui-même. Aujourd'hui, l'accès à l’œuvre complète de Guénon (j’y inclue la totalité de ses écrits) ne pose plus aucune difficulté et chacun, selon ses capacités, peut en faire librement son profit.

 

 

 

« Les Cahiers de l’Unité » : propos désaccordés

(mis en ligne le 05/05/2021) 

 

« Il y a quelques mois, nous avons eu l’occasion de lire l’affirmation suivante sur un blog (…). » Ainsi commençait une mise au point assez malveillante à mon encontre (c’est-à-dire la « FTM » - qui d’ailleurs n’était pas nommée -), insérée dans un numéro des « Cahiers de l’Unité », signé du pseudonyme  J. Arland et visant un passage de la Présentation de mon blog. J’avais d’ailleurs modifié celle-ci et remplacé ce passage peu de temps avant de prendre connaissance de cette critique méprisante par la lecture d’un post de B. Hapel. J’épargnerai au lecteur les remarques d’Arland que les amateurs de polémiques peuvent retrouver dans l’une de ses lointaines livraisons, mais, en revanche, j’ai retrouvé le texte incriminé dans mes archives : « (…) Il n’existe aucune personne pouvant prétendre avoir intégré définitivement l’enseignement contenu dans l’œuvre de Guénon. S’imaginer avoir mieux compris certains points de doctrine et pourfendre avec virulence et mépris ceux qui ont le malheur de publier quelques conceptions erronées est le signe manifeste d’un travers orgueilleux et d’une ignorance allant à l’encontre de l’attitude des maîtres hindous pour lesquels “l’erreur est une porte par laquelle peut entrer la Vérité” ». Je dois préciser que ces quelques lignes furent rédigées sans penser spécialement à monsieur Arland qui s’est sans doute senti visé - peut-être à juste titre. Je me demande si ce dernier a bien enregistré ces quelques mots que nous venons de souligner : pourfendre avec virulence et mépris, en référence à une constante du caractère acide de Monsieur C. A. Gilis, - et de quelques autres -. On sait que l’agressivité est psychologiquement l’aveu d’une faiblesse dont l’effet sur la personne agressée rend complètement vaine la prétendue leçon que l’on prétend infliger. Quoi qu’il en soit, elle cache presque toujours une absence de sérénité et, en l’occurrence, quelque chose que j’ai du mal à m’expliquer puisque ce compte-rendu me fut demandé par monsieur Arland lui-même (par principe, je ne fais aucune recension de site ni de blog…). Se pourrait-il que ce dernier* me tienne rigueur de n’avoir pas tari que des « éloges flatteurs » à son égard, ni manifesté une adhésion inconditionnelle sur les écrits de ses collaborateurs ? Allez savoir.

 

 

Commentaire 

 

« Il n’existe aucune personne pouvant prétendre avoir intégré définitivement  l’enseignement contenu dans l’œuvre de Guénon.

Par contre, il peut exister un ou plusieurs « adeptes », de surcroit parfaitement instruits de l’œuvre de Guénon, et qui donc n’écrivent plus ou même n’ont jamais écrit... leurs remarques ne peuvent qu’être confidentielles et exclusivement orales.

S’imaginer avoir mieux compris certains points de doctrine et pourfendre avec virulence et mépris…

À distinguer d’une remise à l’endroit ou d’une rectification doctrinale mal comprise exposée sans virulence ni mépris. Les textes de Y. B. mis en ligne sur mon blog sont l’exemple d’une manière respectueuse de rectifier des assertions fautives ou prétendues telles.

... ceux qui ont le malheur de publier quelques conceptions erronées est le signe manifeste d’un travers orgueilleux et d’une ignorance allant à l’encontre de l’attitude des maîtres hindous pour lesquels “l’erreur est une porte par laquelle peut entrer la Vérité” ».

A propos de cette dernière parole, on peut rappeler le tact et la subtilité des comptes-rendus de Guénon qui ne manquait jamais de relever les aspects positifs d’un ouvrage ou d’un texte doctrinal avant d’en aborder les aspects négatifs ou erronés. 

 

 

MR

 

 

 

* Monsieur J. Arland m’avait sollicité en 2018 pour la rédaction d’un compte-rendu, concernant trois numéros de sa revue, destiné à être mis en ligne dans La Fin des Temps modernes. Satisfaisant sa demande, j’ai mis en ligne la recension demandée le 20 dhû-l-qa‘dah 1439 / 2 août 2018, sous le titre : « Les Cahiers de l’Unité ».

 

 

 

 

 

 


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