LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

dimanche 15 septembre 2019

LA «VOIE DU MILIEU» Lao-tseu




















LAO-TSEU



Les traductions des textes de Lao-tseu, Tchouang-tseu et des autres sages de la tradition chinoise  mises à la disposition des occidentaux ne se sont guère améliorées depuis le XIXème siècle. Dans le premier et second numéro de La Gnose (janvier et février 1910), Palingénius écrivait dans un article à propos « d’une récente  exploration dans l’Asie centrale » :
« (…) La traduction des deux livres du Tao et du Te par Matgioi ayant été vue et approuvée, en Extrême -Orient, par les sages qui détiennent l’héritage de la Science taoïste, ce qui nous en garantit la parfaite exactitude, c’est à cette traduction que nous devrons comparer celle de Stanislas Julien. » (1)
Trente cinq ans plus tard, paraissait La Grande Triade ouvrage sigillaire de l’œuvre Guénonienne qui s’achève avec « La Voie du Milieu », son XXVIème et dernier chapitre. Si l’on souhaite tirer profit du contenu de ce livre (et de ce chapitre) il est bon alors d’abandonner l’état d’esprit universitaire avec lequel ont été présentées toutes les traductions et autres essais sur le Taoïsme de Stanislas Julien à Isabelle Robinet.
Cependant, il ne faudrait pas entièrement négliger l’intérêt de ces minutieuses  études, à condition qu’elles restent à la place qu’elles méritent. A partir de là, il est bon de cesser l’esprit de recherche, cesser de vouloir comprendre avec la mentalité moderne, cesser d’étudier avec la méthode universitaire (2) :
« (…) au sujet de la “Voie du Milieu : nous avons dit que celle-ci, identifiée à la “Voie du Ciel, est représentée par l’axe vertical envisagé dans le sens ascendant ; mais il y a lieu d’ajouter que ceci correspond proprement au point de vue d’un être qui, placé au centre de l’état humain, tend à s’élever de là aux états supérieurs, sans être encore parvenu à la réalisation totale. Lorsque cet être s’est au contraire identifié avec l’axe par son “ascension, suivant la direction de celui-ci, jusqu’au “faîte du Ciel, il a pour ainsi dire amené par là même le centre de l’état humain, qui a été son point de départ, à coïncider pour lui avec le centre de l’être total. En d’autres termes, pour un tel être, le pôle terrestre ne fait plus qu’un avec le pôle céleste ; et, en effet, il doit nécessairement en être ainsi, puisqu’il est parvenu finalement à l’état principiel qui est antérieur (si l’on peut encore employer en pareil cas un mot qui évoque le symbolisme temporel) à la séparation du Ciel et de la Terre. Dès lors, il n’y a plus d’axe à proprement parler, comme si cet être, à mesure qu’il s’identifiait à l’axe, l’avait en quelque sorte “résorbé jusqu’à le réduire à un point unique ; mais, bien entendu, ce point est le centre qui contient en lui-même toutes les possibilités, non plus seulement d’un état particulier, mais de la totalité des états manifestés et non manifestés ».



LAO-TSEU

Sous le règne de Tch’ou, après avoir abandonné sa charge de conservateur des archives impériales, Lao-Tseu arrive au poste de la garde de l’Ouest. Le gardien lui demanda : « Puisque vous allez vivre en ermite, écrivez-nous un livre d’enseignement pour notre édification ».
Lao-Tseu rédigea alors un ouvrage en deux parties, l’une sur le Tao, l’autre sur la Rectitude (Te). Aussitôt achevé son travail, il s’en alla vers l’Ouest et nul ne sait ce qu’il devint.




La Voie du Ciel, la Voie de la Terre, le Tao.

Traduction universitaire :


XXV

Le Tao est vaste
Le Ciel est vaste
La Terre est vaste
Et l’Homme aussi est vaste
C’est pourquoi l’Homme est l’une des quatre « Vastitudes » du monde
L’Homme suit les voies de la Terre
La Terre suit les voies du Ciel
Le Ciel suit les voies du Tao
Et le Tao suit Ses propres Voies.


Traduction de Matgio :

VINGT-CINQUIÈME PAGE


Avoir des choses permet de faire quelque chose.
Auparavant [que j’aie ces choses] le ciel et la terre sont nés.
Les voilà unis, les voilà profonds.
Il apparait seul, mais ne change pas.
Il va partout, mais ne s’arrête pas.
Il convient qu’il soit l’origine de tous les hommes.
Moi, je ne connais pas son nom : son caractère s’appelle la Voie.
Etant immense, son nom se traduit : être grand.
Être grand se traduit : aller partout.
Aller partout se traduit traverser
Traverser se traduit : retourner
Aussi la Voie est grande, le ciel est grand, la terre grande : le roi aussi est grand.
Au milieu il y a quatre grandes [choses].
Mais le roi reste seul [visible].
L’homme obéit à la terre : la terre obéit au ciel :
le ciel obéit à la Voie : la Voie obéit à soi-même.

  

Traduction universitaire :


XX

Abandonne l’étude (discursive) et par là le souci 
En quoi diffèrent oui et non ? En quoi diffèrent bien et mal ?
 On doit redouter cette étude que les hommes redoutent 
Car toute étude est interminable
Chacun s’échauffe et se dilate
Comme on festoie au Sacrifice du Bœuf
Ou comme on monte sur les Tours du Printemps
Moi seul demeure en paix imperturbable
Comme un nouveau né qui n’a pas encore ri
Moi seul j’erre sans but
Chacun a sa richesse
Moi seul parais démuni
Quel innocent je fais
Quel idiot je suis !


Traduction de Matgio :


VINGTIÈME PAGE


L’esprit qui étudie n’est pas inquiet.
Égaux ensemble, les hommes marchent ensemble sur le même pont.
Les bons marchent avec les mauvais : quoique marchant ensemble ils ne sont pas confondus.
Les hommes sont inquiets : il n’est pas possible de n’être pas inquiets.
Les dissolus ne supportent pas encore de calamités : et cette foule se réjouit, comme heureuse, très inconsidérément, comme si elle montait au temple pendant les mois Xuan *.
[Ils pensent] : je suis jeune : ce n’est pas encore le temps d’être malheureux : je suis pareil à l’enfant qui n’a pas encore tété.
 [Je dis] : oui, oui, mais je suis pareil à [l’enfant] qui ne rentre pas [suivant l’ordre]. 
Tous les hommes ont du superflu : seul, je ne m’y attache pas.
À ces hommes, stupides dans leur cœur, voilà des malheurs qui arrivent. Mais ils sont légers, légers.

* Xuan : les quatre premiers mois de l’année.



La « Voie du Milieu »


Traduction universitaire :


II

Quand chacun tient le beau pour le beau vient la laideur
Quand chacun tient le bon pour le bon viennent les maux
Être et non-être s’engendrent
Le facile et difficile se produisent l’un l’autre 
Long et court se forment l’un par l’autre
Le haut et le bas se penchent l’un vers l’autre
Voix et son consonnent ensemble
L’avant et l’après se suivent
Le sage adopte le non-agir
Il pratique l’enseignement sans parole
Toutes choses du monde surgissent sans qu’il en soit l’auteur
Il produit sans s’approprier
Il agit sans rien attendre
Il achève son œuvre sans s’y attacher
Et comme il ne s’attache pas
Il se maintient.



Traduction de Matgio :


DEUXIÈME PAGE


Les êtres de l’univers connaissent le bien ; ils désirent faire le bien.
Au temps fixé pour le bien, voici le mal.
Les êtres connaissent le probe ; ils désirent être probes.
Alors voici l’improbe.
C’est pourquoi un [concept] et son contraire naissent ensemble.
Le difficile et le facile se produisent l’un l’autre.
Le grand et le petit apparaissent l’un par l’autre.
Le haut et le bas se déterminent l’un l’autre.
Le ton et le son [de la voix] concordent.
L’avant et l’après se commandent l’un l’autre [en se suivant].
Ainsi voilà que l’homme parfait n’agit pas [des choses inférieures].
Faire, se taire, [voilà] la doctrine.
Les dix-mille êtres travaillent, mais il ne les oublie pas.
Il les produit, mais ne les possède pas.
Il les développe, mais ne gagne rien [sur eux].
Les mérites accomplis, il ne leur est pas.
Evidemment, il ne leur est pas : ainsi il n’en est pas abandonné.  


GUÉNON, suite du chapitre XXXVI :

« Dans la “Voie du Milieu” (…) il n’y a “ni droite ni gauche, ni avant ni arrière, ni haut ni bas” ; et l’on peut voir facilement que, tant que l’être n’est pas parvenu au centre total, les deux premiers seulement de ces trois ensembles de termes complémentaires peuvent devenir inexistants pour lui. En effet, dès que l’être est parvenu au centre de son état de manifestation, il est au delà de toutes les oppositions contingentes qui résultent des vicissitudes du yin et du yang, et dès lors il n’y a plus “ni droite ni gauche” ; en outre, la succession temporelle a disparu, transmuée en simultanéité au point central et “primordial” de l’état humain (et il en serait naturellement de même de tout autre mode de succession, s’il s’agissait des conditions d’un autre état d’existence), et ainsi l’on peut dire, suivant ce que nous avons exposé à propos du “triple temps” , qu’il n’y a plus “ni avant ni arrière” ; mais il y a toujours “haut et bas” par rapport à ce point, et même dans tout le parcours de l’axe vertical, et c’est pourquoi ce dernier n’est encore la “Voie du Milieu” que dans un sens relatif ».



TAO = Voie sans trace, TE = Rectitude,  KING = Enseignement.

Traduction universitaire :


I

La voie qui peut s’énoncer
N’est pas la voie pour toujours
Le nom qui peut la nommer
N’est pas le Nom véritable
Par le sans-nom c’est l’origine du Ciel et de la Terre
Par nom c’est la mère des dix-mille êtres
Par le non-être on est proche de son secret
Par l’être on atteint sa forme
C’est là deux (choses) qui ne se différencient que par leurs noms
Apparaissant ensemble leur nom est facile
Leur origine est mystère
Mystère des mystères
Porte de tout être.


Traduction de Matgioi


PREMIÈRE PAGE


La voie qui est une voie (pouvant être parcourue) n’est pas la Voie. 
Le nom, qui a un nom, n’est pas le Nom.
Sans nom, c’est l’origine du ciel et de la terre.
Avec un nom, c’est la mère des dix-mille êtres.
Avec la faculté de non-sentir on est proche de le concevoir.
Avec la faculté de sentir on atteint sa forme
[comme une chose dont on trafique].
C’est là vraiment deux [choses].
Apparaissant ensemble, leur nom est facile.
Expliquée ensemble, leur origine est obscure.
Obscure, cette origine devient davantage obscure.
La foule [des êtres] passe par cette porte.



GUÉNON, fin du chapitre XXXVI :

« On pourrait, si l’on veut, prendre comme type de ces oppositions celle du “bien” et du “mal”, mais à la condition d’entendre ces termes dans leur acception la plus étendue, et de ne pas s’en tenir exclusivement au sens simplement “moral” qu’on leur donne le plus ordinairement ; encore ne serait-ce là rien de plus qu’un cas particulier, car, en réalité, il y a bien d’autres genres d’oppositions qui ne peuvent aucunement se ramener à celui-là, par exemple celles des éléments (feu et eau, air et terre) et des qualités sensibles (sec et humide, chaud et froid). C’est encore ici un cas de “retournement” symbolique résultant du passage de l’“extérieur” à l’“intérieur”, car ce point central est évidemment “intérieur” par rapport à toutes choses, bien que d’ailleurs, pour celui qui y est parvenu, il n’y ait plus réellement ni “extérieur” ni “intérieur”, mais seulement une “totalité” absolue et indivisée.
Effectivement au centre total et universel, c’est ce point unique lui-même, et lui seul, qui est véritablement la “Voie” hors de laquelle il n’est rien. »

La nature humaine chérit le mouvement, c’est ce qui la rend instable. Instabilité sur instabilité, elle finit par être fatiguée et désire revenir à la Norme. Revenir à la Norme, c’est abandonner la servitude au mouvement, c’est abandonner le désir et l’asservissement. Pour avancer d’un pas, il faut savoir reculer de deux pas ; en s’effaçant, le mouvement et le pouvoir sur le monde sont abandonnés, l’orgueil et l’humilité n’ont plus aucune influence.






*
*     *












 NOTES



(1) Les éditions ARCHÈ - collection Sebastiani -, ont publié une plaquette en 2004 ne contenant de la traduction de Matgioi que la première partie, le Tao, contrairement à ce qui est annoncé sur la quatrième de couverture par un extrait de l’article signé Palingénius, et non René Guénon comme il est dit à tort, publié dans La Gnose en février 1910 (article intitulé « À PROPOS D’UNE MISSION DANS L’ASIE CENTRALE ») : « La traduction des deux livres du Tao et du Te par Matgioi [a] été vue  et approuvée en Extrême-Orient par les sages qui détiennent l’héritage de la Science taoïste, ce qui nous en garantit la parfaite exactitude » ; la phrase qui a été coupée se continuait ainsi : « c’est à cette traduction que nous devrons comparer celle de Stanislas Julien. »  
(2) Dans Le symbolisme de la Croix, Guénon lui-même mentionne la condition indispensable – en réalité il s’agit plutôt d’une absence de condition – pour l’être qui s’établit dans « la Paix dans le Vide »  (Wou-Wei). Voir aussi : « La réforme de la mentalité moderne », Symboles de la Science Sacrée (chapitre I, Gallimard, 1962).








samedi 22 juin 2019

Y. B. : Un extrait des APERÇUS SUR LE « RETOURNEMENT » (CHAPITRE XII)










CHAPITRE XII

LE « SCEAU DE SALOMON »
ET
L’ARCHÉOMÈTRE




Dans l’orientation vers l’Est qui correspond à Al-Islâm (Karma-marga) et qui s’applique à la « Station Mohammadienne » : l’Est correspond à l’intérieur et à Muhammad (Sirr) ; l’Ouest à l’Extérieur et au Christ (Rûh) ; le Sud, qui est à droite, correspond au Premier et à Umar (Çadr) et le Nord, qui est à gauche, au Dernier et à Abu Bakr (Qalb). Ibn Arabî correspond à Huwa et à la nafs natiqah qui est en relation avec la Kamaliyyah, ce qui est conforme aux indications fournies par Mr Gilis (1).
Guénon a écrit dans le Roi du Monde que le nombre 5 avait une importance fondamentale dans la tradition extrême-orientale et on pourrait en dire autant de l’Islam : les 5 piliers de l’Islam, les cinq prières (2), les 5 formules rituelles (3), les 5 tahlil coraniques (4), les 5 arkan, etc., sans mentionner les racines coraniques qui sont en relation avec le nombre 5 : les 4 mois sacrés et le mois de Ramadân, les 4 livres sacrés et le Coran (le 5ème Véda, le 5ème King), etc. …
Selon Guénon,
« la réalisation architecturale est considérée comme une “hypogée” qui se ramène au symbolisme de la caverne comme une image de l’ensemble du cosmos »,
et la caverne est comme une « matrice » qui est désignée en arabe par la racine RHM dont est formé le mot Rahma (Miséricorde). Lorsque Allâh dit : « Rahmatî sabaqat Ghadabî », la Miséricorde (Rahma) est en rapport avec la droite et la Colère (Ghadab) avec la gauche, bien que si la Miséricorde précède (sabaqat) la Colère, c’est parce que la Colère « procède » de la Miséricorde qui l’emporte (ghalabat). D’autre part, on peut également dire que la Miséricorde est en rapport avec l’avenir qui est « devant » (Bâtin) et la Colère avec le passé qui est « derrière » (Zhahir). Enfin, on peut établir une correspondance d’une part entre la Miséricorde et la Colère et d’autre part, entre le Zénith et le Nadir, car al-ghadab désigne aussi une pierre très dure (Imâm Jazûlî) qui peut être considérée comme la « pierre fondamentale » de la création en tant que principe de contraction ou de solidification (5). On pourrait établir une correspondance entre le Ciel de Saturne (Abraham) et le nom divin Ar-Rahmân, et entre le Ciel de la Lune (Adam) et Al-Ghadab. Dans cette nouvelle application du « Sceau de Salomon », l’orientation est prise en se tournant vers le Sud, c’est-à-dire que Jupiter correspond à Al-Bâtin et Mercure (Nord) à Azh-Zhâhir. Le Soleil symbolise le Soi (Huwa) qui correspond à la « Voie du Milieu » désignée par le verbe sabaqa dans la Parole d’Allâh.
Il existe aussi une représentation du « Sceau de Salomon » où les positions de la Lune et du Soleil sont interverties et à cet égard, Tamos fait remarquer que les « douze signes du Zodiaque sont les domiciles des sept planètes ; chaque planète a un domicile diurne et un domicile nocturne, sauf le Soleil et la Lune qui n’ont qu’un seul domicile chacun. Le Soleil étant considéré comme essentiellement diurne et la Lune comme essentiellement nocturne, les planètes diurnes et nocturnes alternent régulièrement sur le parcours de la circonférence » (6).

Ce qu’il nous importe de souligner ici, c’est que dans cette nouvelle représentation du « sceau de Salomon », qui a la Lune comme pôle, Jupiter correspond au Nord (Bâtin) et Mercure au Sud (Zhâhir), tandis que Mars (Ouest) est à gauche (Al-Akhir) et Vénus (Est) à droite (Al-awwal), ce qui implique que l’orientation est prise en se tournant vers le Nord, bien que cette disposition des points cardinaux s’applique également quand l’orientation est prise en se tournant vers l’Est (7).
L’ensemble formé par les deux « sceaux de Salomon » reproduit les douze signes du Zodiaque
« à l’intérieur duquel se meuvent les planètes [et] qui constitue véritablement l’“enveloppe” du Cosmos »,
c’est-à-dire le « cadre céleste » qui a pour fonction principale
« de maintenir à leur place les divers éléments qu’il contient ou renferme à son intérieur, de façon à en former un tout ordonné »
dont la signification la plus profonde est en relation avec le symbolisme du sûtrâtmâ, le « rayon solaire » reliant « tous les états de l’être entre eux et à son centre total » (8).
« le symbolisme du soleil comme « “Cœur du Monde” explique d’ailleurs pourquoi le sûtrâtmâ qui relie chaque être au Purusha central est alors représenté par le “rayon solaire” appelé sushumnâ. Les diverses représentations du sûtrâtmâ montrent aussi que la division apparente de Purusha, dans l’ordre “macrocosmique” aussi bien que dans l’ordre “microcosmique”, ne doit pas être conçue comme une fragmentation qui serait en contradiction avec son unité essentielle, mais comme une “extension” comparable à celle des rayons à partir du centre ; et en même temps, comme le sûtrâtmâ est assimilé à un fil (sûtra) par sa désignation même, ce symbolisme est aussi en rapport étroit avec celui du tissage » (9).

Dans une étude comme celle-ci, il n’est évidemment pas possible d’envisager tous les aspects de l’unité dans la multiplicité telle qu’elle est présentée ici, mais ceux qui reliront l’œuvre de René Guénon n’auront sans doute aucune peine à se rendre compte que l’Archéomètre y joue le rôle d’un yantra, et qu’il permet de dégager toute une doctrine de l’« unicité de l’existence » qui est en relation étroite avec la fin des 7 premiers manvantaras (10).









NOTES




(1) René Guénon et l’avènement du troisième Sceau, ch. III. Dans l’orientation vers le Sud, celui-ci correspond à l’Intérieur et le Nord à l’Extérieur. L’Orient (Premier) et l’Occident (Dernier) sont seulement intervertis. Cette orientation correspond à Al-Imâm (Bhakti-mârga). On peut remarquer que la connexion entre la foi et l’amour est en relation avec la fonction « royale » de la divinité car la foi du commun c’est de « croire » que Dieu gouverne le monde ; c’est là aussi une des raisons pour laquelle la véritable élite, celle qui ne s’expose pas, se confond extérieurement avec le peuple. Ces différentes orientations sont en rapport avec les « clés » des Futûhât et le symbolisme des « Jours » tel qu’il est exposé par Ibn Arabî et Qâchânî, mais il semblerait qu’elles peuvent également s’appliquer à la grammaire arabe.
(2) La çalât (prière) du matin (Çubh) correspond à l’Est (Premier), celle de midi (Zuhr) au Sud (Extérieur), celle de l’après-midi (‘Açr) au Centre, celle du coucher du soleil (Maghrib) à l’Ouest (Dernier) et celle de la nuit (‘Ishâ’) au Nord (Intérieur). La çalât al-‘Açr est la prière du milieu (çalât al-wusta) et la clé akbarienne, correspondant à la sourate du Coran intitulée Al-‘Açr, traite de « la Demeure de l’Union et de la fonction revenant à un seul de représenter l’ensemble » (ch. 281 des Futûhât).
(3) Les Sept Etendards du Califat, p. 88.
(4) Le Coran et la fonction d’Hermès, p. 10.
(5) Il existe un certain nombre de termes péjoratifs dans le Coran qui ont un sens ésotérique et qui peuvent être mis en relation avec cette question (M. Chodkiewicz : Un Océan sans rivage, p. 74). Toutefois, c’est l’expression Zhalûmân Jahûlân qui est la plus centrale (Cor. 33, 72 – le nombre 72 est un symbole universel qui se retrouve au sein de toutes les traditions (cf. Lenain ; La Science Cabalistique, Paris 1982) et qui est en relation avec le symbolisme maçonnique du cable-tow. Dans le Coran, il correspond à la sourate intitulée Al-Jinn, c’est-à-dire, les facultés subtiles individualisées, et la clé akbarienne correspondante traite de « la demeure de la Modalité de la descente de la Révélation (al-wahy) sur les cœurs des Saints, et la sauvegarde de ceux-ci contre les diables, fait partie de la dignité mohammadienne » (trad. M. Vâlsan).
Suivant la tradition arabe, « Allâh a créé Adam selon Sa forme » ou « selon la forme du Miséricordieux (ar-Rahmân) », précision qui permet de « localiser » cette création au Ciel de Saturne. Ainsi, la « chute » du père de l’humanité se serait accomplie par l’« Axe du Monde » du Ciel de Saturne à la sphère lunaire « qui est proprement le “monde de la formation” ou le domaine de l’élaboration des formes dans l’état subtil, point de départ de l’existence en mode individuel » (Symbole de la Science Sacrée, ch. XIX, p. 135).
(6) La Gnose, juillet-août 1910, p. 183. On sait que l’Archéomètre est en relation avec la « science des lettres » conçue comme une synthèse entre l’alphabet Vattan, écriture primitive des Atlantes, et l’alphabet arabe dit « solaire » (L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 120 à 126).
(7) Dans la hiérarchie du « Pôle céleste » de l’Islam, la relation entre Abu Bakr as-Siddiq (Nord) et la planète Jupiter est confirmée par une note de Guénon : « Tsedeq est aussi le nom de la planète Jupiter, dont l’ange est appelé Tsadqiel-Melek la similitude avec le nom de Melki-Tsedeq (auquel est seulement ajouté El, le nom divin qui forme la terminaison commune de tous les noms angéliques) est ici trop évidente pour qu’il y ait lieu d’y insister. Dans l’Inde, la même planète porte le nom de Brihaspati, qui est également le “Pontife céleste” » (Le Roi du Monde, ch. VI, note 1, p. 55).
En ce qui concerne la hiérarchie des Piliers (Awtâd) de la Tradition pure (ad-Dînu-l-Hanîf), la connexion entre Khidr et le Nord se réfère également au Ciel de Jupiter. Idrîs pourrait être mis en correspondance avec Mercure qui est au Sud et dont la Station est celle de l’homme ; et Ilyâs à l’Est car son nom est formé à partir d’une racine (yâs) qui désigne le désespoir comme celui de Yûsuf (Vénus) est formé à partir d’une racine qui signifie la tristesse (asaf) (Cor. 12, 84). Ainsi ‘Aîsâ correspond à l’Ouest, comme dans la Station muhammadienne et au Ciel de Mars qui est en rapport avec David car le Messie de la Kabbale est le fils de David et le Christ (‘Aîsâ) descend de la tribu royale de Juda.
(8) Symboles de la Science Sacrée, ch. LXV.
Les aspects nocturne (layla) et diurne (nahar) du cycle journalier (yawm) sont respectivement en correspondance avec la circumambulation « polaire » (Centre à gauche) et la circumambulation « solaire » (Centre à droite). Dans le premier cas (prédominance de la nuit – ténèbres –), la gauche est à l’« intérieur »  et la droite à l’ « extérieur », et dans le second (prédominance du jour), la gauche est à l’« extérieur » et la droite à l’« intérieur ».
(9) Ibid., ch. LXXV.
(10) Formes traditionnelles et cycles cosmiques, p. 15.



















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