LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

lundi 16 décembre 2013

IDENTITÉ SUPRÊME (Ibn ‘Arabî – Émir Abd al-Qâdir)









RELIGION DE L’AMOUR*




Merveille ! Une jeune gazelle voilée
Montrant de son doigt pourpré
Et faisant signe de ses paupières,
Son champs est entre côtes et entrailles ;
Ô Merveille, un jardin parmi les flammes !
Mon cœur est devenu capable de toute forme :
Il est un paturage pour les gazelles
Et un couvent pour les moines chrétiens,
Et un temple pour les idoles,
Et la Kaabah du pelerin,
Et la table de la Thorah
Et le livre du Qorân.
Je suis la religion de l’Amour,
Quelque route que prennent ses chameaux,
Ma religion et ma foi sont la vraie religion.

Ibn ‘Arabî


* Dînul-hubb est traduit généralement par “Religion de l’Amour”, mais le sens véritable du terme arabe dîn est culte. 




*** 




JE SUIS UN*



Je suis Vérité**, je suis créature,
         Je suis Seigneur, je suis serviteur,
Je suis Trône, je suis tapis
         Et Jéhenne, je suis Perpétuité,
Je suis Eau, je suis Feu
         Et Air, je suis Terre,
Je suis Quantité, je suis Qualité,
         Je suis ce qui arrive, je suis ce qui s’en va,
Je suis Essence, je suis Attribut,
         Je suis proximité, je suis Eloignement,
Toute manifestation est mon Existence,
         Je suis Unique, Je suis Seul.

‘Abd al-Qâdir al jazâ’ir


*Anâ fard ; littéralement : “Je suis Seul” (fard signifie “impair”), c'est-à-dire : “Je suis Un sans second”.
**Haqq peut aussi signifier directement “Dieu” mais il convient de le traduire ici par Vérité. 






Dis : Mon Seigneur, fais- moi entrer d’une véritable entrée et fais moi sortir [par une issue] de vérité et accorde-moi, de ta part, un pouvoir victorieux [protecteur].

Coran XVII, 80.


Sidî ‘Abdallah Penot note que le sens littéral de ce verset est : « “Fais-moi entrer par une entrée de vérité et fais-moi sortir par une issue de vérité”.
L’“Entrée” à laquelle il est fait allusion est celle de Médine au cours de laquelle le Prophète (‘alayhi as-salâm) espère ne rien voir de déplacé ni de désagréable (dans des conditions satisfaisantes) ; la sortie est le départ de la Mecque que le Prophète (‘alayhi as-salâm) veut quitter sans regrets (avec une ferme résolution) comme en témoigne ce hadith :
“Mon Dieu, Tu m’as fait quitter le pays qui m’était le plus cher, aussi je te demande de le remplacer par le pays qui t’est le plus cher” ».

Cette demande (‘du’a) transmise par Allâh – ta’âlâ – au Prophète Mohammad concerne tout musulman quittant un lieu, une situation, un état (maqâm) pour un autre lieu, une autre situation, un autre état. Il est dit que le cheminement (al-sayr) est de deux natures ; l’une, contrainte* et l’autre, “libre”. Pour ce qui est de l’“acte libre”, l’intention que nous avons sur la décision d’agir doit se conformer à l’ordre divin pour Sa satisfaction**. Si l’acte se soumet aux conditions qu’Allâh a ordonnées et que son accomplissement s’exprime selon l’intention droite, notre cheminement est agréé et nous vaut une récompense, tout comme l’hégire de La Mekke pour Yathrib (Médine) fût agréé et valut ensuite à l’Envoyé d’Allâh (‘alayhi as-salâm) et aux muslimûn la récompense de la rentrée victorieuse à La Mekke.
*La contrainte de la condition temporelle nous soumettant aux cycles des jours, des mois des années etc.
**Ce qui revient à dire que l’acte, dans ce cas, est totalement désintéressé.

Du point de vue du taçawwuf, une “sortie” (mukharj) doit être effectuée avec une intention sincère pour mériter une “entrée” (mudkhal), meilleure*. L’ascension de ce cheminement s’achève avec la « station » de « l’Identité suprême » (lâ maqâm).
*En effet, l’entrée n’est meilleure que dans la mesure où le pays « qui m’était le plus cher » est effectivement remplacé par le pays « qui est le plus cher à Allâh –subhâna-Llâh ta’âlâ – ».












mardi 3 décembre 2013

NOTRE MANVANTARA (Graphiques)







REPRÉSENTATION GRAPHIQUE DE NOTRE MANVANTARA

SELON LES INDICATIONS

 DE RENÉ GUÉNON






Le cycle atlantéen s’étend sur une durée équivalente à une « grande année » (12. 960) ; sa disparition ayant eu lieu vers l’an 7. 200 avant le début du Kali- Yuga , il s’étend, par conséquent, sur 6. 480 du Trêtrâ- Yuga et sur une autre période équivalente comprise dans la première moitié du Dwâpara- Yuga.

La Tour de Babel inaugure le Kali- Yuga (Âge de fer). Dans Le Roi du Monde, Guénon précise dans une note du § VIII (p.68, Gallimard) :
« Le début de cet âge est représenté notamment, dans le symbolisme biblique, par la Tour de Babel et la “confusion des langues”. On pourrait penser assez logiquement que la chute et le déluge correspondent à la fin des deux premiers âges ; mais, en réalité, le point de départ de la tradition hébraïque ne coïncide pas avec le commencement du Manvantara. Il ne faut pas oublier que les lois cycliques sont applicables à des degrés différents, pour des périodes qui n’ont pas la même étendue, et qui parfois empiètent les unes sur les autres, d’où des complications qui, au premier abord, peuvent sembler inextricables, et qu’il n’est effectivement possible de résoudre que par la considération de l’ordre de subordination hiérarchique des centres traditionnels correspondants. »

L’apparition du monde moderne, dans cette représentation de notre Manvantara*, ne peut être figurée que par la droite séparant la fin du Kali-Yuga du Satya-Yuga, l’Âge d’or du cycle futur. C’est qu’en effet, les temps modernes ne sont rien de plus qu’un seuil, une limite transitoire, destinés à disparaître avec la Fin des Temps de ce monde.

*Voir « Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques », Etudes traditionnelles, oct. 1938 ; repris dans Formes traditionnelles et cycles cosmiques, Gallimard, 1970.













dimanche 13 octobre 2013

SUR LA PUBLICATION DES INÉDITS DE RENÉ GUÉNON (Suite et fin)










               Le texte qui suit est la réponse à deux commentaires déposés à propos du message intitulé SUR LA PUBLICATION DES INÉDITS DE RENÉ GUÉNON, mis en ligne ci-dessous, le vendredi 20 septembre 2013. (Les commentaires sont reproduits ici en italique).



- Contrairement à ce que dit l’auteur de la remarque, la mise à disposition de certains inédits est assez récente." C'est malheureusement bien ce que je dis, il y a encore des inédits, 60 ans après, délivrés au compte goutte (peut-être pour maintenir le suspense?), je ne comprends pas. 

Les inédits de RG sont, comme ses textes publiés, soumis aux droits d’auteur. Ils ne peuvent donc être édités qu’avec l’accord des ayants droit. Pourtant, d’une façon générale, on constate que certains ne se gênent pas pour contourner la loi, en publiant dans des pays dans lesquels ces droits tombent après 50 ans (voir : Recueil, au Canada), ou en mettant en ligne sur Internet, par exemple, des correspondances de RG à tel ou tel (elles sont inédites, en livres, à ce jour).
Il est proprement scandaleux que ceux qui n’ont pas reçu le moindre mandat éditorial, ou qui n’en bénéficient plus, spolient ainsi les enfants de René Guénon, par des éditions illégales, en français et en langues étrangères, et par la mise en ligne sur Internet de nombre de livres, de textes et de correspondances.
Tous ces documents sont d’ailleurs plus ou moins fautifs, partiels. Pour les lettres, on ne sait pas ce que le correspondant de Guénon a bien pu lui écrire, ce qui peut engendrer bien des difficultés ou mésinterprétations. Par exemple, le 12 août 1917, Guénon écrit à Noële Maurice-Denis : « Voilà déjà huit jours que j’ai reçu mon manuscrit et votre lettre ». De quel manuscrit s’agit-il ? De celui sur « L’idée de l’Infini » ? De son « Examen des idées de Leibnitz sur la signification du Calcul infinitésimal » ? D’une autre étude ? Certains indices contenus dans cette lettre nous orientent sur une piste ; mais nous aurions bien entendu toute certitude en connaissant la lettre de Noële Maurice-Denis.

- Et je ne parle pas de la qualité catastrophique des recueils déjà publiés, que ce soit par la présentation ou par la simple retranscription des textes.

Nous sommes tout à fait d’accord. Les recueils posthumes préparés par Reyor/Clavelle, Maridort et Grossato, ont été faits sans avoir en vue un ordre d’ensemble cohérent. Ils manquent de sérieux, d’abord dans leur composition, certains articles n’ayant manifestement pas leur place dans tel ou tel recueil (par ex : les 4 premiers chapitres d’Initiation et Réalisation spirituelle).
De plus, on constate, pour le regretter : des fautes d’orthographe, de ponctuation ; des mots, phrases et notes oubliés ; des termes ajoutés ou substitués à ceux écrits initialement par Guénon ; des phrases répétées ; des erreurs concernant les références des articles publiés, ainsi qu’une absence totale de provenance des articles dans tel ouvrage, etc.
Et les responsables de ces publications anarchiques et catastrophiques se sont glorifiés, en associant leurs noms à celui de René Guénon, en signant des « Avant-propos » insignifiants, et bien contestables.
Par exemple, Clavelle (Reyor), avec les Aperçus sur l’Ésotérisme chrétien. Son édition a été faite par surprise, “en pirate”, soutenue par Chacornac et Maridort en 1954. J’ai appris que Michel Vâlsan, mandataire littéraire nommé par René Guénon, avait dû accepter cette édition à titre transitoire, puisqu’elle était déjà composée en imprimerie ; mais il ne l’avait autorisée que pour une seule édition. Celle-ci avait de plus perturbé les possibilités d’une organisation judicieuse immédiate du matériel restant, car elle avait empiété sur le domaine du symbolisme, en incluant trois des articles destinés normalement au volume sur les symboles.
Quelques années après, Maridort et Chacornac reconnurent leurs torts respectifs dans cette affaire. Cela n’a rien changé au fait que les Aperçus sur l’Ésotérisme chrétien ont été régulièrement réédités, plus tard avec une nouvelle pagination, et quelques corrections…

La question qui se pose est donc de savoir comment publier à nouveau ces articles.
- Par ordre chronologique ? Leur édition sous forme de succession « chronologique » pourrait-elle permettre d’en comprendre leur véritable « logique » ?
- N’importe comment, comme pour Mélanges et Recueil ?
- Par thèmes ? Peu avant son décès, Guénon avait privilégié cette dernière méthode, parlant d’« un ou deux recueils d’articles sur le symbolisme, et peut-être aussi une suite aux Aperçus sur l’Initiation ». Sur ce dernier point, Initiation et Réalisation spirituelle aurait pu être la suite espérée : encore une publication bâclée, fautive, etc…

- Quel intérêt que de passer 10 000 heures à compter les virgules du cours de philosophie? Il y en a certainement un, mais ce n'est pas ça la priorité.

Qui fait ce type de travail complètement stupide ? Très rares sont ceux qui ont lu ce Cours, et je n’en connais aucun qui se soit adonné à ce genre d’imbécillité. Mais peut-être disposez-vous d’informations que je ne possède pas... Ayez l’amabilité de m’apporter des renseignements là-dessus ; je vous en remercie à l’avance.
Ce qui est sûr, c’est que ceux qui ont lu ce Cours l’ont trouvé tout à fait conforme aux idées traditionnelles que RG expose dans ses livres et articles publiés. Il apporte, comme tout texte inédit de RG, des éclairages complémentaires, ou totalement nouveaux, sur bien des points.
C’est toujours la même doctrine, toujours le même enseignement. Mais, pour le savoir, il faut avoir lu ce Cours, et ne pas s’en faire quelque idée définitive à partir des rares extraits qui ont été publiés, ni préconçue, du fait qu’il provient, précisément, d’un cours de philosophie, alors qu’il ne s’agit ici que de la philosophie considérée et interprétée du seul point de vue traditionnel.
J’apporte quelques précisions complémentaires à ce que j’ai écrit précédemment au sujet de ce Cours de Philosophie.
Après l’édition du pitoyable Psychologie, Patrice Brecq a montré à qui il fallait attribuer la paternité de ce Cours, d’où était tirée la partie publiée par A. Grossato. Celui-ci n’en connaissait évidemment pas la provenance, pas plus qu’il ne connaît le Schiller et le Weber cités par Guénon, et que ce brillant universitaire confond avec deux autres homonymes !
AG ayant interprété de façon complètement fautive la question de “l’imagination créatrice” dans ce Cours, PB a jugé utile d’éditer le chapitre correspondant, qui doit être compris “psychologiquement” ou philosophiquement, et non, comme l’a fait AG, à partir de ce qui se rapporte à “l’art de la mémoire”, et à “l’imagination créatrice” selon Corbin.
Les deux premiers chapitres de “Psychologie” ont été édités pour que les lecteurs constatent qu’AG avait fait un travail qui ne pouvait que desservir RG. Leur publication a permis de répondre encore à ceux qui estimaient que Psychologie ne pouvait être de RG, à cause de la présence de l’expression : “psychologie métaphysique”.
PB a aussi donné ces précisions : le Cours se présente « le plus souvent comme un exposé des principales thèses soutenues par divers philosophes sur telle ou telle question, suivi d’un examen critique qui permet de pouvoir ensuite dégager plus facilement une conclusion. C’est dans la partie “critique” et dans la conclusion que la perspective traditionnelle est affirmée de la façon la plus explicite » (Science sacrée, n° sur RG).
Ce qui a été illustré par la publication du chapitre sur « Les degrés de la connaissance » : « Guénon y rappelle la distinction, établie par Spinoza, des quatre degrés de la connaissance ; puis il relève dans cette distinction plusieurs défauts ; il termine sa leçon en enseignant qu’il est préférable de distinguer trois degrés dans la connaissance, résumés dans un tableau qui n’est pas sans rappeler le premier tableau du chapitre II de L’Homme et son devenir selon le Vêdânta ; puis il ajoute enfin plusieurs remarques concernant la métaphysique » (Ibid.).
D’autre part, si on connaît, d’après Guénon, qu’il n’y a pas d’inconscient psychologique, « Conscience, subconscience, inconscience » (VLT n° 123) est le seul texte qui contient une argumentation détaillée sur cette question. De plus, les notes ajoutées éclairent plusieurs notions, comme celles de “conscience morale” et de “mémoire”. Les deux références données (Kant et Leibnitz), relatives à des citations faites par Guénon, si elles peuvent intéresser certains lecteurs, sont surtout des preuves documentaires en la faveur de Guénon lui-même.
Dans le n° 127 de VLT : « Définition et division de la logique », chapitre introductif à la “Logique”, et « Les principes logiques », chapitre II de la “Logique générale”, et dans le seul n° 128 de LRT : « La méthode mathématique ». Le n° 129 devait inclure la suite et la fin de ce chapitre. Cet ensemble, qui contient des données qu’on ne trouve pas ailleurs de façon aussi détaillée, concerne deux sciences qui « sont, dans tout le domaine scientifique, ce qui offre le plus de rapports réels avec la métaphysique ».
On est donc bien loin d’un cours de philosophie dispensé en lycée ou à l’université ! Dans ce Cours, les conceptions philosophiques sont en effet exposées, puis réfutées uniquement à partir du point de vue traditionnel, et d’idées conformes à la théorie des états multiples de l’être.
L’édition de ce Cours serait autrement plus intéressante « que de passer 10 000 heures à compter ses virgules » !

- Concernant les distinctions que vous faites, livres publiés du vivant de, correspondances, etc, je le vois d'une autre façon : les travaux recueillis dans les ouvrages posthumes ont pour la plupart été publiés en revue du vivant de Guénon, et certains inédits étaient destinés à l'être. Quel est donc leur point commun : c'est l’œuvre publique.

Je vois que nos points de vue concernant les recueils posthumes, qui contiennent des articles publiés par Guénon de son vivant, ne sont pas si différents, puisqu’ils concernent effectivement « l’œuvre publique ». Toutefois, il ne faut pas oublier que ces recueils n’ont pas été constitués par Guénon lui-même. Et j’ai fait précédemment plusieurs critiques à ces ouvrages posthumes. Si bien que seuls les livres de Guénon, publiés par lui de son vivant, bénéficient d’un véritable statut « à part ».
Si on veut ajouter à ces livres les articles publiés par Guénon, et ceux qu’il a voulu éditer, sans y parvenir (par exemple : « Les dualités cosmiques »), on a effectivement un ensemble : celui de son œuvre publique.
Que faire alors des articles publiés dans diverses revues, et de tous les documents inédits ? Quel est le statut de ces derniers ? Peut-on, doit-on, les publier ? Ces questions rejoignent vos dernières remarques, que je reprends :
- Vient ensuite une autre catégorie à part, qui sont les cours de Guénon, pas vraiment privés, mais pas destinés non plus au public, et pas de la même teneur. Et enfin les correspondances, privées elles, dont beaucoup sont intéressantes certes, mais c'est bien l’œuvre publique la priorité n°1. C'est ça, la volonté de Guénon. Il n'a jamais demandé à ce qu'on publie ses correspondances ou ses cours de philo, par contre il a bataillé toute sa vie pour voir son œuvre publiée, bien présentée et disponible.



Pour le Cours de Philosophie, Patrice Brecq écrivait en 2003, qu’il n’avait « pas lu, à ce jour, d’indications de Guénon concernant une éventuelle possibilité d’édition de son cours de philosophie, pas plus, d’ailleurs, que de mentions en interdisant sa publication. De là, si ce Cours ne devait pas rester inédit, il faudrait, pour constituer en livre ces leçons de philosophie, partir des originaux, donc de la source la plus sûre et la mieux établie, puisque l’auteur ne l’a pas fait lui-même ».
Depuis dix ans, et malgré de patientes recherches, il n’a toujours pas lu quoi que ce soit de Guénon à ce sujet, pas plus qu’il n’a trouvé, de la part de Guénon, d’interdiction de publication de ses autres écrits, ni de sa correspondance.
La seule réserve trouvée est indirecte : selon l’un se ses correspondants (dans une lettre de ce dernier à un tiers), Guénon aurait interdit la publication d’un seul texte (c’est plus exactement un ensemble de textes) mais ce correspondant ne s’exprime pas très clairement sur ce point, et, surtout, dans sa propre correspondance avec Guénon, on ne trouve pas de formulation de ladite interdiction.
Pour la publication des correspondances (1), bien des bruits circulent, mais on n’a jamais rapporté à ce jour le moindre témoignage écrit de Guénon sur ce sujet : ni pour, ni contre. Comme tout auteur, Guénon savait bien que la question de « ses inédits » se poserait après sa disparition. S’il n’a rien précisé, c’est qu’en authentique walî (saint ou rapproché, ami de Dieu) − on ne sait guère, en Occident, qu’« Al-walî » est précisément le titre par lequel il est connu en Égypte, et dans bien des pays musulmans −, il s’en est remis à ce sujet à la Volonté et à la Sagesse divine.
Il y a encore un autre type de documents inédits : il s’agit des notes qu’il a rédigées tout au long de sa vie. Elles sont contenues dans deux ensembles : le Document I concerne le domaine traditionnel, et comprend 1120 pages ; le Document II traite principalement de théologie et de philosophie, sur 296 pages (notes prises entre 1914 ou 1915 et 1924). Ils sont constitués, d’une part de la copie de passages extraits de livres et d’articles, lus par Guénon, et parfois annotés par lui ; d’autre part, de considérations, observations ou réflexions consignées par Guénon, pouvant s’étendre sur plusieurs pages. En fonction des sujets qu’il traitait, il les intégrait telles quelles dans ses propres écrits, signalant sur les manuscrits qu’elles étaient désormais reprises. Mais nombre de ces notes restent inédites. Là encore, faut-il les publier ? Comment ? Etc.

     

Les lecteurs familiers des lettres de Guénon, et ceux qui connaissent ses autres écrits inédits, notamment son Cours de Philosophie, savent qu’ils sont tout à fait conformes aux idées traditionnelles que René Guénon expose dans ses livres et articles publiés.
De là, pour ces lecteurs, il ne fait aucun doute que tous les écrits de Guénon relèvent, chacun dans son ordre, d’un enseignement unique. Pour eux, toutes les subdivisions que certains établissent, avec plus ou moins d’ingéniosité, disparaissent finalement devant ce principe d’unité.




NOTE


(1) Plusieurs d’entre elles ont été éditées :
- celle avec Alain Daniélou a l’avantage de reproduire les lettres autographes de Guénon ; mais elle est desservie par la reproduction des brouillons des lettres de Daniélou, et par l’introduction de Grossato (voir à ce sujet le n° 125 de VLT).
- Celle avec Cattiaux est desservie, là encore, par une introduction calamiteuse.
- Celle avec Evola est partielle, et ne donne pas copie des lettres autographes de Guénon ; l’introduction est très « évolienne ».






***







Le texte ci-dessus, avec le précédent (mis en ligne dans le message daté du 20/ 09/ 2013), ont suscités des réactions et plusieurs questions que nous reproduisons ici. Nous remercions les personnes qui nous ont aimablement aidés à y répondre.









QUESTION :

L'œuvre publique telle qu'elle a été établie par Guénon reste le principal, qu'il s'agisse des ouvrages ou d'articles isolés. Il n'y a pas de discussion là-dessus et de ce côté, il n'y a pas de nécessité à établir une “édition critique”, c'est la dernière version du texte validée par R Guénon qui doit servir de référence, aussi bien pour les livres que pour les articles.



RÉPONSE :

Pourtant, la nécessité d’établir une “édition critique” s’impose.
Par exemple : le dernier § des “Doctrines hindoues” (Vers la Tradition n° 122, pp. 12-13) est écrit ainsi dans le manuscrit autographe :

« Quoi qu’il en soit, et bien que nous ayons dû nous en tenir ici à des indications très sommaires, nous pensons que cet exposé pourra aider à comprendre le véritable esprit de l’Inde et faire entrevoir l’intérêt qui s’attache à l’étude de ses doctrines, à la condition que cette étude soit entreprise comme elle doit l’être, c’est-à-dire d’une façon vraiment directe, en s’efforçant de s’assimiler les idées et les manières de penser, et non en s’en tenant à des méthodes d’érudition qui ne peuvent donner qu’une connaissance tout extérieure et superficielle. »

Dans la version publiée dans la Revue Bleue, la fin du § est ainsi écrite (p. 199) :
« en s’efforçant de s’assimiler les idées et les manières de penser, et non en s’en tenant à des méthodes d’érudition extérieure et superficielle. »

Quelle version doit être retenue ?
La dernière, selon la question posée, c’est-à-dire la version publiée.
Mais est-on sûr que sa formulation a été validée par René Guénon ?
Comme les deux phrases se lisent correctement en français, Guénon s’est-il aperçu de cette variante ? En d’autres termes : est-elle intentionnelle, ou incombe-t-elle au typographe ?
Dans la mesure où il serait présomptueux d’affirmer que c’est telle version qui doit être retenue, il est nécessaire de mentionner les deux versions, celle éditée et celle manuscrite, et donc, par là même, de faire œuvre d’“édition critique”. 
Autre exemple, portant sur un seul adjectif.
Guénon publie “L’Ésotérisme islamique” dans les Cahiers du Sud, en 1935. Il écrit :
« en vertu de cette même analogie, ces sciences trouvent, par une transposition appropriées, leur application dans le domaine du “microcosme” aussi bien que dans celui du “macrocosme”, car le processus initiatique reproduit, dans toutes ses phases, le processus cosmologique lui-même » (p. 44).

Reprise de cet article en 1947, toujours dans la même revue, avec ajouts.
Cette phrase est reproduite telle quelle.
De plus, quand on sait que, pour les deux éditions de cet article, la correction incomba à André Préau, le seul qui donnait satisfaction en ce domaine à RG (cf. Vers la Tradition n° 124, pp. 5-6, n. 5), on est en droit de penser qu’on a ici une expression tout à fait “fiable”. 
Enfin, la phrase en question sera publiée ainsi dans Les Aperçus sur l’Esotérisme islamique, en 1973, p. 25. Doit-on pourtant la valider ?
Chez RG, on ne trouve cette expression qu’une seule fois, dans ce seul texte, alors qu’on rencontre à plusieurs reprises l’expression : « processus cosmogonique ».
Guénon a-t-il voulu, dans cet hapax, suggérer quelque intention, quelque signification particulière ? (On sait d’autre part que cette expression est employée en philosophie et en théologie...)
Ou ne s’agit-il que d’une expression fautive ?
Le sens nous incite à penser que c’est une faute, et qu’il faudrait donc la corriger. Mais seul le recours au manuscrit de l’article permet d’être décisif, et de savoir avec certitude ce qu’il faut nécessairement retenir… D’où l’utilité d’établir une “édition critique”.
De là, pourquoi René Guénon serait-il le seul auteur traditionnel dont les écrits ne devraient surtout pas être publiés de façon “critique” ? Je préfèrerais dire : de façon rigoureuse.
Les éditions critiques des écrits d’Ibn Arabî rendent tout de même d’indispensables et appréciables services.
Il en sera certainement de même pour l’édition des Mawâqif par Alaeddin el-Bakri, à paraître bientôt, si ce n’est déjà fait.
Les écrits de tous les Maîtres de toutes les traditions bénéficient de ce type d’éditions ; quand elles sont en outre faites d’un point de vue traditionnel, que demander de plus ?

QUESTION :
Peut-on vraiment considérer comme certains le pensent que les traductions établies par Maridort puissent être défectueuses ?

RÉPONSE :
La question des traductions des articles parus dans El-Ma’rifah est délicate, puisque, pour plusieurs d’entre elles, on certifie qu’elles ont été revues par le Cheikh AWY lui-même.
Qui les a faites ? Il ne semble pas que Maridort ait pu être l’auteur d’une quelconque traduction, puisqu’il n’était pas arabisant, au moins du vivant de RG. Il a collaboré à la traduction complètement fautive des « Etapes divines... », en 1949, dans les ET. Guénon, et d’autres, se sont rendus compte des fautes et erreurs, et une “révision” de cette traduction a été faite. Mais elle est restée d’ordre privé, puisqu’il était trop tard pour tout revoir... 


QUESTION :
Vous ne semblez pas tenir compte de la rivalité entre vâlsaniens et  italiens de la rivista liés à l'ancien groupe de Maridort ?

RÉPONSE :
Si certains maridortiens sont restés sur leurs positions initiales, d’autres se sont rapprochés de tel ou tel vâlsanien. Depuis bien des années, l’un de ces derniers est en relation fraternelle, et régulière, avec le fils de Ponte/Manara/Musso, c’est-à-dire de celui qui écrivait dans la Rivista pour Maridort, contre Vâlsan.
Ce personnage, signant cette fois Musso, a rédigé un compte rendu très favorable des Symboles fondamentaux (Rivista, n° 6, janvier-mars 1963), dans lequel on ne trouve aucune critique à l’adresse de Michel Vâlsan sur les cinq pages de son texte. L’auteur écrit même : « Nous félicitons vivement Michel Vâlsan pour le travail minutieux effectué dans la préparation de ce recueil, qui était attendu depuis bien longtemps, et qui met à la disposition des lecteurs tous les écrits de Guénon sur le symbolisme traditionnel non inclus dans ses précédents ouvrages » (p. 64).
(Toutefois, trois de ces articles figurent dans les Aperçus sur l’Esotérisme chrétien, livre qui n’aurait jamais dû être imprimé).
Ce n’est que bien des années plus tard qu’une décision de justice fera en sorte que le nom de Vâlsan n’apparaisse plus dans l’ouvrage de Guénon sur le symbolisme, et que le livre : Symboles de la Science sacrée remplace le précédent recueil. Que s’est-il passé pour qu’on en vienne à vouloir dissocier à tout prix le nom de Vâlsan de celui de Guénon ? On ne trouve pas trace d’un tel acharnement contre un autre auteur d’un recueil posthume de RG…
De nos jours, il y aurait aussi à prendre en considération les collaborateurs de la revue italienne Oriente e Occidente, qui proviennent des deux milieux maridortien et vâlsanien.


QUESTION :
Je n'ai toujours pas bien compris l'affaire des autorisations légales que possédaient Maridort et M. Vâlsan  concernant l'œuvre de R. Guénon, et les prérogatives réelles de l'un ou de l'autre... 

RÉPONSE :
Vâlsan tient son mandat éditorial de René Guénon, par lettre du 5 avril 1945. Plus tard, ce mandat sera subrogé à celui, plus général de Caudron (il avait en charge la gestion de tous les biens de RG, notamment les maisons et terrains de Blois). Quand Caudron abandonnera l’Islam au profit du “faux instructeur” spirituel Krishna Menon, c’est Moyine Al-Arab, le « tuteur » de la veuve Guénon et de ses enfants, qui prendra la charge de toutes les fonctions. Pour les questions d’édition, il privilégiera Maridort, qui pouvait financer intégralement les éditions de nouveaux livres, dont les Études sur la FM. Moyine Al-Arab était idéologiquement proche de Krishna Menon.
Plus tard, c’est Ahmed/Jean-Baptiste Guénon qui autorisera Maridort à éditer des recueils de RG. A la même époque, Vâlsan recevra les manuscrits de plusieurs articles de RG par l’intermédiaire de ce fils du Cheikh, qui l’autorisera à les publier dans les ET. Puis ce fils se rétractera publiquement…Ce n’est que très récemment que les enfants du Cheikh ont dénoncé les différents mandats éditoriaux et sont devenus les ayants droit.


QUESTION :
Je reste réservé sur les jugements défavorables portés à l’égard de Maridort. 

RÉPONSE :
Il ne s’agit pas de cette question ici, mais des éditions des livres de RG.
Si certaines lettres de RG, de Vâlsan et de Maridort, étaient enfin publiées, elles donneraient un tout autre éclairage de la nature véritable des relations ayant existé entre eux, à tel ou tel moment... Des « disciples » zélés, des deux côtés, se sont exprimés là-dessus, alimentant les querelles, comme d’autres l’ont fait entre les « disciples » de Schuon et ceux de Vâlsan. Là encore, il faudrait prendre en considération les lettres échangées entre les deux Maîtres pour comprendre réellement la situation. 
Au sujet de Maridort, la seule question qui importe ici, c’est de savoir si les recueils posthumes qu’il a établis bénéficient d’une cohérence interne, ou non, et si ses travaux ont été faits correctement, ou non. 
Dans cette perspective, Mélanges est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire (le titre est suffisamment significatif).
De plus, certaines références aux articles repris dans ce recueil sont fautives ; exemples :
- p. 9, n. 1 : oublis de « décembre 1909, janvier 1910, février 1910 » ;
- p. 78, n. : la version publiée ici n’est pas celle de La Gnose (il aurait d’ailleurs fallu écrire : « avril et mai 1910 »), mais celle des ET de 1937 ;
- p. 213, n. : il faut ajouter : « et février », etc.
D’autre part, bien des notes n’ont pas été reprises, dans la reproduction des articles de La Gnose, mais aussi, par exemple, celle de RG à « Des modes de la réalisation spirituelle » de Schuon (qui devrait se trouver p. 33, fin § 1).
Quant à Formes traditionnelles, on sait désormais que la traduction du ch. « La Kabbale juive », publiée sous la responsabilité de Maridort, est particulièrement fautive ; elle a été revue et corrigée dans le n° 124 de VLT


QUESTION :
Il serait utile de rassembler, une bonne fois pour toutes, les mises au point où R. Guénon a pris nettement position sur les conditions de la publication de son œuvre écrite dans un texte de présentation ad hoc, afin que l'on puisse les avoir toujours à disposition et s'y référer chaque fois que resurgit la controverse sur la publication de la correspondance ou du cours de philosophie; et j'ajouterai que ce serait même, à mon avis, un travail où la “compétence” de Monsieur Brecq trouverait une bonne occasion de s'exprimer, d’autant que ce ne doit pas être difficile de rassembler les quelques passages, lesquels, je crois, se trouvent d'ailleurs dans certaines correspondances. Cela permettrait de savoir en quelques termes Guénon a précisé qu’« il n'a jamais demandé à ce qu'on publie ses correspondances ou ses cours de philo ». Je propose que cela soit rassemblé synthétiquement dans un document public. Cela pourra servir de base solide, quand il sera question de reprendre la question controversée de l'opportunité et de l'utilité intellectuelle, si on peut dire, de publier la correspondance ou le cours de philosophie. 

RÉPONSE :
C’est précisément parce que Patrice Brecq connaît cette question, et les textes de RG qui s’y rapportent, qu’il est le plus à même de savoir ce qu’il faut faire en l’occurrence.
Quant à sa “compétence”, il reste le mieux placé pour savoir où elle doit s’exprimer…
De mon côté, je renvoie à ce que j’ai écrit précédemment sur ce blog :
- pour le Cours de Philosophie, Patrice Brecq écrivait en 2003, qu’il n’avait « pas lu, à ce jour, d’indications de Guénon concernant une éventuelle possibilité d’édition de son cours de philosophie, pas plus, d’ailleurs, que de mentions en interdisant sa publication »… Si quelqu’un a des informations venant de RG à ce sujet, qu’il le dise !
- pour la publication des correspondances, on n’a jamais rapporté à ce jour le moindre témoignage écrit de Guénon sur ce sujet : ni pour, ni contre… Là encore : si quelqu’un…
- Pour la question des conditions de la publication de son œuvre écrite, que ceux qui s’y intéressent apportent leurs projets ; nous verrons alors ce que valent ces derniers.  

En conclusion :
Au lieu de prendre prétexte de la présence de fautes, erreurs, oublis, etc., pour publier in extenso articles et livres de RG sur certains sites ou blogs, leurs responsables devraient se limiter à recenser lesdites fautes, erreurs, et les signaler sur leurs sites. Ils éviteraient ainsi de se mettre en situation irrégulière à l’égard des éditeurs et des ayants droit, et rendraient de réels services aux lecteurs des écrits de RG. Leurs corrections s’étendraient naturellement à tous les écrits publiés.
Il sera toujours temps de s’occuper, plus tard, des articles publiés, mais non repris actuellement dans les ouvrages posthumes. 







***





Extrait d’une lettre de Guénon à Lovinescu, envoyée du Caire et datée du 16 décembre 1934 :



 « Maintenant, il y a quelque chose que je ne comprends pas bien : Vous dites que M. Grassiany parle de se mettre au travail avant Noël ; comment cela serait-il possible ? Il faut qu’il demande d’abord l’autorisation de l’éditeur français, puis, après entente sur les conditions, qu’une convention soit signée entre eux, puisque ni vous ni moi n’avons qualité pour le faire, si bien que tout ce que je peux vous écrire est, en droit, sans aucune valeur ; mon éditeur me demandera simplement une approbation. Ensuite, la convention spécifiera, comme toujours, que le manuscrit de la traduction devra être communiqué avant d’être donné à l’impression ; tout cela doit forcément demander un certain temps, mais il est nécessaire que les choses soient faites régulièrement, pour vous aussi bien que pour moi et pour les éditeurs ».



Tant que les droits d’auteur ne tombent pas dans le domaine public, ce qui doit être respecté pour une traduction doit l’être a fortiori pour une réédition. Concernant la publication des inédits ou de la correspondance, la moindre des politesses est de solliciter une autorisation des “ayants droits”, ces derniers étant en mesure, selon la régularité du droit d'édition, d’exiger un contrat.








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Note additionnelle
(mise en ligne en avril 2016)




On craignait le pire et le pire est arrivé.


Ces questions-réponses ont été postées lorsque l’association informelle, constituée en vue d’une future « Fondation René Guénon » par une personne qui s’était chargé de réunir des « guénoniens » venus de divers horizons, était dans une situation critique.
Cette association rassemblait plusieurs sensibilités regroupées dans divers courants. L’un d’eux, constitué d’une minorité d’universitaires et de J. P. Laurant, émettait des conceptions sur la manière de présenter l’œuvre de Guénon, dont le projet d’insérer, pour chaque ouvrage réédité, une sorte de préface en guise de présentation sous le prétexte de « contextualiser » la pensée du métaphysicien et faciliter ainsi sa diffusion dans le milieu universitaire. Les protagonistes des autres courants, nettement majoritaires, composés de musulmans (certains « valsaniens »), de maçons et de chrétiens, s’y opposaient catégoriquement. Pour notre part, qu’une telle intention puisse être imaginée une seule seconde relevait de l’imposture. Quelques indécis n’avaient aucune opinion sur la question (et se trouvaient sans doute là surtout pour récolter le bénéfice des documents qui circulaient). Le seul projet qui fut spontanément accepté par tous consistait dans la volonté de réimprimer la totalité des ouvrages pour le seul compte de Gallimard.
On procéda au vote et la majorité s’exprima nettement pour qu’il ne soit plus jamais question d’une préface quelconque dans les ouvrages en réédition. Mais, cette perspective déplaisait à l’organisateur qui prévoyait lui-même, en dépit de son incompétence, de rédiger la présentation du R Q S T.
 Il y a une constante chez les gens de pouvoir : se débarrasser de ceux qui en savent plus pour ne pas être soumis à leurs compétences et avoir ainsi les coudées franches. C’est exactement ce que fit l’organisateur en question qui n’agissait que pour le compte de ses ambitions intéressées. Les avis divergents n’ayant pour lui aucune valeur, le résultat du vote fut considéré comme nul et non avenu. Un conflit sourd s’installa. La tension monta d’un cran et finit par éclater assez vulgairement dans des échanges de mails où l’on en arriva à des menaces de violence physique. C’est à ce moment là que nous avons décidé de ne plus participer à cette mascarade.



Après avoir mis en ligne les deux messages « Sur la publication des inédits de René Guénon » (du 20/09 et 13/10 de l’année 2013), n’ayant plus de nouvelles, nous pensions que notre « commissionnaire en chef » serait peut-être gagné par le doute et se raviserait au profit d’une attitude conforme à l’intellectualité guénonienne. C’était sous-estimer l’emprise que J. P. Laurant avait sur son entourage aux vaniteuses prétentions.


Qui est J. P. Laurant ?

Dès 1971, Luc Benoist avait cerné les contours de cette personnalité dans un compte rendu* paru dans les Études traditionnelles (rubrique « Les Revues »), en faisant remarquer que cet universitaire utilisait les moyens d’approche de « la plus dérisoire des écoles de critique historique » ; il s’agit de celle de Taine, « heureusement en défaveur ». Il évoquait « l’incapacité intellectuelle de Laurant » à comprendre les enjeux véritables de l’enseignement métaphysique de Guénon qui caractérisera toute sa carrière jalonnée de prises de positions assez ridicules sur de prétendus lacunes historiques et autres considérations relevant de la mentalité moderne. Jugements tout autant dérisoires que la méthode appliquée. Benoist faisait remarquer « Que la pénétration intellectuelle de Laurant (…) ne dépasse pas une intuition (sans doute bergsonnienne) dont il consent à doter son sujet », et que sa dialectique « basée sur les preuves écrites a l’air d’ignorer que le papier supporte l’erreur comme la vérité, et surtout est aussi lacunaire que la chance et la hasard » ; car, en effet, « (…) la vérité ne commence pas d’être au moment où elle commence d’être connue, qu’elle soit ou non formulée, trois stades de la connaissance du vrai que M. Laurant confond dans une démarche pragmatique, au total mépris ou à la regrettable méconnaissance du point de vue initiatique et traditionnel, qui lui parait sans doute une superstition périmée ».  Il concluait, à propos de René Guénon et de son enseignement, avec cette question que nous continuons de nous poser avec encore plus de force aujourd’hui : « Alors pourquoi s’en occupe t-il ? ».



***



Il y a heureusement des universitaires plus honorables que ceux dont nous venons de relater les agissements. Ils sont rares. Cependant, en raison des contraintes méthodologiques imposées actuellement dans ce milieu, force est de constater que les aspects formels de leurs études subissent toujours, d’une façon ou d’une autre, quelques altérations dommageables. Guénon a su préserver toute son œuvre de ces fâcheuses restrictions intellectuelles. C’est ce que ne supportent pas certains agents aux intentions douteuses cachés derrière le prestige illusoire de cette institution en charge des idéologies dominantes. Ils resteront, quoiqu’il arrive, toujours secrètement hostiles à la métaphysique pure et à l’orthodoxie traditionnelle.

Le choix éditorial des éditions Gallimard change radicalement le « statut moral » des bénéficiaires de l’œuvre de Guénon. Si ces derniers demeurent les seuls « ayants-droits » au regard de la loi française, le « Droit intellectuel » de René Guénon étant bafoué, dorénavant, nous considérons que toute publication réalisée conformément à l’application des principes éditoriaux** effectués par l’auteur de son vivant devient ipso facto légitime***.


* Le cr concernait un article de M. Jean-Pierre Laurant intitulé : Le problème de René Guénon ou Quelques questions posées par le rapport de sa vie et son œuvre.
** Le seul principe à retenir ici est que Guénon n’a jamais fait appel à la rédaction d’une présentation ou d’une préface quelconque pour introduire ses livres. Et, aujourd’hui comme hier, il n’y a aucune raison intellectuelle qui puisse justifier l’annexion de ses ouvrages par une personnalité, un courant religieux ou une instante universitaire.
*** Voir le message « Des “chevaliers ” décidément pas très catholiques » sur le blog : Œuvre de René Guénon (novembre 2015).











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