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jeudi 5 janvier 2012

SULAMÎ : FEMMES SOUFIES














SULAMÎ : FEMMES SOUFIES

suivi de

 LA SAINTETE FEMININE DANS L'HAGIOGRAPHIE ISLAMIQUE
par Michel CHODKIEWICZ
éditions ENTRELACS (collection HIKMA)


Cet ouvrage est une traduction par A. Andreucci du Dhikr an-niswa al-muta’abbidât d’Abû ‛Abd al-Rahmân al-Sulamî. Sa publication prolonge en quelque sorte l’intention d’Abdallâh Penot avec L’entourage féminin du Prophète. Dans son introduction, le traducteur présente le traité de Sulamî accompagné d’une mise au point concernant le rapport hiérarchique entre l’homme et la femme et la complémentarité de leur statut dans l’expression traditionnelle des relations sociales « calquées sur ce modèle idéal qu’elles tentent de reproduire afin de se conformer à l’ordre divin des choses, ordre dans lequel chaque chose a la place qui lui convient ». A. Andreucci ne se limite pas à rappeler la fonction féminine telle qu’elle s’est définie du temps du Prophète Muhammad et de ses nobles compagnons, il achève sa présentation avec un aperçu sur le Taçawwuf dans lequel il expose les conditions de la transmission spirituelle et la manière dont celle-ci s’est naturellement modifiée à travers les générations successives depuis les premiers temps de l’Islam. Il aura fallu effectivement attendre quelques siècles avant que la réalité appelée aujourd’hui taçawwuf (soufisme) se constitue en organisation initiatique « pour être les dignes représentants des maître du passé. » Après une présentation des différentes voies ésotériques, le traducteur retrace la vie de Sulamî en restituant la portée de son enseignement dans le contexte du quatrième siècle après l'Hégire. Outre ses qualités de maître spirituel, ce qui distingue Sulamî, est une connaissance profonde du Hadith au point qu'il reproduira toujours dans ses ouvrages la “chaine de transmission” des paroles attribuées aux Sheykh du passé conformément aux règles traditionnelles constitutives de la Science du hadith qui permet de valider la fiabilité des paroles du Prophète. A l’instar du Sheykh al-Akbar, cet éminent sûfî fréquenta plusieurs maîtres, ce qui à l'époque était courant; l'un d'eux, Abû l-Qâsim al-Nasrâbâdhî affirma la sainteté du martyr Mansûr Hallâj et fut persécuté en conséquence. Une fois devenu murshîd, Sulamî dirigea dans la voie de nombreux disciples dont certains furent ensuite considérés comme des maîtres importants dans l’histoire du soufisme. L'un d'eux, le malâmatî Abû Sa'îd b. Abû l-Khayr nous est aujourd’hui connu par la biographie de M. Ebn E. Monawwar, (traduite en français en 1974 par M. Achena)*.
Pour bien comprendre les Malâmatiyya (les gens de la «Voie du Blâme ») caractérisant Sulamî, on ne peut que recommander la lecture de son ouvrage, Risâlat al-malâmatiyya, traduit par Roger Deladrière**. Le courant spirituel de ces hommes d’exception, originaires de Nîshâpûr dans le Khorassân, se différencie de la voie iraquienne des sûfîs  par des attitudes qui s’opposent à la plupart de leurs pratiques, « A commencer, nous rapporte Deladrière, par la règle de ne pas se distinguer extérieurement des autres musulmans : pas de vêtement spécial, ni de « froc blanc » (sûf), ni « tunique rapiécée » (murraqqa‛a), qui pourraient attirer l’attention sur soi et montrer que l’on est un moine vivant dans le siècle. Pas de dévotions surérogatoires et excessives, ce qui serait de l’ostentation si elles sont faites en public. Une extrême réserve à l’égard des séances de « sama‛a » et de l’extase provoquée. Une méfiance non moins grande pour ce qui concerne les expériences intérieures (aḥwâl) et les signes miraculeux (karâmât) qui, pour eux, ne prouvent rien (…) ».
Le tempérament spirituel des malâmiyya ( ou malâmatiyya ) porté au plus haut degré par Sulamî est évoqué dans un extrait des Futûhât al-makkiyah du Sheykh al-Akbar, en conclusion de l’étude de M. Chodkiewicz, insérée dans l’ouvrage. En détaillant par ailleurs quelques exemples de renommée de la sainteté (walâya) de femmes musulmanes jusque dans le monde latin, ce dernier, avec l’autorité qui lui est unanimement reconnue, démontre une fois de plus, l’existence historique de relations intellectuelles entre l’Islam et le Christianisme. L’évocation de la sainteté dans le monde chrétien et de Marie, son modèle, vient compléter l’introduction du traducteur.
Le texte même de Sulamî recense, de façon très condensée, quatre vingt deux exemples de sainte (Awliyâ) ; il s’agit le plus souvent de propos rapportés et d’anecdotes. La simplicité est ce qu’il y a de plus remarquable dans l’éveil spirituel de ces Awliyâ et Sulamî, en accord avec Ibn ‘Arabî, montre bien qu’à ce degré spirituel, l’être régnant au-delà des conditions de l’existence, intègre la femme au seul rang qui puisse la rendre égale à l’homme; s’établissant définitivement dans un « non état », si l’on peut dire, la Walâya lui permet par là-même de réaliser sa véritable liberté.



*Les Etapes mystiques du shaykh Abu Sa'id (Asrâr at- tawhîd fî maqâmat sheykh Abû Sa'îd), éditions Desclée de Brouwer, Unesco1974.
** La Lucidité Implacable - Epitre des Hommes du Blâme, éditions Arléa, Paris 91.







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