LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

lundi 2 mars 2009

À propos des ouvrages posthumes de René Guénon











Extrait d'une lettre de Clavelle (Jean Reyor) datée du 24 Août 1975.



        Connu de quelques guénoniens, lextrait suivant a le mérite de décrire certaines des conditions qui ont déterminé la publication des ouvrages posthumes de Guénon. À lire avec les réserves d’usage pour ce qui concerne les opinions personnelles de lauteur.


 « […] J’ai déploré longuement et publiquement en 20 pages du “Symbolisme” (janv.-févr.1965) la publication des 2 volumes de Guénon sur la Maçonnerie, publication due à la sottise congénitale et définitive de Roger Maridort, bien que d’autres aient aussi leur responsabilité en cette affaire. Tu n’as peut-être pas su les détails des faits relatifs aux ouvrages posthumes de Guénon.
Dès la mort de Guénon, à un moment où la tutelle des enfants n’était pas encore établie et où il n’y avait personne qui eut qualité juridique pour traiter avec les éditeurs, les Chacornac s’autorisant d’une lettre adressée à moi par Guénon au sujet des publications à faire après sa mort, me chargèrent de préparer plusieurs volumes destinés à paraître assez rapidement afin de procurer des droits d’auteur à la veuve et aux enfants.
Je prépare d’abord “Initiation et Réalisation spirituelle” qui parut dès 1952, puis “Aperçus sur l’ésotérisme chrétien”. Mais au moment où on allait donner le bon à tirer de ce dernier ouvrage les Chacornac recevaient une lettre de Caudron annonçant qu’il était mandaté par la tutelle des enfants Guénon pour s’occuper des affaires d’édition et demandant qu’on suspende toute publication en attendant sa venue à Paris – Caudron vint accompagné de Vâlsan qu’il présenta comme son substitut et à qui on remit les épreuve des “Aperçus sur l’ésotérisme chrétien” – En ayant pris connaissance, Vâlsan me demanda aussitôt de retirer ou de modifier mon avant-propos qu’il estimait scandaleux pour la mémoire du musulman Guénon puisque je rappelais, par ses propres textes, qu’il avait reconnu la divinité du Christ – Je refuse de changer quoique ce soit à mon texte et je dis à Vâlsan : “vous avez le pouvoir de supprimer cet avant-propos mais je vous préviens que, dans ce cas, il paraîtra ailleurs avec des explications sur les motifs de sa suppression”. Ainsi coincé Vâlsan donna le bon à tirer sans changer une virgule à mon texte. Mais pendant que s’était préparée l’impression des “Aperçus sur l’ésotérisme chrétien”, j’avais commencé un 3ième et gros volume sur la Maçonnerie, tout différent de celui qui a été finalement publié dix ans plus tard, car j’y avais fait large part au symbolisme. Il me restait à écrire une introduction assez importante. Comme les publications passaient aux mains de Vâlsan, je n’ai jamais écrit cette introduction.
Huit ans près les“ Aperçus sur l’ésotérisme chrétien”, Vâlsan fit paraître les “Symboles fondamentaux”. A ce moment je pensais qu’il n’y aurait plus de recueil sur la Maçonnerie puisque tout ce qui concernait le symbolisme maçonnique se trouvait dans les “Symboles fondamentaux” qui d’ailleurs reprenaient aussi certains articles déjà parus dans les “Aperçus sur l’ésotérisme chrétien” (recueil “provisoire” disait Vâlsan). La tactique de Vâlsan était claire : il n’y aurait pas de recueil de Guénon sur la Maçonnerie et les “Aperçus sur l’ésotérisme chrétien” seraient retirés du commerce ou, du moins ne seraient pas réédités.
Mais peu après la publication des “Symboles fondamentaux”, Vâlsan était  dessaisi de son mandat, celui-ci étant confié à Maridort. Celui-ci arrive aussitôt chez moi en me demandant de préparer d’urgence un volume ou deux d’articles et de comptes-rendus sur la Maçonnerie. Je lui dis que la situation avait grandement changé depuis 1945 puisque tout ce qui concernait le symbolisme maçonnique était déjà publié en volume et qu’il me paraissait impossible de réaliser ce recueil à moins de le faire précéder d’une introduction cette fois très importante. Il fallait penser que ce recueil pourrait être acheté par des gens qui n’auraient rien lu d’autre auparavant de Guénon. Ceux-ci ne pourraient rien comprendre aux articles qui restaient à publier si on n’expliquait pas d’abord dans une préface ce qu’était la Maçonnerie pour Guénon, ce qu’il entendait par initiation. Il fallait donner un bref historique de la Maçonnerie et quelques notions de symbolisme. Il était possible de faire cette préface en utilisant principalement des citations de Guénon tirées des ouvrages déjà parus mais il y aurait tout de même une participation personnelle du préfacier. J’étais disposé à entreprendre ce travail qui, à première estime représentait au moins 50 à 60 pages, mais que c’était une chose pour laquelle il ne m’était pas possible de fixer un délai rapproché. Ce n’était d’ailleurs qu’en faisant le travail que je me rendrais compte de l’étendue qu’il faudrait lui donner. Je me réservais – puisque je prendrais aussi la responsabilité du recueil – de choisir les articles et comptes-rendus qui y figureraient (je pensais ne rien prendre de la “Gnose” et très peu de la “France anti-maçonnique”)*. Maridort s’écria que ce n’était pas cela qu’il me demandait, mais simplement de faire un classement des articles, y compris tous ceux signés “Palingenius” et le “Sphinx”* et prendre tous les comptes-rendus. J’essayais de lui faire comprendre l’absurdité de cette entreprise et, comme je sentais bien qu’il avait une arrière-pensée, je finis par lui dire : “Tu as peur que je fasse de la pensée de Guénon une présentation que tu qualifierais de tendancieuse”. Il avoua que c’était bien cela – à quoi je répondis : Tu as bien tord ; car c’est toi qui est le maître de la publication. S’il se trouve dans mon texte quelque chose qui ne te conviens pas, tu ne le publies pas. Il ne sera publié qu’un texte sur lequel nous serons tombés d’accord”. Mais mon bonhomme ne se sentait pas rassuré pour autant, me croyant capable de machiavélisme. Il resta sur ses positions. Je lui dis que dans ce cas la chose ne m’intéressait pas, que dans ces conditions n’importe qui pouvait faire un classement en quelques jours, lui tout le premier. Comme le bruit avait couru parmi les lecteurs des E. T. que c’était moi qui devait préparer ce recueil, dès sa publication je fis paraître l’article de janvier-février 1965 dans le “Symbolisme” pour dégager ma responsabilité dans cette entreprise absurde. Voilà pour l’anecdote.
Quant au fond de la question, c.à.d. les positions contradictoires de Guénon concernant la Maçonnerie, j’ai essayé de les expliquer dans ce même article du “Symbolisme”.
En deux mots, je crois qu’on peut dire ceci : il y a ou presque parfaite continuité entre Palingenius et Guénon lorsqu’il s’agit d’exposés de doctrines orientales : Guénon y transmet ce qu’il a lui-même reçu. Il n’en va pas de même lorsque Guénon traite des organisations occidentales et notamment de la Maçonnerie. Là il est réduit à ses propres moyens (s’il a reçu quelque chose de l’ancienne Maçonnerie – l’histoire des Maîtres à tous grades – ce fut certainement après l’époque de la “Gnose”) et l’approfondissement de ses connaissances l’a amené à changer ses positions totalement.
A vrai dire, dans une phrase assez énigmatique (“ceux de nous – qui sont morts depuis longtemps”) il a lui-même laissé entendre en 1933 que le Guénon de la maturité ne se voulait plus solidaire de Palingenius et du Sphinx.
Je ne crois pas devoir m’excuser de ces explications un peu longuettes : il me semble bon qu’après moi il y ait quelqu’un qui sache avec précision comment certaines choses se sont passées… et où se trouvaient les responsabilités ».







*Clavelle écrit : la “Gnose” ; la “France anti-maçonnique” ; le “Sphinx”.


Pour un aperçus sur quelques problèmes posés par la réédition de l’œuvre complète de Guénon (avant que celle-ci ne tombe dans le domaine public en 2022), voir les deux messages postés plus haut, le 20 septembre 2013 et le 13 octobre 2013 : « La publication des inédits de Guénon ».
  









Aucun commentaire:

Archives du blog