LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

lundi 24 septembre 2018

Y. B. : « LA VOIE, LA VÉRITÉ ET LA VIE »








APERÇUS SUR LE « RETOURNEMENT »
(Extrait)







Dans le Coran, « la loi du talion » est généralement mise en relation avec l’idée de « Vie » et cela peut s’expliquer par le passage suivant de Guénon :
« Remarquons encore en passant (…) que l’on pourrait, (…) donner une interprétation métaphysique de la parole bien connue de l’Évangile suivant laquelle le Verbe (ou la “Volonté du Ciel” en action) est (par rapport à nous) “la Voie, la Vérité et la Vie”. Si nous reprenons (…) notre représentation “microcosmique” et si nous considérons ses trois axes de coordonnées, la “Voie” (spécifiée à l’égard de l’être envisagé) sera représentée (…) par l’axe vertical ; des deux axes horizontaux, l’un représentera alors la “Vérité”, et l’autre la “Vie”. Tandis que la “Voie” se rapporte à l’“Homme Universel”, auquel s’identifie le “Soi”, la “Vérité” se rapporte ici à l’homme intellectuel, et la “Vie” à l’homme corporel (…) ; de ces deux derniers, qui appartiennent l’un et l’autre au domaine d’un même état particulier, c’est-à-dire à un même degré de l’existence universelle, le premier doit ici être assimilé à l’individualité intégrale, dont le second n’est qu’une modalité » (1).
Ces dernières considérations peuvent s’appliquer aux deux axes solsticial et équinoxial et, à propos de l’homme corporel, Guénon fait allusion à la transposition suivante :
« Ces trois aspects de l’homme (dont les deux derniers seulement sont “humains” à proprement parler) sont désignés respectivement dans la tradition hébraïque par les termes d’Adam, d’Aish et d’Enôsh » (2).
Le terme arabe qui désigne le talion (qisâs) est formé de la même racine que celle désignant le récit « tranchant » (qasas) et cette relation peut s’expliquer par la « revanche d’Abel sur Caïn » dont l’histoire de Joseph est la première occurrence qui peut être considérée comme « modèle » de l’ascension spirituelle des législateurs du Kali-Yuga voilée par la fonction prophétique. Du reste, on peut remarquer que par le récit de sa vision, Joseph modifie son destin, en apparence du moins, ce qui s’apparente avec le caractère « sacrificiel » du Verbe (kalâm).
Le nom Joseph s’écrit avec les mêmes lettres (YWSF) en hébreu comme en arabe et leur valeur numérique est identique (10 + 6 + 60 + 80 = 156), sans doute un cas unique parmi les noms sémitiques. Dans la Kabbale, ce nombre 156 est celui d’Adam Alyâ (45 + 111), l’Homme universel ; d’Ézéchiel (10 + 8 + 7 + 100 + 1 + 30) qui a la vision de la Merkabah et qui est le pôle de la sphère du Soleil parmi les patriarches Juifs ; ainsi que de Sion (90 + 10 + 6 + 50) qui représente le « Cœur du Monde » pour les hébreux (3). Et Yûsuf est identifié au cœur par Qâchânî (4).
En outre la valeur numérique du Sâr ha-ôlam, qui
« signifie bien “Prince du Monde” au sens absolu, c’est-à-dire de tout l’ensemble de la manifestation universelle, exactement comme l’expression similaire de Melek ha-ôlam » (5),
vaut 651 et ce nombre est retourné par rapport à celui de Joseph (156). Or, à cet égard la valeur numérique du Pôle suprême en Islam, al-Ghawth (1 000 + 6 + 500) est assez proche de celle du nom de Joseph et on peut remarquer que son premier songe est en rapport avec la hiérarchie islamique : le Soleil et la Lune correspondent aux deux Imâms et les onze étoiles aux sept Abdal et aux 4 Awtad. Enfin l’expression hébraïque Lob Eden (130 + 2 + 70 + 4 + 50) a également 156 pour nombre, et l’Eden est le plus haut degré paradisiaque, celui qui correspond à la Demeure du Roi (dâr al-Malik)* dans la doctrine akbarienne (6). Sans pouvoir nous arrêter sur cet aspect ésotérique du patriarche Joseph, précisons que la majorité des thèmes qui sont abordés dans cette étude sont en relation étroite avec la sourate qui lui est consacrée dans le Coran.


Y. B.



  





NOTES




(1) Le Symbolisme de la Croix, ch. XXIII.
(2) Ibid. n. 9.
(3) Toutes les correspondances kabbalistiques citées proviennent de G. Ruchet : Considération ésotériques sur les 12 fils de Jacob (Joseph), Paris, 1992. Nous n’insiterons pas sur le caractère parodique de cette étude qui participe à une volonté de « renversement » de la Kabbale amorcée par G. Scholem et poursuivie par Moshe Idel (cf. Le Golem, Paris 1992) sous l’égide de l’Université hébraïque de Jérusalem ; renversement auquel la tradition hébraïque est tout particulièrement prédisposée puisque c’est elle qui a « ordonné » la Chute.
(4) Les Sept Étendards du Califat, p. 293, n. 26. Toujours selon Qâchânî, Adam symbolise l’âme raisonnable (nâfs nâtiqah) universelle (al-kulliyât) qui est le « cœur du monde » (qalb al-‘âlam) (cf. P. Lory :Les Commentaires ésotériques du Coran, Paris, 1980, p. 57- 59, 69, 72-73 ).
(5) Comptes-Rendus, p. 208.
(6) Cf. Asin Palacios : L’Eschatologie musulmane dans la Divine Comédie (Paris, 1992), p. 245 et 251. Al-Ghawth c’est le Sceau des Califes (Khâtm al-Khulafâ) que le sheikh Al-Akbar rencontre à Tunis (Futûhât I, p. 81). Sa fonction est permanente et il constitue avec le sceau des engendrés et les trois sceaux conventionnels un ensemble de 5 degrés hiérarchiques : le Pôle suprême symbolisé par la lettre Alîf du nom d’Adam et les 4 awtad symbolisés par la lettre Dâl du père de l’humanité. La lettre mîm a pour valeur 40 qui est le nombre de nujabâ (ou anjâb ; cf. Aperçus sur l’Ésotérisme islamique et le Taoïsme, p. 66), qui n'« agissent que pour le compte d’autrui » (cf. L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 187, n. 38). Ce nombre correspond aussi à celui des compagnons du cheikh Abu-l-Hassan ash-Shadhulî qui symbolise également une fonction permanente : « les trésors des quarante (khizânat al-arba‘incf. Hizb Cheikh Abî-l-Hasan). En effet, dans son essence profonde, la Shadhuliyyah est à la lettre mîm ce que le Pôle suprême est à la lettre alîf occultée dans le du mîm.
La lettre est représentée par une spirale symbolisant la « Voie du Milieu » qui est au-delà  de la « droite » et de la « gauche » figurée par les deux points diacritiques qui représentent les dualités cosmiques (hâ mîm) et les deux mondes de la non-manifestation () et de la manifestation (wâw) – Yâ Huwa est un vocable (Ô Soi) dont la valeur numérique (10 + 1 + 5 + 6) est identique à celle du « nom caractéristique » de Muhammad qui est Habîb (8 + 2 + 10 + 2) Allâh, c’est-à-dire-le « Bien-Aimé d’Allâh » (cf. C-A Gilis : Marie en Islam, p. 68, n. 4 ; p. 87, n. 31 et p. 95, n. 19). Zacharie, en hébreu comme en arabe, se lit « invocation du  » : il s’agit de l’invocation de la nature primordiale qui gémit « organiquement » de son éloignement spirituel. La relation entre la lettre et l’amour est figuré par la lettre Vattan correspondante qui représente une coupe, symbole du cœur, en forme de cornes de bélier, évoquant le feu qui embrase l’Orient et l’Occident de la « Voie de la Terre » dont l’initié prend possession sans jamais la souiller car elle est toujours « Vierge ». Yâ huwa est constitué de lettres qui se retrouvent dans le terme Yûh, le nom de l’ange qui gouverne le IVe Ciel, celui d’Idrîs (cf . Henri Corbin : Corps spirituel et Terre céleste, p. 172, n. 13 et p. 183) et qui peut aussi être figuré par la spirale et les deux points souscrits du car il semblerait être en correspondance avec l’Étoile Polaire symbolisée dans la Maçonnerie par la lettre G ou la lettre Iod, équivalent hébraïque du arabe, et qui «  pour le maçon opératif [représente] le siège effectif du Soleil Central Caché de l’Univers Iah » (Symboles de la Science sacrée, ch. XVII, p. 122). Dans cette perspective, alîf pourrait correspondre à Saturne (Adoni Tsedeq), au Soleil (Kohen Tsedeq) et nûn à la Lune (Melki Tsedeq).

* C‘est de Hadrat al-Malik que provient l’Ange qui inspire Ibn Arabî à la rédaction des Futûhât al-Makkiyya (Éd. Boulaq, p. 51, ligne 24). [Note rajoutée par l'auteur]











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