LA FIN DES TEMPS MODERNES

LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

dimanche 30 novembre 2025

TSONG TSEN GAMPO II / C-R Ibn 'Arabî - Meftah / Dossiers Guénon (suite).

 


 


ENSEIGNEMENTS

DU ROI

TSONG TSEN GAMPO 

(Extrait 2)

 

 


Les enseignements du Roi TSONG TSEN GAMPO, « Gardien du Dharma » et « Manifestation de Tchenrezi » se présentent en quatre chapitres de dix Dharma *, chacun étant composé de trois sentences. (Voir message du 1 nov. 2024).

Présenté par Kunzang Tendzin

  

 

 

Chapitre : Les dix Dharma profonds



1 – Les trois Dharma dont on ne doit jamais se séparer

– On ne doit jamais se séparer de l’état dans lequel toutes les perceptions formelles [dont nous sommes le sujet] sont transformées dans la perception de la Forme de la Divinité.

 On ne doit jamais se séparer de la perception que tous les sons [que nous sommes amenés à entendre] sont le Mantra de la Divinité.

– On ne doit jamais se séparer de la perception que toutes les pensées [que nous avons] sont l’Esprit de la Divinité.

 

2 – Les trois Dharma à méditer clairement

– Méditer clairement notre corps comme étant celui de la Divinité

– Méditer clairement notre parole comme étant le Mantra de la Divinité

– Méditer clairement notre esprit comme étant l’Essence du Dharma.

 

3 – Les trois Profondeurs

– Si, par la profondeur de l’identification de notre corps à celui de la Divinité, l’esprit d’échec (ne pas percevoir la Divinité) disparait, c’est le  Dharma de la Profondeur.

– Si, par la profondeur de l’identification de notre parole au Mantra de la divinité, notre parole obtient la puissance, le pouvoir, c’est le Dharma de la Profondeur.

– Si, par la profondeur de l’identification de notre esprit à l’Esprit du Dharma, les trois poisons spontanément s’apaisent, alors c’est  le Dharma de la Profondeur.


4 – Les trois Fiertés

– Si, par la fierté de l’identification de notre corps à celui de la Divinité, on réalise la Divinité, c’est le Dharma de la Fierté.

– Si, par la fierté de l’identification de notre parole au Mantra de la Divinité, il y a répétition constante du Mantra, c’est le Dharma de la Fierté.

– Si l’on possède la Profondeur de la fierté constante de l’identification de notre esprit à l’Essence du Dharma, c’est le Dharma de la Fierté.

 

5 – Les trois Pouvoirs

– C’est par le pouvoir de l’identification de notre corps à la Divinité que l’on peut annihiler toutes les perceptions de la vie ordinaire.

 C’est par le pouvoir de l’identification de notre parole au Mantra de la Divinité que tous les êtres viennent à se soumettre.

 C’est par la  puissance de l’identification de notre esprit à l’Essence du Dharma que les trois poisons sont soumis.

 

6 – Les trois Surgies

– Comme la Béatitude surgit du corps, si les quatre éléments s’équilibrent en harmonie, alors c’est le Dharma de la Surgie (la cause des maladies étant le déséquilibre entre les différents éléments).

– Si, comme la puissance surgit à notre parole, les obstacles et les accidents s’apaisent spontanément, alors c’est le Dharma de la Surgie.

– Si, comme la compréhension intérieure surgit à notre esprit, les trois poisons s’apaisent spontanément, c’est le Dharma de la Surgie.


7 – Les trois Dharma du Mûrissement

– Si, ayant obtenu le mûrissement de notre corps dans la Divinité, on réalise clairement la Divinité,  alors c’est le Dharma du Mûrissement.

– Si, réalisant le mûrissement de notre parole dans le Mantra, on obtient l’aisance et la joie dans la récitation des Mantra, alors c’est le Dharma du Mûrissement.

– Si, réalisant le mûrissement de notre esprit dans l’Essence du Dharma, notre propre esprit demeure fermement dans cet état, alors c’est le Dharma du Mûrissement.

 

8 – Les trois Libérations

– Si, réalisant la libération de notre corps dans la divinité, disparaissent tout attachement et envie, c’est le Dharma de la Libération.

– Si, réalisant la libération de notre parole dans le Mantra, cesse tout discours ordinaire, alors c’est le Dharma de la Libération.

– Si, réalisant la libération de notre esprit en l’essence du Dharma, nos propres pensées se clarifient, alors c’est le Dharma de la Libération.

 

9 – Les trois Effacements

 Si, avec l’effacement du corps, on pratique les prosternations et les circumambulations, alors c’est le Dharma de l’Effacement.

 Si, avec l’effacement de la parole, on pratique les louanges et les prières,  alors c’est le Dharma de l’Effacement.

 Si, avec l’effacement du mental, on place l’esprit dans l’Essence du Dharma qui est sa nature propre, libre et spontanée, alors c’est le Dharma de l’Effacement.

 

10 – Les trois Acconplissements

 Si, par l’accomplissement de notre corps dans la Divinité, naît l’identité de la phase de création et de la phase de résorption, alors c’est le Dharma de l’Accomplissement.

 Si, par l’accomplissement de notre parole dans le Mantra, survient l’identité du Son et de la Vacuité, alors c’est le Dharma de l’Accomplissement.

 Si, par l’accomplissement naît l’état de réalisation Vacuité – Clarté,  alors c’est le Dharma de l’Accomplissement.


Ainsi se termine cet enseignement oral du Roi Tsong Tsen Gampo en quarante points de triple aspect résumant tous les principaux aspects du Dharma*.

 

* Il s’agit ici d’un second extrait de cet Enseignement diffusé dans la branche Sakyapa du Vajrayana du Dharma tibétain.

 

 




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Compte-rendu

 

Ibn ‘Arabî : La Perle blanche, Epître sur l’intellect, Traduit et annoté par D. Tournepiche, Èditions Albouraq.

Il s’agit d’un traité en cinq chapitres sur le ‘aql qu’il convient naturellement de traduire ici par lIntellect. L’ensemble exige du lecteur une bonne connaissance de la doctrine islamique et du langage akbarien. C’est dans le second chapitre que le shaykh défini l’intellect selon plusieurs points de vue après avoir exposé les principes métaphysiques de la manifestation, c’est-à-dire en termes islamiques ; la Création (al-khalq), l’Être (al-wujûd), le Non-être (‘adam / ma‘dûm‘), l’Existence (al-mawjûd / wujida) et le Possible (mumkin) : « Sache qu’Allâh, quand il a produit cet Intellect (‘aql), le joyau incomparable (jawhar fard), subsistant par soi (qâ’im bi nafsihi), localisé (mutahayyaz) suivant un point de vue – mais non localisé suivant un autre, ce qui est selon nous la position la plus juste (açahh) –, s’est manifesté directement (tajallâ) à lui par son Essence (dhât) et a infusé (afâda) en lui tous les objets de connaissance (ma‘lûmât), de sorte que la science [de l’intellect] se rapporte à la totalité [de ces objets de connaissance], à l’exception de la science qu’il possède [directement] par Allâh (‘ilmuhu bi-Llâh). Car celle-ci, l’intellect ne peut pas du tout l’embrasser en tant que science [déterminée]. Mais Allâh ne cesse de verser éternellement (abadan) dans l’intellect la science qui procède de Lui et dont il est le réceptacle (…) ». On comprends, selon cette définition, que L’Intellect est ce qui permet de « prendre conscience de ce qui est ». Le shaykh poursuit en disant qu’on l’appelle aussi al-qalam parce que la première chose qu’Allâh a manifesté est le calame ; certains l’appellent al-rûh kullî parce que la racine du nom rûh correspond à l’intellect, certains l’appellent al-haqq (la vérité), al-‘adl (le « juste milieu »), ou l’Équilibre total par lequel « ont été érigés les cieux et la terre », al-imâm al-mubîn et enfin le « Prototype évident ». Ibn ‘Arabî conclut que « l’intellect possède encore la perfection (kamâl) dans la mesure où toute chose est en acte en lui, c’est-à-dire que la science (al-‘ilm) et la puissance (al-quwâ) de l’ensemble des choses se trouvent en lui du fait de sa prédisposition à les recevoir, ou plus exactement à les contenir. Cela te montre qu’il est une réalité produite dans le temps (muhdath) qui n’est pas existante puis l’est ensuite, étant devenue le lieu dans lequel Allâh manifeste [les choses], c’est-à-dire les êtres contingents (al-hawâdith) dont il est pourvu depuis qu’il existe effectivement (wujidat ‘aynuhu) ». La suite du traité, plus complexe, aborde les applications de la métaphysique. Les qualités (çifât), le statut de l’Essence, la relation de l’Intellect avec le Producteur divin en tant que Puissance existenciatrice, la Détermination et les Possibles. Dans sa traduction, le chapitre IV pose un problème par le choix du terme « émanation » qui n’éclaircit pas la réfutation du shaykh al-akbar à l’égard des « adversaires des initiés » prétendant « qu’Allâh est Un sous tous les rapports, c’est-à-dire qu’il est dépourvu de qualité, et que n’émane de Lui que ce qui donne l’unicité (wahdâniyya), puisqu’il est unique ». Seulement, si le choix du terme « émane » se justifie sans doute ici, puisque nous avons affaire aux conceptions des exotéristes, il ne convient pas au début de ce chapitre où est exposé le principe de la « double procession », à savoir, la « production » de l’intellect par wujûd al-haqq se poursuivant ensuite, par l’Intellect, où apparaissent toutes choses : « Sache que cet intellect premier émane d’Allâh l’Unique, et que les choses émanent [de l’intellect] continuellement », suivit immédiatement par la supposition qu’il va ensuite réfuter : « [le statut] de la réalité principielle (wujûd al-haqq), d’où n’émane qu’une chose unique, n’impose pas [cette double procession]. C’est impossible puisqu’elle est douée de volonté. Si elle voulait produire la manifestation toute entière d’un seul coup, de sorte qu’aucune chose ne dépende d’une autre, cela ne présenterait, pour Allâh, aucune difficulté ». Il est certain que le concept d’émanation implique une dualité entre ce qui émane et la chose émanée comme dans l’exemple de la fumée émanant d’un feu ; or l’Intellect est « en Essence » continuellement identique au principe suprême ou total, Allâh. S’il était une « émanation », il s’en séparerait et plus aucune connaissance immédiate de son origine ne lui serait possible. Il est ensuite question de l’unité de l’Être et de ses états multiples. Le shaykh distingue les qualités (çifât) de l’Essence (dhât) et les essences (qui ne sont qu’une) en relation avec les attributs. Le texte de ce traité, encadré par une présentation et de nombreuses notes, bénéficie du travail de l’un des meilleurs traducteurs en français d’Ibn ‘Arabî. 


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Abdel-Bâqî Meftah : Le symbolisme universel des châtons des sagesses – Exposé complet des clés de compréhension du livre des Fuçûç a-hikam d’ibn al-‘Arabî ; traduction intégrale et notes par D. Tournepiche, Éditions Albouraq.

Nous avons largement parlé de cette étude sur les Fuçûç al-hikam qui intègre les correspondances du symbolisme de la cosmologie hermétique à la Révélation coranique. Sous ce nouveau titre, Meftah nous offre la troisième version des « clés » facilitant la « compréhension » de l’ésotérisme d’Ibn ‘Arabî. Les modifications apportées à cette dernière version, sans parler de la correction de nombreuses coquilles de l’édition précédente, est la restitution de l’ordre de la succession des 28 façç suivant celle des fuçûç et la recomposition de l’ensemble en trois parties. La lecture en est largement facilitée et nous ne pouvons que louer Abdel-Bâqî Meftah d’apporter autant d’attention à ce travail qui n’a suscité jusqu’ici qu’un intérêt restreint ; le silence et l’absence de référence à cet ouvrage de la part du monde universitaire peut surprendre. Il s’explique sans doute par les limites de leurs « savants » qui s’obstinent à réduire le taçawwuf à de la mystique et la réalisation spirituelle à des expériences.

 


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LES HOMMAGES A RENÉ GUÉNON

 

René Guénon et L’avènement du troisième Sceau, Éditions traditionnelles, 1991.

(Étant donné que cette série de comptes-rendus concerne exclusivement les hommages, nous ne parlerons pas de la seconde partie de ce livre sous-titré : Les clés des Demeures spirituelles dans les Futûhât d’Ibn Arabî.) 

Nous en étions resté avec le précédent « livre-hommage » de Gilis à l’idée que si la lecture de Guénon pour l’initié permet de nettoyer l’intoxication causée par la mentalité moderne, elle peut également se poursuivre pour approfondir le sens et la finalité de son initiation dont il sera seul à en réaliser les degrés. Ce sont précisément les aspects doctrinaux de cette maitrise qu’aborde Gilis dans les sept chapitres de ce livre sur Guénon en donnant quelques exemples. Nous retenons le passage suivant du troisième chapitre « L’apport de l’Hindouisme » : « (…) tous les interprètes d’Ibn Arabî en langue française utilisent le langage minutieusement élaboré par Guénon. En revanche, bien rares sont ceux qui acceptent de reconnaitre cette allégeance formelle à son enseignement. Pourtant, la qualité et la multitude des repères doctrinaux proposés sont telles qu’il n’est pratiquement aucune difficulté de traduction ou d’expression qui ne puisse être résolu par ce recours ». Comme nous allons le voir, Gilis fut loin de respecter cette « allégeance formelle ». Nous pouvons constater dans les Aperçus sur le « Retournement » de Bragard un écart significatif entre certains aspects de doctrine exposés par Guénon et les écrits de Vâlsan. Dans le premier chapitre ses Aperçus*, Bragard relève que « (…) la conception vâlsanienne du Centre suprême ne correspond pas à celle à laquelle Guénon nous a familiarisé car, dans la note précitée, Michel Vâlsan envisage la hiérarchie suprême de l’Islam par l’intermédiaire du Qutb et des deux Imâms alors qu’il n’est pas fait mention de ces deux derniers dans le Roi du Monde où le Qutb est seulement envisagé dans sa relation de subordination à l’égard de Métatron (p. 32). Par ailleurs, Michel Vâlsan conçoit l’investiture au Centre suprême comme une ‟visite” ou une ‟cérémonie” postérieure à ce qu’il considère comme devant être une ‟initiation” à la réalisation descendante (L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 179, Ed de l’Œuvre, Paris, 1984) ; seulement, en ce qui concerne l’initiation, Guénon a écrit :  ‟Le seul cas où cette condition [c’est-à-dire l’initiation] n’existe pas est celui de la réalisation descendante, parce que celle-ci présuppose que la réalisation ascendante a été accomplie jusqu’à son terme ultime” (cf. art. ‟Initiation et réalisation descendante”). D’autre part, il n’y a aucune relation ‟organique”, si l’on peut dire, entre la réalisation descendante et le Centre suprême puisque le degré spirituel de ce dernier correspond à l’‟état primordial” et au terme des ‟petits mystères” : c’est-à-dire au ‟point central où s’établit la communication directe du monde terrestre avec les états supérieurs et, à travers ceux-ci avec le principe suprême” (Le Roi du monde). Maintenant pour ce qui est de Gilis, la relation entre la réalisation descendante et le Centre suprême l’incline ‟à faire de celui-ci un centre secondaire par rapport à celui de l’Islam” (Études complémentaires sur la Califat, p. 106, n. 15) et bien qu’il le fasse en conformité avec une indication de Michel Vâlsan, il se met en contradiction formelle avec ce dernier lorsqu’il écrit que les trois Sceaux ‟correspondent à trois fonctions uniques qui relèvent directement, non de la forme islamique au sens strict, mais du Centre initiatique suprême” puisque, suivant l’indication de son Cheikh, l’investiture suprême du Cheikh al-akbar est antérieure à son investiture en tant que Sceau (L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 179) ; mais, lorsque son disciple zélé déclare : ‟c’est l’exercice de ce pouvoir [?], appartenant en propre au Centre Suprême de notre monde et déterminant pour l’ensemble de l’univers traditionnel, les “confirmations” et les “abrogations” rendues nécessaires par les circonstances [?], qui a précisément pris fin avec l’Islam, seule forme traditionnelle qui se présente de manière explicite comme la dernière Révélation divine et seule appelée à demeurer extérieurement jusqu’au terme du présent cycle”, n’est-ce pas là une manière de témoigner de son incapacité d’envisager l’ésotérisme au-delà de son aspect contingent et formel ? Selon M. Vâlsan, la notion de Sceau est ‟typiquement islamique”. Quant à la forme extérieure de la tradition islamique, c'est-à-dire sa ‟religion”, elle sera dégénérée, comme les autres formes religieuses, puisqu’un des aspects de la fonction du Mahdî consistera précisément à la revivifier ».

Là encore nous avons tenu à citer la réfutation entière malgré sa longueur en raison de l’évidence qui s’en dégage conformément à l’autorité doctrinale de Guénon. Nous avons omis les notes mais le lecteur intéressé pourra retrouver le texte intégralement dans le message posté le 17juillet 2017*Lorsque l’on s’affirme comme un fidèle de la « boussole infaillible », cette tendance récurrente à inverser le rapport de subordination du point de vue religieux à l’égard de la « métaphysique pure » et des réalités initiatiques, semble bien être une trahison à l’« allégeance formelle à son enseignement ». Il reste que l’autorité de Gilis sexprime incontestablement dans les traductions des écrits du shaykh al-akbar qui comptent parmi les meilleures, avec les réserves d’usage concernant un bon nombre de ses « commentaires » et certaines de ses conceptions lorsqu’ils sont affectées d’une volonté partisane ou d’« un souci de domination confessionnelle ».

* PDF disponible à la demande (Voir « Accueil »)

 

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Vers la Tradition : mars-juin 2001, numéro spécial 83 / 84 ; Pour nous, rené guénon 1886 – 1951 - Hommage pour le cinquantième anniversaire de son retour à Dieu - ce que nous lui devons. 

Pour le demi-siècle qui nous séparait de la mort de Guénon, le directeur de VLT, Roland Goffin, avait convié ses collaborateurs à livrer un témoignage personnel. À l’exception de deux ou trois auteurs, toutes les livraisons se conformèrent à cet exercice. Abdallah Penot qui intervenait pour la première fois dans la revue profita de l’occasion pour délivrer une sentence un peu spéciale dans un texte polémique qui ne manqua pas à l’époque de laisser perplexe et dont la gêne ressentie allait surtout pour son auteur. Nous en extrayons le passage suivant en renvoyant les personnes intéressées à l’ « hommage » lui-même intitulé « Guénon et les guénoniens » : « La réalité nous semble hélas beaucoup moins flatteuse qu’il n’y paraît à première vue et ce pour une raison très simple : il est rare en effet de trouver des ‟guénoniens” qui ne soient pas tombés dans l’un ou l’autre des travers dénoncés par celui dont ils se prétendent être les représentants quand ils ne les ont pas accumulés ; il est vrai qu’il est souvent difficile de se débarrasser des tendances mentales caractéristiques de son environnement. En d’autres termes nous pourrions dire que jamais œuvre utile n’avait été autant desservie par ceux qui se voulaient ses plus chauds partisans. » Selon Penot, les « travers » dans lesquels seraient « tombés » les « guénoniens » concerneraient les personnes revenus à la pratique de leur religion suite à la lecture des ouvrages de Guénon, et surtout ceux ayant choisi une entrée en Islâm « en vue d’obtenir ce qu’il y a de plus précieux [aux yeux d’un guénonien, c'est-à-dire] : l’initiation. » La dizaine d’exemples de cas spéciaux ciblés par l’auteur, loin de représenter une majorité de « guénoniens », pourrait tout autant illustrer les « travers » d’un occidental de culture qui, sans rien connaitre de Guénon, retournerait à sa religion ou adopterait une autre tradition lui garantissant une véritable spiritualité. Il y en existe et de pires encore. Maintenant, ces jugements concernant ces cas particuliers de « guénoniens », pour autant qu’ils semblent avoir pour objectif de minimiser la pertinence des écrits de Guénon, portent à faux puisque Penot reconnaît  au prime abord qu’il serait « toutefois difficile de déterminer quelle fut la portée réelle (de l’œuvre de Guénon) notamment dans cet Occident auquel elle était initialement destinée », ce qui d’un point de vue logique, ruine l’objectivité de sa démonstration. L’hommage aurait pourtant trouvé là son sujet s’il avait été question en effet de surmonter cette difficulté en vue de « déterminer » la nature et les occurrences de cette « portée réelle ». Quoi qu’il en soit, Il est gênant que le rédacteur d’un constat aussi calamiteux pour les personnes incriminées semble lui-même s’exclure d’une influence quelconque provenant de l’œuvre de Guénon laissant supposer que son propre cheminement en conséquence serait exempt de tout « travers ». En réalité, tout porte à croire que cet hommage incongru fut motivé par quelques « règlements de compte ». Ce qui est troublant en l’occurrence est que l’on se demande si, à travers les guénoniens, ce ne serait pas aussi Guénon lui-même qui serait visé.  Pour quelle raison en effet Penot aurait-il éprouvé le besoin de préciser qu’il n’a pas « décidé brutalement de ‟régler des comptes” avec un milieu (…) toujours soigneusement évité (…) » ?   Si tel était le cas, pourquoi se mêler des affaires de gens qui nous sont étrangers ou indifférents ? Pourtant,  parmi ces critiques, certaines ne manquent pas de vérité, comme le fait de relever la pratique de la psychanalyse de la part d’une personne se qualifiant de « guénonien ». Seulement, pour ce cas bien connu, il y avait lieu de simplement souligner une revendication abusive. Au fond, à une ou deux exceptions près, il en est de même pour les autres cas individuels très facilement identifiables. Il aurait été juste de conclure qu’il ne s’agit là que d’une minorité de guénoniens ou de prétendus guénoniens. Il reste que si l’intention de l’auteur était de faire prendre conscience de certaines choses, il avait à sa disposition des moyens plus subtils, du moins  nous l’espérons. Nous disions que la critique dissimulée derrière cet hommage aurait été recevable sur le fond si elle ne s’était pas limitée aux seules personnes ayant été ramenées à la tradition par la lecture de Guénon ; on doit reconnaître à Sîdî Abdallah Penot d’avoir bien vue la cause d’une difficulté complexe, et sournoise dans ses effets, qui concerne toutes les personnes nées dans l’« environnement » d’une culture occidentale. Il est important de considérer que le premier effort à fournir pour accéder à la stabilité spirituelle au sein d’une forme traditionnelle consiste effectivement à se « débarrasser des tendances mentales » contactées par l’éducation et la culture moderne. Cet effort ne concerne plus aujourd’hui les seuls occidentaux. La presque totalité des gens vivant dans ce qui reste des sociétés traditionnelles est également concernée. Beaucoup sont démunis face à cet obstacle du fait de la puissance hégémonique mondiale des idéologies progressives et des mœurs triomphantes sur l’affaiblissement générale de la spiritualité contaminant les religions et aussi les organisations initiatiques. La première des prises de conscience consiste bien à demeurer, autant qu’il est possible, hors d’atteinte de la culture anti-traditionnelle véhiculée par les sociétés occidentales.

Parmi toutes les autres participations à cet hommage de VLT, on retient celle de Georges Servant : « L’intellectualité dans l’enseignement de René Guénon » qui, échappant à la confession individuelle demandée, souligne la centralité de l’intellect dans la réalisation métaphysique.

 

 

 

Un muslîm ne peut que souhaiter le meilleur pour ses frères même si l’un d’eux lui inflige une chose désagréable. Ainsi Le shaykh al-akbar, dans son Rûh al-quds*, montre par un « Geste » secrètement éducateur comment les walî et les çûfî sont grands jusque dans leurs défauts lorsqu’ils parviennent à les éliminer en y trouvant des portes pour faire entrer la Sincérité (al-çidq). Il s’agit de l’anecdote (numérotée 66) à propos de Abû ‘Abdallâh at-Tartûsi :

« Cet homme était de ceux qui se consacrent à la pratique de l’invocation. Je fis sa rencontre à Tlemcem. Un jour, je m’étais assis avec lui et nous parlâmes d’Abû Madyan. Au cours da la conversation, j’eus l’impression qu’il avait une attitude critique  envers Abû Madyan, due à son manque d’instruction. Aussi je devins quelque peu réservé à son égard. La nuit même, je vis en songe l’Envoyé d’Allâh – qu’Allâh lui accorde Sa grâce et Sa paix – ! Il me dit ‟ O Mohammad, tes sentiments ont changés envers at-Tartûsî  à cause d’Abû Madyan. Comment se fait-il que tu ne l’aimes pas pour son amour d’Allâh et de Son Envoyé ?”  Je répondis : ‟Dorénavent, ô Envoyé d’Allâh, je ferai comme tu dis.” Au matin, je pris de l’or et des beaux vêtements pour les offrir à at-Tartûsî et lui rapportai ce que j’avais vu. En m’entendant, il pleura et abandonna son attitude critique envers Abû Madyan, et toute l’affaire fut bénie par la grâce d’Allâh. »

           

Voir la traduction française de Gérard Lecomte, sous le titre Les soufis d’Andalousie du livre de R. W. J. Austin, qui condense deux kitâb du shaykh al-akbar : Rûh al-quds et Durrat al-fâkhirah fî dhikr.


 

"Toute chose périt sauf Sa Face"

 




 


mercredi 17 septembre 2025

RISÂLAH AL-ADAB

 

 

 

L’ ADAB DES MAITRES ÇÛFÎ

 

RISÂLAH AL-ADAB*

 

 

 

 

 

Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très

Miséricordieux

 

 

Louange à Allâh, Seigneur des mondes, le Tout Miséricordieux, le Maitre du Jour du Jugement, qui a orne les apparences des gens de la voie [spirituelle] par les adâb (1) de la Loi (sharīʿa), si bien qu’ils se sont soumis aux prescriptions de Sa religion, en musulmans, par obéissance a Son ordre et par amour pour Son essence. Il a embelli leur for intérieur par les adâb de la réalité (ḥaqîqah), si bien qu’ils se sont soumis a la souveraineté de Sa Seigneurie (rubûbiyyah) et se sont inclines devant la puissance de Sa volonté, croyants, en vénération pour la majesté de Sa Divinité (ulûhiyyah). Gloire a Celui qui a fait des cœurs des Connaissant (2) des réceptacles du souvenir (dhikr), des cœurs des ascètes des réceptacles de la confiance (tawakkul), des cœurs des confiants des réceptacles de la satisfaction (riḍâ), des cœurs des pauvres des réceptacles du contentement (qanâʿa), et des cœurs des gens du bas-monde des réceptacles de la convoitise.

Nous Le louons, exalte soit-Il, pour les bienfaits qu’Il a accordé et les faveurs qu’Il a prodigué, une louange a la mesure de Ses bienfaits et qui rende grâce a Ses dons. Que la bénédiction et la paix soient sur le détenteur de la générosité et de la largesse, la cause suprême de toute existence, la joie des yeux, notre maitre et seigneur Muhammad, ainsi que sur sa famille, ses compagnons et tous ceux qui le suivent.

 

 


 

En réponse à la question de certains amis et par désir de notre part de lever le voile sut la réalité des gens de la sincérité, nous présentons à nos frères fuqarâ’ dans cette modeste risalah quelques adâb des aspirants afin qu’ils prennent exemple sur leurs pieux prédécesseurs (bi-salafihim al-çâlih) et suivent la voie de leur sage Prophète et sublime Envoyé – çallâ Llâh ‘alayhi wa salam – conformément à la parole d’Allâh – ta’âlâ – :



 « Et vous avez dans l’Envoyé d’Allâh un bel exemple pour ceux qui mettent leur espoir en Allâh et dans le Jour dernier et qui invoquent Allâh souvent. »

(Al-ahzâb, 21.)

 

 

En vérité, la communauté [des élus] s’est élevée par les adâb,

C’est des adâb que la communauté [des élus] a tiré profit.

 

Il a été dit : celui qui a été privé de la souveraineté du adâb

Reste éloigné, même s’il s’approche et se rapproche.

 

Et il a été dit : celui que retiennent les filiations

N’est libéré que par les adâb.

 

 

Le maître d’al-Junayd, Sayyidî Abû Hafs al-Haddâd – qu’Allâh soit satisfait de lui – a dit :

« Le taçawwuf est tout entier adab. À chaque instant (waqt) ses adâb, ainsi qu’en chaque lieu ; par conséquent, si le faqîr se revêt de la parure des adâb, Il devient apte à cheminer dans la voie çûfî et à porter (hamala) les secrets de l’élection (âsrâr al-khusûsiyyah) ».

 

L’imam Al-shâfi‘î – qu’Allâh soit satisfait de lui – a dit :

« Celui qui observe le adab avec l’instant [donne] une valeur à ce temps-là, et celui qui n’observe pas le adab propre à l’instant [rend] son temps détestable ».

 

Et Sayyidî Muhammad al-Bûzîdî – qu’Allâh soit satisfait de lui – a dit :

« Par cet adab, tu prends un raccourcis qui écarte les peurs et les appréhensions et te rend apte à cheminer dans la voie [et à en porter les secrets] ».

 

Cet adab consiste à suivre l’exemple et le comportement de l’Envoyé d’Allâh sur lui la Grâce et la Paix par la mise en pratique des lois (ahkâm) d’Allâh – ta‘âlâ –.

L’Envoyé d’Allâh – sur lui la Grâce et la Paix – a dit : « Mon seigneur m’a éduqué de la meilleure façon (fahasana) ».

 

Ceci est le taçawwuf ; tous les “pôles” (aqtâb) de la voie sont unanimes à ce sujet.

L’Imâm Junayd (qu’Allâh sanctifie son secret) a dit :

« Toutes les voies (2) sont sans issue (masdûda) pour tous les êtres de la création, sauf la voie de celui qui suit les traces de l’Envoyé d’Allâh (sur lui la Paix) en suivant sa sunna et en s’y conformant (lazima) en tout point (3).

 

Et Dhû-n-Nûn al-Miçrî a dit :

« De tous les signes de l’Amour d’Allâh – ‘aza wajal – c’est l’effort assidu qui consiste à suivre l’« Aimé d’Allâh » dans ses nobles caractères, dans ses actes, son autorité et sa sunna ».

 

Selon al-Sarî al-Saqatî – qu’Allâh soit satisfait de lui – :

« Le taçawwuf possède trois sens (à observer dans les trois attitudes suivantes) : [faire en sorte] que la lumière de la Connaissance n’éteigne pas (lâ yatfâ’) la lumière de la crainte révérencielle ; ne pas entretenir des propos sur le sens caché de la science allant à l’encontre de la clarté (zâhir) du Livre (4) et de la sunna ; ne pas utiliser les Karâmât (5) pour déchirer le voile avec lequel Allâh a recouvert ce qui est prohibé (muhâram) ».

 

 

 

Abû Nasr Bishr ibn al-Hârit al-Hâfî – qu’Allâh sanctifie son secret – a dit :

« J’ai vu le Prophète en songe – que la bénédiction et le salut d’Allâh soient sur lui – et  il m’a dit : “Bishr, sais-tu par quoi Allâh t’a élevé entre tes pairs” ? J’ai répondu : Non, Ô Envoyé d’Allâh ; il dit : “Par ton observance de ma sunna, par ton service des hommes pieux et par ton amour pour mes Compagnons et pour les Gens de ma Maison. C’est cela qui t’a fait parvenir aux demeures des hommes pieux” ».

 

Et l’Imâm Junayd – qu’Allâh soit satisfait de lui – a dit :

« Notre école (madhabunâ) est attachée aux fondements (bi-uçûli) du Livre et de la sunna ; notre science s’accroit avec l’enseignement par les propos (hadîth) de l’Envoyé d’Allâh – sur lui, la grâce et la paix – ».

 

Et Sayyidî Abû-l-Hasan al-Shâdilî – qu’Allâh soit satisfait de lui – a dit :

« Il n’y a pas de faveur (karâma) plus grande que celle de la Foi et la poursuite de la sunna ».

Et il a dit – qu’Allâh sanctifie son secret – :

« J’ai entendu par inspiration : si tu veux Ma faveur, obéis-Moi et éloigne-toi de ce que J’ai interdit ».

Et il a dit – qu’Allâh embellisse sa personne – :

« Reviens de la contradiction avec ton Seigneur, tu seras dans l’unité (muwahhidâ) ; agis selon les piliers de la Loi, tu seras brillant et élevé, et allie les deux, tu seras un homme véridique ». 

 

Sayyidnâ Mawlâyy al-‘Arabî ad-Darqâwî – qu’Allâh sanctifie son secret – a dit :

« Le taçawwuf est la préservation des lois de la religion (sharâ’i‘ al-dîn), l’excellence des caractères avec les musulmans et la soumission à la Volonté d’Allâh, Seigneur des mondes ».

 


 


« Seuls, sont vraiment croyants, ceux dont les cœurs frémissent à la mention d’Allâh ; ceux dont la foi augmente lorsqu’on leur récite Ses versets ; ils s’abandonnent confiants en leur Seigneur (6),

Ceux qui s’acquittent de la çalâh, ceux qui donnent en aumône une partie des biens que Nous leur avons accordés.

Voilà ceux qui, en toute vérité, sont les croyants ; des degrés élevés leur sont réservés auprès de leur Seigneur, avec un pardon et une généreuse récompense ».


(Al-infâl, 2 - 4.)

 

 

 

Et l’Envoyé d’Allâh – sur lui, la grâce et la paix – a dit :

« Fuyez ce que je vous ai rendu illicite et, de ce que je vous ai ordonné, accomplissez-le (fâqû minhu), selon vos capacités ».


 

Le Très haut a dit :



« Ô vous les croyants, préservez-vous, ainsi que vos familles d’un Feu dont les hommes et les pierres seront les aliments. Des Anges gigantesques et puissants se tiendront autour de ce Feu ; ils ne désobéissent pas à ce qu’Allâh a ordonné et agissent selon ce qui leur est commandé ».


(Al-Tahrîm, 6.)

 

 


De Abû ‘Abdallâh bin ‘Abdallâh al-Ansârî – Qu’Allâh soit satisfait

d’eux – :

« Un homme demanda à l’Envoyé d’Allâh – sur lui, la paix – “J’ai vu [quand] tu as pratiqué la çalâh [les rites prescrits] et jeuné le Ramadân, rendu licite ce qui doit l’être et sacralisé ce qui est sacré [et maintenant], si je n’ajoute rien à cela [dans ma pratique], rentrerais-je au Paradis” ? Il a dit : oui ».

 

 


«  Et tu es d’un caractère élevé ».

(Al-qalam, 4.)

 

 



« Tu as été doux à leur égard par une miséricorde d’Allâh. Si tu avais été rude et dur de cœur, ils se seraient séparés de toi ».

(Âl-‘Imrân, 159.)

 

 


Et l’Envoyé d’Allâh a dit – que la bénédiction et le salut d’Allâh soient sur lui – :

 « Aucun de vous ne croira véritablement jusqu’à ce qu’il aime pour son frère ce qu’il aime pour lui-même ».

Et il a dit – que la bénédiction et le salut d’Allâh soient sur lui – :

« Les croyants ayant la foi la plus complète sont ceux qui ont le meilleur caractère ».

Et il a dit – que la bénédiction et le salut d’Allâh soient sur lui – :

« Le bel Islam d’une personne consiste pour elle à laisser de côté ce qui ne la concerne pas ».

Et il a dit – que la bénédiction et le salut d’Allâh soient sur lui – :

 « Le musulman est celui qui préserve les musulmans contre sa langue et sa main ».

 

 

Et Dhû-n-Nûn al-Miçrî a dit :

« Celui qui désire la modestie (tawâdu‘), qu’il se tourne vers la Majesté d’Allâh, laquelle le ramènera à sa juste place, et, il se purifiera ; et celui qui regarde vers la Puissance d’Allâh voit sa propre puissance s’anéantir parce que toutes les âmes sont pauvres (faqîra) devant la crainte (haybbatihi) de la Majesté d’Allâh ».

 

 

 

Ainsi cette définition du terme « taçawwuf », démontre que celui-ci est tout entier adab envers Allâh et Son Envoyé, envers les croyants vertueux et l’ensemble des créatures ; par conséquent, chaque faqîr recherchant Allâh et Son Envoyé se doit d’être attentif à son appartenance à Allâh et se comporter selon les adâb de l’Envoyé d’Allâh – çallâ Allâh ‘alayhi wa salam – en imitant nos salaf vertueux (bi-salafanâ al-sâlih)- qu’Allâh soit satisfait deux – afin qu’ils comprennent leur source et s’engagent à le suivre :

 

 

I : Ses adâb envers en lui-même

 

Dans toutes ses actions et dans ses moments de repos, le murîd doit être vertueux pour l’amour (li-wajh) d’Allâh ta‘âlâ .

Il se doit d’être dans un état d’indigence à l’égard de ses sens et être prompt à accomplir les actes les meilleurs, dormir le moins possible, éviter d’avoir des désirs sensoriels et d’autres traits de caractère disharmonieux. Il ne doit pas faiblir dans sa quête (initiatique), et (pratiquer) l’adoration d’Allâh et, autant qu’il est possible, prendre des précautions dans son dîn (يخفي  : c’est à dire qu’il doit faire preuve de modestie en évitant toute ostentation de ses actes d’adoration rituelle, cacher ses états), et être aussi respectueux que possible à l’égard de la shari‘ah, tel qu’(être en état de) pureté, accomplir les salawât à l'heure prescrite, le hajj et la zakah ...

 

 

II : Ses adâb avec ses frères les foqarâ’

 

Il lui incombe de les aimer tous, grand et petit, et à leur égard d’avoir de la compassion pour leur culte (dînihim) ; qu’il souhaite (fayuhibu) pour eux (ses frères les fuqarâ’) la proximité et la dignité comme il le souhaite pour lui-même.

Il ne doit pas s’abuser de son état (hâl), ne pas se considérer comme étant privilégié et conserver à l’esprit que le plus important est de pardonner ; iI ne doit pas être insouciant pour ce qui les concerne, ni négligeant lorsqu’il s’agit d’assister aux réunions spirituelles et aux inspirations seigneuriales.

Il doit éviter le mauvais comportement à l’égard du shaykh, ne pas le précéder en quittant la réunion du dhikr (ni sortir) avant qu'il ne soit terminé, qu’il se rapproche de la voie afin d’atteindre les degrés de perfection qui enseignent les adâb propre à la shari‘ah et à la ma‘rifah et ne voir (en cela) pour lui-même aucun avantage, il se doit de faire avancer [ses frères] dans une œuvre satisfaisante et montrer de l’inimitié envers ceux qui leur sont hostiles, ne pas négliger de veiller sur eux dans la difficulté (Majesté) et l’aisance (Beauté), ne rien manifester qui puisse troubler leur cœur et ne pas les oublier dans les du´a vertueuses, d’ honorer tout visiteur venant de leur part et donner priorité à leurs besoins avant les siens propres...

 

 

III / Ses adâb envers le shaykh

 

Il doit être persuadé que la qualité de son shaykh est parfaite et que sa fonction d’éducation (tarbiyah) (7) prime sur celle de tout autre (shaykh) de sorte qu’il ne se tourne vers personne d’autre quel qu’il soit, car dés lors que le serviteur-murîd  aspire vers un autre shaykh, la compagnie (de son shaykh) sera diminuée et ses paroles par là-même perdront leur effectivité et il ne sera plus disposé à la transmission de son enseignement décisif. Par contre, si le shaykh (demeure) son seul maître, sa vertu influente sera pour lui excellente, l’harmonie s’installera entre le disciple et le shaykh  et la transmission (spirituelle) s’établira sur la force de l’amour pour le shaykh.

Et parmi les adâb avec le shaykh : s’il est en sa présence, il ne doit pas élever la voix au-dessus de la sienne, il doit éviter de l’appeler par son nom et il ne doit venir en sa présence qu’en état de pureté (en ayant ses ablutions) et ne rien faire qui puisse attrister son cœur ; il doit mettre de côté ses jugements et s’il fait une demande au shaykh, celui-ci n’est pas tenu de lui donner une réponse. Il doit s’attacher à suivre ses instructions et ses ordres et les préférer à toute autre directive. Il ne doit pas se laisser tromper par le simple fait de l’aimer ; il doit être attentif à ce qu'il lui ordonne de faire et lui interdit, et voir tout bien qui lui arrive de la part d’Allâh comme l’influence spirituelle  (barakah) de son shaykh.

En somme, le minimum que le murîd doit observer comme adâb à l’égard de son shaykh est plus important que ses obligations à l’égard des puissants de ce bas-monde.

Et qu’Allâh récompense Ibn Bint Al-Maylaq (8) dans sa poésie (hâ‘iyyah : poème dont les vers se terminent par la lettre ) commençant par « Celui qui a gouté la boisson des élus (al-qawn) le connait » par sa parole :

 

Si tu veux avoir la chance de sa compagnie, suis la voie dont les démarches sont pures.

 

Sois sincère dans ton affection ; véridique dans ton amour pour lui,

tiens-toi selon ton rang à la poussière de son seuil et demeure dans son assemblée.

 

Consacre ta vie entière aux adāb de sa compagnie,

et recueille de sa bouche les perles et les rubis.

 

Déploie toutes tes forces et empresse-toi dans ses commandements

vers la concorde, et efforce-toi d’obtenir sa satisfaction.

 

Prends garde, de toutes tes forces, de commettre, même par erreur,

ce qu’il n’aime pas, et éloigne-toi de ses interdits.

 

Aime ceux qui l’aiment et sois leur soutien,

et attache-toi a l’inimitié de celui qui lui est devenu ennemi.

 

Sache avec certitude qu’Allâh est son soutien ;

si tu ne le soutiens pas, Allâh lui suffit.

 

 

Place le cheikh au plus haut de ses degrés,

et fais de lui une destination de vénération et de sanctification.

 

Tu n’agiras pas ainsi si tu soupçonnes

qu’il soit affecté par un défaut ou une faille.

 

Abandonne ta volonté et pour toujours soumets-toi a lui,

et sois comme un cadavre délaissé entre ses mains.

 

Anéantis ton être, n’en vois aucune trace,

laisse-le l’anéantir une période, puis le rebâtir.

 

Quand tu te vois comme une chose, tu es voilé

par la vision de la chose, vis-à-vis de ce que tu vises.

 

Ne te crois jamais dispensé de lui, car

dès que tu te crois dispensé de lui, son oubli est a craindre.

 

Si ta conviction a son sujet n’atteint pas sa finalité,

il se peut que les premiers signes venant de lui te restent cachés.

 

Le but ultime, c’est que tu le voies

sur la voie de la perfection et qu’Allâh le guide.

 

Un signe en est que tu interprètes ce qui

te paraît obscur pour en dévoiler le caché.

 

Si l’homme croit en quelque chose et que ce n’est pas ce qu’il pense,

il ne sera pas déçu, car Allâh le gratifie.

 

Un pôle ne sert a rien a celui qui a un défaut

dans sa croyance, ni a celui qui n’est pas son allié,

 

Sauf si une faveur préalable a été décrétée pour le serviteur,

et qu’il revienne ensuite a être parmi ses alliés.

 

Un regard de lui, s’il est sincère et plein d’affection,

par la permission de Dieu, lui suffira.

 

 

IV / Ses adâb envers l’Envoyé d’Allâh çallâ Allâh ‘alayhi wa salam 

 

Il lui incombe de le vénérer, de le glorifier, de le voir libre de tout défaut et l’estimer (اعتقاد) comme étant le plus noble des hommes, le Seigneur des fils d’Adam, le meilleur des êtres, établi dans la plus haute des Demeures auprès d’Allâh et le plus proche de Lui.

 Il doit suivre sa sunna dans ses paroles et ses actes, se comporter en respectant ses sublimes adâb et agir selon sa sirat prophétique, l’aimer plus que soi-même, que ses biens propres, que sa famille et le monde d’ici-bas dans son ensemble, aimer ses compagnons et sa famille (ahl al-baît), les glorifier et les vénérer, les satisfaire par ce dont ils ont besoin, les préférer à sa propre famille et ses enfants et être prompt à conseiller toute Sa communauté – çallâ Allâh ‘alayhi wa salam

 

V / Ses adâb avec Allâh taâlâ

 

Il lui incombe d’être vigilent (murâqaba) à l’égard d’Allâh qu’il se doit de contempler dans tous ses déplacements et ses moments de repos, sachant que rien ne peut Lui être caché sur la terre ni au ciel et doit, de L’adorer suivant Ses commandements,  évitant  Ses interdits, se contentant de ce qu’Il décrète pour toutes ses affaires, se contenter de ce qu’Il lui donne, faisant preuve de compassion envers toutes Ses créatures en leur étant utile, ne pas contestant pas ce qu’Il a décrété et destiné à son encontre et que son adoration soit purement pour Son agrément, en conformité à Son commandement et par amour en Son essence.

 

L’adâb visible aux yeux de tous

est le reflet intérieur de l’âme

 

Il est pour le pauvre un soutien

et pour le riche, une parure et un prestige (10).

 

 Sîdî Muhî-l-dîn ibn al-´Arabî a dit, dans la cinquième qaçidah sur Abû Madyan al-Ghawth - Allâh sanctifie son secret - :

 

Ô toi qui cherches les plaisirs de la proximité comme un but,

Si tu veux que tout le bien en toi soit visible,

Le conseiller (11) est digne de confiance, alors écoute le récit :

Il n’y a de plaisir dans la vie que dans la compagnie des fuqarâ’,

Ce sont eux les sultans, les maîtres et les émirs.

 

 

Des gens qui se sont contentés de peu dans leurs vêtements

Et dans leur nourriture, le monde (al-dunyâ) ne traverse même pas leur esprit, leurs poitrines sont vides des obsessions qui l’agite.

Accompagne-les et sois poli dans leurs assemblées,

Et abandonne ton intérêt derrière toi, même s’ils t’ont mis en avant.

 

 

Chemine sur leur voie si tu veux les suivre,

Abandonne tes prétentions et prends garde de les contredire

Dans ce qu’ils veulent, et vise leurs profits.

Profite du temps et sois toujours présent avec eux,

Et sache que la satisfaction est réservée a ceux qui y assistent.

 

 

Sois satisfait d’eux, car c’est par eux que tu atteindras [le but],

S’ils te confirment, établis-toi, et s’ils t’anéantissent, annihile-toi,

S’ils t’affament, aie faim, et s’ils te nourrissent, mange,

Garde le silence sauf si l’on t’interroge, tu dis alors :

« Je n’ai pas de connaissance », et voile-toi par l’ignorance.

 

 

Ne sois pas critique envers les défauts des gens,

Même s’ils apparaissent manifestement dans l’existence,

Regarde avec un œil de perfection, ne reproche rien à personne,

Et ne vois le défaut qu’en toi-même, certain que

Le défaut est évident, mais qu’il est resté caché.

 

 

Tu obtiendras ainsi ce que tu espères de adab,

Rabaisse (ذَلَّل dhallal **) ton âme devant eux sans aucune hésitation,

Mais tout cela est une remise en place (dhal) introduisant  un adab,

Baisse ta tête et demande pardon sans raison,

Et tiens-toi debout sur le pied de l’équité en t’excusant.

 

Si tu veux sentir de leur part un éclat de la voie,

Évite tout ce qu’ils détestent dans tes actes,

Persévère dans les bonnes actions de ton âme,

Et si un défaut apparaît en toi, reconnais-le et présente

Tes excuses pour ce qui provient de toi.

 

 

Flatte-les (tamalaq) et dis : « Soignez-moi par votre réconciliation,

Avec le baume du pardon, guérissez ma blessure,

Je suis le fautif, accordez-moi votre pur conseil, »

Et dis : « Votre serviteur, celui qui mérite le plus votre pardon.

Pardonnez donc, et soyez doux, yâ Fuqarâʾ. »

 

 

Ne les crains pas, si tu as fauté ; leur aspiration

Est plus élevée et plus noble pour que leur compagnie te nuise,

Ils ne sont pas des tyrans dont la force te ferait du mal.

Ils sont plus dignes de bienveillance, telle est leur nature,

N’aie donc ni de crainte de leur part, ni de mal.

 

 

Si tu veux cheminer par leur aide sur une voie de guidance,

Sois assidu dans ce qu’ils te demandent,

Dans la lumière de ton jour, et prends garde de dire « demain ».

Et persévère a chanter les louanges des frères,

Extérieures et intérieures, et détourne le regard s’ils trébuchent,

 

 

Dis-leur la vérité, n’emploie pas la bassesse,

Car ils sont gens de véracité, des maîtres et des chefs,

Et pardonne à tout homme parmi eux qui t’a offensé.

Observe le shaykh dans ses états spirituels, il se peut

Qu’on voit sur toi l’effet de sa bienveillance.

 

 

Demande-lui sa supplication, tu profiteras de sa supplication,

Tu atteindras ce que tu espères par sa bénédiction,

Ais une bonne opinion de lui et reconnais le droit de sa sacralité,

Sois sérieux et lève-toi à son service,

Peut-etre sera-t-il satisfait, et prends garde qu’on te voit irrité.

 

 

Garde son testament, augmente ta sollicitude envers lui,

Réponds-lui s’il appelle, aussitôt,

Baisse ta voix dans la conversation confidentielle pour lui obéir,

Car sa satisfaction est la satisfaction du Créateur et Son obéissance,

Il sera satisfait de toi, alors prends garde de délaisser cela.

 

 

Sois avec celui dont l’âme est conciliante

En ce temps, car l’âme est désespérée

D’eux, et leur sort parmi les gens est bas,

Et sache que la voie de la communauté des élus est en voie

d’extinction

Et l’état de ceux qui la revendiquent aujourd’hui est comme tu vois.

 

 

Il est de mon droit, du fait qu’ils me sont familiers,

De persister dans la tristesse a cause de leur séparation,

De mon éloignement d’eux après leur compagnie,

Quand les verrai-je ? Et comment pourrai-je les voir ?

Ou par mon oreille entendre un récit a leur sujet.

 

 

Mon éloignement m’empêche de leur convenir,

Je viens de parmi eux, alors blâme-moi ; Moi, je ne les blâme pas,

Seigneur, accorde-moi une droiture pour que je les fréquente,

Mais qui pour me soutenir ? Et comment quelqu’un comme moi pourrait-il les concurrencer

Sur des sources ou je n’ai pas l’habitude de trouver de trouble ?

 

 

Leurs mérites sont trop grands pour être décrits,

Leurs apparences témoignent de leurs intérieurs,

Leurs gloires dans ce bas-monde sont dans l’obéissance a Dieu,

Je les aime, je les ménage, je les privilégie en

Me sacrifiant, surtout pour certains d’entre eux.

 

 

Une communauté [d’élus] placée a la tète des créatures par les obéissances,

Celui qui s’assied avec eux acquiert les ādāb,

Et celui qui s’en éloigne, son lot est la malchance,

Une communauté [d’élus] noble de caractère, ou qu’ils s’assoient,

Le lieu garde le parfum de leurs traces.

 

 

Attache-toi a eux, ne t’en éloigne point, et aime-les encore davantage.

Et si tu t’éloignes d’eux, pleure de regret,

Une troupe par qui le chevalier est couvert de noblesse.

Le taçawwuf offre un aperçu de leurs vertus,

J’ai été charmé par la vue de leur belle harmonie.

 

 

Par eux, j’ai traîné la traîne de ma fierté dans la voie de l’amour,

Lorsqu’ils m’ont agréé comme leur simple serviteur dans la voie de l’amour.

Leur droit est que dans leur amour je ne les oublierai pas,

Ils sont mes proches et mes bien-aimés,

Fiers, parmi ceux qui traînent les traînes de la gloire.

 

 

Dans la poésie, j’ai déchiré mon cœur en morceaux dans la voie de l’amour,

Et par leur intercession, j’ai imploré le Seigneur, en convoitant,

QuAllâh me pardonne, a moi et a tous les musulmans,

Que mon lien avec eux demeure toujours, pour l’amour d’Allâh,

Et que nos fautes en Lui soit pardonnées et expiées.

 

Ô vous tous que notre assemblée a réunis,

Par votre intercession, je demande à Allâh qu’Il nous efface les péchés,

Et je prie pour celui qui a mis en quintils la belle norme [du poème],

Puis l’adoration sur l’Élu, notre Seigneur

Muḥammad, le meilleur de ceux qui ont respecté leur engagement.

 

 

 

Nous demandons a Allâh le Très-Haut, Seigneur du Trône immense, de nous accorder à nous et à tous les fuqarâʾ ce qu’Il aime et agrée (en matière) de adāb, de faire que toutes nos œuvres soient pures (khâlaçah) pour Sa noble et généreuse Face. Que l’adoration d’Allâh soit sur notre maitre Muḥammad, sur sa famille, ses compagnons et tous ceux qui l’aiment.

 


*  *  *



 

NOTES DES TRADUCTEURS

 

             * Ce texte anonyme (attribué au shaykh Sîdî Muhammad ‘Abd al-Latîf Belqâ’îd, disparu en 2025), fut édité par la zâwiyah de la tariqah shadiliyyah darqawiyyah hibriyyah belqâ’idiyyah siégeant à Oran. La première partie a été mise en ligne sous le titre « l’Adab selon lenseignement des maitres çûfî » sur ce blog le 16 mai 2014. La suite du traité comprenant l’application des adâb et la conclusion accompagné d’un poème du shaykh al-akbar particulièrement difficile à rendre en français a enfin été traduite par une personne qui tient à garder l’anonymat et que nous remercions vivement.


               (1) Adâb : plur. de adab.

               (2) Les Connaissants par Allâh (ʿârif-billâh), ceux ayant atteint le degré de Connaissance par intuition directe (d’origine divine, -ʿilm-ladunnî).

               (3) Au sens de détenir.

          (4) Comme, par exemple, les méditations, retraites, ascèses et autres pratiques venant d’une décision individuelle.

               (5) C’est-à-dire, par ses paroles, ses actes, et ses états.

               (6) le Qorân.

              (7) Pouvoirs psychiques permettant de percevoir directement certaines réalités cachées derrière les apparences des êtres et des phénomènes.

               (8) Ils abandonnent leur individualité (yatawakkaluna) pour leur Seigneur.

               (9) Murabbî : le shaykh éducateur.

               (10) Savant égyptien shâfî‘ite (1331-1395) et çûfî shâdhilî.

   (11) poème d’Ibn al-banna, çûfî shadhilite de Saragosse.

             (12) Vers issus d’un poème intitule al-mabâḥith al-aṣliyya fî alsulûk (les études fondamentales sur le cheminement spirituel) d’Ibn al-Bannâ, un çûfî shâdhilî andalou de Saragosse. Ce poème a été commenté par plusieurs savants, notamment Ibn ʿAjîba et Aḥmad Zarrûq.

             (13) Le quintil est un poème avec des strophes de cinq vers. Il n’impose pas de formes fixes en termes de mètre ou de rimes. Ici, Ibn al-ʿArabî rajoute trois vers introductifs de sa propre composition aux deux derniers vers composés par Sîdî Abû Madyan (les vers sans retrait dans le texte).

              (14) Sîdî Abû Madyan.


**ذَلُ (dhal) signifie être bas, vil, de condition obscure, chétif, méprisé et ذَلَّل (dhallal) : abaisser, avilir, rendre méprisable, d’où le terme « humilier » choisi par la plupart des traducteurs. Nous savons que l’épreuve, au sens initiatique, n’a pas exactement le même sens que les mots épreuve et éprouver employés couramment, bien qu’à l’origine, le terme prouver a la signification d’« établir la vérité » (lat. probare, mettre à l'épreuve, d’où approuver, prouver). Lorsque que l’on rapporte dans le taçawwuf qu’un shaykh « humilie » ou force son disciple à s’humilier sur un trait de son caractère ou sur la trop grande importance qu’il accorde à son individualité, on peut considérer qu’il l’éprouve, ou mieux qu’il le purifie, car c’est de cela qu’il s’agit, à la différence de l’exigence mystique dans laquelle il peut être question de rabaisser l’individu afin qu’il devienne humble, c’est-à-dire de faire en sorte qu’il modifie la nature de son individualité. La fonction du maître spirituel, du murabbî, est tout autre ; elle consiste à faire apparaitre l’ « identité individuelle » comme nulle : « Il ne s’agit pas de contester que l’humilité puisse être considérée comme une vertu au point de vue exotérique et plus spécialement religieux (lequel comprend, bien entendu, celui des mystiques) ; mais, au point de vue initiatique, ni l’humilité ni l’orgueil qui en est corrélatif ne peuvent plus avoir de sens pour celui qui a dépassé le domaine des oppositions (…) ». (René Guénon, Annexes aux livres, Aperçus sur linitiation, note 13 du ch. XXXI « la jonction des extrêmes » ; Ed. Kalki.)









 

 

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