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vendredi 31 janvier 2014

L’ARCHÉOMÈTRE DE SAINT-YVES D’ALVEYDRE (I)




















« La partie centrale de la figure représente quatre triangles équilatéraux entrelacés inscrits dans un cercle, et formant douze sommets ou pointes, à chacun desquels correspond une couleur déterminée. Au premier triangle droit, dont le sommet est dirigé vers le haut, correspondent les trois couleurs fondamentales disposées ainsi : le jaune au sommet, le bleu à droite de la base, et le rouge à gauche. Au second triangle renversé, disposé symétriquement et de façon inverse par rapport au premier, correspondent les trois couleurs intermédiaires formées par le mélange des couleurs fondamentales deux par deux, et distribuées ainsi : le violet, résultant du rouge et du bleu, au sommet ; l’orangé, résultant du rouge et du jaune, à gauche ; enfin le vert, résultant du jaune et du bleu, à droite. Aux deux autres triangles, disposés également de façon symétrique par rapport aux deux premiers, et dont les sommets occupent les points médians, correspondent d’autres couleurs intermédiaires, toujours produites par le mélange, deux par deux, des couleurs immédiatement voisines. Au centre est le blanc, synthèse de toutes les couleurs : c’est la région de l’Unité principielle. Au dehors des divers cercles qui constituent l’Archéomètre, est supposé le noir, qui est l’absence de toute lumière, et par suite de toute couleur : c’est la région des Ténèbres Extérieures » *.



(T.)



*Extrait du premier long commentaire de l’Archéomètre figurant à la page 182 du numéro de l’année 1910 de la revue La Gnose, (rééditée intégralement en volume par les Editions de l’Homme Libre, 2009).









Il y a exactement 104 ans, l’Archéomètre de Saint-Yves d’Alveydre faisait l’objet d’une présentation dans le n° 9 de La Gnose (Juillet-Août 1910) par un auteur traditionnel signant T. qui le considère comme : « le monument le plus admirable, dans le domaine de l’Esotérisme, qui ait jamais été élevé à la gloire du Verbe Universel », et, comme une synthèse capable de ramener « toutes les manifestations verbales » à leur Principe en mesurant « la place qu’elles occupent dans l’harmonie Universelle ».

Selon Saint Yves d’Alveydre, immédiatement cité à la suite de cette brève  introduction, il s’agit d’« un rapporteur qui est cyclique, code cosmogonique des hautes études religieuses, scientifiques et artistiques ».



L’identité du mystérieux auteur signant de la lettre T. ainsi que celle du Directeur de La Gnose du nom de Palingénius ne fait aucun doute pour les familiers de l’œuvre de Guénon. Cependant, ces deux signatures  doivent faire l’objet d’une distinction en raison même de la fonction particulière de Palingénius et de celle clairement établi plus tard, par Guénon lui-même. Dans sa correspondance, il précisera qu’à l’époque, il recherchait encore les termes précis pour la composition d’un exposé traditionnel rigoureux; d’autre part, à la suite d’une assertion de Schuon concernant une prétendu fonction, il écrira du Caire à Caudron : « (…) je me demande quelles “fonctions” pourraient bien m’être retirées par qui que ce soit, puisque je n’en ai jamais accepté nulle part », ce qui, manifestement, doit s’entendre : sous le nom de René Guénon*.



* Ce terme de fonction doit être compris ici dans son acception première de charge et non dans le sens plus général qu’il prendra par la suite, notamment avec M. Vâlsan dans son Hommage «  La fonction de René Guénon et le sort de l’Occident ». (Études traditionnelles, 1951).


On est  immédiatement frappé à la lecture de cette présentation par l’autorité qui s’en dégage et par la présence des thèmes essentiels de l’enseignement intellectuel considérable que nous connaissons aujourd’hui.
« Disons ici, une fois pour toutes, que rien dans l’Archéomètre n’est arbitraire : les éléments divers s’y trouvent placés d’une façon rigoureusement mathématique, et cet instrument plus qu’humain n’a pas été créé pour servir à faire prédominer un système sur un autre, ni à inventer un système nouveau ; la synthèse qu’il comporte ne peut être exprimée dans un système quelconque, qui serait nécessairement une formule fermée. C’est une clef synthétique permettant de déterminer la valeur intrinsèque de chaque système philosophique, scientifique ou religieux, et de la rattacher à l’Arbre universel de la Science ou de la Tradition ».

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Les significations astrologiques de l’Archéomètre

Au centre de la figure sont dessinés, sur fond blanc, « synthèse de toutes les couleurs symbolisant l’Unité principielle », les deux axes de l’“Ampleur” et de l’“Exaltation” séparant le Ciel, figuré par l’arc de cercle que mesure la droite verticale, et la Terre, représentée par les quatre traits parallèles disposés perpendiculairement le long de cette même droite mais descendant sous l’axe horizontal. La partie supérieure incluse dans le cercle au dessus de la ligne indiquant astronomiquement l’horizon comprend le Feu et l’Air et la partie inférieure, sous la ligne d’horizon, comprend la Terre et l’Eau.
 Les quatre branches de la Croix, principe fondamental de tous les éléments constituant la science astrologique, orientent spatialement les qualités élémentaires. L’Ether est figuré par le centre à partir duquel se déploient les six directions de l’espace comprenant la Croix des éléments qui va se manifester dans une cadence en trois mouvements pour produire les déterminations universelles de chacun des douze Signes.
Le commentaire de T. se poursuit avec l’énumération et l’explication des qualités élémentaires attribuées aux quatre triangles dont il vient d’être question, recevant successivement les trois couleurs fondamentales, les trois couleurs intermédiaires, les trois couleurs intermédiaires deux à deux etc. :

« Les quatre triangles (…) sont ceux des quatre éléments : le premier dont le sommet est en haut, est le triangle de Terre ; le second dont le sommet est en bas, le triangle d’Eau ; le troisième, dont le sommet est à gauche ; le triangle de Feu ; et enfin le quatrième, dont le sommet est à droite, le triangle d’Air.
Les douze signes du Zodiaque correspondent trois par trois aux quatre éléments pris dans l’ordre suivant : Feu, Terre, Air, Eau. Ces douze signes sont les domiciles des sept planètes ; chaque planète a un domicile diurne et un domicile nocturne, sauf le Soleil et la Lune qui n’ont qu’un seul domicile chacun. Le Soleil étant considéré comme essentiellement diurne, et la Lune comme essentiellement nocturne, les planètes diurnes et nocturnes alternent régulièrement sur le parcours de la circonférence. On voit que les triangles de Feu et d’Air contiennent toutes les planètes diurnes et que les triangles de Terre et d’Eau contiennent toutes les planètes nocturnes ; il importe de remarquer que ces derniers sont justement les deux triangles principaux. »



Les quatre triplicités de Terre, d’Eau, de Feu, et d’Air qui correspondent aux quatre triangles équilatéraux décrits par T. résultent d’une mesure de 120° sur le cercle écliptique séparant trois signes zodiacaux de même nature. Elles sont illustrées dans le commentaire de La Gnose par le tableau ci-dessous (mise en couleur selon  l'Archéomètre).




Correspondance des Signes et des planètes avec les couleurs de l’Archéomètre


« Saturne nocturne, dans le Capricorne, correspond au Jaune ; Saturne diurne, dans le Verseau, au Jaune-Orangé ; Jupiter diurne, dans le Sagittaire, au Jaune-Vert ; Jupiter nocturne, dans les Poissons, à l’Orangé ; Mars nocturne, dans le scorpion, au Vert ; Mars diurne, dans le Bélier correspond au Rouge-Orangé ; Vénus diurne, dans la Balance, au Bleu-Vert ; Vénus nocturne, dans le Taureau, au Rouge ; Mercure nocturne, dans les Gémeaux, au Rouge-Violet ; Mercure diurne, dans la Vierge, au Bleu ; Soleil diurne, dans le Lion, au Bleu-Violet ; Lune nocturne, dans le Cancer, au Violet.

A chaque planète, sauf au Soleil et à la Lune, correspondent deux couleurs : ce sont les couleurs des oxydes des métaux qui correspondent aux mêmes planètes, chaque métal ayant généralement au moins deux oxydes ; d’ailleurs, ce sont aussi les couleurs de la plupart des sels des mêmes métaux. Les correspondances des métaux avec les planètes sont les suivantes :

Soleil…..…Or.
Lune……...Argent.
Saturne…..Plomb
Jupiter……Etain.
Mars……...Fer.
Vénus….....Cuivre.
Mercure…..Vif-argent ».


La correspondance des couleurs avec les planètes et les Signes dans les différentes sources traditionnelles de la science astrologique, ne doit pas être confondue avec celles donnée par l’Archéomètre.
« Ainsi,  on fait généralement correspondre le noir ou le gris à Saturne, le bleu ou le violet à Jupiter, le rouge à Mars, le jaune ou l’orangé au Soleil, le vert à Vénus, le blanc à la Lune ; quant à Mercure, on ne peut lui attribuer aucune couleur particulière. Cette divergence provient de ce que les couleurs données par l’Archéomètre sont les couleurs des sels tandis que celles qu’on indique habituellement se rapportent plutôt à l’aspect des métaux eux-mêmes  ».

Les correspondances symboliques données par l’Archéomètre, selon les triplicités sont exprimées à partir
 « de plusieurs zones concentriques d’équivalents montrant les rapports respectifs des couleurs, des planètes, des signes zodiacaux, des notes musicales, des caractères alphabétiques [Watan et hébraïque], et enfin des nombres ».

Les commentaires de l’Archéomètre commencent avec le n° 9 de l’année 1910 et se poursuit jusqu’à la fin de la parution de La Gnose. Certains considèrent qu’Albéric Thomas (Marnès) serait l’auteur de ces textes auxquels Palingénius se serait contenté d’intégrer ses notes sur la tradition hindoue. Cela n’est certainement pas exact, même s’il est vraisemblable que Thomas, qui se revendiquait ouvertement « disciple » de Saint-Yves d’Alveydre, ait pu apporter sa collaboration. Quoi qu’il en soit, il est difficile de conjecturer sur les apports de l’un ou de l’autre, si ce n’est de constater que la rigueur du style guénonien est bien présente dans tous les développements signés T. D’ailleurs, au sujet de la Tradition primordiale mise en relation directe avec l’Hindouisme qui devrait, par conséquent, constituer la part de Palingénius, on constate la présence de plusieurs termes qui n’apparaîtront plus ensuite sous la plume de Guénon, termes que l’on serait tenté d’attribuer naturellement à quelqu’un d’autre, en l’occurrence, Thomas-Marnès *.
Enfin, une grande place est accordée à la tradition Juive, en raison notamment de l’intégration des 22 lettres solaire de son alphabet au faisceau complexe des éléments significatifs de l’Archéomètre. L’importance de cette tradition diminuera par la suite au profit de l’ésotérisme islamique, totalement absent des commentaires.

*Dans une note de son article, « Le Triangle de  L’Androgyne et le monosyllabe “ Om ” », Vâlsan écrit à propos de l’Archéomètre : « Cette étude était signée T., pseudonyme de Marnès, rédacteur en chef de « La Gnose », mais naturellement elle avait bénéficié de l’assistance du directeur Palingénius (René Guénon) dont on reconnait le style aussi bien que les notions dans la plupart des notes. »


 C’est en 1909, peu de temps avant la publication des commentaires de l’Archéomètre dans La Gnose que Guénon rencontre à Paris ‘Abdul-Hâdi (John Gustaf Aguéli ) qui le rattache à la tariqah Shâdhiliyyah*. les articles sur le taçawwuf signés Abdul-Hâdi seront publiés dans la revue à partir de 1911; fait marquant, car ces derniers représentent la signature d’une orientation, insoupçonnable dans l’œuvre de Guénon, mais déterminante dans son activité intellectuelle, qui va dés lors s’exercer durant quarante ans.
De même que l’ésotérisme de la tradition islamique (dînul-haqq) intègre l’essence de toutes les traditions du Livre (et pas seulement d’ailleurs) ; de même, l’enseignement délivré par l’œuvre publique guénonienne intègrera métaphysiquement toutes les connaissances intellectuelles d’Orient et d’Occident. Dans ce sens, on peut considérer que l’Archéomètre, comme l’indique son étymologie, intègre déjà à lui seul, les mesures géométriques  permettant le développement illimité des significations symboliques des toutes les traditions**.

Pourtant, cette figure complexe n’a pas été retenue par Guénon puisqu’aucune mention, ni aucune référence directe à l’Archéomètre en tant que fonctionnalité, ne figure dans ses ouvrages. Il peut y avoir à cela plusieurs raisons, mais nous pouvons retenir le fait que l’utilisation de cet instrument exige des connaissances assez approfondies dans plusieurs domaines distincts qui ne sont pas indispensables à priori pour comprendre clairement l’essence des traditions et les applications de la métaphysique. En effet, le maître des études traditionnelles prouvera à tous ses lecteurs que l’on peut commencer à lire son œuvre et entrer progressivement dans le monde de la science sacrée avec peu de connaissance et un vocabulaire simple ; un état d’esprit libre de toutes les complications philosophiques et autres disciplines propres au savoir universitaire étant même préférable.

*Voir Michel Vâlsan : L’Islam et la Fonction de René Guénon ; Les Editions de l’Œuvre, Paris 1984. La date du rattachement de Guénon donnée par Vâlsan est 1912, mais cette différence est sans importance. 
**Pour l’ésotérisme islamique, il faudrait envisager une extension des significateurs de l’Archéomètre aux coordonnées de l’astrologie lunaires ; Cf «  L’Islam et le Signe zodiacal de la Balance » (message posté ci-dessous le 23 juin 2013).


(A suivre).















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