LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

jeudi 21 mars 2013

Introduction à l'étude du VEDANTASARA ( Clokas 1-10 )












INTRODUCTION A L’ÉTUDE
 DU
 VÊDÂNTASÂRA





         Le Vêdântasâra est un traité post-shankarien qui fut rédigé au XVème siècle par Sadânanda Yogîndra Sarasvati. Par sa remarquable synthèse de tous les aspects essentiels du Vêdânta, il offre au disciple (sadhaka) une excellente préparation théorique à la pratique de la sâdhana, c'est-à-dire, la pratique rigoureuse de la méditation (1). Dés les premiers çloka, Sadânanda pose les conditions et les différentes qualifications exigées par la tradition hindou que possède normalement le futur disciple qualifié pour l’initiation à la voie non-duelle, à savoir : une parfaite connaissance des Védas, du Samkya et du Nyâya-Padârtha.
          Ces conditions, conformes à l’esprit traditionnel de l’Inde, sont complètement étrangères à celles imposées par l’ordre social du monde occidental, tant sur la forme que sur le fond ; en conséquence, nous conseillons au lecteur, dans la mesure ou il se satisfait pleinement des bienfaits octroyés par son éducation, de renoncer à la lecture et à l’étude qui va suivre, mentionnée dans les prochains messages sous le titre Vêdântasâra, çloka 1-10, etc.



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Suite aux recommandations du pandit qui transmit oralement l’enseignement de ce traité et de ses commentaires, nous présentons ci-dessous un résumé, extrait du Nyâya, concernant les “moyens de connaissance” mis en pratique dans la discrimination védantique.
Nous avons pensé nécessaire d’introduire ces extraits par quelques données du cours de psychologie rédigé par Guénon et paru sous le titre Psychologie (qui est une partie détachée du Cours de Philosophie). Cet apport représente une aide appréciable pour la compréhension des termes de la logique hindoue (2) et vient naturellement en complément des deux ouvrages ; Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues et l’Homme et son Devenir selon le Vêdânta. 


Définition de la conscience 


Conformément à toutes les traditions orthodoxes, tant orientales qu’occidentales, Guénon envisage la conscience de façon bien plus vaste que la psychologie officielle. Il en exclue par contre l’inconscient qui ne peut être considéré comme relevant de la psychologie : « La conscience est la forme commune de tous les faits psychologiques aussi bien des faits émotifs et volitifs que des faits intellectuels (3) ». Pour ce qui est du subconscient, que l’on peut rapprocher du prârabda-karma des hindous, Guénon fait la remarque suivante : « Le subconscient est encore du conscient, bien qu’il soit en dehors du domaine de la conscience claire et distincte : il est comme une sorte de prolongement ou d’extension de la conscience, et la démonstration de [son] existence fera évanouir tout argument en faveur du prétendu inconscient psychologique ».
La condition essentielle du phénomène psychologique étant d’être perçu, la thèse selon laquelle « il y aurait des phénomènes psychologiques inconscients » est invalidée par « contradiction dans les termes même ».

Définition de la volonté
Contrairement à ce que l’on pense ordinairement, les actes humains ne sont pas nécessairement motivés par la volonté. Les désirs les plus grossiers et les sentiments de toutes sortes peuvent être à l’origine d’une action quelconque et s’y exprimer de façon plus ou moins exclusive. Ce qui partage le désir d’agir de l’acte motivé par la détermination tient à la responsabilité active, toujours présente dans la volonté. L’une est passive et réagit à la réception d’une émotion ou d’une sensation, l’autre est foncièrement active et délibéré.
En affirmant que « l’on peut désirer l’impossible mais que l’on ne veut que le possible, que l’on peut avoir en même temps plusieurs désirs différents et même contradictoires tandis que l’on n’a jamais qu’une seule volonté », l’auteur du Symbolisme de la Croix pense à la « prédominance intellectuelle » du fait volontaire qui s’exprime par un jugement ainsi formulé : « Telle chose sera ! ».
On peut dire également que le fait volontaire, lorsqu’il est fortement déterminé, ordonne autant qu’il est possible, une adhésion complète de l’être et celle-ci sera d’autant plus forte qu’elle intègrera le sentiment et le désir. C’est la cohésion interne de cette volonté ainsi constituée qui permet, au terme de la voie initiatique, d’accéder spirituellement à « l’abandon de la volonté propre », selon l’expression du Soufi Ibn’Atâ’Allâh. En effet, la volonté pure ne peut qu’être identique à la réalité même du « Principe de la manifestation ». C’est d’ailleurs cette intention initiale résidant au cœur de la volonté, dont Guénon a souligné l’importance dans la perspective de l’initiation, qui doit jouer ensuite le rôle de véhicule pour l’initié.


Croyance et certitude
La certitude marque le point d’arrêt des degrés de la croyance : c’est un seuil, une limite, à partir de laquelle le relatif s’évanouit pour faire place à un état de conscience stable et permanent. R. Guénon écrit : « on est certain d’une chose ou on ne l’est pas, on ne peut pas être plus ou moins certain ». Dans la certitude, il ne peut plus être question de croire au sens propre de ce mot puisque ce qui définit proprement la croyance est la part du doute qui lui est consubstantielle et qui en fait « un état provisoire dans lequel l’adhésion de l’esprit n’est jamais complète ». Pour se réaliser, cette adhésion doit faire appel aux critères de la vérité qui sont les « évidences » régulières validant en l’occurrence l’orthodoxie de l’exotérisme, c'est à dire la théologie et la foi religieuse, mais on sort alors du domaine de la psychologie car cette question concerne davantage le point de vue logique comme nous allons le voir avec le développement  de certains commentaires s'appuyant sur les données du Nyâya.


La mémoire

Nous distinguerons deux sortes de mémoire : la mémoire fonctionnelle que Guénon, dans son Cours de Philosophie, a divisé en quatre parties et la mémoire proprement psychologique. Pour achever cette introduction, nous retiendrons l’observation de l’auteur de L’Homme et son Devenir selon le Vêdântâ concluant le chapitre sur la mémoire qui concerne à la fois l’une et l’autre de ces deux catégories : « Le phénomène de la reconnaissance, qui consiste à affirmer qu’un état de conscience présent est comme une image d’un autre état de conscience qu’on a eu dans le passé, car une telle affirmation est nécessaire pour que l’état présent soit reconnu comme souvenir, c’est à dire comme autre que présent, ce phénomène, disons-nous, est en réalité un jugement analogue par rapport à la simple réminiscence à ce qu’est la perception par rapport à la sensation.
Il ne peut y avoir, à proprement parler, de connaissance directe du passé, il y a seulement connaissance du présent accompagnée de l’idée du passé, qu’on peut appeler l’idée d’un présent autre que le présent actuel, car c’est comme présent qu’il a été connu.
Cette idée du passé répond psychologiquement à une difficulté qui est celle-ci : une image se présente à nous avec une force et une vivacité plus grande que celle que nous considérons comme étant simplement l’œuvre de notre imagination et de plus, elle est accompagnée de l’idée de cette même image encore plus forte ; mais la force d’une image est précisément le caractère auquel nous reconnaissons en général qu’elle doit correspondre à une réalité extérieure. Nous sommes donc amenés, pour expliquer ce fait, à déclarer que l’image dont il s’agit a correspondu à une réalité extérieure dans un présent autre que le présent actuel.
L’idée du “moi” est d’abord, en un sens tout au moins, l’œuvre du jugement de reconnaissance, donc de la mémoire, mais ensuite cette idée même s’achève et précise le jugement de reconnaissance, où l’idée d’objet extérieur réel joue aussi un rôle dans la plupart des cas. »
La mémoire psychologique s’élabore, selon le processus décrit à l’instant, à partir de toutes les situations comprenant la totalité des évènements subis ou provoqués tels qu’ils furent perçus dans le cours du déploiement existentiel jusqu’à l’état actuel d’un être. L’empreinte de ces perceptions déposées dans la conscience individuelle se manifestera selon les modalités définies par les émotions et les sentiments qui auront participé à l’“enregistrement” de ce qui a été consciemment perçu. L’intensité des empreintes enregistrées constitue le substrat même de la mémoire psychologique. La prise de conscience de « ce que nous sommes » commence par l’observation neutre de ces perceptions, en tant que “fluctuations mentales” propres à l’état de veille, et cela dès qu’elles parviennent à la conscience, ainsi que les occurrences de la mémoire telles qu’elles furent sollicitées lors des perceptions antérieures.
C’est ainsi que l’on obtient un “état qualifié” pour entrer dans une méditation (dhyâna) véritablement opérative : il s’agit bien d’une voie directe et si la Délivrance (moksha), suite à l’initiation, est différée, c’est uniquement en raison de l’interférence des effets psychologiques de la mémoire qui obture la Réalité non duelle de la Conscience pure. La Réalisation consistera donc à faire apparaître cette mémoire individuelle, dans sa forme globale, comme rigoureusement nulle au regard de la Conscience pure (çudda chaitainya).
 


Les moyens de connaissance selon le Nyâya Padârtha

L’authenticité de la connaissance dépend à la fois des conditions et de l’application des moyens de connaissance (pramânas) ; le Védânta reconnait six moyens de connaissance : Pratyaksha, la perception sensorielle directe ; Anumana, l’inférence ; upamâna, l’analogie ; shabda ou agama, le témoignage valide et les textes sacrés ; arthâpathi, la présomption ; anupalabdhi, la non perception.

La perception sensorielle présuppose que le “percevant” soit en possession de sens valides (le sens de la vue, par exemple, s’il s’agit d’une perception visuelle, etc.).
L’inférence nécessite pour sa validité, d’une part, la présence de l’indice (hetu) et du lieu dans lequel il est perçu, et d’autre part, “la concomitance invariable” entre l’indice et l’objet inféré, comme dans l’exemple du feu invisible caché par une colline et de la fumée qu’il dégage, perçue par le sens de la vue. Si une concomitance véritable est établie entre le feu et la fumée, elle est qualifiée d’invariable et valide par là même le moyen de connaissance par inférence, de telle sorte que l’on peut affirmer : où il y a du feu, il y a nécessairement de la fumée. Ce  processus de l’inférence s’applique à toutes les situations la vie ordinaire nécessitant son usage, et également, pour établir [logiquement] la Réalité métaphysique.
Le témoignage valide concerne donc aussi bien la connaissance empirique que la connaissance métaphysique ; d’une manière générale, c’est la parole véridique d’une personne possédant des sens valides, ayant établi une concomitance invariable avec un mental attentif et désintéressé, si son témoignage provient d’une inférence. C’est à ces conditions que la connaissance transmise oralement sera considérée comme juste ou véridique. Les écrits d’un yogî connaissant la réalité suprême dans les conditions requises (développement des qualités spirituelles authentiques et élimination des fluctuations mentale (vritti) causées par l’ignorance) seront considérés comme shabda pramâna.
La perception sensorielle qui concerne le monde sensible est considérée comme une connaissance directe car elle ne dépend nullement des autres pramânas (inférence, présomption, etc.) tel que dans l’exemple suivant : « si l’on perçoit une fleur de lotus dans les conditions requises, celle-ci sera immédiatement identifiée comme un lotus et non comme une tulipe. »
Ce mode direct de perception est appelé pratyaksha. En tant que perception, il se limite à son domaine propre et reste impuissant pour ce qui concerne la connaissance de nirguna brahman.
Il est une autre “forme” de connaissance, appelée littéralement “connaissance non indirecte” (aparokshanubhuti), qui est samadhî, c'est-à-dire dénuée de toute fluctuation mentale. Cette dernière est considérée comme la Connaissance directe par excellence en raison du fait qu’elle ne nécessite aucun moyen de connaissance intermédiaire ni aucune perception sensorielle (4). Cette Connaissance (jnâna) ne relève plus de la dualité du connaisseur et du connu mais de l'adwaita-vâda (la voie  non-duelle).






NOTES


(1) « Il n’y a assurément aucun inconvénient, au point de vue de la méditation proprement dite, à faire appel au Vêdânta ou à tout autre forme traditionnelle ; il faut seulement éviter le mélange dans ce qui est en relation directement avec les rites. » (Lettre de René Guénon, datant du 26 juin 1937, adressée du Caire à louis Caudron).
(2) Dans la partie “Psychologie” du Cours de Philosophie, Guénon a procédé à plusieurs rectifications au sujet de certains concepts, rejetant les considération délétères, lanalyse sans fin de phénomènes mentaux, les classifications erronées telles que les différentes sortes de “mémoires” déposées, bon gré mal gré, sous forme d’empreintes dans le subconscient etc.
(3) Par ce terme, il faut entendre ici l’activité du milieu mental (mânas).
(4) Tous les moyens de connaissance sont constitués à partir des fluctuations mentales (vritti).







VÊDÂNTASÂRA
DE
SADÂNANDA YOGÎNDRA SARASVATI


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Çloka 1

Je prends refuge dans le Soi, l’Indivisible, l’Absolu, Sat Chit Ananda, au delà du sens des mots et de la pensée ; le fondement de toute choses, à seule fin d’atteindre le but recherché.


Çloka 2

Ayant contemplé mon guru dans son état libre de toute illusion, de tout concept duel, advayananda, j’entreprends d’exposer l’essence du Vêdânta à la lumière de ma connaissance.


Çloka 3

Par le terme Vêdânta, il faut comprendre les moyens de connaissance* que sont les Upanishads ainsi que les ouvrages favorisant sa compréhension tel que les Sariraska çûtras** etc..

*Moyen de connaissance (pramana) : L’authenticité de la connaissance dépend des conditions et de l’application juste de ces moyens. Nous rappelons que le Vêdânta reconnait six moyens de connaissance : Pratyaksha, la perception sensorielle directe ; anumana, l’inférence ; upamana, l’analogie ; shabda ou agama, le témoignage valide ou les textes sacrées ; arthâpatti, la présomption ; anupalabdhi, la non perception.  

**Sariraska çûtras, c'est-à-dire la Bhagavad Gîtâ et les ouvrages de métaphysique



Çloka 4

         Etant donné que le Vêdântasâra est un traité du Védânta, les conditions préalables  (anubandhas) exigées pour son étude sont les même que pour ces ouvrages. C’est pourquoi, nous n’avons pas jugé utile de mentionner d’autres anubandhas.


Çloka 5

         Les conditions préalables sont : Qui est qualifié pour étudier le Védânta ? Quel est le sujet de son étude ? Quelle est la relation entre le sujet du Védânta et cet ouvrage ? Et, quel est le but de l’étude du Védânta ?


Çloka 6

         La personne qualifiée est un aspirant (pramâtâ)* ayant étudié les Védas et les Védângas** selon les règles prescrites, détenant ainsi une connaissance théorique des textes sacrés, dont le mental purifié est exempt d’obscurité, s’abstenant d’actes rituels relatifs à l’obtention d’objet désiré (kâmya), d’actes proscrits par les Ecritures (nishiddha), effectuant les rites quotidiens obligatoires (nitya), les rites obligatoires lors de certaines occasions (naimittika) et pratiquant la contemplation (sâdhana).

* Le pramâtâ désigne celui qui réalise une connaissance juste, ce qui présuppose que son être est en accord avec la non-violence (ahimsa), la vérité et la maitrise de soi ; il est proprement la conscience individualisée (jiva) reflétée dans le milieu mental.

** les Védângas [textes auxilliaires des Védas] sont au nombre de six : siksha, la science de l’articulation et de la prononciation ; kalpa, la science des rites ; vyâkarana, la grammaire ; nirukta, la science des termes védiques et de leurs liens subtils ; chandas, la prosodie ; jyotisha, l’astrologie (intégrant l’astronomie).


Çloka 7

Les sacrifices tels que jyotishtoma permettant d’obtenir les fruits désirés comme le paradis etc. sont nommés kâmya karma.


Çloka 8

Les actes tels que tuer un brahmane etc., entrainant des conséquences néfastes comme d’aller en enfer etc. sont appelés nishiddha karma et sont proscrits.


Çloka 9

Les rites quotidiens tels que sandyâvandanâ, etc. engendrant le mal s’ils ne sont pas accomplis sont appelés nitya karma.



Commentaire
« Les rites quotidiens (sandyâvandanâ) » : sandyâ signifie jonction (du coucher du soleil et de l’aube) ; ils correspondent à trois moments particuliers de la journée (trisandyâ) : l’aube, le midi et le crépuscule. Ces rites varient selon le degré de purification recherché ; il peuvent consister en une simple offrande à une déïté ou en répétition de prières ou de formules sacrées (mantra) ou bien encore en une concentration yoguique (prânâyâma). Sandyâvandanâ signifie littéralement l’adoration d’une déïté (vandanâ).


Çloka 10

Le jâteshti, acte rituel effectué lord de la naissance d’un enfant, etc. est appelé naimittika karma ; il doit être pratiqué dans certaines situations occasionnelles

Commentaire
« Jâtashti » : de jâta, né, et ishti, souhaité ; acte rituel obligatoire venant à la suite d’un évènement considéré comme ayant une influence provoquant un état d’impureté (comme, par exemple, lors de la naissance d’un enfant). Les évènements occasionnant de l’émotion telle que la naissance et la mort entraînent l’oubli des réalités spirituelles et sont considérés comme impurs.






(à suivre)








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