La formation des triangles de Feu et d’Air
« Si
l’on fait tourner la figure d’un quart de cercle dans son plan (sens directe de
rotation, c'est-à-dire vers la gauche en partant du haut), on obtient les deux
triangles de Feu et d’Air, le triangle de Feu ayant remplacé celui de Terre
(élément actif), et le triangle d’Air ayant remplacé celui d’Eau (élément
passif) ; on voit alors que les éléments secs sont actifs et que les
éléments humides sont passifs. La ligne qui joint les sommets de ces deux
nouveaux triangles est le diamètre de la surface des Grandes Eaux qui joint
l’orient à l’occident ; elle unit les deux équinoxes, comme l’axe nord
sud, qui lui est perpendiculaire unit les deux solstices. Pour s’orienter sur
cette ligne horizontale, il faut savoir laquelle des deux extrémités correspond
à l’occident, et laquelle correspond à l’orient ; étant donné que ces deux
temps correspondent d’autre part respectivement à l’équinoxe de printemps
(Bélier domicile de Mars) et à l’équinoxe d’automne (Balance domicile de
Vénus), on voit qu’il faut pour cela choisir une origine sur le cercle
horizontal (perpendiculaire au plan de la figure, sa trace sur celui-ci étant
le diamètre horizontal), qui est la section diamétrale horizontale de l’Œuf du
Monde, dont les Grandes eaux occupent la moitié inférieure ; ce qui
signifie qu’il faut déterminer l’époque à laquelle on fait commencer l’année,
et que c’est là que dépendra la solution de ce problème d’orientation.
Si
l’on joint deux à deux les autres angles opposées de ces quatre triangles, on
obtient deux autre croix qui sont des positions particulières et intermédiaires
de la première croix considérée au cours de sa rotation autour de son centre
dans le plan de la figure. On voit d’ailleurs que, dans cette rotation, chaque
sommet peut occuper n’importe quelle position ; il les occupe toute
successivement, parcourant ainsi tout le Zodiaque ; sa position dépendra
encore du point de départ donné à l’année, si l’on place en haut ce point de
départ ».
Assimilé à « la surface des
Grandes Eaux qui joint l’orient à l’occident », l'axe reliant les deux pôles équinoxiaux correspond au
monde des possibilités formelles : Il représente la première détermination temporelle et directionnelle que
l'astre solaire, pour ce qui est du cycle zodiacal lui-même indépendamment de
ses diverses applications, aura pour fonction de qualifier
(voir ci-dessous nos deux “messages” sur
« l’Islâm et le Signe zodiacale
de la Balance »).
Selon le commentaire de T., « la
solution du problème de l’orientation » permet de «déterminer
l’époque à laquelle on fait commencer l’année ». Nous verrons plus loin l’importance
de cette question pour la qualification hiérarchique des différentes
traditions.
Le
calendrier lunaire de la tradition islamique dépend naturellement du rapport
calculé entre le pas lunaire et le pas solaire. Cependant, pour ce qui concerne
l’Islam, il faut considérer les choses différemment. Ainsi, dans l’ésotérisme islamique, selon Ibn ‘Arabî, le cycle
zodiacal (envisagé comme cycle humain ou grand cycle) commence avec le Signe de
la Balance ; les traditions antérieures à l’Islam
étant comprises entre le temps du Bélier et celui de la Balance situé au milieu
des temps* (la Balance occupe, en effet, le milieu dans la succession des
douze Signes) ; et selon Guénon,
« Il y aurait lieu d’examiner aussi le
rapport qui peut exister entre la Balance polaire et la Balance
zodiacale ; celle-ci est d’ailleurs regardée comme le “signe du jugement”,
et ce que nous avons dit précédemment de la balance comme attribut de Justice,
à propos de Melki-Tsedek, peut faire
comprendre que son nom ait été la désignation du centre spirituel
suprême ».
(Le Roi du Monde,
chapitre X).
Tout ceci est en accord avec
le caractère sigillaire de l’Islam et justifie l’abrogation de toutes les lois antérieures
(abrogation dont la juridiction ne peut s’appliquer que dans le domaine appartenant
proprement à la forme islamique).
« Si
nous considérons en particulier le cas où deux triangles de Feu et d’Air sont
devenus les deux triangles principaux, le triangle de Feu droit, et le triangle
d’Air renversé, ce qui correspond à une rotation d’un quart de cercle, le
commencement de l’année est alors l’équinoxe de printemps (15° du Bélier), au
lieu d’être, comme dans la figure primitive, au solstice d’hiver (15° du
Capricorne). Dans ce cas, symboliquement, le Mont Mérou sera remplacé par une colonne de feu soutenant le Monde, et
la coupe contenant les Eaux devient, pour continuer son rôle d’emblème passif,
un symbole de l’Air, comme on le voit dans les correspondances du Tarot (1).
Ce
déplacement de l’origine de l’année, avec toutes ses conséquences, caractérise
la modification apportée dans l’exposé de la Tradition (les Livres sacrés) (2), au début du Kali-Youga (3) (rôle de
Krishna).
La
modification qui correspond au commencement de l’année à l’équinoxe de
printemps (au lieu du commencement de l’année à l’équinoxe d’hiver) est celle
qui donne naissance aux religions naturalistes (Ioniens, Phéniciens) et aux
philosophies atomistes (Kanâda, Démocrite). Les traditions ainsi déformée
deviennent lunaires, féminines, tandis que les traditions basées sur
l’Archéomètrie primitive sont solaires, masculines ».
[NOTES]
(1) Dans le Tarot,
le principe passif, figuré par la coupe
correspond à l’Air, mais le principe actif, figuré par le bâton, correspond à la Terre ; l’épée, qui représente l’union des deux principes, correspond au
Feu, et le denier, qui symbolise le
produit de cette union, correspond à l’Eau.
Si l’on
considérait la genèse des quatre éléments à partir de l’Ether primordial, la
disposition serait tout autre : l’Air, première différenciation de
l’Ether, se polariserait alors en Feu, élément actif, et Eau, élément passif,
et l’action du Feu sur l’Eau donnerait naissance à la Terre. Ceci montre que
les correspondances diffèrent suivant le point de vue que l’on envisage.
(2) Les Livres
sacrés sont l’expression de la sagesse divine adaptée à la compréhension
humaine, et c’est pourquoi, chez les Egyptiens, ils étaient attribués à Thot ou Hermès ; ils ne sont pas l’œuvre d’individualités, mais de
l’Université sacerdotale qui est, sur la terre, la manifestation immanente de
la Sagesse.
(3) Le Kali Youga commence 36 ans après la mort
de Krishna ; de mêmes 36
ans après la mort du Christ, c'est-à-dire en l’an 70, a lieu la destruction de
Jérusalem par les Romains, commencement de la dispersion définitive des Juifs,
qui correspond pour eux à l’ère du Kali
Youga ».
Les
traditions dont l’année commence avec l’équinoxe du printemps, qualifiées par
T. de lunaires, ne doivent pas être confondues avec celles dont le calendrier
est rythmé sur les lunaisons ; ainsi, pour la
communauté musulmane, le début de l’année
commençant avec le mois de Muharram rétrograde de onze jours à chaque
révolution solaire. Il ne dépend, par conséquent, ni des solstices ni des
équinoxes, mais directement du Soleil dont il suit perpétuellement la course,
intégrant les 360° du Zodiaque, si on considère un cycle complet au terme
duquel il aurait occupé successivement tous les degrés.
*
Ceci nous donne l’occasion de citer un
extrait des Aperçus sur l’initiation en
accord avec le caractère central de ce Signe et qui vient aussi compléter notre
étude sur « l’Islam et le Signe
zodiacal de la Balance ». La Balance, en effet, représente le lieu où tous
les antagonismes s’annulent et où, pour le microcosme humain, la somme de tous
les déséquilibres, qui a son origine dans le Feu originel du Bélier, est
susceptible de se rétablir dans l’Equilibre primordial par la Justice
universelle qu’elle symbolise : à propos des dissymétries corporelles,
Guénon fait remarquer qu’il n’y a sans doute personne qui présente en tout
point une exacte symétrie et il poursuit : « Ceci peut d’ailleurs
s’interpréter comme signifiant que, dans l’état actuel de l’humanité tout au
moins, aucun individu n’est parfaitement équilibré sous tous les
rapports ; et, effectivement, la réalisation du parfait équilibre de
l’individualité, impliquant la complète neutralisation de toutes les tendances
opposées qui agissent en elle, donc la fixation en son centre même, seul point
où ces oppositions cessent de se manifester, équivaut par là-même purement et
simplement à la restauration de l’“état primordial” » (chapitre XIV). On
voit par ces considérations que le pôle de l’axe équinoxial qui se reflète directement
dans la Balance précède métaphysiquement l’“Elan créateur” du Bélier, de même que,
selon la note 1 de T., l’élément Air auquel correspond la Balance est la « première différenciation » de l’Ether.
Les
articles de Guénon complétant le contenu doctrinal des commentaires ci-dessus
sont les suivant :
Les Portes
solsticiales (E. T., mai 38).
La Montagne et
la caverne (E. T., Jan. 38).
La Caverne et
l’Œuf du Monde (E. T., mars 38).
Le symbolisme du
Zodiaque chez les pythagoriciens (E. T., juin 38).
Le Zodiaque et
les points cardinaux (E. T., oct. nov. 45).
Un hiéroglyphe
du Pôle (E. T., mai 37).
L’hiéroglyphe du
Cancer (V. I., juil. 31).
Le Cœur et l’Œuf
du Monde (E. T., févr. 38).
Ces
textes sont regroupés dans l’ouvrage posthume (épuisé) : Les Symboles fondamentaux de la Science
sacrée, présenté et annoté par M. Vâlsan, Ed. Gallimard, 1962; réimprimé
actuellement sous le titre Les Symboles
de la Science sacrée (sans l’introduction, les annexes ni les annotations
de Vâlsan).
N. B. Les textes signés T. parus dans La Gnose sont rassemblés dans L’Archéomètre Pour la Revue La Gnose, Éditions
Kalki, Rennes, 2014 (version papier et numérique), disponible sur le blog ; "Œuvre de René Guénon".