(‘ILM AL-RAML)
LE « TASKÎN DE
ZENÂTÎ »
De l’interdiction de consulter les devins, les « astromanciens » et les
géomanciens (1).
1681/5. Mu’âwiyah bin al-hakam a dit, rapportant ces paroles de l’Envoyé d’Allâh – sur lui la paix – : « Je viens de sortir de l’ignorance (jâhiliyyah) : Dieu – Le Très Haut – est venu par l’Islâm et certains, parmi [nous] les hommes, vont voir les devins ?
Il a dit : « Ne vas pas vers eux ». J’ai dit : « et, certains
parmi [nous] les hommes, consultent [les oracles] ? ». Il a dit : « c'est une chose qu'ils trouvent dans leurs poitrines (fî çudûrihim) [c'est-à-dire dans leur cœur, leur for intérieur, donc une connaissance intuitive], cela ne les égare pas ». J’ai dit : « et certains, parmi
[nous] les hommes, tracent des traits (Khatta ) sur le sable ? ».
Il a dit : « Il était un prophète, parmi les prophètes, qui traçait des traits
sur le sable, celui qui s’emploie à tracer des traits sur le sable, comme lui-même le faisait,
est comme lui.
(Muslim).
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Abdallah Penot qui semble avoir traduit
une autre version de ce hadith interprète : « Quiconque la pratique (la
géomancie) comme lui, n’est pas blâmable (2). »
Dans ces propos du Prophète Mohammad – sur lui la Paix –, il est important de séparer nettement la science astrologique à
proprement parlé de son application divinatoire ; en effet, la consultation et
la pratique de ce que l’on devrait plutôt désigner par le terme d’ « astromancie »
sont blâmables au regard de la shari’ah
en raison de l’interférences que cela occasionne avec le décret divin *. La même remarque vaut
naturellement à l’égard de la géomancie qui ne fut envisagée chez les latins,
notamment avec Robert Fludd, que dans son application divinatoire. Les mystères de
la sémantique, font que l’on dit géomancie et non « géologie », tout
comme inversement, on dit astrologie et non « astromancie ». On peut
noter qu’il y a dans le choix de ces termes, autant que dans leurs
acceptions, toute l’approximation d’un langage peu adapté au traitement des
sciences traditionnelles. Il est vrai que le monde arabe, à première vue,
semble lui aussi n’envisager le Khatt al-raml que dans son aspect divinatoire
et s’il n’y avait le bazdah du taskîn de Zenatî, et sans doute aussi quelques traité de savants dont nous ignorons encore l’existence, pour témoigner de la science traditionnelle dont elle fait légitimement partie, on pourrait
se demander ce que peut signifier ce hadith transmis par Muslim.
Quoiqu’il en soit, à défaut de distinguer
l’application divinatoire de la science dont elle est tirée, on
en arrive à confondre par ignorance la science cosmologique avec le shirk (l’« associationnisme »).
*L’astrologie généthliaque n’est pas concernée par l’interdiction de
« la pratique des “devins” et des “astrologues” » à la condition
expresse que les connaissances qu’elle permet de délivrer sur un événement, une situation ou le
tempérament d’une personne, ne soient pas assujetties à des prévisions ponctuelles .
Mu’awiyah bin al-hakam rapporte l’acte du prophète
évoqué par Seyyidinâ Mohammed – sur lui, la Paix – avec
le verbe d’action khatta qui signifie tracer, tirer
des lignes ou des signes sur un support quelconque. Utilisé au mode
intransitif, khatta précise
que l’on trace des traits ou des signes sur le sable. Il n’évoque pas cet acte
avec des termes tels ‘ilm al-raml ou autre afin de privilégier le
contact sensible avec la terre. Ces traces sur le sable (ou
« jetées » sur une feuille de papier) sont un alignement de traits
que l’on effectue sans compter et que l’on reporte sur plusieurs rangées ;
au nombre de quatre, pour un seule figure, ou de seize pour réaliser un tableau
complet (Écu géomantique). Dans ce dernier cas, les traits sont décomptés par
rangées de quatre, sachant que la rangée dont le résultat est une somme de
traits impaires s’exprime par un point et celle dont le résultat est une somme de
traits paires s’exprime par un trait (deux points contigus chez les latins). La superposition
de ces deux signes, ordonnés verticalement quatre par quatre, constitue autant de
figures particulières parmi les seize figures
possibles totalisant toutes les combinaisons paires / impaires (4×4=16).
L’efficacité de ce système mathématique
repose sur l’idée que la Terre se caractérise par sa discontinuité assimilée à
la parité, tandis que le Ciel, homogène et continu, exprime la nature de l’imparité *. L’acte du prophète Idrîs signifie
que sa science participe de la dualité inhérente à tout ce qui provient du discontinu
qui est une signature de la Terre, cependant que son intention spirituelle,
conformément à sa fonction prophétique, relève de l’ordre du continu (3).
Enfin, « est comme lui »,
c'est-à-dire : « celui qui trace des traits sur le sable », à
condition qu’il applique cette science particulière avec une intention saine et
désintéressée, peut être considéré comme s'intégrant au rang de ses héritiers (4).
*La tradition chinoise attribua de la même manière aux hexagrammes du Yi King le symbolisme du trait continu
et du trait brisé respectivement au Ciel et à la Terre. Il est d’ailleurs remarquable, comme le rapporte la tradition, que le système géomantique tienne son
origine du Yi king, ayant été ensuite
transmis aux hindous avant de parvenir au monde arabe.
Tableau II |
Le
Bazdah, clé de l’organisation du tableau de Zenâtî permettant d’établir
les significations des 16 figures.
« Le
pneumatique est le contenant, la substance est le contenu. C’est pourquoi l’Air
et le Feu contiennent alors que l’Eau et la Terre sont contenus ».
Galien
Ce
principe cosmologique est essentiel pour comprendre les significations des
schèmes graphiques d’une figure selon l’attribution paire ou impaire de ses
quatre degrés ordonnés à l’image d’un être animé : au premier degré,
appelé la « Tête », correspond l’élément Feu; au second, le
« Cœur » : l’élément Air ; au troisième, le
« Ventre » : l’élément Eau ; au quatrième, les
« Pieds » : l’élément « Terre ».
Incluses dans l’« Ecu géomantique », les 16 figures sont déterminées
par les 12 Maisons astrologiques (buyût), auxquels on ajoute 4 « Maisons judiciaires », à savoir :
le Témoin droit, le Témoin gauche (al-zawâid),
le Juge (al-mîzân) et le Subjudex (al-‘âqibah).
Pour Zenatî, les 12 Maisons dans lesquelles les figures ont leur
« Trône » (ou leur élection) et dont les significations correspondent
à celles des 12 Signes astrologiques, sont les suivantes : figure 1 :
al-kusaj, « Puer » (le Garçon) ;
fig. 2 : al-dâhilah, « Laetitia »
(la Joie) ; fig. 3 : al-‘atbah
al-dâkhil « Caput draconis » (la Tête du Dragon) ; fig.
4 : al-bayâd,
« Albus » (le Blanc ou le Pur) ; fig. 5 : al-tarîq, « Via » (la Voie ou
la Route) ; fig. 6 : qabdu
khârij, « Amissio » (Perte) ; fig. 7 : humrah, « Rubeus »
(Rouge) ; fig. 8 : al-nakîs,
« Tristitia » (tristesse) ; fig.9 : nasru al-khârij « Fortuna
minor » (Petite fortune) ; fig. 10 : ‘uqlah, « Carcer » (Prison) ; fig.11 : al-ijtimâ‘ah, « Conjonctio » (la Rencontre) ; fig.12 : nasrah
dâkhalah, « Fortuna major » (Grande fortune).
Les 4 Maisons judiciaires (dont la fonction est d’évaluer le sens donné
par les figures dans les 12 Maisons pour en délivrer un jugement ) sont
attribuées, pour la figure 13, le Témoin droit : à al-‘atbah al-khârijah, « Caudra draconis » (la Queue du
Dragon) ; fig. 14, le Témoin gauche : naqî al-khad, « Puella » (Fille) ; fig.15 le
Juge : qabd al-dâkhil,
« Acquisitio » (Acquisition) ; fig.16 le Subjudex : al-jama‘ah, « Populus » (l’Assemblée)
ou (Peuple).
La figure 16, al-jama’ah (l’Assemblée),
dont les 4 degrés sont pairs contient, à l’état indifférencié, toutes les
figures ; elle correspond à la lettre ba,
la seconde lettre de l’abjad, et a
comme valeur 2 (5).
La figure 5, at-tariq (la Voie),
dont les quatre degrés sont impairs représente l’activité créatrice produisant
les 16 figures par addition (impair + impair = pair ; impair + pair = impair)
; elle correspond à l’alif, la
première des lettres, qui a comme valeur 1.
Avant d’aborder la procession des figures
dans le cycle géomantique des 16 Maisons, nous devons garder à
l’esprit le principe selon lequel toutes les figures, quelque soit leurs
constitutions, sont d’essence impaire (l’Impair étant, en vertu de sa réalité
nécessaire, toujours présent au cœur de la multiplicité), tandis que le Pair en
apparaissant par redoublement (et par conséquent, de façon contingente et
illusoire), symbolise la « fonction créatrice » ou cosmogonique (6).
Dans sa réalité première, conformément à
ce qui est dit dans le Coran, l’impair se dérobe à notre conscience et ne se
manifeste que sous l’aspect sensible qu’exerce sur nous la parité, tout comme
le mirage du désert se manifeste à « celui qui est altéré » sous l’apparence
illusoire de l’eau :
« Les actions des enfouisseurs de la foi ressemblent au mirage dans une vaste étendue plane. Celui
qui est altéré estime qu'il s'agit de l'eau, mais quand il y parvient, il ne
trouve aucune chose, alors qu’il trouve Allâh en lui-même [ou auprès de lui] qui lui arrêtera son compte. Allâh est prompt à la reddition des
comptes. »*
(Coran ; Al-Nûr XXIV, 39.)
*Voir le message
ci-dessous, « L’Adhyâropa dans
le Coran », posté le 18/5/2013.
En conformité avec la science des lettres et des
nombres, le bazdah formule la synthèse
du pouvoir numérique de la parité combinée avec l’« activité
immobile » de l’unité (pair + pair = pair ; impair + pair = impair ;
impair + impair = pair). Étant de nature proprement substantielle et passive dans
l’organisation du système (7), la figure 16
(al-jam’ah), n’intervient pas dans l’activité arithmétique des
nombres 2, 7, 4 et 8 du bazdah, sinon
pour réintégrer les figures dont la somme est surnuméraire (par soustraction du
nombre 16 correspondant à la totalité des figures) dans les « quatre
tableaux carrés » de l’Écu géomantique.
Al-tarîq
(F. 5) représente le principe « créateur » et « ordonnateur » ; elle
se caractérise par l’impair en chacun de ses quatre degrés. Le bazdah donnant les nombres des quatre lettres de l’abjad (Ba
= 2 ; Za = 7 ; Da = 4 et Ha = 8) permet, par conséquent, de mettre à
leur place toutes les figures à partir d’al-tarîq (F 5) ; celle-ci trouve sa position par l’addition des
valeurs numériques de ses quatre degrés :
ﺏ B : Feu Tête (Impair) 2 ●
ﺯ
Z : Air Cœur (Impair)
+ 7 ●
د D : Eau Ventre (Impair) + 4 ●
ﺡ H : Terre Pieds
(Impair) + 8 ●
̶̶̶ ̶ ̶̶̶
̶ ̶̶̶
= 21
21 étant surnuméraire, nous retranchons 16
(correspondant au nombre total des figures du système), ce qui lui attribue sa
position en Maison V*.
Autre exemple pour la figure 9 :
ﺏ B : Feu
Tête (I) 2 ●
ﺯ Z : Air Cœur (I) +
7 ●
د D : Eau Ventre (P) / ▬▬
ﺡ H : Terre Pieds
(P) / ▬▬
̶ ̶̶̶
̶ ̶̶̶
= 9
La somme 9 nous donne sa position en
Maison IX, et ainsi de suite pour calculer l’ordre en Maison des 14 autres
figures qui vont trouver leurs demeures dans le taskîn. Il est remarquable que chacune des 16 figures, ainsi
ordonnée, se situe dans la Maison astrologique correspondant précisément à sa
signification intrinsèque.
Additionnée à n’importe quelle figure, at-tarîq
(F. 5), en produit la
figure inverse par modification
des degrés pairs en degrés impairs et des degrés impairs en degrés pairs*. Il faut retenir que cette modification causée par
les quatre éléments impairs signifient la dispersion des éléments de stabilité (ou de fixité), inhérent au caractère bénéfique
de la manifestation, conformément à l’idée de mouvement et de dispersion de
tout ce qui est lié à l’accumulation des biens, que ceux-ci soient de nature
psychique ou physique, d’où son nom, al-tarîq
(Via). La figure 16, al-jama’ah (Populus), par l’opération de ses quatre degrés pairs, restitue la
figure qui lui est additionnée. En raison de la neutralité relative à sa
fonction de conservation, elle
occupe la seizième et dernière position dans le calcul du bazdah qui est une situation passive relativement à l’activité du
système. Nous devons aussi assimiler cette position finale à l’idée du retour à
l’état indifférencié permettant l’ouverture et la reproduction d’un nouveau
cycle. Si l’on considère le système à partir du
rôle créateur de la figure 1, al-kusaj, la figure 16 rassemble et contient effectivement en
puissance toutes les autres figures.
* La Maison V exprime le « Jeu universel » de la création, conformément
à sa signification appliquée du cinquième Signe astrologique (le Lion – asad
–) qui se caractérise
par : l’Affirmation de soi – l’Ancien –, face aux significations opposées
du onzième Signe (le Verseau – al-dalû –) : le Don de
soi – le Nouveau –.
Valeur
numérique des figures
Dans ce taskîn, la somme des
valeurs produite par les quatre figures de chaque « tableau carré »
est équivalente à 24 ; En additionnant les valeurs de toutes les figures, on
obtient un total de (4 X 24) = 96.
4 figures de valeur 5 = 20
6 figures de valeur 6 = 36
4 figures de valeur 7 = 28
1 figure de valeur 4 = 4
1 figure de valeur 8 = 8
La somme des deux chiffres composant le
nombre 96 (9 + 6) est égale à 15 qui est le nombre des figures actives apparaissant
dans la procession de l’« écu géomantique », soit les 12 Maisons de
l’Astrologie (falak al-buruj) auxquelles on ajoute les 3 Maisons
réflexives et judiciaires que sont le Témoin droit, le Témoin gauche et le Juge
(F 13, F 14 et F 15 )*.
* Le Subjudex
(F 16) se situe en dehors de la procession : dans une consultation
géomantique, la seizième case de l’Écu est interprétée comme ultime sentence (selon
la figure qui l’occupe), lorsque le Juge, en Maison XV, ne répond pas
clairement à la question posée, d’où son nom « Subjudex » donné par
les géomanciens latins. En arabe, le nom de cette Demeure est al-‘âqibah (« l’Issue »),
dont la signification, allant au-delà de la sentence divinatoire, s’accorde
avec la constitution et la fonction de la figure 16, al-jama’ah.
Le nombre 6
de la lettre wa, chiffre caché des tasâkîn.
Le nombre 6 n’apparait pas de manière explicite
cependant qu’il voile une opérativité numérique, que l’on peut qualifier
d’organique, comme le montre les remarques suivantes : la somme des deux
chiffres composant les nombres 15 et 24 est égale à 6 ; soit (pour 1+5) :
les 6 premiers nombres composant le carré magique de 15 ; et (pour 2+4) :
les quatre « tableaux carrés » (composés des deux groupes de 6 – 6 –
7 – 5 et des deux groupes de 7 – 7 – 4 – 6) des 16 figures disposées en carré magique
de 24)* ; également, la somme des 6
premiers nombres est égale à 21 qui est la valeur numérique du bazdah*.
Pour Ibn ‘Arabî, la « noblesse »
ou l’excellence de la lettre wa, se
manifeste, par sa correspondance dans l’abjad,
avec le nombre 6 (8), qui est le premier nombre
parfait. Dans le ‘ilm al-raml, ce
nombre caractérise l’élément de liaison qui permet la cohérence des trois
premiers tableaux par le maintient et l’équilibre des éléments mobiles des figures voyageant dans les douze
premières Maisons de l’Écu géomantique car leurs significations sont délivrées en
raison de leurs superpositions aux déterminations astrologiques orientées, deux
à deux, selon les 6 axes des directions de l’espace (l’organisation du
quatrième tableau, comprenant les figures 13, 14, 15, 16, dépend des 12 Maisons
des trois tableaux précédents). La qualité du nombre 6 signe par conséquent le
caractère continu du cosmos, tout comme le vocable waw garantie l’intelligibilité du discours dans la
langue arabe par la continuité des liaisons et des articulations qu’il maintient
entre les « phrases » (9).
* Voir le
tableau III.
La science des nombres trouve ici une
application rigoureuse de l’équilibre résultant de la somme de tous les déséquilibres
partiels constituée par les diverses figures, jusque y compris l’ensemble des
déséquilibres exprimées par les 56 356 possibilités issues des permutations paires
et impaires sur les quatre degrés des 16 figures (16 puissance 4), toujours
susceptibles de se manifester dans la cadre du « jet de point » (khatt)
de la consultation géomantique (10).
Cette « somme des
déséquilibres » et sa résolution apparaissent dans deux qualités
fonctionnelles : d’une part, le rapport « générique » qu’entretient la première figure
cardinale, F 1, (al-kusaj) avec les
quatre figures situées respectivement dans la
dernière maison de chaque « tableau carré » : l’addition de F 1 avec
F 4 produit F 5, la première figure du « second tableau » ; son
addition avec F 8 produit F 9, la première figure du « troisième tableau »
; son addition avec F 12 produit F 13, la première figure du « quatrième
tableau » ; d’autre part, au terme du cycle comprenant les seize
figures, F. 1, en s’additionnant à F 16 (qui est la dernière figure du « quatrième
tableau » ), perpétue sa forme pour une nouvelle situation équivalente
à son point de départ et inaugure l’organisation d’un nouveau cycle.
La position centrale de la figure 15 (qabd al-dâkhil), position correspondant aux
attributs d’Équilibre et de Justice du Juge (dont l’emblème est la Balance - al-mîzân
-), régule en mode passif chacun
des sept couples de figure: ( F 1 + F 2 ) = ( F 3 + F
4 ) = ( F 5 + F 6 ) = ( F 7 + F 8 ) = ( F 9 + F 10 ) = ( F 11 + F 12 ) = ( F 13
+ F 14 ) = F 15 (11).
Son pouvoir ne
s’exerce pas au-delà puisque l’addition de F.15 avec F 16 lui restitue sa
position centrale dans le taskîn*. Le huitième couple marque ainsi la limite du pouvoir de F 15.
De cette façon, la transmission au sein du cycle est
maintenue par F. 16 (al-juma’ah)
tandis que l’ensemble du taskîn est relié par l’activité modificatrice
(ou proprement créatrice) de la première figure (al-kusaj), ce qui
évoque le symbolisme de « la Chaîne des mondes » (12).
Ces deux articulations fonctionnelles concourent à
l’équilibre des significations de ce taskîn, appelé, à juste titre, le « taskîn
des tasâkin ».
Etant donné que L’Angélologie et la Science des
nombres autorisent l’incorporation des sciences « Hermétiques » dans
la tradition islamique**, il est facile de comprendre par ce qui précède
que Zenatî, en transmettant la véritable signification des 16 figures, accorde
toute la régularité nécessaire au khatt
al-raml, et lui permet d’accéder, conformément au hadith rapporté par Mu’âwiyah bin al-hakam, au rang de l’ensemble des sciences
traditionnelles.
Il n’est pas sans importance de mentionner la
possibilité d’une contrefaçon de cette science par le renversement des figures non symétriques : en leur faisant subir une
rotation de 180°) (13), leurs significations
particulières dans le taskîn, à
l’exception de F 5, F 10 et F 11, recevront par leurs dispositions « à
rebours », une interprétation en mode parodique tout en conservant leur
valeur numérique.
Il y aurait encore bien d’autres
développements à faire avec, en premier lieu, les interprétations spécifiques des
16 figures qu’il serait possible de commenter selon un point de vue
macrocosmique et microcosmique, mais cela déborderait du cadre que nous sommes
fixé pour de ces simples aperçus.
* Voir le
tableau II
** Voir
ci-dessous les Notes complémentaires.
Tableau III |
Notes
(1) Chapitre 303 ; Riyad al-sâlihîn, lil-imâni an-Nawâwî,
présenté par le docteur Mohammed Jamîl ghâzî ; Ed.Dârul-Jayl, Beirut.
(2) Voir Les Jardins de la Piété de
l’Imâm al-Nawawy, chap. 303 et 91 (traduit par Abdallâh Penot et Abd al-Rahmân
Thibon, Alif éditions, 91).
(3) L’ésotérisme islamique reconnaît le
prophète Idrîs dans cette
évocation. Il est intéressant de noter que dans l’Évangile de St. Jean (8, 6
et 7), Seyyîdinâ ‘Isâ (le
Christ) est décrit traçant
également des signes sur le sol avec ses doigts tandis qu’il délivre son enseignement à la femme
adultère (voir la précision dans la note suivante concernant les deux fonctions
distinctes de S. ‘Issâ et S. Idrîs, auxquels sont attribués respectivement le
Ciel de Mercure et le Ciel du Soleil).
(4) Conformément au hadith : « Les savants (al-‘ulamâ) sont les héritiers des
prophètes ».
( Bukhârî, ‘ilm, 10) ; « une intention saine et désintéressée » sous-entend la walâya dont est naturellement détenteur
le « savant héritier des prophètes » ; en effet, une même
action peut être accomplie selon des intentions ou des états d’esprit forts différents, et même radicalement opposés dans
certains cas.
Concernant
le prophète Idrîs, il convient de rappeler ce que rapportait Guénon (arrivé au
Caire depuis deux ans) dans un article intitulé « Hermès », paru en
1932 dans le Voile d’Isis :
« Un autre point qui n’est pas moins
intéressant est celui-ci : dans la tradition islamique, Seyidna Idris est
identifié à la fois à Hermès et à Hénoch ; cette double assimilation
semble indiquer une continuité de tradition qui remontrait au-delà du sacerdoce
égyptien, celui-ci ayant dû seulement recueillir l’héritage de ce que
représente Hénoch, qui se rapporte manifestement à une époque antérieure. En
même temps, les sciences attribuées à Seyidna Idris et placées sous son
influence spéciale ne sont pas des sciences purement spirituelles, qui sont
rapportées à Seyidna Aïssa, c'est-à-dire au Christ ; ce sont les sciences
que l’on peut qualifier d’ “intermédiaire”, parmi lesquelles figurent au
premier rang l’alchimie et l’astrologie ; et ce sont bien là, en effet,
les sciences qui peuvent être dites proprement “hermétiques” ». (Cet
article a été repris dans Formes
traditionnelles et cycles cosmiques, Éd. Gallimard, 1970).
(5) Voir René
Guénon ; le début de l’article « Er-ruh », Etudes traditionnelles, VIII-IX, 1938, p. 287-291 (repris dans le chapitre V des Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le Taoïsme,
Ed. Gallimard 73, p. 54) :
« Suivant
les données traditionnelles de la “science des lettres”, Allah créa le monde, non par l’alif
qui est la première des lettres, mais par le
ba qui est la seconde ; et, en effet, bien que l’unité soit
nécessairement le principe premier de la manifestation, c’est la dualité que
celle-ci présuppose immédiatement, et entre les deux termes de laquelle sera
produite, comme entre les deux pôles complémentaire de cette manifestation,
figurée par les deux extrémité du ba,
toute la multiplicité indéfinie des existences contingentes. C’est donc le ba qui est proprement à l’origine de la
création, et celle-ci s’accomplit par lui et en lui, c'est-à-dire qu’il en est
à la fois le « moyen » et le « lieu », suivant les deux
sens qu’a cette lettre quand elle est prise comme la proposition bi. »
(6) Voir les
articles de Guénon : « Er-rûh » et « Les conditions
l’existence corporelle » (publié dans La
Gnose en 1909 et repris dans Mélange,
éd. Gallimard, Paris 1976).
(7) Comme nous avons un nombre défini de
quatre degrés avec, par conséquent un nombre également défini de figures, nous
obtenons une totalité finie de combinaisons qui est égale à 56356, nombre que
l’on peut considérer comme symbolisant la « possibilité illimitée »
de la manifestation universelle.
(8) Voir le chapitre 5 et 13 du traité d’ Ibn ‘Arabî : Le livre du Mîm du Wâw et du Nûn ;
traduction de C. A. Gilis, Éd. Al Buraq 2002.
(9) Les
langues occidentales modernes ont conservé cet élément avec la virgule qui a la
forme du waw و- , un vestige provenant des arabes transmis au monde latin durant la période médiévale (avec aussi l’article qui
n’existe pas dans la langue latine).
(10) À l’exception de quelques unes en raison
de certaines propriétés arithmétiques du système ; par exemple, à partir d’une consultation, il est impossible
de former la composition des figures du taskîn
de Zenatî. Lors d’un tirage, les
figures s’organisent de la façon suivante : les quatre premières,
que l’on appelle « les Mères » (al-umhât),
engendrent les quatre suivantes, « Les Filles » (al-banât), lesquelles, respectivement, engendrent deux à deux les figures du troisième tableau,
« Les Petites Filles » (al-hafîdât,
les dernières du cycle des 12 Maisons astrologiques) ; celles-ci, enfin, engendrent le
Témoin droit et le Témoin gauche dont le Juge est la synthèse (voir le tableau
V).
(11) L’ethnologue Robert Jaulin a consacré une
étude de ce taskîn dans laquelle sont analysées de nombreuses
caractéristiques mathématiques remarquables (Géomancie I Analyse formelle ;
Éd. de la maison des sciences de l’homme, Paris 88).
(12) René
Guénon, Les Symboles fondamentaux de la Science Sacrée, chap. LXI, Éd Gallimard.
(13) Il
s’agit des quatre figures ayant les deux degrés supérieurs symétriques aux deux
degrés inférieurs, à savoir F 5, F 10, F 11, F 16.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
« Le “Trône” divin qui entoure tous les
mondes (El-Arsh El-Muhît) est
représenté, comme il est facile de le comprendre, par une figure
circulaire ; au centre est Er-rûh,
ainsi que nous l’expliquerons par ailleurs ; et le “Trône” est soutenu par
huit anges qui sont placés à la circonférence, les quatre premiers aux quatre
points cardinaux, et les quatre autres aux quatre points intermédiaires ».
A considérer les quatre points cardinaux et les quatre
points intermédiaires,
« On
remarquera que chacun de ces deux ensembles de quatre noms contient exactement
la moitié de l’alphabet, soit 14 lettres, qui y sont réparties respectivement
de la façon suivante :
« Dans
la première moitié :
4+3+3+4=14
Dans la
seconde moitié :
4+4+3+3=14* ».
* Extraits de l’article :
« Angélologie de l’alphabet arabe », René Guénon, E. T. VII-IX,
1938, p. 324-327 (repris dans A. E. I. T., chap. VI, p. 62, Ed. Gallimard).
Dans le tableau IV, ci-dessous, le nombre 28 (2+8=10) équivaut
à un cycle complet, les 28 lettres de l’abjad
correspondant aux 28 Demeures du mois lunaire ; il en va de même, avec les
quatre figures des Maisons 2, 7, 4, 8 du bazdah
(second tableau).
Tableau IV |