LA FIGURE DE L’ARCHÉOMÈTRE
II
Selon
Guénon « il semble particulièrement difficile de déterminer comment se fit
la jonction du courant venu de l’Occident, après la disparition de l’Atlantide,
avec un autre courant descendu du Nord et procédant directement de la Tradition primordiale, jonction dont
devait résulter la constitution des différentes formes traditionnelles propres
à la dernière partie du Manvantara (…) Sans doute
faudrait-il, si l’on voulait rechercher les conditions dans lesquelles s’opéra
cette jonction, donner une importance particulière à la Celtide et à la
Chaldée, dont le nom, qui est le même, désignait en réalité non pas un peuple
particulier, mais bien une caste sacerdotale … » (27). Par ailleurs « les
deux traditions chaldéenne et égyptienne auraient été dérivées directement
d’une seule et même source principale, laquelle, étant donné le caractère
antédiluvien qui lui est reconnu, ne peut guère être autre que la tradition
atlantéenne » (ibid. p. 146).
Or, on sait que la tradition abrahamique est d’origine chaldéenne et qu’elle se
rattache à l’ « Ile perdue de l’Occident », à savoir l’Atlantide (p.
80) ; aussi parmi les deux traditions égyptienne et chaldéenne, on peut
dire que la seconde parait être antérieure à la première (p. 147), c’est-à-dire
que la première n’est pas plus « primordiale » que la seconde, et que
leur différence « fut probablement déterminée surtout par la rencontre
avec d’autres courants, l’un venant du Sud pour l’Égypte, et l’autre du Nord
pour la Chaldée. Or la tradition hébraïque est essentiellement “abrahamique”,
donc d’origine chaldéenne ; la “réadaptation” opérée par Moïse a sans
doute pu, par suite des circonstances de lieu, s’aider accessoirement
d’éléments égyptiens, surtout en ce qui concerne certaines sciences
traditionnelles plus ou moins secondaires ; mais elle ne saurait en aucune
façon avoir eu pour effet de faire sortir cette tradition de sa lignée propre,
pour la transporter dans une autre lignée, étrangère au peuple auquel elle
était expressément destinée et dans la langue duquel elle devait être formulée »
(p. 153-154).
Selon
l’enseignement d’Ibn Arabî, « Après avoir existencié les mondes subtils et
grossiers, disposé le Royaume et préparé le Degré Suprême, (Allâh) fit
descendre au début du Cycle de la Vierge le Calife [c’est-à-dire Adam, après sa
“précipitation” sur la Terre]. C’est pourquoi Il assigna … (à ce cycle) dans ce
bas monde une durée de 7 000 ans [ qui coïncide approximativement avec une
période de 500 ans antérieure au Kali-Yuga] à la fin de laquelle Il nous
enveloppera dans un état d’extinction, entre sommeil et assoupissement
[caractéristique de l’état de contemplation] ; nous serons transportés
ainsi dans le monde intermédiaire [barzakh]
qui réunit toutes les formes traditionnelles particulières (tarâ’iq) et où les réalités “subtiles” (At-tayyârat) dominent les autres » (28).
Les mondes subtil et
grossier, ainsi que le Royaume se rapportent au symbolisme des « trois
mondes » dont le Khalîfat,
c’est-à-dire le « vicaire » ou le « substitut », pour
reprendre les expressions de Guénon (29) est le Maître par
excellence. Il tire son inspiration de la même source que celle
des Envoyés parce qu’il réunit les deux pouvoirs royal et sacerdotal dont l’« union »
n’a rien d’« inactuelle » comme le suggère le même auteur (p. 17),
qui déclare aussi (p. 228) que « le Califat de Dâwûd marque
symboliquement la fin de la manifestation extérieure du Centre suprême »,
ce qui est incompréhensible, puisque ce Centre s’est précisément réextériorisé
à l’époque de ce prophète, comme nous aurons peut-être l’occasion de le montrer
ultérieurement, à propos de l’« autonomie » (swarâj en sanskrit) de l’Empereur, qui a fait couler beaucoup
d’encre. Quoiqu’il en soit, l’Agarttha
« est devenu souterrain “il y a plus de six mille ans” et il se trouve que
cette date correspond avec une approximation très suffisante, au début du
Kali-Yuga ou “âge noir” » (30) ; mais il faut bien dire que M. Gilis avait déjà
affirmé par ailleurs que l’exercice des deux pouvoirs relevant du Centre
suprême avait pris fin avec l’Islam, ce qui est bien évidemment dénué de tout
fondement (30).
Le « cycle de la
Vierge » (al-‘adhra’) marque la
prédominance d’un élément féminin, caractéristique de la perspective des
Kshatrya, et son symbolisme zodiacal ne se rapporte pas à l’est céleste, mais à
l’équinoxe d’automne, et à l’ouest terrestre, c’est-à-dire à une orientation où
l’axe solsticial est secondaire par rapport à l’axe équinoxial (ce qui est
généralement le cas dans l’œuvre d’Ibn Arabî) dont la prédominance marque
effectivement la dérivation à l’égard du « centre atlantéen » ;
et ce cycle qui va du signe de la Balance à celui de la Vierge comprend la
manifestation corporelle du Prophète qui a parachevé sa mission lorsque le
cycle temporel est repassé dans le signe de la Balance dont le parcours est
« rattaché à la vie future » : « Le commencement du temps [az-zamân] s’est opéré dans la Balance [al-mîzân] pour l’“esprit de Justice” (al-‘adl ar-rûhânî), et dans le Nom
l’“Intérieur” pour Muhammad (…) ce qu’exprime sa parole : “J’étais
Prophète alors qu’Adam était entre l’eau et l’argile ” [ou la terre] », ce
qui laisse entendre que l’air et le feu prédomine au sein de la Haqiqâ Muhammadiyyah, bien que dans le
chapitre des Fuçûç consacré à Idrîs,
le feu est assimilé à l’ether (al-athîr),
et on sait que ce dernier est parfois assimilé à un feu supérieur, celui du « Ciel Empyrée » (32).
« Puis le cycle temporel s’est déroulé au cours d’une période de 78 000
années [qui se répartissent aussi en 45 000 années de “châtiment” et en 33 000
années de “sommeil” réparateur (33)] ; puis un cycle temporel nouveau, régi par le Nom l’
“Extérieur” a commencé avec la manifestation corporelle de Muhammad » (34).
Ici, les deux aspects
« intérieur » et « extérieur » de la manifestation
prophétique se distinguent par la Balance du « commencement du
temps » et par celle du « cycle temporel », c’est-à-dire par le
« transfert » de la constellation de la région polaire à la région
zodiacale, « où le
symbolisme solaire prend… la place prépondérante, bien que les traces du
symbolisme polaire y restent encore assez nettement apparentes ; il y a
là, en somme, une sorte de combinaison et presque de fusion entre ces deux modalités
[solaire et polaire] ». En effet, « l’axe vertical, en tant que
joignant les deux pôles, est évidemment un axe nord-sud ; dans le passage
du symbolisme polaire au symbolisme solaire, cet axe devra être en quelque
sorte projeté sur le plan zodiacal, mais de façon à conserver une certaine
correspondance, on pourrait même dire une équivalence aussi exacte qu’il est
possible, avec l’axe polaire primitif. Or, dans le cycle annuel, les solstices
d’hiver et d’été sont les deux points qui correspondent respectivement au nord
et au sud dans l’ordre spatial, de même que les équinoxes de printemps et
d’automne correspondent à l’Orient et à l’Occident ; l’axe qui remplira la
condition voulue est donc celui qui joint les deux points solsticiaux ; et
l’on peut dire que cet axe solsticial jouera alors le rôle d’un axe
relativement vertical, ce qu’il est en effet par rapport à l’axe équinoxial.
Les solstices sont véritablement ce qu’on peut appeler les pôles de
l’année ; et ces pôles du monde temporel, s’il est permis de s’exprimer
ainsi, se substituent ici, en vertu d’une correspondance réelle et nullement
arbitraire, aux pôles du monde spatial ; ils sont d’ailleurs naturellement
en relation directe avec la marche du soleil, dont les pôles au sens propre et
ordinaire de ce mot sont, au contraire, entièrement indépendants ; et
ainsi se trouvent reliées l’une à l’autre, aussi clairement que possible, les
deux modalités symboliques dont nous avons parlé » (35). Ici encore, il y a lieu de faire une transposition, car on sait que le
transfert en question correspond à la période atlantéenne. Aussi, d’après
l’enseignement d’Ibn Arabî, la configuration du ciel au début de la
manifestation prophétique de Mohammad était analogue à celle qui prévalait au
début de la période sus-mentionnée.
On sait
que « Tulâ,
en sanscrit, signifie “balance”, et il désigne en particulier le signe zodiacal
de ce nom ; mais, d’après une tradition chinoise, la Balance céleste a été
primitivement la Grande Ourse [qui aurait même été appelée “Balance de jade”]. Cette remarque est de
la plus grande importance, car le
symbolisme qui se rattache à la Grande Ourse est naturellement lié de la façon
la plus étroite à celui du Pôle [tandis que la Balance zodiacale est] (…) regardée
comme le “signe du Jugement”, et ce que nous avons dit (…) de la balance comme
attribut de la Justice, à propos de Melki-Tsedeq, peut faire comprendre
que son nom ait été la désignation du centre spirituel suprême ». En
effet, les deux Sephiroth « Malkuth, c’est-à-dire le “Royaume” » et Tsedeq, c’est-à-dire le « Juste »,
sont synonyme. « Ce rapprochement de (…) la Royauté (le gouvernement du Monde) et de la Justice, se
retrouve précisément dans le nom de Melki-Tsedeq. Il s’agit ici de la
Justice distributive et proprement équilibrante [qui pourrait s’appliquer à “l’esprit
de Justice” évoqué par Ibn Arabî], dans
la “colonne du milieu” de l’arbre séphirotique ; il faut la distinguer de
la Justice opposée à la Miséricorde et identifiée à la Rigueur, dans la
“colonne de gauche”, car ce sont là deux aspects différents (et d’ailleurs, en
hébreu, il y a deux mots pour les désigner : la première est Tsedaqah,
et la seconde est Din). C’est le premier de ces aspects qui est la
Justice au sens le plus strict et le plus complet à la fois, impliquant
essentiellement l’idée d’équilibre ou d’harmonie, et liée indissolublement à la
Paix » (36).
Par ailleurs, le nombre de 78 000 années
dépasse de 5 200 ans la durée de notre Manvantara
qui est de 64 800 années ; c’est-à-dire que l’aspect
« intérieur » du Prophète correspond symboliquement à l’ère de Satyavrata dont « le nom signifie
littéralement “voué à la Vérité” ; et cette idée de la “Vérité” se retrouve
dans la désignation du Satya-Yuga, le premier des quatre âges en
lesquels se divise le Manvantara. On peut aussi remarquer la similitude
du mot Satya avec le nom de Saturne, considéré précisément dans
l’antiquité occidentale comme le régent de l’“âge d’or” ; et, dans la
tradition hindoue, la sphère de Saturne, est appelée Satya-Loka » (37). C’est aussi le « Ciel » dont
Abraham, le père des hébreux et des arabes, est le régent dans la tradition
islamique. Il est lié à Muhammad, tant par sa filiation charnelle que par sa
filiation spirituelle ; cette dernière étant désignée par le terme hanifiyya
qui représente une modalité de la foi qui incline vers le « milieu »,
au-delà de la « droite » et de la « gauche », et « par
laquelle sont saisies d’une certaine manière les choses de l’ordre
supra-sensible » (38). Seulement, cet
assentiment « ne peut aucunement être dérivé de la religion… [car] il
représente en réalité, par rapport à elle, la Tradition antérieure à toutes les
formes extérieures particulières, religieuses ou autres (39) ». En effet, la racine arabe dont
dérive le terme hanîf est la même que celle qui désigne Hénoch (Hanuq
en hébreu), si ce n’est le point diacritique qui distingue le fâ du qâf.
Du reste, à propos du verset coranique : « Et rappelle (adhkur)
dans le Livre d’Idrîs, qui était un prophète confirmateur de la Vérité (siddiqân-nabî’ân
), que nous l’avons élevé dans un lieu suprême » (Cor. 19, 56-57), Ibn
Arabî interprète ce « lieu suprême » comme étant le Ciel de Saturne (40). Par
ailleurs, Abraham a la vision de différents astres qu’il croit être son
Seigneur, avant de se rendre compte qu’ils sont éphémères (Cor. 6, 76-80),
comme Yûsuf (Joseph), qui y reconnait sa prochaine investiture, et ce
rapprochement est loin d’être fortuit, car si ce dernier n’est pas qualifié de hanîf,
ce terme et ses dérivés sont cités douze fois dans le Coran (41),
et ce nombre est celui de la sourate consacrée au fils de Jacob. C’est
certainement dans ce sens qu’il faut comprendre la parole d’un Maître de la silsilah Madaniyya (Sidi ‘Alî Nûr Ed-dîn
al-Yashruti) selon laquelle : « Celui qui veut s’élever dans la Voie
(al-ladhî yourîd ân yarbâ nafsihi fî at-tarîq), qu’il récite la sourate
Yûsuf (fa-l-yaqrâ sûrat Yûsuf, ‘alayhi es-salâm) ; cette voie étant représentée par l’ascension des
planètes. D’autre part, ce terme est vraisemblablement dérivé du syriaque hanpa, dont la racine est très proche,
sinon identique à celle du nom du dieu égyptien Anoupou, c’est-à-dire Anubis, le « Maître de
l’Occident », l’équivalent de l’Hermès psychopompe à la fois souterrain et
céleste : « Celui qui ouvre les chemins », comme nous l’avons vu
précédemment.
La
tradition hanîfite est représentée
par quatre prophètes qui n’ont pas été atteint par la mort corporelle,
c’est-à-dire qui sont passés de l’état grossier à l’état subtil, ou de l’état
de manifestation à l’état de non-manifestation, et qui représentent autant
d’aspect de l’ « Esprit muhammadien » (42). Ces quatre
prophètes sont El-Khidr, Ilyâs (Elie), Idrîs (Hénoch-Hermès) et ‘Aissâ (le
Messie) qui, en réalité, n’en font qu’un, puisque d’une part, le premier est assimilé
tantôt au second, tantôt au troisième, bien que El-Khidr est aussi parfois
considéré comme le Maître (ustâdh)
d’Idrîs, et qu’il est envisagé dans un rapport de complémentarité avec
Ilyâs ; et que, d’autre part, Idrîs régit le quatrième Ciel celui du Soleil,
dont les « sciences traditionnelles » ont la particularité de
permuter avec celles du deuxième Ciel, celui de Mercure, régit par le Messie.
Ces « sciences » peuvent être mises respectivement en relation avec
l’espace et le temps, puisque la position centrale du Soleil par rapport aux
sphères planétaires se retrouve, pour Mercure, dans la succession temporelle,
avec le mercredi, parmi les jours de la semaine ; les unes et les autres
ayant aussi, par ailleurs, une relation directe avec l’« Alchimie
humaine » et la « Science des lettres » (‘ilm al-hurûf). C’est pourquoi, il nous semble qu’il ne peut y
avoir de meilleure traduction que celle de « tradition hermétique »,
pour rendre intelligible le véritable sens de la tradition hanîfite. On sait que le mot « hermétique » indique
« qu’il s’agit essentiellement d’une tradition d’origine égyptienne,
revêtue par la suite d’une forme hellénisée, sans doute à l’époque alexandrine,
et transmise sous cette forme, au moyen-âge, à la fois au monde islamique et au
monde chrétien, et, ajouterons-nous, au second en grande partie par
l’intermédiaire du premier, comme le prouvent les nombreux termes arabes ou
arabisés adoptés par les hermétistes européens, à commencer par le mot même
d’“alchimie” (el-kimia)…dans sa
forme, mais non dans sa racine [qui] dérive vraisemblablement du mot kémi ou “Terre noire” donné à
l’ancienne Egypte » (43). Quant à l’ « alchimie humaine », où
« l’organisme est représenté comme l’athanor
hermétique », elle repose essentiellement, comme le dhikr, sur la « science du rythme » (44),
et bien qu’elle se rapporte aux « possibilités de l’état subtil, même si
celles-ci ne doivent être prises que comme le moyen préparatoire d’une
réalisation supérieure »
(45), en raison de la connexion entre le
monde intermédiaire et le non-manifesté, elle ne doit pas être confondue avec
ce qu’Ibn Arabî appelle sîmiya’ qui se rapporte à une science traditionnelle
inférieure, plutôt « pratique » que spirituellement
« opérative ». Du reste, « dans la tradition islamique, Seyidna
Idrîs est identifié à la fois à Hermès et à Hénoch ; cette double
assimilation semble indiquer une continuité de tradition qui remonterait
au-delà du sacerdoce égyptien, celui-ci ayant dû recueillir l’héritage de ce
que représente Hénoch, qui se rapporte manifestement à une époque
antérieure » (46). Mais c’est surtout par le rapprochement entre Idrîs
et El-Khidr qu’on peut remonter « au-delà du sacerdoce égyptien ». En
effet, le nom arabe de ce dernier est Ahmed Balyâ, et bâlya, en langue sanskrite, désigne « l’état d’“enfance” (…)
entendu au sens spirituel [et] considéré comme une condition préalable pour
l’acquisition de la connaissance par excellence » (47),
c’est-à-dire, « un stade de “ non-expansion,” si l’on peut ainsi parler,
où toutes les puissances de l’être sont concentrées en un point,
réalisant par leur unification une simplicité indifférenciée, apparemment
semblable à la potentialité embryonnaire. C’est aussi, en un sens un peu
différent, mais qui complète le précédent (car il y a là à la fois résorption
et plénitude), le retour à l’“état primordial” dont parlent toutes les
traditions, et sur lequel insistent plus spécialement le Taoïsme et
l’ésotérisme islamique »
(48). Seulement, bâlya correspond aussi à Lakshmi, la shakti de Vishnu, qui est en relation avec la « Beauté »
parmi les piliers du Temple maçonnique, et comme Guénon le signale dans son
étude sur les « mystères de la lettres Nûn »,
qui, rappelons-le, se rapportent principalement au « monde
intermédiaire » : « il faut se souvenir que Vishnu, se manifestant sous la forme du
poisson (Matsya), ordonne à Satyavrata, le futur Manu
Vaivaswata, de construire l’arche dans laquelle devront être enfermés les
germes du monde futur, et que, sous cette même forme, il guide ensuite l’arche
sur les eaux pendant le cataclysme qui marque la séparation des deux Manvantaras
successifs. Le rôle de Satyavrata est ici semblable à celui de Seyidnâ
Nûh (Noé), dont l’arche contient également tous les éléments qui serviront
à la restauration du monde après le déluge ; peu importe d’ailleurs que
l’application qui en est faite soit différente, en ce sens que le déluge
biblique, dans sa signification la plus immédiate, paraît marquer le début d’un
cycle plus restreint que le Manvantara ; si ce n’est pas le même événement, ce sont du moins
deux événements analogues, où l’état antérieur du monde est détruit pour faire
place à un état nouveau » (49). On se rappellera ici que Satyavrata, a été identifié, plus haut, avec
l’aspect « intérieur » du Prophète Muhammad, dont le nom céleste
Ahmed, est semblable à celui d’El-Khidr
qui est, lui aussi, associé au symbolisme du poisson. L’arche de Seyidna Ahmed
ne peut-être autre que celle de l’alphabet arabe qui procède de l’Expir du
Tout-Miséricordieux (Nafas ar-Rahmân),
et qui est guidé par la science « de notre part » (min ‘ayndi-Nâ) attribuée à d’El-Khidr
dans le Coran ; science dont le pronom de la première personne du pluriel
(Nâ), désignant l’intimité avec Allâh, ne peut qu’évoquer la lettre sanskrite na qui, par sa forme idéographique, forme
la partie supérieure de la lettre arabe nûn, pour former le symbole du Soleil,
« siège » du tantrisme tibétain parmi les formes traditionnelles et
dont Idrîs est le régent, évoquant, pour sa part, la langue atlantéenne appelée
Wattan.
NOTES
(27)
Formes traditionnelles et cycles
cosmiques p. 50.
(28)
Les sept étendards du Califat p. 172.
Cette allusion aux formes traditionnelles implique qu’il n’y a aucun
« anachronisme de l’hindouisme institutionnel » comme l’affirme
l’auteur (ibid. p. 135). D’après
certaines correspondances astrologiques akbariennes (Futûhât chap. 390), les pyramides, qui peuvent être considérées
comme les « tombeaux » d’Adam, de Seth et d’Idrîs, auraient été
construites 5 000 ans avant le Kali-Yuga. Il nous semble donc que la différence
entre les nombres 5 000 et 500 est assez secondaire, dans la mesure où, à cette
époque, le temps était qualitativement très différent du nôtre.
(29) Symboles de la Science sacrée ch. XLV.
(30) Le Roi du Monde
p. 67. C’est bien la raison pour laquelle le Coran dit très précisément que le Khalîfa est établi dans la terre (fîl-ard),
sa fonction s’identifiant, en quelque sorte, à la montagne du Purgatoire entre
le Ciel et la Terre, comme celle du Wang
de la tradition extrême-orientale. Du reste, cette situation est celle qui est
occupée par le « Sceau des Califes » (khatm al-khulâfa) qui s’est montré à Ibn Arabî avec l’apparence
d’une « tête noire », lors de son séjour à Tunis (Futûhât I p. 8), et sur la nature duquel
le « Grand Maître » du taçawwuf
est demeuré perplexe, en raison, très probablement, de sa nescience volontaire
à l’égard de la fonction eschatologique du Mahdî, qui alla jusqu’à refuser de
consulter une tablette faisant partie des trésors de la Kaabah parce qu’elle
est réservée à ce dernier (C. A. Gilis, la
doctrine initiatique du pèlerinage p. 47-48). C’est à ce Sceau des Khulâfa, nous semble-t-il, que
correspond le dernier degré de la hiérarchie symbolisée par les 28 lettres de
l’alphabet arabe, et qualifié par « Celui qui élève en degrés » (Rafî‘a ad-darajât), dans les clés
fournies dans les Mafâtih Fusûs al-hikam
de M. Abdelbâqî Meftah. A cet égard, on peut dire que « le centre est, en raison de son
caractère principiel, ce qu’on pourrait appeler le “lieu” de la
non-manifestation ; comme tel, la couleur noire, entendue dans son sens
supérieur, lui convient donc réellement. Il faut d’ailleurs remarquer que, par
contre, la couleur blanche convient aussi au centre sous un autre rapport, nous
voulons dire en tant qu’il est le point de départ d’une “irradiation” assimilée
à celle de la lumière ; on pourrait donc dire que le centre est “blanc”
extérieurement et par rapport à la manifestation qui procède de lui [al-wujûd nûr], tandis qu’il est “noir”
intérieurement et en lui-même ; et ce dernier point de vue est
naturellement celui des êtres qui (…) se situent symboliquement dans le centre
même » (S.S.S. ch. XVI).
Ailleurs, dans son commentaire sur le verset de la Lumière (Cor. 24, 35),
Guénon écrit dans un même ordre d’idée : « Cette Lumière est même (…)
“lumière sur lumière” [nûr ‘alâ nûr],
donc une double lumière superposée (…), on retrouve encore là “une essence”,
celle de la Lumière unique, et “deux natures”, celle d’en haut et celle d’en
bas, ou le non-manifesté [al-ghayb] et
le manifesté [ash-shahâda], auxquels
correspondent respectivement la lumière cachée dans la nature de l’arbre et la
lumière visible dans la flamme de la lampe, la première étant le “support”
essentiel de la seconde » (Ibid.
ch. LI). Or, « au chapitre 360 des
Futûhât, dont le contenu se rapporte tout entier à ce verset », Ibn
Arabî écrit : « La cinquième Lieutenance est celle où l’Homme tient
la place de “Celui qui est élevé en degré” dans l’univers et de nul autre. La
forme (çûra) de cette élévation est
la suivante : l’Homme universel occupe seul ce degré, car il possède seul
la Forme divine ; son degré est inaccessible (à tout autre). Allâh est
seul à le connaître et l’Homme universel est seul à connaître Allâh parce qu’il
est le support…de Son Epiphanie (majlâ-Hu)...
Dès lors, personne ne peut connaître l’Homme universel [dans sa plénitude] car
personne (en dehors de lui) ne possède le Degré Total (darajat al-kull)… Par là, il est le lieutenant de “Celui qui est
élevé en degrés, le Possesseur du Trône” ; comme s’il était, en quelque
sorte, le double de son Existenciateur ; comme si l’unité de ce dernier
comportait un double conforme à Sa propre unité ! Si tu multiplies l’unité
de l’Homme Parfait par l’unité de Dieu, c’est encore l’unité, et rien que
l’unité que tu obtiens ! Considère alors quelle est cette unité que tu as
obtenue, et quelle est l’unité qui a disparu : celle du lieutenant, ou
celle de Celui dont il est le lieutenant ? » (C. A. Gilis, Les sept Étendards du Califat p. 29-30).
Cette doctrine qui fait allusion à l’Identité suprême, se rapporte
manifestement au Sceau des Khulâfa,
raison pour laquelle nous préférons traduire Rafi‘a ad-darajât par “Celui qui élève en degrés”, puisque le sort
de l’Élite dépend, en quelque sorte, de sa fonction. Du reste, les autres
lieutenances pourraient très bien
s’appliquer aux quatre « Sceaux » restants : celui de la Prophétie, celui de la Sainteté muhammadienne, celui de la Sainteté universelle
et celui des Engendrés.
(31) Le Coran et la fonction d’Hermès p. 20.
(32) Symbole de la
Science sacrée ch. XVI.
(33) M. Vâlsan, L’Islam
et la fonction de René Guénon p. 80 n. 14. Il va sans dire que, si fonction
il y a, mais laquelle ?, celle-ci ne peut être subordonnée à une forme
traditionnelle particulière.
(34) Les sept Étendards…p. 254. Ici encore, les nombres nous paraissent devoir être
interprétés symboliquement, 78 000 ans pouvant très bien convenir à
l’enseignement d’Ibn Arabî, d’autant que, ce qui importe ici, c’est le nombre
huit, symbole de la Justice et du monde subtil.
(35) Symbole de la Science sacrée ch. XXXIV.
(36) Le Roi du Monde, successivement, ch. X et VI.
(37) Symbole de la Science sacrée ch. XXII (en note).
(38) Ibid. ch. LXXIII.
(39) Aperçus sur l’initiation ch. XI.
(40) Le Dévoilement des effets du voyage (al-isfâr ‘an
natâ’ij al-asfâr) : § 32, le voyage d’Enoch (Idris) ;
traduction annotée et présentée par M. Dâwûd Gril, Ed. de L’Eclat, 1994.
(41) On
a vu précédemment que c’était aussi le cas du terme coranique al-Injîl.
(42) M. Chodkiewicz, Le Sceau des Saints
ch. VI.
(43) Forme traditionnelles et cycles
cosmiques, p. 20. Voir aussi Albert
Poisson, Théorie et symboles des
Alchimistes.
(44) L‘homme et
son devenir selon le Vedantâ p. 162 et 187.
(45) Forme
traditionnelles et cycles cosmiques, p. 130.
(46) Ibid.
p. 133.
(47)
Le symbolisme de la Croix, ch. XXIII
(note 18).
(48) L‘homme et son devenir selon le Vedantâ ch. XXIII.
(49) Symbole de la Science sacrée ch. XXIII.
[ANNEXE]
À
propos de la note 42 (Cf. Le Sceau des Saints).
« “Quant au Pôle unique, c’est
l’esprit de Muhammad (rûh Muhammad),
duquel tirent leur support tous les Envoyés et tous les prophètes.”
(Fut., I, p. 151.)
Idrîs, Elie, Jésus et Khadir ne sont à leur tour que
des projections différenciées de la haqîqa
mihammadiyya : d’une certaine façon, ils sont eux aussi de simples
“substituts”. »
Pour une bonne compréhension de la fin et de la
conclusion de cet article, nous recommandons la lecture (ou la relecture) du
chapitre VI, « Les quatre piliers » du Sceaux des Saints de M. Chodkiewicz.
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Article librement disponible sous format pdf à l’adresse
suivante :
< findestempsmodernes72@gmail.com
>