Cet article fait suite au
message posté ci-dessous le16 mai 2004 :
« Calligraphie
kufique du nom Mohammad ».
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Le sceau de l’Imâm al-Shâdhilî |
Le
verset 29 de la sourate al-Fath est
inscrit dans les cercles concentriques intérieurs ; dans le cercle
extérieur figure le nom suprême révélé au sheykh Abû al-Hasan al-shâdhilî. Le
nom « al-Shâdhilî », sectionné en – al – Shâ – dhil – î –, est
réparti en tête des quatre parties angulaires en relation avec les points
cardinaux, dans lesquelles, sont également mentionnés : les noms
correspondants des anges Jibrîl, Mikâ’îl,
Azrâ’îl et Isrâfîl ; les noms des quatre califes « bien
guidés », Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, et ‘Alî ; des groupes de lettres
isolés tels qu’ils figurent au début de certaines sourates du Coran ; le
verset 58 de la sourate Yâ-Sîn et un
fragment du verset 73 de la sourate al-An‘âm.
« Muhammad est l'Envoyé de Dieu. Ses
compagnons sont sévères envers les mécréants, compatissants entre eux. Tu les
vois inclinés, prosternés, recherchant la grâce de Dieu et Sa satisfaction.
Leurs visages sont marqués par les traces de leurs prosternations. Voici à quoi
ils sont comparés dans la Tora et dans l'Evangile : ils sont semblables au
grain qui fait sortir sa pousse, puis il devient robuste, il grossit, il se
dresse sur sa tige. Le semeur est saisi d'admiration, alors que les mécréants
en sont irrités. Dieu a promis à ceux d'entre eux qui croient et qui
accomplissent des œuvres pies un pardon et une récompense magnifique ».
(Al-Fath,
29)
« “Paix”
[telle est] la parole qui leur sera adressé de la part du Seigneur
miséricordieux ».
(Yâ-Sîn, 58)
« Le
royaume Lui appartient ».
(Al-An‘âm, 73)
***
LA TARIQAH
SHÂDHILIYYAH
« En
comparant l’influence d’autres voies initiatiques à celle du pôle maghrébin de
la sainteté, Abû al-Hasan al-Shâdhilî, et en considérant tous les grands maîtres
spirituels qu’elle a formé depuis plus de sept siècles, on constate que ce
cheikh représente la personnalité la plus importante dans le domaine du
soufisme maghrébin. A l’échelle du monde musulman, il s’inscrit dans la lignée
de maîtres illustres tels que Ja‘far al-Sâdiq (m. 148/765), Junayd (m.298/911),
‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî (m. 561/1165), Abû Madyan, (m. 589/1194) Ibn ‘Arabî (m.
638/1240) et Bahâ al-Dîn Naqshband (m. 718/1389). La très grande expansion de
sa tariqa et le nombre considérable
de maîtres qui l’ont renouvelée, eurent pour conséquence l’apparition de
dizaine de ramifications à travers le monde islamique, ce qui lui a valu la
dénomination de “mère des confréries”. On dénombre ainsi, et rien qu’au
Maghreb, au moins une vingtaine de tariqa
d’origine Shâdhilî ».
Abdelbaqi
Meftah
Le sheykh Abû al-Hasan al-shâdhilî
L’Imâm
Abû al-Hasan al-Shâdhilî est né en 593 H. à Ghumara dans une tribu berbère du
Rif marocain. Très jeune, il se rend en Tunisie et renonce déjà aux attraits
mondains. Son premier maître fut Mohammad Abû
‘Abdallah ibn Harazin, un descendant spirituel d’Abû Madyan.
A
cette époque, une famine s’abattit sur la ville de Tunis. Abû al-Hasan dépensa
les quelques dirhams qu’il possédait pour acheter du pain et le distribuer aux
indigents. Peu de temps après, alors qu’il s’était rendu à la mosquée de la
Zaytûna pour la salât à accomplir, un
homme, lui adressa ainsi la parole : « Ô ‘Alî, tu te dis : “Si
j’avais de quoi nourrir ces affamés” ; tu veux te montrer plus généreux
qu’Allâh le généreux. S’il avait
voulu, Il les aurait rassasiés. Il sait mieux que toi ce qui leur convient
». L’inconnu lui révèle qu’il est al-Khadir et qu’il était en chine lorsqu’il
reçut l’ordre de rejoindre ‘Alî, l’ami d’Allâh, ce qu’il fit immédiatement.
Cette rencontre fit prendre conscience à Abû al-Hasan qu’il avait encore
beaucoup à apprendre*.
Il voyagea en Irak où il suivit les
enseignements du shaykh Abû al-Fath al-Wâsitî sur les conseils duquel il se
rendit à Fès dans le but de rencontrer le « qutb » (Pôle) de son
temps. C’est ainsi qu’il reçut la baraka
(influence spirituelle) d’Ibn Mashîsh**.
Il
séjourna ensuite à Shâdhila au sud de Tunis dans des grottes en compagnie de
ses disciples puis s’installa dans la ville. A la suite de plusieurs incidents,
le maître émigre avec ses foqarah en
Egypte. Abû al-Hasan sera suivi par un nombre croissant de disciples et verra
bientôt sa tariqah obtenir une grande
renommée.
L’Imâm
est enterré à Humaytarâ, un village près de la mer Rouge où il meurt en
revenant du Pèlerinage. Sentant sa fin venir, il avait pris soin de réunir ses
principaux compagnons et de désigner Abû al’Abbas al-Mursî pour lui succéder.
*Cf. Denis Gril : « Le saint
fondateur », Les Voies d’Allâh (ouvrage
collectif); Fayard, Paris 1996
**Voir ci-dessus
le message du16 mai 2004 : «
Calligraphie kufique du nom Mohammad ».
Ibn
‘Ata’Allâh rapporte les paroles suivantes transmises de son maître al-Mursî,
lui-même disciple direct d’al-Shâdhilî :
« La
voie (tariqa) du cheikh al-Shâdhilî
se rattache au cheikh ‘Abd al-Salâm Ibn Mashîsh, ce dernier au cheikh ‘Abd
al-Rahman al-Madanî et ainsi de suite jusqu’à al-Hasan, fils de ‘Alî b. Abî
Tâlib. Notre maître al-Mursî disait à ce propos : “ Notre voie ne se
rattache ni aux Orientaux ni aux Occidentaux, mais remonte en ligne droite à
al-Hasan fils de ‘Alî b. Abî Talib, qui fut le premier des Pôles. En effet, la
détermination de la succession des cheikhs ne s’impose qu’aux voies fondées sur
la modalité de la khirqa, car
celle-ci fonctionne par la transmission (riwaya) ;
or dans toute transmission doivent être précisés les hommes qui composent la
chaine initiatique. Quant à notre voie, elle consiste en une direction
spirituelle (hidaya) dans laquelle
Dieu peut attirer à Lui Son serviteur sans qu’il se soumette à un être
vivant ; Il lui donne alors le Prophète comme unique guide sur la Voie, ce
qui est une grande faveur ! ”»*.
*Latâ’if al-minan fî manâqib al-shaykh Abî
l-‘Abbas al-Mursî wa shaykhi-hi al-shaykh al-Shâdhilî Abî l-Hasan, traduit
par E. Geoffroy sous le titre La sagesse
des maîtres soufis ; Ed. Grasset, Paris 1998.
« On
demanda au cheikh al-Shadhilî qui était son maître. “Je me rattachais auparavant
au cheikh ‘Abd al-Salâm Ibn Mashîsh, répondit-il ; maintenant je ne me
réclame plus de personne, car je nage dans dix mers ; cinq adamiques ;
le Prophète, les califes Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî, et cinq angéliques ;
les archanges Gabriel (Jibrîl), Michel (Mikâ’îl) et Isrâfîl, ainsi que l’Esprit
suprême”»**.
* [En note le
traducteur mentionne que] « Dans la tradition islamique, ceux-ci sont
également comme les cinq « angles » (arkân) ; cf R. Guénon, Symboles
fondamentaux de la Science sacrée, Paris, 1962, p. 300 ».
Abû
al-Hasan a composé plusieurs Oraisons, récitées régulièrement dans les hadrah de la plupart des branches de la
Shâdhiliyyah : Hizb al-Barr
(Oraison de la Terre) ; Hizb al-Nasr
(Oraison du Secours) ; Hizb
al-Bahr (Oraison de la Mer).
L’essentiel
de son enseignement est transcrit dans le kitab
al-Hikam* (Le livre des Aphorismes) d’Ibn
‘Atâ’Allâh al-Iskandarî ainsi que dans de nombreux autres ouvrages des maîtres de
la silsilah ou d’auteurs simplement rattachés
à la tariqah. On doit aussi prendre
en considération ses connaissances ésotériques et hermétiques dont il hérita,
comme le shaykh al-Akbar, de Siyyidnâ ‘Alî :
« …
Seyidnâ Ali avait, dit-on, une connaissance parfaite de l’alchimie sous tous
ses aspects, y compris celui qui se rapporte à la production d’effets
extérieurs tels que les transmutations métalliques, mais il se refusa toujours
à en faire le moindre usage. D’autre part, on raconte que Seyidi Abul-Hassan
Esh-Shâdhili, durant son séjour à Alexandrie, transmua en or, à la demande du
sultan d’Egypte qui en avait alors un besoin urgent, une grande quantité de
métaux vulgaires ; mais il le fit sans avoir recours à aucune opération
d’alchimie matérielle ni à aucun moyen d’ordre psychique, et uniquement par
l’effet de sa baraka ou influence
spirituelle ».
(René Guénon ; en note des Aperçus sur l’Initiation, § XLI).
*Voir : Ibn ‘Atâ-Illâh
al-Iskandarî,
Hikam Paroles de sagesse suivies d’un
choix
d’Epîtres et des Entretiens
confidentiels, traduites de l’arabe par
El Hâj’Abd-ar-rahmâne Buret avec la collaboration et une introduction par Titus
Burckhardt : Archè Milano 1999.
La tarîqah Darqâwiyyah Shâdhiliyyah
Le shaykh al-‘Arabî al-Darqâwî
al-Hassanî (1150-1239 H. / 1737-1823).
Mulay
al-‘Arabî est considéré comme l’un des grands revivicateurs du taçawwuf et particulièrement de la tariqah Shâdhiliyyah. Ce sharîf (descendant de la famille du
Prophète) est né au Maroc dans les environs de Fès. Le surnom de Darqâwî lui
vient de son grand-père, Abû Darqâ, ainsi nommé car il portait une darqâ, une sorte de bouclier qu’il
utilisa lors de la lutte armée contre les portugais. Le jeune al-Darqâwî apprit
le Coran et en maîtrisa les différents modes de récitations ; il étudia
les sciences du fiqh à Fès où il
fréquenta plusieurs çûfî.
A
l’âge de trente deux ans, il rencontre le sherîf
Abû al-Hassan ‘Alî Ibn ‘Abdallâh al-‘Imrânî (1193/1823), appelé al-Jamal (le
Chameau), qui le rattache à la tariqah et
auquel il se soumet entièrement. Connu de quelques disciples seulement, ce maître
était considéré au Maghreb comme l’un des « Pôles » (qutb) de la Shâdhiliyyah.
Mulay al-‘Arabî al-Darqâwî résida à Fès auprès
de ‘Alî Jamal qui lui ordonna ensuite de fonder une zawiyah à Bû Brîth dans la
tribu des Banî Zawal et de s’occuper de l’éducation des novices. Il se consacra
à cette tâche durant plus de cinquante années jusqu’à sa mort en 1239 H. (1823).
Le
shaykh al-Darqâwî fut le mujaddid de
son temps ; on le surnomma « le Pôle de la circonférence »
(Qutb al-dâ’irah) du fait qu’il
initia des milliers de personnes et laissa après sa mort un grand nombre de
disciples.
Le
rayonnement de sa baraka et la
diffusion de son enseignement ont contribués à restaurer la pureté de la
spiritualité shâdhilite, notamment en exhortant ses disciples à la pratique
constante du dhikr, à la recherche et
l’acquisition du faqr (pauvreté
spirituelle) et au respect de l’Âdâb.
Il nous reste de
ce grand murshîd un recueil de 300 lettres
(rasâ‘il), à propos desquelles, Titus
Burchardt rapporte dans l’introduction de son ouvrage* contenant la
traduction de 57 d’entre elles que Le sheikh Mulay al-‘Arabî « ne parle
que du seul nécessaire » en évitant « toute spéculation qui
anticiperait inutilement sur le “travail” spirituel ». Les deux lettres
suivantes que nous reproduisons (traduites respectivement par T. Burckhardt et
M. Chabry) sont un exemple de la transmission des méthodes effectuées de maître
en maître depuis Abû al-Hasan al-Shâdhilî :
« L’homme
fort est celui qui se réjouit de voir que le monde échappe de ses mains, le
quitte et le fuit ; qui se réjouit du fait que les gens le méprise ;
et disent du mal de lui, et qui se contente de sa connaissance de Dieu. Le
vénérable maître, le saint Ibn ‘Atâï-Llâh (que dieu soit satisfait de lui) dit
à ce propos dans ses Hikam : “Si
le fait que les gens se détournent de toi ou qu’ils médisent de toi, te procure
de la souffrance, reviens vers la connaissance de Dieu en toi ; si cette
connaissance ne te suffit pas, alors le manque de contentement par la
connaissance de Dieu est une épreuve bien plus grave que n’est la médisance des
gens. Le but de cette médisance, c’est que tu ne te reposes pas sur les
gens ; Dieu veut te ramener de toutes choses afin qu’aucune ne te distraie
de Lui” »*.
*Lettres d’un maître soufi Le
Sheikh Al-‘Arabî
ad-Darqâwî,
traduit de l’Arabe par Titus Burckhardt, Ed. Archè Milano, 1978.
« Polémiquer
avec les disciples, les gens du rattachement à Dieu, ou avec n’importe lequel
des serviteurs de Dieu témoigne d’une grande ignorance et d’un aveuglement évident.
En effet, les gens qui débutent dans la Voie ne peuvent échapper aux
erreurs. Même ceux qui ont atteint le terme ne sont pas infaillibles, alors que
dire de ceux qui débutent ! L’infaillibilité est l’apanage des prophètes.
Cela
dit, lorsque nous voyons un disciple débutant faire une faute, nous le lui
signalons avec douceur et bonté ; s’il en revient (1), alors Dieu soit
béni ! Et sinon, son cas appartient à Dieu, qui nous connait tous mieux
que quiconque. En effet, il a dit : Ô
vous qui croyez, vous n’êtes responsables que de vous-mêmes Celui qui s’égare
ne vous nuira en rien si vous êtes vous-mêmes bien dirigés (2)*.
(1)
Tadhakkara : se souvenir ; cf.
Cor. (7, 201) : Ceux qui craignent
Dieu, lorsqu’une légion de démons s’en prend à eux, se rappellent (thadhakkarû)
et voici qu’ils sont clairvoyants.
* Lettres sur la Voie spirituelle, Al-Rasâ’il,
Shaykh al-‘Arabî al-Darqâwî (traduction et notes de M. Chabry) ; Editions
La Caravane, Paris 2003 (cet ouvrage contient 272 lettres).
– 19 Abû al-Hasan
al-Shâdhilî, H. 656 (1258*)
– 20 Abû al-‘Abbâs al-Mursî, H. 686 – 21 Ahmad Ibn ‘Atâ’Allâh
al-Iskandarî, H. 709 – 22 Dâwûd al-Bakhilî-Bâqirî – 23 Mohammad Bahr
al-Shafâ-Abâ, H. 807–24 ‘Alî Wafâ-Ibn, H. 865 – 25 Yahyâ al-Qâdirî – 26 Ahmad
bin ‘Uqba al-Hadramî, H. 895 – 27 – Ahmed Zarruq, H. 899 – 28 Ibrâhîm Afahhâm –
29 ‘Alî al-Sanhâjî al-Dawâr – 30’Abd al-Rahmân al-Majdhûb, H. 986 – 31 Yûsuf
al-Fâsî, H. 1013 – 32 ‘Abd al-Rahmân al-Fâsî, H. 1096 – 33 Qâsim al-Ikhsâsî,
H.1083 – 34 Ahmad ibn ‘Abd al-Âlân -bin, H. 1120 – 35 Al-’Arabî bin Ahmad bin
‘Abd-Âl, H. 1166 – ‘Alî Jamal, H. 1194
– 37 Al-‘Arabî
al-Darqâwî, H. 1239 (1823*).
*Selon l’ère chrétienne.
Présence de
la tariqah Shâdhiliyyah dans
l’Hexagone.
Sidî ‘Abd al-Hâdi – John
Gustav Agueli – (1869-1917).
J. G. Agueli – ‘Abdul-Hâdi – peintre
suédois au tempérament complexe, est né à Sala près de Stockholm. Arrivé à
Paris en 1890, il retourne en Suède pour revenir en 1892. Il ne cessera alors
de voyager et fera l’apprentissage de plusieurs langues lors d’un séjour en
prison. Rattaché à la tariqah
Shâdhiliyyah en Egypte par le sheykh Elîsh (dont il devient de facto le moqaddem), il revient de
nouveau à Paris et rédige des textes en français sur l’intellectualité de
l’ésotérisme islamique. C’est durant la parution de La Gnose dont Palingénius-Guénon était le directeur qu’Agueli
entreprit les premières traductions sérieuses de traités arabes du taçawwuf et rédigea différents articles
d’esprit traditionnel qu’il signa de son nom musulman*.
L’influence spirituelle d’‘Abd
al-Hâdi qui rattacha Guénon – ‘Abd al-Wâhid Yahya – à la Shâdhiliyyah, sera
déterminante dans la destinée de ce dernier. Agueli meurt accidentellement à
Barcelone en 1917.
*Les
articles d’Abdul-Hâdi parus dans La Gnose
ont été réunis sous le titre : Ecrits
pour La Gnose, comprenant la traduction de l’arabe du Traité de l’Unité,
aux éditions Archè Milano, 1988 (l’ouvrage souffre d’une présentation
discutable et comporte de nombreuses coquilles).
Le shaykh
‘Abd al Wahîd Yahya – René Guénon – (1986-1951).
Les articles que Guénon publia dès 1910, les onze
volumes qui paraitront régulièrement jusqu’à sa disparition en 1951, les
ouvrages posthumes, la correspondance considérable et les inédits représentent
une somme de connaissances sans précédent. Seules quelques personnes marquées
par son enseignement verront dans l’œuvre et « l’activité de
présence » de son auteur la continuité d’un enjeu spirituel dorénavant
décisif face à la désintégration du monde moderne.
Les Aperçus sur
l’Initiation est l’ouvrage le plus important que Guénon nous a laissé sur
les questions essentielles de la voie initiatique. Exposées en dehors de toute
forme traditionnelle particulière, l’Islam comme l’Hindouisme ou la
Franc-Maçonnerie y sont mentionnés à titre d’exemple ou d’applications.
Ainsi, pour ce qui concerne le musulman, la
« connaissance théorique » à laquelle l’auteur a précisé mainte fois
vouloir se tenir exclusivement*, doit être entendue comme comprenant,
initialement, l’apprentissage de la récitation du Coran et la recherche des
vérités spirituelles qu’il contient. Par conséquent, la connaissance de la
doctrine islamique, qui repose sur la Connaissance intégrale du Coran,
représente le fondement du début, du milieu et de la fin de la voie du taçawwuf que le Maître spirituel (murshîd) aura pour fonction de faire
parcourir à ses disciples :
« Ainsi, de proche en proche, on peut aller
jusqu'à l’ “élection” suprême, celle qui se réfère à l’“adeptat”, c'est-à-dire
à l’accomplissement du but ultime de toute initiation ; et, par
conséquent, l’élu au sens le plus complet de ce mot, celui qu’on pourrait
appeler l’“élu parfait”, sera celui qui parviendra finalement à la réalisation
de l’“Identité Suprême” (1).
[En
note] :
(1) Dans la
tradition islamique, El-Mustafâ,
“l’Elu”, est un des noms du Prophète ; quand ce mot est ainsi employé “par
excellence”, il se rapporte donc effectivement à l’“homme Universel”. » (Cf. Aperçus sur l’initiation,
Chap. XLIII, « Sur la notion de l’élite » ; Éditions
Traditionnelles, Paris 1953)
Le shaykh ‘Abd al-Wahîd Yahya, unique dépositaire, à
cette époque, de la « Baraka
Shâdhilî » dont ‘Abd al-Hâdî fut le transmetteur, part en 1930
pour l’Égypte et s’installe définitivement au Caire. Ce sera donc par un
détour inattendu que la présence de la tariqah
Shâdiliyyah reviendra sur le sol français**.
*Guénon se
caractérise par son refus nettement exprimé de diriger ou d’avoir des
disciples ; il eut l’occasion d’affirmer, à propos d’une remarque de
Schuon, qu’il n’accepta jamais de fonction particulière, et, à l’un de ses
correspondants qui s’était laissé aller à quelques flatteries déplacées
concernant son statut spirituel, il fit la mise au point suivante :
« Nous n’avons pas la prétention d’être
un “adepte” et même, la preuve péremptoire que nous ne le sommes point,
c’est que nous écrivons encore ; nous savons nous tenir à notre rang si
modeste soit-il ; mais, puisqu'il est question d' “adeptes”, disons que, s'ils
ont une inaltérable sérénité, il est du moins exact qu'ils n'ont aucune
"mansuétude" et qu'ils n'ont pas à en avoir, car ils ne font point de
sentiment, et ils sont toutes les fois qu'il le faut d'implacables justiciers ! »
(Compte rendu de revues, janvier 1931)
Guénon parle
de l’Adeptat dans Aperçus sur
l’initiation, au chapitre X ; « Des centres initiatiques »
(p.66) ; le texte comporte une note au terme adepte définissant
précisément ce qu’il n’est pas.
** Quelque
temps avant son départ pour l’Égypte, Guénon signale dans sa correspondance, la
présence de réunions de la tariqah ‘Alâwiyyah (une branche de la tarîqah
Shâdiliyyah Darqâwiyyah), composées exclusivement d’Arabes et de Kabyles, ayant
lieu boulevard St.Germain à Paris.