LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

samedi 22 novembre 2014

À PROPOS DU CHEMINEMENT DANS LES VOIES ISLAMIQUES EN OCCIDENT MODERNE






À PROPOS DU CHEMINEMENT
 DANS LES VOIES SPIRITUELLES ISLAMIQUES
EN OCCIDENT MODERNE




Les deux textes ci-dessous, extraits d’une correspondance privée (que par discrétion nous garderons anonyme), répondent à un conseil demandé de la part d’un musulman d’origine européenne entré depuis peu dans la branche d’une tariqah moyen-orientale implantée en France. Ce dernier accumula suffisamment de déceptions pour s’interroger sur ses intentions et la légitimité de ses doutes. Les aspects particuliers touchant le pouvoir intérressé de certaines personnes ont été écartés afin de ne garder que les points essentiels sous jacents à la question. Les remises en cause du questionnant ne touchaient en aucune façon la régularité, la légitimité et la probité du shaykh muschîd de la branche de cette tariqah.


« J’ai malheureusement de bonnes raisons de penser que vos inquiétudes sont tout à fait fondées. Le choix que vous avez fait de vous tenir à l’écart me parait donc fort sage.
La régularité de la silsila d’un shaykh satisfait à une condition en quelque sorte “juridique” de l’exercice de la mashyikha. Elle n’est en aucune façon une condition suffisante. D’innombrable shuyûkh d’une régularité indiscutable – et dont les intentions peuvent être bonnes – ne sont pas néanmoins qualifiées pour exercer une fonction magistrale effective. Il est exceptionnel qu’un shaykh (fût-il parfaitement apte à ce rôle) ait une aire de compétence très étendue et à fortiori universelle. Bien des dégâts risquent de se produire lorsqu’il outrepasse les limites assignées à sa fonction et cela même si, là encore, ses intentions sont louables. J’ai pu constater, en Europe et en Amérique, les graves conséquences des interventions de shuyûkh dont le mandat n’était valide que dans leur territoire d’origine ou – car le mandat n’est pas nécessairement territorial – dans une communauté déterminée. Sorti de son domaine de compétence spirituelle, un shaykh commet fréquemment de graves erreurs, aussi bien dans le domaine de l’enseignement qu’il dispense, des pratiques qu’il institue que dans la désignation de ses représentants.
A ce sujet, une remarque ; nul ne peut se dire le représentant de la tariqa naqshbandiyya (ou d’une autre) mais, tout au plus, le représentant d’une des multiples branches de cette tariqa.
Cela dit, reste que  selon une parole du shaykh al-akbar   « C’est par Dieu qu’on connait les maîtres et non par les maîtres qu’on connait Dieu » : ce qui signifie qu’une ardente orientation du cœur vers Allâh n’est jamais déçue. »


***


« Dans votre situation présente, il est évident que tout ce que vous pouvez faire pour étendre et approfondir votre formation doctrinale est une bonne chose – étant entendu que je parle ici d’une formation doctrinale proprement et exclusivement islamique dans ses références et dans son langage. Cela implique donc, outre l’indispensable acquisition de la langue arabe, une familiarité avec les divers aspects de la culture islamique dont l’enseignement des maîtres spirituels n’est pas séparable (tafsîr, hadîth, kalâm, fiqh). Il ne s’agit pas, bien entendu, de devenir un spécialiste en toutes les matières mais de compenser autant que possible, par un effort intellectuel, l’absence de tout ce qui, dans les sociétés musulmanes traditionnelles transmettait – par osmose en quelque sorte – les savoirs nécessaires au murîd.
Il va de soi que, puisque vous êtes naqshbandî, une attention particulière à l’enseignement des shuyûkh de la Naqshbandiyya s’impose à vous. Je pense, à titre d’exemple, aux commentaires généralement très brefs mais très pénétrants de versets coraniques ou de hadith-s qu’on trouve dans les propos du shaykh ’Ubaydallâh Ahrar.
L’histoire de la Naqshbandiyya témoigne d’autre part du rôle important qu’y jouent les interventions de la ruhâniyya des maîtres défunts. Encore faut-il se rendre disponible, notamment par le pratique de la râbita*, laquelle peut, légitimement et efficacement, avoir pour objet n’importe lequel des maîtres de la silsila – et, par exemple, établir un lien entre le murîd et le cœur lumineux du shaykh Bahâ al-dîn Naqshband ».


*La râbita est une pratique propre à la Naqshbandiyyah nécessitant le rattachement effectif avec la shaykh murshîd ou l’un de ses représentants mandatés.



Après s’être mis à l’écart des réunions et des hadrah durant un certain temps, le questionnant prit le rattachement avec le shaykh représentant la branche d’une autre tariqah ; les modalités de cette nouvelle voie correspondant mieux à ses déterminations propres.
Certains pensent qu’une distinction s’impose entre le cheminement des musulmans d’origine, issus d’un pays aux normes encore traditionnelles, et celui des occidentaux venu à la spiritualité islamique par l’étude de l’œuvre guénonienne. Sans doute qu’à l’époque du shaykh Mustafâ Vâlsan, cette distinction s’imposait naturellement par la force des choses. Il en va différemment aujourd’hui pour les raisons expliquées dans le  "message" précèdent (du 16 oct. 2014) ; « Une extension de la tariqah Shadhiliyyah, par l'une de ses branches, dans les pays occupés par les Etats modernes »Il est possible d’affirmer avec certitude que les difficultés, lorsqu’elles se présentent, peuvent être résolues avec une orientation désintéressée et sans faille. Il y a certes des obstacles à surmonter lorsque l’on s’engage dans une tariqah avec pour seul bagage une connaissance seulement théorique, mais, comprendre le sens profond de ce que l’on pratique, en terme d’efficacité, est une arme qui peut avoir raison de tout.








jeudi 16 octobre 2014

LA TARIQAH SHADHILIYYAH DANS LES PAYS OCCUPÉS PAR LES ÉTATS MODERNES.








UNE EXTENSION DE LA TARIQAH SHADHILIYYAH, 
PAR L'UNE DE SES BRANCHES, 
DANS LES PAYS OCCUPÉS PAR LES ÉTATS MODERNES.




Frithjof Schuon – Shaykh ‘Issâ Nûr al-Dîn – (1907-1998).

D’origine protestante et de tempérament mystique, très tôt attiré par la tradition des Peaux-Rouges ainsi que son frère qui deviendra moine trappiste*, F. Schuon Nait à Bâle en 1907. Tout en s’intéressant aux traditions orientales, Il ressent de réelles dispositions pour le culte de la Sainte Vierge. Suite à la lecture des ouvrages de Guénon parus entre les deux guerres, il va correspondre avec ce dernier et, sur sa recommandation, fera le voyage en Algérie pour y rencontrer le shaykh Ahmed al-‘Alâwî à Mostaghanem :
« Je me demande si vous avez déjà réalisé votre projet de partir pour l’Algérie ou si vous allez le réaliser ? (…) Je vous engagerais plutôt à aller à Mostaghanem et à voir le Cheikh Ahmed ben Alioua, à qui vous pourrez vous présenter de ma part »…
Schuon lui ayant répondu, Guénon lui adressera un nouveau courrier directement à Mostaghanem dans lequel il lui précisera :
 « En tout cas la première chose essentielle c’est le rattachement à l’Ordre ; le reste peut venir ensuite, et souvent de façon imprévue ».
Nous sommes alors en 1933 ; un an plus tard, Schuon va connaître « une expérience » ; on rapporte en effet qu’une « Présence » l’accompagna trois jours durant lesquels il eut le sentiment « que le Nom divin s’actualisait en lui avec une résonance et une intensité bouleversante ». Plus tard, il dira que « le Nom divin » avait fondu sur lui « comme l’aigle sur sa proie ». Cet “éveil” se manifesta quelques jours avant la mort du grand murshîd algérien. Il retourna très vite à Mostaghanem et recevra du shaykh Adda Bentounès, le successeur régulier du shaykh Ahmed al-‘Alâwî, l’ « ijaza », c’est à dire le certificat de moqaddem l’autorisant « à répandre le tawhîd et l’Islâm ». De retour en Europe, il fondera alors trois centres : l’un à Amiens en France et deux autres à Bâle et Lausanne en Suisse.
Il prendra rapidement son indépendance à l’égard du successeur du shaykh al-‘Alâwî et se sentira investi dans «  un songe » de la fonction de shaykh.
 Il se sera rendu deux fois au Caire, en 1938 et en août 39, pour rencontrer Guénon, le shaykh ‘Abdel Wahîd Yahya. Deux de ses proches amis et disciples, T. Burchardt et J. L. Michon feront également le voyage pour visiter « le grand çufî ».

En 1980, Schuon partira en Amérique du Nord pour se rapprocher des « Indiens des Plaines » ; il écrira dans une lettre : «  L’âme indienne se trouve ici d’une certaine manière dans l’air […] Étant donné que notre perspective est essentialiste, donc universaliste et primordialiste, il est plausible que nous puissions avoir des rapports de fraternité avec le monde des Peaux-Rouges, lequel intègre la Nature vierge dans la religion ». Pour Schuon, le monde des Peaux-Rouges, peut offrir « dans un univers malsain fait d’artificialité, de laideur et de petitesse une brise rafraîchissante de primordialité et de grandeur ».

The feathered sun (Le Soleil des plumes) est le titre d’un ouvrage paru aux Etats-Unis rassemblant des articles sur l’art et les traditions des indiens, préfacé par Thomas Yellowtail et illustré de peintures exécutées par Schuon lui-même. Dès lors, jusqu’à sa mort en 1998 à Bloomington dans l’Indiana, la production littéraire du maître de cessera d’accroitre une abondante bibliographie.

* Son intérêt pour les indiens Peaux-Rouges était si intense qu’il ira jusqu'à installer un tepee dans l’enceinte de son monastère.


La tariqah al-Mariyamiyyah al-‘Alawiyyah

La nature de l’enseignement de Schuon le shaykh‘Issâ Nûr al-Dîn est rapportée par Martin Lings (un des disciples le plus proche avec Titus Burckhardt), qui a mentionné un extrait de Perspectives spirituelles et Faits humains, en le présentant de la manière suivante : « … un passage d’une importance pratique immense en ce que l’auteur semble parler directement et pour ainsi dire personnellement à chacun de ses lecteurs, adressant à tous une sorte d’avertissement, qui devient pour certains une invitation » ; il s’agit du passage suivant * : « La connaissance ne sauve qu’à condition d’engager tout ce que nous sommes : quand elle est une voie qui laboure et qui transforme, et qui blesse notre nature comme la charrue blesse le sol. (…) La connaissance métaphysique est sacrée. C’est le propre des choses sacrées d’exiger de l’homme tout ce qu’il est » ; Lings commente : «  Schuon insiste ici sur la nécessité d’un engagement total, ce qui est l’un des thèmes dominants de toute son œuvre ; mais en tant que guide d’âmes, il était particulièrement généreux dans l’octroi des moyens par lesquels cet engagement peut-être réalisé, car il connaissait parfaitement la difficulté considérable qu’il y a - spécialement pour qui est né, a été élevé et scolarisé dans l’Occident moderne - à rassembler tous les éléments psychiques épars pour réaliser la perfection d’une sincérité sans faille ».

En 1936, la tarîqah du shaykh ‘Issâ-Shuon est devenue la tarîqah Mariyamiyyah ; c’est alors que Guénon reçoit du Caire un important courrier contenant des questionnements et des critiques de la part de quelques disciples (dont Michel Vâlsan) soucieux de l’orthopraxie du taçawwuf. Voici l’extrait d’une lettre de Guénon à l’un de ses nombreux correspondants relatant un constat plutôt inquiétant à propos de la tarbiyyah très particulière pratiquée par le maître suisse :
« […] A Lausanne, les observances rituéliques ont été réduites au strict minimum, et la plupart ne jeunent même plus pendant le mois de Ramadân […], et je vois que je n’avais que trop raison quand je disais que bientôt ce ne serait plus du tout une tarîqah, mais une vague organisation “ universaliste”, plus ou moins à la manière de celle des disciples de Vîvêkânanda ! ».

Concernant les règles inhérentes aux voies initiatiques de l’Islam :
« […] car, au point de vue technique, l’ignorance de ces gens, à commencer par F. S. [Frithjof Schuon] lui-même est véritablement effrayante ».

Pour les dispenses octroyées à ses disciples ainsi que celles que le shaykh s’octroyait lui-même, Vâlsan citait le hadith suivant :
 « Qui abandonne ma sunnah n’est pas d’entre les miens ! » (Man taraka sunnatî falaysa ninnî).

Enfin, pour ce qui est des libertés et des innovations du shaykh, Guénon rappelle dans l’une de ses lettres que S. ‘Issâ-Schuon, en tant que moqaddem désigné par le représentant régulier de la tarîqah ’Alawiyyah en Algérie,
« se devait de transmettre ce que lui-même avait reçu par son rattachement » ;
C'est-à-dire, les enseignements des shuyûkh de la silsilah al-‘Alawiyyah al-Darqâwiyyah al-Shâdhiliyyah**.


*Éd. Les cahiers du Sud, Paris, 1953, p. 185 et 186.
**Selon la tradition du taçawwuf, elle devrait logiquement être nommé : tarîqah Mariyamiyyah ‘Alawiyyah Darqâwiyyah Shâdhiliyyah et non simplement la Mariyamiyyah, comme elle est désignée habituellement par les disciples de Schuon, laissant ainsi entendre une rupture avec la tariqah Shadhiliyyah. Martin Lings a cependant clairement écrit dans un numéro spécial consacré à Schuon que ce dernier est resté fidèle à l’Islam, jusqu’à sa mort.



Martin Lings – Shaykh Abû Bakr Sirrâj al-Dîn – (1909-2005)

Né dans le Lancashire en 1909 dans une famille Protestante, il partira très tôt avec son père aux Etats-Unis. De retour en Angleterre, il entrera en 1928 à l’université d’Oxford. N’ayant pas trouvé ce qu’il cherchait dans le Christianisme, il décidera de voyager en Inde pour y étudier et approcher l’Hindouisme. En 1938, revenu en Occident, il fera la rencontre de Schuon -‘Issâ Nûr al-Dîn- à Bâle et entrera en Islam. L’année suivante, Lings ira en Egypte pour rendre visite à un ami qui assistait Guénon au Caire. Peu de temps après, son ami décèdera et Lings le remplacera, auprès de Guénon, en tant que secrétaire.
 Il apprend la langue arabe, enseigne à l’université Fu‘ad Premier et s’installe dans le village de Nazlat al-Samân jusqu’en 1952 où il dû quitter le territoire égyptien après les campagnes antibritanniques qui sévirent durant les années de lutte pour l'indépendance.

De retour au Royaume-Uni, il poursuivra des études sur la culture et la littérature post coloniale et obtiendra un doctorat à l'Université de Londres spécialisée dans l'étude de l'Asie, de l'Afrique, du Proche et Moyen Orient (SOAS). A cette époque, il publiera Book of certainly, qui est la traduction d'un ouvrage qu'il rédigea en arabe* lors d'un long séjour en Egypte.

Il publiera ensuite sa thèse de doctorat sur le maître çûfî algérien Ahmad al-Alawî**, travaillera ensuite pour le British Museum puis, plus tard, à la British Library où il approfondira ses connaissances des manuscrits orientaux.

A partir de cette période, il produira de nombreux ouvrages dont nous retiendrons : Muhammad, his life based on the earliest sources, 1983 ; La onzième heure, Croyances anciennes Superstitions modernes***etc.

Rattaché depuis 1938 à la Tariqah ‘Alawiyyah Darqâwiyyah Shadiliyyah, Abû Bakr Sirrâj al-Dîn-Lings succède en 1998 à ‘Issâ Nûr al-Dîn Ahmed-Schuon et dirige les murîd de la tarîqah (devenu la Mariyamiyyah).
Etabli dans le Kent, il continuera de voyager, et chaque année, partira pour La Meckke accomplir une Umra, jusqu'à sa mort en 2005.

*Kitâb al-yaqîn, al-madhhâb al-sûfî fî-l-imân wa-l-kachf wa-l-‘irfân. Ce Kitab est paru en français (dans une traduction moyenne) sous le titre : Le Livre de la Certitude (La doctrine soufie de la Foi, de la Vision et de la Gnose), aux Éditions Tasnîm, en 2009.
**Un saint soufi du XXième siècle, le cheikh Ahmed al-‘alawî, Le Seuil, 1990.
*** Édition originale, George Allen& Unwin Ltd, London ; traduit en français par Jean louis Michon sous le titre Le Prophète Mohammad, sa vie d’après les sources les plus anciennes Éd du Seuil, 1986 ; cette « Risalah » est la plus complète et la mieux traduite de toutes celles qui sont actuellement disponibles en lange européenne ; La Onzième Heure, La crise spirituelle du monde moderne à la lumière de la Tradition et des prophètes, l’Age d’homme, coll. Delphica, 2001 ; Croyances anciennes Superstitions modernes, Ed. Pardès 1987.





Sayyed Hossein Nasr a été désigné pour succéder au shaykh Abû Bakr Sirrâj al-Dîn.



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Michel Vâlsan – Shaykh Mustafâ ‘Abd al-‘Azîz – (1907-1974)
Né en Roumanie en 1907, Michel Vâlsan, alors diplomate, immigre en France dans les années trente. Tout comme Schuon, suite à la lecture des ouvrages de Guénon disponibles dans les années 20, il correspond avec le maître des études traditionnelles auquel il restera fidèle jusqu’à sa mort. C’est ainsi que Vâlsan entre en Islam et, sur les recommandations de Guénon, se rattache au taçawwuf en intégrant la tarîqah de S. ‘Issâ-Schuon qui le désignera par la suite moqaddem pour les disciples de Paris. Les conséquences de l’indépendance revendiquée par Schuon à l’égard de la tarîqah ’Alawiyyah de Mostaghanem et les modalités spéciales de son enseignement vont amener, en 1950, le futur shaykh Mustafâ, sous la caution de Guénon*, à prendre son indépendance vis-à-vis de la Mariyamiyyah du shaykh‘Issâ Nûr al-Dîn Schuon.
L’enseignement du shaykh Mustafâ a consisté pour l’essentiel à transmettre l’identité doctrinale des écrits d’Ibn al-‘Arabî, par des traductions annotées selon les principes métaphysiques exposés par Guénon, et de l’appliquer aux méthodes de la tariqah ‘Alâwiyyah Darqâwiyyah Shâdhiliyyah. Les rites du maqâm tunisien de l’Imâm Shadhilî furent ensuite intégrés aux pratiques de la tarîqah. Le shaykh Mustafâ Vâlsan établiera une zâwîyah pour ses disciples dans la banlieue parisienne.
 En sa qualité de traducteur des écrits d'Ibn ‘Arabî, il deviendra un contributeur de la revue Etudes traditionnelles dont la direction éditoriale lui revient en 1961. Depuis, ses nombreuses traductions des écrits du shaykh al-akbar demeurent une référence incontournable.
Le shaykh Mustafâ ‘Abd al-‘Âziz meurt accidentellement en 1974 sans nommer de successeur**.

*Voir plus haut.
** Un ouvrage posthume regroupant ses principaux articles a été publié aux Éditions de l'Œuvre sous le titre : L'Islam et la fonction de René Guénon, Paris, 1984. Ses nombreuses traductions parues dans la revue des E.T. ainsi que ses inédits et sa correspondance avec Guénon, n’ont pas été repris en volume à ce jour.





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« Immigration » des turûq dans l’Occident moderne.

Le contexte religieux en Europe s’est considérablement modifié depuis les années 70 ; les dirigeants successifs des Etats européens, dont l’objectif avéré depuis la Révolution de 1789 est la destruction de l’ « Ordre traditionnel », n’avaient sans doute pas prévu que l’immigration conséquente à la décolonisation importerait pacifiquement une forme traditionnelle avec laquelle les athées et les chrétiens devraient ensuite partager leur territoire. La présence grandissante de l’Islam en Europe et dans le monde a modifié les conditions permettant de répondre à la nécessité de l’ésotérisme par les nouvelles possibilités initiatiques du taçawwuf. Les disciples de Schuon et de Vâlsan, qui furent en quelque sorte des pionniers, peuvent désormais bénéficier d’une pratique plus accessible des rites islamiques et profiter de la proximité d’autres turûq venues directement des pays musulmans. Il est important de souligner que cet apport de la présence (baraka) des maîtres spirituels constituant les silsilah de ces confréries est un bienfait spirituel appréciable pour les peuples occidentaux, en dépit de ce que peuvent penser certains nationalistes chrétiens qui s’insurgent contre la progression de l’Islam en terre chrétienne. Pourtant, ces gens-là ne peuvent ignorer que leur situation est la conséquence d’un déséquilibre dont leurs proches ancêtres sont pleinement responsables et dont il va leur falloir, à terme, rendre compte, car comme le rappelait Guénon, il est des lois qui veulent que, quiconque sacrifie à un dieu, devienne bon gré mal gré, la nourriture de ce dieu*... 

Les Enseignements des Evangiles sont à ce sujet d’une salvatrice prévention : 


 « Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres car : Ou bien il haïra l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera à l'un et ne tiendra pas compte de l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent (Mammon) ».
(Saint Luc ; 16, 13)

Ou encore :

« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi ! Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi ! Celui qui ne prend pas sa croix pour venir à ma suite n'est pas digne de moi ! »
(Saint Matthieu ; 10, 37)


Le Coran ne dit pas autre chose :



« Dis : Si vos pères, vos fils, vos frères, vos épouses, votre parenté, les biens que vous avez acquis, un commerce dont vous craignez le déclin et des demeures qui vous sont agréables vous sont plus chers qu’Allâh et Son Envoyé et que le combat dans la voie d’Allâh, attendez-vous à l’échéance de l’Ordre divin ; Allâh ne guide pas les peuples pervers. »
(C. IX, 24)


*Sans nous attarder sur le sort du monde occidental, nous évoquerons brièvement l’influence grandissante de la contre tradition, laquelle, pour le Catholicisme Romain a frappé de manière sournoise avec le Concile Vatican II en supprimant la langue liturgique et en falsifiant les rites ; l’influence délétère du Protestantisme et des sectes évangélistes répandues un peu partout dans la monde et, plus proche de nous, le nationalisme des chrétiens intégristes qui gagne les esprits par le regroupement politique et la manipulation idéologique ; non moins redoutable pour la tradition Hébraïque, les divers courants pseudo-religieux et racistes du nationalisme sioniste, très actifs par leurs “groupes de pression”; et enfin, le formalisme islamique, avec le Wahhabisme, le Salafisme et leurs extensions intégristes-terroristes alimentées par le financement des pays pétroliers.
Il est intéressant de noter que cet ensemble de contrefaçons parle un langage intelligible aux masses intoxiquées par la sphère médiatique, le caractère orthodoxe des religions n’intéressant qu’un nombre de plus en plus réduit de personne. Les musulmans (nous entendons les musulmans véritables pratiquant l’Islâm selon l’orthodoxie des écoles juridiques et qui savent par ailleurs se préserver de ce qui ne les regarde pas) échappent encore pour une grande part à cet amoindrissement intellectuel. Il est certain qu’ils seront protégés tant que le taçawwuf et la spiritualité islamique se maintiendront.














jeudi 4 septembre 2014

LA TARIQAH SHÂDHILIYYAH



Cet article fait suite au message posté ci-dessous le16 mai 2004 :
« Calligraphie kufique du nom Mohammad ».



Le sceau de l’Imâm al-Shâdhilî


Le verset 29 de la sourate al-Fath est inscrit dans les cercles concentriques intérieurs ; dans le cercle extérieur figure le nom suprême révélé au sheykh Abû al-Hasan al-shâdhilî. Le nom « al-Shâdhilî », sectionné en – al – Shâ – dhil – î –, est réparti en tête des quatre parties angulaires en relation avec les points cardinaux, dans lesquelles, sont également mentionnés : les noms correspondants des anges Jibrîl, Mikâ’îl, Azrâ’îl et Isrâfîl ; les noms des quatre califes « bien guidés », Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, et ‘Alî ; des groupes de lettres isolés tels qu’ils figurent au début de certaines sourates du Coran ; le verset 58 de la sourate Yâ-Sîn et un fragment du verset 73 de la sourate al-Anâm.


« Muhammad est l'Envoyé de Dieu. Ses compagnons sont sévères envers les mécréants, compatissants entre eux. Tu les vois inclinés, prosternés, recherchant la grâce de Dieu et Sa satisfaction. Leurs visages sont marqués par les traces de leurs prosternations. Voici à quoi ils sont comparés dans la Tora et dans l'Evangile : ils sont semblables au grain qui fait sortir sa pousse, puis il devient robuste, il grossit, il se dresse sur sa tige. Le semeur est saisi d'admiration, alors que les mécréants en sont irrités. Dieu a promis à ceux d'entre eux qui croient et qui accomplissent des œuvres pies un pardon et une récompense magnifique ».
(Al-Fath, 29)




« “Paix” [telle est] la parole qui leur sera adressé de la part du Seigneur miséricordieux ».
(Yâ-Sîn, 58)






« Le royaume Lui appartient ».




(Al-Anâm, 73)



***






LA TARIQAH SHÂDHILIYYAH


« En comparant l’influence d’autres voies initiatiques à celle du pôle maghrébin de la sainteté, Abû al-Hasan al-Shâdhilî, et en considérant tous les grands maîtres spirituels qu’elle a formé depuis plus de sept siècles, on constate que ce cheikh représente la personnalité la plus importante dans le domaine du soufisme maghrébin. A l’échelle du monde musulman, il s’inscrit dans la lignée de maîtres illustres tels que Ja‘far al-Sâdiq (m. 148/765), Junayd (m.298/911), ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî (m. 561/1165), Abû Madyan, (m. 589/1194) Ibn ‘Arabî (m. 638/1240) et Bahâ al-Dîn Naqshband (m. 718/1389). La très grande expansion de sa tariqa et le nombre considérable de maîtres qui l’ont renouvelée, eurent pour conséquence l’apparition de dizaine de ramifications à travers le monde islamique, ce qui lui a valu la dénomination de “mère des confréries”. On dénombre ainsi, et rien qu’au Maghreb, au moins une vingtaine de tariqa d’origine Shâdhilî ».
Abdelbaqi Meftah 





Le sheykh Abû al-Hasan al-shâdhilî

L’Imâm Abû al-Hasan al-Shâdhilî est né en 593 H. à Ghumara dans une tribu berbère du Rif marocain. Très jeune, il se rend en Tunisie et renonce déjà aux attraits mondains. Son premier maître fut Mohammad Abû ‘Abdallah ibn Harazin, un descendant spirituel d’Abû Madyan.
A cette époque, une famine s’abattit sur la ville de Tunis. Abû al-Hasan dépensa les quelques dirhams qu’il possédait pour acheter du pain et le distribuer aux indigents. Peu de temps après, alors qu’il s’était rendu à la mosquée de la Zaytûna pour la salât à accomplir, un homme, lui adressa ainsi la parole : « Ô ‘Alî, tu te dis : “Si j’avais de quoi nourrir ces affamés” ; tu veux te montrer plus généreux qu’Allâh le généreux. S’il avait voulu, Il les aurait rassasiés. Il sait mieux que toi ce qui leur convient ». L’inconnu lui révèle qu’il est al-Khadir et qu’il était en chine lorsqu’il reçut l’ordre de rejoindre ‘Alî, l’ami d’Allâh, ce qu’il fit immédiatement. Cette rencontre fit prendre conscience à Abû al-Hasan qu’il avait encore beaucoup à apprendre*.
 Il voyagea en Irak où il suivit les enseignements du shaykh Abû al-Fath al-Wâsitî sur les conseils duquel il se rendit à Fès dans le but de rencontrer le « qutb » (Pôle) de son temps. C’est ainsi qu’il reçut la baraka (influence spirituelle) d’Ibn Mashîsh**.
Il séjourna ensuite à Shâdhila au sud de Tunis dans des grottes en compagnie de ses disciples puis s’installa dans la ville. A la suite de plusieurs incidents, le maître émigre avec ses foqarah en Egypte. Abû al-Hasan sera suivi par un nombre croissant de disciples et verra bientôt sa tariqah obtenir une grande renommée.
L’Imâm est enterré à Humaytarâ, un village près de la mer Rouge où il meurt en revenant du Pèlerinage. Sentant sa fin venir, il avait pris soin de réunir ses principaux compagnons et de désigner Abû al’Abbas al-Mursî pour lui succéder.

*Cf. Denis Gril : « Le saint fondateur », Les Voies d’Allâh (ouvrage collectif); Fayard, Paris 1996
**Voir ci-dessus le message du16 mai 2004 : «  Calligraphie kufique du nom Mohammad ».


Ibn ‘Ata’Allâh rapporte les paroles suivantes transmises de son maître al-Mursî, lui-même disciple direct d’al-Shâdhilî :
« La voie (tariqa) du cheikh al-Shâdhilî se rattache au cheikh ‘Abd al-Salâm Ibn Mashîsh, ce dernier au cheikh ‘Abd al-Rahman al-Madanî et ainsi de suite jusqu’à al-Hasan, fils de ‘Alî b. Abî Tâlib. Notre maître al-Mursî disait à ce propos : “ Notre voie ne se rattache ni aux Orientaux ni aux Occidentaux, mais remonte en ligne droite à al-Hasan fils de ‘Alî b. Abî Talib, qui fut le premier des Pôles. En effet, la détermination de la succession des cheikhs ne s’impose qu’aux voies fondées sur la modalité de la khirqa, car celle-ci fonctionne par la transmission (riwaya) ; or dans toute transmission doivent être précisés les hommes qui composent la chaine initiatique. Quant à notre voie, elle consiste en une direction spirituelle (hidaya) dans laquelle Dieu peut attirer à Lui Son serviteur sans qu’il se soumette à un être vivant ; Il lui donne alors le Prophète comme unique guide sur la Voie, ce qui est une grande faveur ! ”»*

*Latâ’if al-minan fî manâqib al-shaykh Abî l-‘Abbas al-Mursî wa shaykhi-hi al-shaykh al-Shâdhilî Abî l-Hasan, traduit par E. Geoffroy sous le titre La sagesse des maîtres soufis ; Ed. Grasset, Paris 1998.

« On demanda au cheikh al-Shadhilî qui était son maître. “Je me rattachais auparavant au cheikh ‘Abd al-Salâm Ibn Mashîsh, répondit-il ; maintenant je ne me réclame plus de personne, car je nage dans dix mers ; cinq adamiques ; le Prophète, les califes Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî, et cinq angéliques ; les archanges Gabriel (Jibrîl), Michel (Mikâ’îl) et Isrâfîl, ainsi que l’Esprit suprême”»**.

* [En note le traducteur mentionne que] « Dans la tradition islamique, ceux-ci sont également comme les cinq « angles » (arkân) ; cf R. Guénon, Symboles fondamentaux de la Science sacrée, Paris, 1962, p. 300 ».
** Ibidem, p. 89.

Abû al-Hasan a composé plusieurs Oraisons, récitées régulièrement dans les hadrah de la plupart des branches de la Shâdhiliyyah : Hizb al-Barr (Oraison de la Terre) ; Hizb al-Nasr (Oraison du Secours) ; Hizb al-Bahr (Oraison de la Mer). 

L’essentiel de son enseignement est transcrit dans le kitab al-Hikam* (Le livre des Aphorismes) d’Ibn ‘Atâ’Allâh al-Iskandarî ainsi que dans de nombreux autres ouvrages des maîtres de la silsilah ou d’auteurs simplement rattachés à la tariqah. On doit aussi prendre en considération ses connaissances ésotériques et hermétiques dont il hérita, comme le shaykh al-Akbar, de Siyyidnâ ‘Alî :
« … Seyidnâ Ali avait, dit-on, une connaissance parfaite de l’alchimie sous tous ses aspects, y compris celui qui se rapporte à la production d’effets extérieurs tels que les transmutations métalliques, mais il se refusa toujours à en faire le moindre usage. D’autre part, on raconte que Seyidi Abul-Hassan Esh-Shâdhili, durant son séjour à Alexandrie, transmua en or, à la demande du sultan d’Egypte qui en avait alors un besoin urgent, une grande quantité de métaux vulgaires ; mais il le fit sans avoir recours à aucune opération d’alchimie matérielle ni à aucun moyen d’ordre psychique, et uniquement par l’effet de sa baraka ou influence spirituelle ».
(René Guénon ; en note des Aperçus sur l’Initiation, § XLI).

*Voir : Ibn ‘Atâ-Illâh al-Iskandarî, Hikam Paroles de sagesse suivies d’un choix d’Epîtres et des Entretiens confidentiels, traduites de l’arabe par El Hâj’Abd-ar-rahmâne Buret avec la collaboration et une introduction par Titus Burckhardt : Archè Milano 1999.
(A suivre)




La tarîqah Darqâwiyyah Shâdhiliyyah

Le shaykh al-‘Arabî al-Darqâwî al-Hassanî (1150-1239 H. / 1737-1823).

Mulay al-‘Arabî est considéré comme l’un des grands revivicateurs du taçawwuf et particulièrement de la tariqah Shâdhiliyyah. Ce sharîf (descendant de la famille du Prophète) est né au Maroc dans les environs de Fès. Le surnom de Darqâwî lui vient de son grand-père, Abû Darqâ, ainsi nommé car il portait une darqâ, une sorte de bouclier qu’il utilisa lors de la lutte armée contre les portugais. Le jeune al-Darqâwî apprit le Coran et en maîtrisa les différents modes de récitations ; il étudia les sciences du fiqh à Fès où il fréquenta plusieurs çûfî.
A l’âge de trente deux ans, il rencontre le sherîf Abû al-Hassan ‘Alî Ibn ‘Abdallâh al-‘Imrânî (1193/1823), appelé al-Jamal (le Chameau), qui le rattache à la tariqah et auquel il se soumet entièrement. Connu de quelques disciples seulement, ce maître était considéré au Maghreb comme l’un des « Pôles » (qutb) de la Shâdhiliyyah.
 Mulay al-‘Arabî al-Darqâwî résida à Fès auprès de ‘Alî Jamal qui lui ordonna ensuite de fonder une zawiyah à Bû Brîth dans la tribu des Banî Zawal et de s’occuper de l’éducation des novices. Il se consacra à cette tâche durant plus de cinquante années jusqu’à sa mort en 1239 H. (1823).
Le shaykh al-Darqâwî fut le mujaddid de son temps ; on le surnomma « le Pôle de la circonférence » (Qutb al-dâ’irah) du fait qu’il initia des milliers de personnes et laissa après sa mort un grand nombre de disciples.

Le rayonnement de sa baraka et la diffusion de son enseignement ont contribués à restaurer la pureté de la spiritualité shâdhilite, notamment en exhortant ses disciples à la pratique constante du dhikr, à la recherche et l’acquisition du faqr (pauvreté spirituelle) et au respect de l’Âdâb.
Il nous reste de ce grand murshîd un recueil de 300 lettres (rasâ‘il), à propos desquelles, Titus Burchardt rapporte dans l’introduction de son ouvrage* contenant la traduction de 57 d’entre elles que Le sheikh Mulay al-‘Arabî « ne parle que du seul nécessaire » en évitant « toute spéculation qui anticiperait inutilement sur le “travail” spirituel ». Les deux lettres suivantes que nous reproduisons (traduites respectivement par T. Burckhardt et M. Chabry) sont un exemple de la transmission des méthodes effectuées de maître en maître depuis Abû al-Hasan al-Shâdhilî :
« L’homme fort est celui qui se réjouit de voir que le monde échappe de ses mains, le quitte et le fuit ; qui se réjouit du fait que les gens le méprise ; et disent du mal de lui, et qui se contente de sa connaissance de Dieu. Le vénérable maître, le saint Ibn ‘Atâï-Llâh (que dieu soit satisfait de lui) dit à ce propos dans ses Hikam : “Si le fait que les gens se détournent de toi ou qu’ils médisent de toi, te procure de la souffrance, reviens vers la connaissance de Dieu en toi ; si cette connaissance ne te suffit pas, alors le manque de contentement par la connaissance de Dieu est une épreuve bien plus grave que n’est la médisance des gens. Le but de cette médisance, c’est que tu ne te reposes pas sur les gens ; Dieu veut te ramener de toutes choses afin qu’aucune ne te distraie de Lui” »*.

*Lettres d’un maître soufi Le Sheikh Al-‘Arabî ad-Darqâwî, traduit de l’Arabe par Titus Burckhardt, Ed. Archè Milano, 1978.

« Polémiquer avec les disciples, les gens du rattachement à Dieu, ou avec n’importe lequel des serviteurs de Dieu témoigne d’une grande ignorance et d’un aveuglement évident. En effet, les gens qui débutent dans la Voie ne peuvent échapper aux erreurs. Même ceux qui ont atteint le terme ne sont pas infaillibles, alors que dire de ceux qui débutent ! L’infaillibilité est l’apanage des prophètes.
Cela dit, lorsque nous voyons un disciple débutant faire une faute, nous le lui signalons avec douceur et bonté ; s’il en revient (1), alors Dieu soit béni ! Et sinon, son cas appartient à Dieu, qui nous connait tous mieux que quiconque. En effet, il a dit : Ô vous qui croyez, vous n’êtes responsables que de vous-mêmes Celui qui s’égare ne vous nuira en rien si vous êtes vous-mêmes bien dirigés (2)*.

[En note]
(1) Tadhakkara : se souvenir ; cf. Cor. (7, 201) : Ceux qui craignent Dieu, lorsqu’une légion de démons s’en prend à eux, se rappellent (thadhakkarû) et voici qu’ils sont clairvoyants.
(2) Cor. (5, 105).

* Lettres sur la Voie spirituelle, Al-Rasâ’il, Shaykh al-‘Arabî al-Darqâwî (traduction et notes de M. Chabry) ; Editions La Caravane, Paris 2003 (cet ouvrage contient 272 lettres).








19 Abû al-Hasan al-Shâdhilî, H. 656 (1258*)

– 20 Abû al-‘Abbâs al-Mursî, H. 686 – 21 Ahmad Ibn ‘Atâ’Allâh al-Iskandarî, H. 709 – 22 Dâwûd al-Bakhilî-Bâqirî – 23 Mohammad Bahr al-Shafâ-Abâ, H. 807–24 ‘Alî Wafâ-Ibn, H. 865 – 25 Yahyâ al-Qâdirî – 26 Ahmad bin ‘Uqba al-Hadramî, H. 895 – 27 – Ahmed Zarruq, H. 899 – 28 Ibrâhîm Afahhâm – 29 ‘Alî al-Sanhâjî al-Dawâr – 30’Abd al-Rahmân al-Majdhûb, H. 986 – 31 Yûsuf al-Fâsî, H. 1013 – 32 ‘Abd al-Rahmân al-Fâsî, H. 1096 – 33 Qâsim al-Ikhsâsî, H.1083 – 34 Ahmad ibn ‘Abd al-Âlân -bin, H. 1120 – 35 Al-’Arabî bin Ahmad bin ‘Abd-Âl, H. 1166 – ‘Alî Jamal, H. 1194

– 37 Al-‘Arabî al-Darqâwî, H. 1239 (1823*).



*Selon l’ère chrétienne.









Présence de la tariqah Shâdhiliyyah dans l’Hexagone.


Sidî ‘Abd al-Hâdi – John Gustav Agueli – (1869-1917).



J. G. Agueli – ‘Abdul-Hâdi – peintre suédois au tempérament complexe, est né à Sala près de Stockholm. Arrivé à Paris en 1890, il retourne en Suède pour revenir en 1892. Il ne cessera alors de voyager et fera l’apprentissage de plusieurs langues lors d’un séjour en prison. Rattaché à la tariqah Shâdhiliyyah en Egypte par le sheykh Elîsh (dont il devient de facto le moqaddem), il revient de nouveau à Paris et rédige des textes en français sur l’intellectualité de l’ésotérisme islamique. C’est durant la parution de La Gnose dont Palingénius-Guénon était le directeur qu’Agueli entreprit les premières traductions sérieuses de traités arabes du taçawwuf et rédigea différents articles d’esprit traditionnel qu’il signa de son nom musulman*.

L’influence spirituelle d’‘Abd al-Hâdi qui rattacha Guénon – ‘Abd al-Wâhid Yahya – à la Shâdhiliyyah, sera déterminante dans la destinée de ce dernier. Agueli meurt accidentellement à Barcelone en 1917.



*Les articles d’Abdul-Hâdi parus dans La Gnose ont été réunis sous le titre : Ecrits pour La Gnose, comprenant la traduction de l’arabe du Traité de l’Unité, aux éditions Archè Milano, 1988 (l’ouvrage souffre d’une présentation discutable et comporte de nombreuses coquilles).



Le shaykh ‘Abd al Wahîd Yahya – René Guénon – (1986-1951).

Les articles que Guénon publia dès 1910, les onze volumes qui paraitront régulièrement jusqu’à sa disparition en 1951, les ouvrages posthumes, la correspondance considérable et les inédits représentent une somme de connaissances sans précédent. Seules quelques personnes marquées par son enseignement verront dans l’œuvre et « l’activité de présence » de son auteur la continuité d’un enjeu spirituel dorénavant décisif face à la désintégration du monde moderne.
Les Aperçus sur l’Initiation est l’ouvrage le plus important que Guénon nous a laissé sur les questions essentielles de la voie initiatique. Exposées en dehors de toute forme traditionnelle particulière, l’Islam comme l’Hindouisme ou la Franc-Maçonnerie y sont mentionnés à titre d’exemple ou d’applications.

Ainsi, pour ce qui concerne le musulman, la « connaissance théorique » à laquelle l’auteur a précisé mainte fois vouloir se tenir exclusivement*, doit être entendue comme comprenant, initialement, l’apprentissage de la récitation du Coran et la recherche des vérités spirituelles qu’il contient. Par conséquent, la connaissance de la doctrine islamique, qui repose sur la Connaissance intégrale du Coran, représente le fondement du début, du milieu et de la fin de la voie du taçawwuf que le Maître spirituel (murshîd) aura pour fonction de faire parcourir à ses disciples :
« Ainsi, de proche en proche, on peut aller jusqu'à l’ “élection” suprême, celle qui se réfère à l’“adeptat”, c'est-à-dire à l’accomplissement du but ultime de toute initiation ; et, par conséquent, l’élu au sens le plus complet de ce mot, celui qu’on pourrait appeler l’“élu parfait”, sera celui qui parviendra finalement à la réalisation de l’“Identité Suprême” (1).

[En note] :
 (1) Dans la tradition islamique, El-Mustafâ, “l’Elu”, est un des noms du Prophète ; quand ce mot est ainsi employé “par excellence”, il se rapporte donc effectivement à l’“homme Universel”. » (Cf. Aperçus sur l’initiation,  Chap. XLIII, « Sur la notion de l’élite » ; Éditions Traditionnelles, Paris 1953)

Le shaykh ‘Abd al-Wahîd Yahya, unique dépositaire, à cette époque, de la « Baraka Shâdhilî » dont ‘Abd al-Hâdî fut le transmetteur, part en 1930 pour  l’Égypte et s’installe définitivement au Caire. Ce sera donc par un détour inattendu que la présence de la tariqah Shâdiliyyah reviendra sur le sol français**.

*Guénon se caractérise par son refus nettement exprimé de diriger ou d’avoir des disciples ; il eut l’occasion d’affirmer, à propos d’une remarque de Schuon, qu’il n’accepta jamais de fonction particulière, et, à l’un de ses correspondants qui s’était laissé aller à quelques flatteries déplacées concernant son statut spirituel, il fit la mise au point suivante :

 « Nous n’avons pas la prétention d’être un “adepte” et même, la preuve péremptoire que nous ne le sommes point, c’est que nous écrivons encore ; nous savons nous tenir à notre rang si modeste soit-il ; mais, puisqu'il est question d' “adeptes”, disons que, s'ils ont une inaltérable sérénité, il est du moins exact qu'ils n'ont aucune "mansuétude" et qu'ils n'ont pas à en avoir, car ils ne font point de sentiment, et ils sont toutes les fois qu'il le faut d'implacables justiciers ! » (Compte rendu de revues, janvier 1931)

Guénon parle de l’Adeptat dans Aperçus sur l’initiation, au chapitre X ; « Des centres initiatiques » (p.66) ; le texte comporte une note au terme adepte définissant précisément ce qu’il n’est pas.

** Quelque temps avant son départ pour l’Égypte, Guénon signale dans sa correspondance, la présence de réunions de la tariqah ‘Alâwiyyah (une branche de la tarîqah Shâdiliyyah Darqâwiyyah), composées exclusivement d’Arabes et de Kabyles, ayant lieu boulevard St.Germain à Paris.























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