Avant
de poursuivre nos propos sur l’Archéomètre, il est important de rappeler ce
qu’il représente métaphysiquement en tant qu’« Arche des symboles »
excluant toutes formes exotériques. Sa représentation géométrique est « le
lieu des possibles » : symbolisant expressément l’immutabilité des
principes essentiels de la Tradition primordiale, elle est de l’ordre du
continu*, tandis que la
complexité des significations qu’elle renferme et qu’il nous est possible de commenter
indéfiniment, fait naturellement intervenir l’ordre du discontinu ;
celui-ci caractérisant les représentations liées aux conditions spatiales et
temporelles propres à toutes les formes traditionnelles.
Comme
cela est mentionné dans les textes sacrés de l’Inde, lorsque survient la fin d’un
Manvantara, tout ce qui relève du monde formel,
c'est-à-dire la manifestation dans son ensemble (désignée dans les traditions
des Gens du Livre par tout ce qui est compris entre « les Cieux et la
Terre »), est soumis à la dissolution (pralaya). Seul le continu supra-formel peut être
assimilé au « germe » qui permettra le développement des possibilités
du cycle futur. C’est d’ailleurs à cette réalité supérieure que se réfère la
parole de l’Evangile : « Le Ciel et la Terre passeront mais mes
paroles ne passeront pas »**.
* Le continu
spatial tient sa permanence de la réalité de l’Être pur, lequel présuppose le
« non-être ».
**Cf. L’Evangile selon Saint Marc ;
13, 31-37. Dans ce sens, on peut dire que la totalité de l’enseignement de
Guénon, par sa conformité au principe métaphysique le l’Archéomètre, en est le
plus profond des commentaires. Voir également, dans l’ésotérisme islamique, les
notions de thubût et de a’yân
thâbita d’Ibn ’Arabî (p. 36 de l’Introduction
de M. Chodskiewicz à l’ouvrage collectif « Les Illuminations de la Mecque » ;
Sindbad, Paris 1988).
La formation des triangles de Terre et d’Eau.
En
raison de leurs diverses fonctions interdépendantes, tous les éléments
constitutifs de l’Archéomètre sont produits simultanément par l’ensemble de
toutes les variations possibles, comprises dans un cycle complet, des deux axes
Nord-Sud et Est-Ouest déterminés par les triangles de Terre, d'Eau, de Feu et d'Air sur les
six directions de l’espace symbolisées par la Croix. Ces variations, afin
d’être interprétées, doivent se distinguer les unes des autres, selon une
représentation nécessairement discontinue, dont il ne faut jamais perdre de vue, comme nous venons d'y faire allusion, qu’elles réfèrent métaphysiquement à un
« mouvement continu » et intemporel. Les couleurs du spectre sont
également à envisager directement, au-delà de leurs représentations
distinctives, dans leur variation continue de l’une à l’autre.
Dans
la figuration primordiale de l’Archéomètre telle qu’elle est présentée
ci-dessus, l’axe des solstices allant du Capricorne, au Nord, vers le Cancer,
au Sud, coïncide précisément avec l’axe vertical de la Croix. Dans cette
position initiale, chacun des deux Signes avec les deux planètes qui y sont
domiciliées, les deux lettres des alphabets Watan
et hébraïque, les Nombre et notes musicales respectives, correspondent avec
les pointes des deux principaux triangles inverses l’un de l’autre ; ils
font ainsi l’objet du premier commentaire* proprement doctrinal de T. :
« 1°
Le triangle droit, avec les couleurs jaune, bleu, et rouge ; il est appelé
triangle du Verbe et de la Terre du
Principe, et de l’Immanation des Vivants en Lui ; il correspond au nom
de Jésus ;
2°
Le triangle renversé, avec les couleurs verte, violette et orangée ; il
est appelé le Triangle des Eaux Vives, des
Origines, ou de la Réfraction du Principe Eternel dans l’Embryologie
Temporelle ; il correspond au nom de Marie.
Le
triangle de la Terre du Principe ou de la Terre Céleste (Swargabhoumi), correspond à la Montagne qui est au centre du Monde (le Mérou), dont le sommet est le séjour
d’Ishwara (Mahâ-Dêva), dans la sphère de Sani
ou de Saturne. Le diamètre vertical est l’axe nord-sud du Monde (1), qui va du sommet
du Mérou (pôle nord, solstice d’hiver
ou Capricorne, domicile de Saturne) au fond de l’Abyme des Grandes Eaux (pôle
sud, solstice d’été ou Cancer, domicile de la Lune). La ligne horizontale
représente la surface de l’Océan des Grandes Eaux (réservoir des possibilités,
ou passivité universelle) ; le Mérou
se réfléchit dans cet Océan, au milieu duquel il s’élève (1).
Le
triangle de terre, droit, représente dans cette figure l’élément actif (le
Verbe), et le triangle d’Eau, renversé, représente l’élément passif (Mariah ou Mâyâ) ; ces deux triangles forment le signe de la Création
(sénaire) ; le triangle passif est le reflet du triangle actif, ce qui
exprime la loi de l’analogie, formulée par Hermès : ce qui est en haut est
comme ce qui est en bas, mais en sens inverse (2).
Les
deux axes de la figure forment la croix, qui, par rotation autour de son
centre, engendre le cercle ; par rotation dans trois plans formant un
trièdre trirectangle, elle engendrera la sphère (Œuf du Monde) (3) ».
Afin
de donner une meilleure lisibilité au contenu doctrinal des notes, nous avons
choisi de les reproduire dans la même taille que le corps de texte :
Note (1) :
« On
situe le Mérou au pôle nord, où le
Soleil peut effectuer une révolution diurne tout entière, sans descendre au
dessous de la ligne d’horizon, et où même, si le plan de l’Ecliptique
coïncidait avec celui de l’Equateur, le Soleil ne quitterait jamais l’horizon
(voir à ce sujet les textes védiques). Dans l’état de choses actuel, notre
système solaire étant rapporté à la Terre (ces deux plans ne coïncidant pas),
le Soleil accomplit sa révolution diurne avec la portion de l’Ecliptique où il
se trouve pendant ce temps, et qui occupe sur la sphère céleste une longueur
d’un degré ; le Soleil décrit donc ainsi chaque jour sur la sphère céleste
sensiblement un cercle parallèle à l’Equateur (ce cercle n’est pas fermé en
réalité), et, si ce cercle se trouve au dessus (ce qui a lieu pendant la moitié
de l’année où le Soleil est au nord de l’Equateur), le Soleil ne cessera pas
d’éclairer le pôle nord pendant tout ce temps ; par contre, pendant
l’autre moitié de l’année, où le Soleil est au sud de l’Equateur, éclairant le
pôle sud, le pôle nord restera plongé dans l’obscurité ».
Note (2) :
« Le
triangle renversé est le symbole de la Yoni,
l’emblème féminin ; au contraire, le triangle droit est le symbole
masculin analogue au Linga ».
Note (3) :
« Dans
l’Œuf du Monde (Brahmânda), la
manifestation de Brahmâ (le Verbe
créateur) comme Pradjapati (Seigneur
des créatures, identique à (Adhi-Manou),
qui est aussi appelé Virâdj, naît
sous le nom d’Hiranya-Garbha (Embryon
d’or), qui est le principe igné involué, que les Egyptiens regardaient comme la
manifestation de Phthah (Hêphaïstos des Grecs) ».
*Ce commentaire trouve son aboutissement dans divers textes et articles de Guénon, notamment « L’ hiéroglyphe du Cancer », publié dans Le Voile d’Isis (juill. 1931) et repris dans l’ouvrage posthume Symboles fondamentaux de la Science sacré, Gallimard (1962).
*Ce commentaire trouve son aboutissement dans divers textes et articles de Guénon, notamment « L’ hiéroglyphe du Cancer », publié dans Le Voile d’Isis (juill. 1931) et repris dans l’ouvrage posthume Symboles fondamentaux de la Science sacré, Gallimard (1962).
(A
suivre)