L’ÂDAB
DANS L’ENSEIGNEMENT
DES
MAÎTRES ÇÛFÎ
On évoque
souvent l’âdab pour qualifier le
comportement de telle ou telle personne, mais on se demande rarement qui peut
être véritablement autorisé à parler de l’âdab. C’est afin de répondre à
cette dernière question que nous
publions une traduction de quelques paroles dispensées par les maîtres à ceux
qui ont la capacité de les entendre et de les rendre opératives.
« Vous avez dans l’Envoyé d’Allâh un bel exemple pour ceux qui mettent
leur espoir* en Allâh et dans le Jour
dernier et qui se remémorent Allâh souvent. »
* Yarjû, de rajâ : espérer; mettre son espoir
dans; souhaiter.
(Al-Ahzâb, 21.)
Le maître de Junayd, Sayyidî Abû Hafs al-Haddâd – qu’Allâh soit satisfait de lui – a dit :
« Le taçawwuf
est tout entier âdab. L’âdab appartient à chaque instant (waqt) et doit se manifester en tout
lieu ; par conséquent, si le faqîr
se pare de l’habit de l’âdab, Il devient
apte à cheminer dans la voie soufie et à porter* (hamala) les secrets des “gens
de l’élite” (Al-khusûsiyya) ».
* Au sens de détenir.
L’imam ash-Shâfi‘î – qu’Allâh soit satisfait de lui – a dit : « Celui qui observe
les règles de convenance (taâdab) à
chaque instant [donne] une valeur à ce temps-là, et celui qui n’observe pas les
règles de convenance à chaque instant, [rend] son temps détestable ».
Et Sayyidî Muhammad al-Bûzîdî a dit :
« Par cet âdab,
tu prends un raccourcis qui écarte les peurs et les appréhensions et te rend
apte à cheminer dans la voie [et à en porter les secrets] ».
Cet âdab
consiste à suivre l’exemple et le comportement de l’Envoyé d’Allâh (sur lui la Grâce et la Paix) par la mise en
pratique des lois (ahkâm) d’Allâh – ta‘âlâ –.
L’Envoyé d’Allâh – sur
lui la Grâce et la Paix – a dit :
« Mon seigneur m’a éduqué de la meilleure façon (fahasana) ».
Ceci est le taçawwuf ;
tous les “pôles” (aqtâb) de la voie
sont unanimes à ce sujet.
L’Imâm Junayd (qu’Allâh sanctifie son secret) a dit :
« Toutes les voies* sont sans issue (masdûda) pour tous les êtres de la
création, sauf la voie de celui qui suit les traces de l’Envoyé d’Allâh (sur lui la Paix) en suivant sa sunnah
et en s’y conformant (lazima) en tout
point**.
* Comme, par exemple, les
méditations, retraites, ascèses et autres pratiques venant d’une décision individuelle.
** C'est-à-dire, par ses paroles,
ses actes, et ses états.
Et Dhû-n-Nûn al-Miçrî a dit :
« De tous les signes de l’Amour d’Allâh – ‘aza wajal –, c’est
l’effort assidu qui consiste à suivre l’« Aimé d’Allâh » dans ses nobles
caractères, dans ses actes, son autorité et sa sunnah ».
Selon al-Sarî al Saqatî – qu’Allâh soit satisfait de lui – :
« Le taçawwuf
possède trois sens (à observer dans les trois attitudes suivantes) :
[faire en sorte] que la lumière de la Connaissance n’éteigne pas (lâ yatfâ’) la lumière de la crainte
révérencielle ; ne pas entretenir des propos sur le sens caché de la science
allant à l’encontre de la clarté (zâhir) du
Livre* et de la sunnah ; ne pas
utiliser les Karâmât** pour
déchirer le voile avec lequel Allâh a recouvert ce qui est prohibé (muhâram) ».
* le Coran
** Pouvoirs psychiques permettant
de percevoir directement des réalités cachées derrière les apparences des êtres
et des phénomènes.
Abû Nasr Bishr ibn al-Hârit al-Hâfî – qu’Allâh sanctifie son secret – a
dit :
« J’ai vu le Prophète en songe – que la
bénédiction et le salut d’Allâh soient sur lui – et il m’a dit : “Bishr,
sais-tu par quoi Allâh
t’a élevé entre tes pairs” ? J’ai répondu : Non, Ô Envoyé d’Allâh ; il dit : “Par ton
observance de ma sunnah, par ton service des hommes pieux et par ton amour pour
mes Compagnons et pour les Gens de ma Maison. C’est cela qui t’a fait parvenir
aux demeures des hommes pieux” ».
Et l’Imâm Junayd – qu’Allâh soit satisfait de lui – a
dit :
« Notre école (madhabunâ)
est attachée aux fondements (bi-uçûli)
du Livre et de la sunnah ; notre
science s’accroit avec l’enseignement par les propos (hadîth) de l’Envoyé d’Allâh – sur lui, la grâce et la paix – ».
Et Sayyidî Abû-l-Hasan al-Shâdilî – qu’Allâh soit satisfait de lui – a
dit :
« Il n’y a pas de faveur (karâma) plus grande que celle de la foi et la poursuite de la sunnah ».
Et il dit – qu’Allâh sanctifie son secret – : « J’ai entendu par inspiration : si tu veux Ma faveur,
obéis-Moi et éloigne-toi de ce que J’ai interdit ».
Et il a dit – qu’Allâh embellisse sa personne – :
« Reviens de la contradiction avec ton Seigneur,
tu seras dans l’unité (muwahhidâ) ;
agis selon les piliers de la Loi, tu seras brillant et élevé, et allie les
deux, tu seras un homme véridique ».
Sayyidnâ Mawlâyy al-‘Arabî ad-Darqâwî – qu’Allâh sanctifie son secret – a
dit :
« Le taçawwuf est la préservation des lois de
la religion, l’excellence des caractères avec les musulmans et la soumission à
la Volonté d’Allâh, Seigneur des
mondes ».
***
«
Seuls, sont vraiment croyants, ceux dont les cœurs frémissent à la mention d’Allâh ; ceux dont la foi augmente
lorsqu’on leur récite Ses versets ; ils s’abandonnent confiants en leur
Seigneur*,
Ceux qui s’acquittent de la çalât, ceux qui donnent en aumône une
partie des biens que Nous leur avons accordés.
Voilà ceux qui, en toute vérité, sont les
croyants ; des degrés élevés leur sont réservés auprès de leur Seigneur,
avec un pardon et une généreuse récompense ».
*Ils abandonnent leur individualité (yatawakkaluna) pour leur Seigneur.
(Al-Infâl, 2 - 4.)
Et l’Envoyé d’Allâh
– sur lui, la grâce et la paix – a dit :
« Fuyez ce que je vous ai rendu illicite et, de ce que je vous ai ordonné, accomplissez-le (fâqû minhu), selon vos
capacités ».
« Ô vous les croyants, préservez-vous,
ainsi que vos familles d’un Feu dont les hommes et les pierres seront les
aliments. Des Anges gigantesques et puissants se tiendront autour de ce
Feu ; ils ne désobéissent pas à ce qu’Allâh
ordonné et agissent selon ce qui leur est commandé ».
(Al-Tahrîm, 6.)
De Abû ‘Abdallâh bin ‘Abdallâh al-Ansârî – Qu’Allâh
soit satisfait d’eux – :
« Un homme demanda à l’Envoyé d’Allâh – sur lui, la paix– “J’ai vu
[quand] tu as pratiqué la çalât [les
rites prescrits] et jeuné le Ramadân, rendu licite ce qui doit l’être et
sacralisé ce qui est sacré [et maintenant], si je n’ajoute rien à cela [dans ma
pratique], rentrerais-je au Paradis”? Il a dit : oui ».
***
« Et
tu es d’un caractère élevé ».
(Al-Qalam, 4.)
« Tu as été doux à leur égard par une
miséricorde d’Allâh. Si tu avais été
rude et dur de cœur, ils se seraient séparés de toi ».
(Âl-‘Imrân, 159.)
Et l’Envoyé d’Allâh
a dit – que la bénédiction et le salut d’Allâh
soient sur lui – :
« Aucun de vous ne croira véritablement jusqu’à
ce qu’il aime pour son frère ce qu’il aime pour lui-même ».
Et il a dit – que la bénédiction et le salut d’Allâh soient sur lui – :
« Les
croyants ayant la foi la plus complète sont ceux qui ont le meilleur caractère ».
Et
il a dit – que la bénédiction et le salut d’Allâh
soient sur lui – :
« Le bel Islam d’une personne consiste pour elle à
laisser de côté ce qui ne la concerne pas ».
Et il a dit – que la bénédiction et le salut d’Allâh soient sur lui – :
« Le
musulman est celui qui préserve les musulmans contre sa langue et sa
main ».
Et Dhû-n-Nûn al-Miçrî a dit :
« Celui qui désire la modestie (tawâdu‘), qu’il se tourne vers la Majesté d’Allâh, laquelle
le ramènera à sa juste place, et, il se purifiera ; et celui qui regarde
vers la Puissance
d’Allâh
voit sa propre puissance s’anéantir parce que toutes les âmes sont pauvres (faqîra) devant la crainte (haybbatihi) de la Majesté d’Allâh ».
(A suivre)