AL-BÎRÛNÎ
Le ’ilm
al-nujûm, littéralement « la Science des étoiles », provient de
la tradition sémite Chaldéenne dont la cosmologie intégrait le mouvement des
corps célestes à l’activité des divinités. Ainsi, le dieu Shamash dont la racine du terme se retrouve dans la langue
araméenne et arabe, désignait aussi l’astre solaire*.
C’est avec les savants grecs qu’apparaîtra
le système de la Domification, c'est-à-dire la répartition en 12 secteurs,
appelées Maisons, qui se définit par le calcul du mouvement de la sphère céleste,
durant un cycle complet de 24 heures, coordonné à l’espace symbolique de
l’Horizon et du Méridien.
Durant les conquêtes d’Alexandre, la « Science
des étoiles » arrive en Égypte. Les pythagoriciens la transmirent plus
tard jusqu’à ce qu’elle se synthétise après Ptolémée dans le Corpus Hermétique
pour s’intégrer enfin durant la période médiévale à l’ésotérisme Juif,
islamique et chrétien.
Abû Rayhân al-Bîrûnî nait en Perse en
362 de l’hégire (973 A. D.) durant le règne des Califes Abbassides qui
favorisèrent une grande activité chez les lettrés et les savants ; l’Almageste de Claude Ptolémée reçoit sa
version arabe sous le règne du Calife Harûn al-Rashîd.
Dans les extraits du traité que nous
présentons ici, al-Bîrûnî a recueilli une bonne part des connaissances Babyloniennes,
mais les apports de la science grecque y sont plus importants que ceux des
autres traditions. D’une façon générale, on peut considérer que l’astrologie
arabo-musulmane s’est constituée à partir des sources babyloniennes,
alexandrines, persanes, gréco-byzantines et hindoues. C’est ainsi que, par la translatio studiorum, le christianisme
latin en reçu l’héritage**.
René Guénon a restitué les principes
essentiels de son symbolisme dans plusieurs articles (repris dans les recueils
posthumes), ce qui nous permet aujourd’hui, en approfondissant ses principales applications,
de mieux comprendre la portée ésotériques de l’œuvre de Dante ou d’Ibn ‘Arabî,
pour ne citer que ces deux grands maîtres.
*
Dans l’astrologie musulmane, les Noms divins et les « Sagesses
prophétiques » sont l’équivalent cosmologique et métaphysique de ces
divinités ;
Voir
les messages « Aperçus sur les Fuçûs al-hikam » (libellé « Ibn ‘Arabî »).
**
La philosophie médiévale, Alain de
Libera ; Puf 93.
* * *
LIVRE DE LA
COMPREHENSION DES BASES
DE L’ART ASTROLOGIQUE
Kitab al-tafhîm li
awwâil sinâ‘h al-tanjîm
Extraits de la section astrologique
(à partir du fasl 347, II vol.)
Abû al-Rîhân Mohammad bin Ahmed al-Bîrûnî
347
Tabâyi‘ al-burûj kaîfa hiyâ
Les
natures des Signes
Nous allons d’abord traiter de la
relation des Signes entre eux avec les caractéristiques des quatre éléments,
séparément et dans leurs combinaisons.
Si nous transcrivons l’ensemble des
Signes sur deux rangées de telle sorte que le premier et le second se situent
l’un en dessous de l’autre, et ainsi de suite deux à deux jusqu’au douzième,
nous aurons dans la rangée supérieure tous les Signes chauds et dans la rangée
inférieure, tous les Signes froids ; nous constatons alors que ces [six]
ensembles pairs sont alternativement secs et humides
Sec
|
Humide
|
Sec
|
Humide
|
Sec
|
Humide
|
|
Chaud
|
Bélier
|
Gémeaux
|
Lion
|
Balance
|
Sagittaire
|
Verseaux
|
Froid
|
Taureau
|
Cancer
|
Vierge
|
Scorpion
|
Capricorne
|
Poissons
|
Il sera possible, par conséquent, de
connaître les qualités actives d’un Signe selon qu’il est chaud ou froid et les
qualités passives selon qu’il est sec ou humide. Cela nous révèle à quel
élément particulier du monde et à quelle humeur particulière du corps sont
reliés chaque Signe.
Les Signes chauds et secs relèvent de
l’élément Feu et indiquent le tempérament bilieux ; les Signes froids et
secs, de l’élément Terre et le tempérament nerveux ; les Signes chauds et
humides, de l’élément Air et le tempérament sanguin et les signes froids et
humides, de l’élément Eau et le tempérament lymphatique.
Les hindous considèrent comme humide les
Poissons, la seconde partie du Capricorne et la première partie du Verseau,
pour des raisons auxquelles nous avons fait allusion antérieurement en
décrivant leurs significations, à savoir que la partie finale du Capricorne est
à l’égal du Poisson ainsi que celle du Verseau (qui lui est conjointe). De
même, ils ne comptent pas le Scorpion comme un signe d’Eau mais comme un Signe
d’Air tandis que le Cancer est tenu dans une situation intermédiaire, Eau ou
Air, selon les circonstances.
348
Famâ al-dhakar minhâ wa al-unthâ jamî‘
al-burûj.
Masculin
et féminin
Tous les Signes chauds sont masculins et
tous les Signes froids, féminins. Les planètes sont puissantes dans les Signes
de même nature et de même genre qu’elles ; mais comme elles participent de
la nature du Signe dans lequel elles se situent, une planète masculine va
tendre à devenir féminine dans un signe féminin. Les hindous disent que tous
les Signes impairs, c'est-à-dire les Signes masculins, sont malchanceux et les
Signes féminins, bénéfiques.
349
Famâ al-nahârî minhâ wa mâ al-laylî
Diurne
et nocturne
Il y accord général pour dire que tous
les signes masculins sont diurnes et les féminins nocturnes. Les planètes
diurnes sont puissantes dans les Signes diurnes et les nocturnes, dans les Signes
nocturnes. Dans le Bizidhaj grec, il
est établi que le Bélier, le Capricorne, le Lion et le Sagittaire sont des
Signes diurnes et que leurs nadirs, c’est-à-dire la Balance, le Cancer, le
Verseau et les Gémeaux sont nocturnes, tandis que le reste des Signes
participent à la fois du jour et de la nuit. Les hindous croient que le Bélier,
le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Sagittaire et le Capricorne sont
puissants la nuit et les six autres durant le jour.
350
Famâ al-maqtu‘ah al-a‘dâ.
Les
« mutilés »
Le Bélier, le Taureau, le Lion et les
Poissons sont dits mutilés, les trois premiers parce que leurs pieds sont hors
de leurs sabots ou de leurs griffes (pour le lion). Le Taureau, de plus, est un
bœuf pour moitié, à partir du nombril, tandis que les Poissons sont dénués de
membre.
351 Famâ al-mutasibah wa ghayr al mutasibah.
Dressés
et autrement
Dans les kutûb, le Bélier, la Balance et le Sagittaire sont décris comme des
Constellations dressées. Les autres ne sont pas définis de la sorte, mais les
hindous disent malgré tout que le Bélier, le Taureau, le Cancer, le Sagittaire
et le capricorne sont endormis et ils les représentent couchés, tandis que le
Lion, la vierge, la Balance le Scorpion et le Verseau sont représentés dressés.
Les Gémeaux et les Poissons reposent étendus sur le côté. Leur intention [à
l’égard de ces représentations] m’est inconnue ; la position des figures
dans les Constellations est de peu d’importance (et ils n’émettent aucun
argument pour affirmer le contraire).
352 Famâ al-insiyyah wa ghayrhâ.
Les
humains et les autres
Les Signes suivants sont représentés par
un aspect humain : Gémeaux, Vierge, Balance, la moitié du Sagittaire et le
Verseaux comme pour les figures décrites ci-dessus, à l’exception de la
Balance. Lorsque celle-ci est représentée par l’acte de peser, un être humain
ou un oiseau tient la balance ou bien celle-ci est simplement tenue par une
main. Les figures à quatre pieds sont le Bélier, le Taureau et le Lion ;
on y inclut les pattes arrière du Sagittaire et quelquefois la moitié de la
tête du Capricorne. Il en va de même pour le Bélier et le Taureau qui ont des
sabots fendus ; le Lion, des griffes et le Sagittaire des sabots. Par
ailleurs, les gens du peuple, dès leur enfance,
entretiennent certaines idées à l’égard des Signes tel que le lion, le
Scorpion, le sagittaire et le Capricorne qui leur évoquent la bête de proie ;
les Gémeaux, la Vierge, le Poisson et la dernière partie du Capricorne, l’idée
d’oiseau ; le Cancer, le Sagittaire, le Scorpion, le Capricorne, de
reptile ; le Cancer, le Scorpion et les Poissons, d’animaux aquatiques.
Les hindous entretiennent une
surabondance d’interprétations de ce genre. Ils disent que les Signes humains
dont les Gémeaux, la Vierge, la Balance, la première partie du Sagittaire et la
partie postérieure du Verseaux, lesquelles sont décrites comme bipèdes, tandis
que les quadrupèdes sont le Bélier, le Lion, la partie postérieure du
sagittaire et la première partie du Capricorne. Leur référence s’établit selon
l’élément Eau ou l’élément Air des Signes.
353 Famâ al-musawwitah minhâ wa ghayr
al-musawwitah.
Avec
voix et sans voix
Les Gémeaux, la Vierge et la Balance ont
la vois haute, les gémeaux sont doués de la parole ; le Bélier, le taureau
et le Lion parlent à demie-voix tandis que le Cancer, le Scorpion et les
Poissons restent sans voix. La connaissance de ces Signes en relation avec voix
et paroles est nécessaire si l’on veut être renseigné à leur égard sur l’aspect
bénéfique ou maléfique de certaines significations ambigües.
354
Famâ al-walûd minhâ-l-‘aqîm wa ghayrhum
Féconds
et stériles ; indication des Signes concernant la famille.
Les Signes d’Eau : Cancer,
Scorpion, Poissons et la seconde partie du Capricorne sont favorables aux
grandes familles ; le Bélier, taureau, Balance, Sagittaire et Verseau, aux
petites familles ; la première partie du Taureau, le Lion, la Vierge et la
première partie du Capricorne, indiquent la stérilité. La naissance de jumeaux
revient aux gémeaux, également favorisée par la Vierge, le Sagittaire et les
Poissons, quelquefois par le Bélier, la Balance et la dernière partie du
Capricorne. La première partie du Capricorne et du Scorpion l’hermaphrodisme.
En résumé, nous avons dit que le Bélier et la Balance participent des deux
natures de même que le Capricorne et le Sagittaire. La Vierge est nommée la
maîtresse des trois formes et les Gémeaux, de multiples possibilités car il
n’indique pas seulement les jumeaux mais trois et plusieurs enfants.
355
Famâ hâlhâ fî al-nikah
Au
sujet du mariage.
Pour ce qui concerne le mariage, le
Bélier, Taureau, Lion, Capricorne y sont extrêmement favorables, la même chose
pour la Balance et le Sagittaire. Le Taureau, Lion, Scorpion, et Verseaux
dénotent soit la réserve ou encore l’abstinence à l’égard des femmes ; le
Bélier, Cancer, Balance et Capricorne, la corruption et la mauvaise conduite,
tandis que les Gémeaux, Vierge, Sagittaire et les Poissons sont, à cet égard,
entre les deux. De ces quatre, la Vierge est le [Signe] le plus vertueux.
356 Famâ al-burûj al-muzlimah dhawât al-hamm
Les
Signes sombres et maléfiques.
Les Lion, Scorpion et Capricorne sont
sombres et apportent des ennuis et on peut soupçonner également des soucis dans
la Vierge et la Balance.
357
Famâ dalâlathâ ‘alâ jihâtal-’âlam
Relation
avec les Directions.
Le Bélier indique le plein Est ; le
Lion, la première Direction à droite vers le Nord et le Sagittaire, la première
Direction à gauche vers le Sud, et ainsi de la même manière avec les autres
Triplicités. Par conséquent, le Taureau indique le plein Sud ; la Vierge,
la première Direction à droite vers l’Est et le Capricorne, la première Direction
à gauche vers l’Ouest. Les Gémeaux indiquent le plein Ouest ; la Balance,
la première Direction à droite vers le Sud et le Verseaux, la première Direction
à gauche vers le Nord. Le Cancer indique le plein Nord ; le Scorpion, la
première Direction à droite vers l’ouest et les Poissons, la première Direction
à gauche vers l’est. [voir figure 1]
Figure 1
358
Famâ dalâlathâ ‘alâ al-riyâh
Relation
avec les vents
Selon que le vent provient d’une
Direction particulière, un Signe lui est associé [conformément à sa
Direction] ; le vent d’Est, avec le Bélier ; d’Ouest, avec les
Gémeaux ; du Sud, avec le Taureau et du Nord, avec le Cancer ; de
même avec les Directions intermédiaires : le vent du Sud-est, avec la
Vierge ou le Sagittaire, selon qu’il se situe près du Sud ou de l’Est [etc.].
(À suivre)
* *
*
Notes additives
A propos d’un ouvrage douteux sur
l’astrologie, Guénon écrivait :
« (…)
Il faut reconnaître d’ailleurs que, dans le cas de l’astrologie, l’état assez
lamentable dans lequel elle est parvenue jusqu’à nous explique bien des
confusions et des méprises sur son caractère ; ainsi, l’auteur* s’imagine que
les “règles traditionnelles” qu’on observe ont été établies
empiriquement ; la vérité est tout autre, mais on ne peut en effet s’y
tromper, étant donnée la façon peu cohérente dont ces règles sont présentées,
et cela parce que, en fait, ce que les astrologues appellent leur “tradition”,
ne sont tout simplement que des débris recueillis tant bien que mal à une
époque où la tradition véritable était déjà perdue pour la plus grande partie.
Quant à l’ “astrologie scientifique” des modernes, qui, elle, n’est bien qu’une
science empirique, elle n’a plus guère de l’astrologie que le nom ; et la
confusion des points de vue conduit parfois à de singuliers résultats, dont
nous avons ici un exemple assez frappant : l’auteur voudrait constituer
une astrologie “héliocentrique”, qui serait en accord avec les conceptions
astronomiques actuelles ; il oublie seulement en cela que l’astrologie,
envisageant exclusivement les influences cosmiques dans leurs spécifications
par rapport à la terre, doit, par là même, être nécessairement
“géocentrique” ! »
* Il
s’agit de Paul Serres (L’Homme et les
Energies astrales - de l’astrophysique à l’astrologie - Éd. Adyar, Paris
1938). Cf. ARTICLES ET
COMPTES RENDUS
Tome I, Le Voile d’Isis / Etudes traditionnelles
1925 – 1950 ; Éd. Traditionnelles 2002 (p. 159).
* *
*