Corrigé 15/03/2018.
L’ALCHIMIE HUMAINE
ET LES
QUATRE ÉLÉMENTS
Au chapitre VIII de l’Introduction
à l’enseignement et au mystère de René Guénon, C.-A. Gilis évoque une
orientation plus « islamique » de Guénon, sous prétexte qu’il
n’aurait pas achevé son étude sur « Les conditions de l’existence
corporelle » :
« Il ne fait aucun doute que Guénon, à la suite du texte
publié en janvier et février 1912, devait aborder l’étude de la ‟condition
vitale”, en correspondance avec les données traditionnelles qui, dans
l’Hindouisme, se rapportent à Téjas, le Feu. Rappelons que celui-ci
apparaît comme “actif” par rapport à l’Eau (Ap), qui est l’élément
‟passif” complémentaire, l’un et l’autre étant produits par polarisation à
partir de l’élément ‟neutre”, qui est l’Air. Or, selon la tradition islamique,
la ‟vie” n’est pas liée à la réalité archétypale du Feu, mais bien à celle de
l’Eau. Ainsi qu’il est dit dans le Coran : ‟Et nous avons fait à partir de
l’Eau toute chose vivante” (Cor., 21, 30). On constate donc, dans le symbolisme
utilisé par ces deux traditions, une certaine ‟inversion des pôles” qui
s’explique avant tout par des raisons d’ordre cyclique : parmi les formes
traditionnelles qui subsistent encore, c’est en effet l’Hindouisme qui
représente de manière plus directe la Tradition primordiale ainsi que le pôle
essentiel et “actif” de notre état d’existence, alors que l’Islam, en tant que
révélation finale du présent cycle humain, représente tout au contraire le pôle
substantiel et ‟passifˮ » (1).
Or, dans son ouvrage sur le Vêdanta (2), Guénon affirme que
« L’eau est regardée
par beaucoup de traditions comme le milieu originel des êtres »,
et ce n’est pas C.-A.
Gilis qui peut remettre cette donnée en question, puisqu’il a lui-même cité ce
passage, en se servant à nouveau du verset coranique mentionné, dans un autre ouvrage (3) ; sans en tirer pour autant les conclusions qui s’imposent :
d’une part il ne s’agit pas d’une conception spécifiquement islamique, et
d’autre part, le changement d’orientation de Guénon n’existe que dans l’esprit
de M. Gilis.
« Par deux fois, explique l’auteur dans le premier livre
cité, la réalisation de [la rédaction complète des ‟Conditions de l’existence
corporelle”] est empêchée : en 1912 à la suite d’un événement apparemment
fortuit, du fait que La Gnose cesse d’être publiée ; après 1932
parce que, cette fois de manière délibérée, Guénon
renonce à son projet ». Cela n’empêche que dans Le symbolisme de la
croix, à propos du symbolisme de l’étoile à cinq
branches, Guénon écrivait qu’elle représente le microcosme et
« aussi l’homme
individuel (lié aux cinq conditions de son état, auxquelles correspondent les
cinq sens et les cinq éléments corporels) » (4),
et qu’il est question
des conditions de l’existence dans Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, bien que son auteur les envisage d’un autre point de vue que celui des éléments.
Du reste, si la question de l’élément Feu est à ce point
controversée, on est en droit de se demander pourquoi Guénon écrivait en 1947 :
« Le terme d’“ascèse”,
tel que nous l’entendons ici, est celui qui, dans les langues occidentales,
correspond le plus exactement au sanscrit tapas ; il est vrai que celui-ci contient
une idée qui n’est pas directement exprimée par l’autre, mais cette idée n’en
rentre pas moins strictement dans la notion qu’on peut se faire de l’ascèse. Le
sens premier de tapas est en effet celui de “chaleur” ; dans le cas
dont il s’agit, cette chaleur est évidemment celle d’un feu intérieur qui doit
brûler ce que les Kabbalistes appelleraient les “écorces”, c’est-à-dire en
somme détruire tout ce qui, dans l’être, fait obstacle à une réalisation
spirituelle ; c’est donc bien là quelque chose qui caractérise, de la
façon la plus générale, tout méthode préparatoire à cette réalisation, méthode
qui, à ce point de vue peut être considérée comme constituant une
“purification” préalable à l’obtention de tout état spirituel effectif » (5) ?
En réalité, Guénon dit que la « voie sèche » des alchimistes
correspond à la voie purement intellectuelle où prédomine l’élément feu, et la
« voie humide » à celle où intervient un élément affectif symbolisé, entre
autre chose, par l’aspect féminin de la Shakti, représenté par l’élément
eau (6), et il semblerait que M. Gilis a tendance à
faire de sa conception de la voie initiatique une généralité. Mais de quelle
voie parle-t-on au juste (7) ?
Dans
René Guénon et l’avènement du troisième Sceau, M.
Gilis écrivait : « La tradition islamique est, à tous degrés, axée
sur le Tawhîd, c’est-à-dire la doctrine de l’Unité principielle [ce qui,
du reste, est le cas de toutes les traditions]. Or, celle-ci exclut, de par sa
nature même, le recours au symbolisme qui implique nécessairement une dualité
[il faudrait nous expliquer comment on peut remonter à l’unité sans passer par
la dualité, ce qui constitue le ternaire dont il existe de nombreux exemples en
islam] : celle du symbole et, d’autre part, des réalités principielles
[pourquoi seulement “principielles” ?] dont il est le reflet. Ce recours ne
peut se justifier qu’au niveau des moyens de grâce qu’Allâh utilise pour
permettre à ceux qui en ont besoin – c’est-à-dire, aujourd’hui, la très grande
majorité des hommes – de se rapprocher de Lui » (8). En fait de moyen de
grâce, Guénon écrit dans les Aperçus sur l’initiation :
« (…) la simple
communication avec les états supérieurs ne peut pas être regardée comme une
fin, mais seulement comme un point de départ : si cette communication doit
être établie tout d’abord par l’action d’une influence spirituelle, c’est pour
permettre ensuite une prise de possession effective de ces états, et non pas
simplement, comme dans l’ordre religieux, pour faire descendre sur l’être une
“grâce” qui l’y relie d’une certaine façon, mais sans l’y faire pénétrer »
(9).
On est en droit de se demander si M. Gilis sait vraiment de quoi
il parle, car lorsque Ibn Arabî envisage la Terre comme se trouvant au centre
de la circonférence (10), il s’agit d’un symbolisme dont Guénon a donné une représentation
(la figure 8 de La Grande Triade), et qui se rapporte autant à l’
« Homme véritable », si on désigne par ce symbolisme un état
d’existence, et à l’ « Homme transcendant », si on désigne la
manifestation universelle. D’autre part, lorsqu’il affirme que « les Cieux
planétaires correspondent à la modalité subtile de l’état humain » (11), on retrouve la même incompréhension, car, toujours du point de
vue de La Grande Triade, L’Homme représente le domaine intermédiaire par
rapport au Ciel et à la Terre.
Il faut dire que nous avons toujours été surpris de constater que
Guénon considérait les deux traditions extrême-orientale et islamique comme
insistant plus particulièrement sur la réintégration dans l’état primordial, et
de ne rien trouver de comparable chez les « spécialistes » de la
doctrine akbarienne, auxquels on pourrait peut-être rappeler cette tradition
prophétique :
« Cherchez la
science jusqu’en Chine ».
Ceci
étant, il n’y a pas seulement la polarisation de l’air en feu et en eau à
considérer, mais aussi celle du feu en chaleur par le sang et en lumière par
les nerfs (12) ; et cela nous amène à une des raisons pour lesquelles Guénon
n’a peut-être pas souhaité terminer son étude, bien
qu’il semble avoir donné tous les éléments pour la rédiger.
Dans la maçonnerie, l’ordre de succession des épreuves par les
éléments ne reproduit ni celui de leur production, ni celui de leur résorption ;
mais il existe une conception platonicienne suivant laquelle le corps est
l’enveloppe du souffle qui est l’enveloppe de l’âme qui est l’enveloppe de
l’intellect.
Si on fait correspondre le corps à la terre, le souffle à l’air,
l’âme à l’eau et l’intellect au feu (13), on retrouve l’exacte
succession des épreuves initiatiques ; ce qui pose la question de l’usage
du « souffle » (l’apprenti doit avoir « un bon souffle »,
selon le Dumfries), qui n’a jamais cessé d’interpeller Guénon puisque le
texte intitulé « La prière et l’incantation » était initialement une
planche maçonnique.
Cette incantation, qu’il appelle aussi « alchimie humaine »
est
« essentiellement
une aspiration de l’être vers l’Universel, ayant pour but d’obtenir une
illumination intérieure, quels que soient d’ailleurs les moyens extérieurs,
gestes (mudrâs), paroles ou sons musicaux (mantras), figures
symboliques (yantras) ou autres, qui peuvent être employés
accessoirement comme supports de l’acte intérieur, et dont l’effet est de
déterminer des vibrations rythmiques qui ont une répercussion à travers la
série indéfinie des états de l’être » (14).
« (…) dans la
tradition hindoue, il est dit que les Dêvas, dans leur lutte avec les Asuras,
se protégèrent (achhan dayan) par la récitation des hymnes du Vêda,
et que c’est pour cette raison que les hymnes reçurent le nom chhandas,
mot qui désigne proprement le “rythme”. La même idée est d’ailleurs contenue
dans le mot dhikr, qui, dans l’ésotérisme islamique, s’applique à des
formules rythmées correspondant exactement aux mantras hindous, formules
dont la répétition a pour but de produire une harmonisation des divers éléments
de l’être, et de déterminer des vibrations susceptibles, par leur répercussion
à travers la série des états, en hiérarchie indéfinie, d’ouvrir une
communication avec les états supérieurs, ce qui est d’ailleurs, d’une façon
générale, la raison d’être essentielle et primordiale de tous les rites » (15).
Il nous faudrait une autre occasion pour aborder l’absurde
question de la « greffe » islamique, que certains n’hésitent pas à
réduire à une « regrettable polémique », ce qui ne manque pas
d’ironie, vu que c’est eux qui l’ont provoquée. Pour le moment, nous ferons
seulement remarquer que Guénon n’a jamais parlé de la transmission d’un Nom
islamique à des non-musulmans, car celle-ci est la caractéristique des chaînes initiatiques
vivifiées par un Maître vivant, à l’aide de laquelle il guide ses disciples à
travers les voiles de lumières qui enveloppent l’ « Esprit muhammadien »
(ou le « Centre du Monde » de la tradition islamique) ; et vers
lequel la pratique de ce Nom aide ceux-ci à s’acheminer suivant des modalités
incantatoires extérieures et surtout intérieures.
D’autre part, ce n’est pas parce que ce Nom est pratiqué par des
chrétiens orientaux, qu’il faut pour autant faire la confusion entre celui-ci
et l’influence spirituelle dont il est le véhicule, car celle-ci appartient à
la forme islamique avec tout ce que cela implique.
Enfin, cette transmission est elle-même subordonnée au
rattachement à une organisation initiatique ; si bien que, pour donner une
équivalence analogue dans le domaine hiérarchique, recevoir cette transmission
sans être rattaché à l’organisation correspondante, reviendrait, pour un
profane, à recevoir la communication de hauts-grades maçonniques sans avoir été
initié aux degrés antérieurs. Nous sommes quelque peu surpris de constater que
notre prétendu « imâm es tassarruf » n’ait pas abordé ce genre de
considération, mais nous pouvons assurer les non-musulmans, parmi les plus
qualifiés, qui ont reçu la transmission de ce Nom, qu’ils risquent de subir une
« réaction concordante » du « Centre » mentionné vis-à-vis
duquel ils n’ont aucune appartenance traditionnelle. Cela leur donnera
peut-être l’occasion de se rendre compte que ce dernier est bien vivant, mais à
quel prix ?
Dans les Aperçus sur l’initiation, on apprend que
« les épreuves sont
essentiellement des rites de purification ; et c’est là ce qui donne
l’explication véritable de ce mot même d’“épreuves”, qui a ici un sens
nettement “alchimique”(...) la purification s’opère par les “éléments”, au sens
cosmologique de ce terme, et la raison peut en être exprimée très facilement en
quelques mots : qui dit élément dit simple, et qui dit simple dit
incorruptible. Donc, la purification rituelle aura toujours pour “support”
matériel les corps qui symbolisent les éléments et qui en portent les
désignations (car il doit être bien entendu que les éléments eux-mêmes ne sont
nullement des corps prétendus “simples”, ce qui est d’ailleurs une
contradiction, mais ce à partir de quoi sont formés tous les corps) ».
D’un point de vue initiatique,
« il s’agit de
ramener l’être à un état de simplicité indifférenciée, comparable (…) à celui
de la materia prima (entendue naturellement ici en un sens relatif),
afin qu’il soit apte à recevoir la vibration du Fiat Lux initiatique
(...) ce qui, si l’on veut bien y réfléchir un instant, montre assez clairement
que le processus initiatique et le “Grand Œuvre” hermétique ne sont en réalité
qu’une seule et même chose : la conquête de la Lumière divine qui est l’unique
essence de toute spiritualité » (16).
Dans son étude intitulée « Les dualités cosmiques » (17), Guénon écrivait :
« Nous prendrons
comme exemple la théorie des éléments telle que la concevaient les Grecs,
Aristote en particulier, et telle qu’elle se transmit au moyen âge ; on y
trouve deux quaternaires, comprenant chacun deux dualités : d’une part, celui
des qualités, chaud et froid, sec et humide, et, d’autre part, celle des
éléments, feu et eau, et air et terre. Or, les couples d’éléments ne coïncident
pas avec les couples de qualités opposées, car chaque élément procède de deux
qualités différentes : le feu, du chaud et du sec ; l’eau, du froid et de
l’humide ; l’air, du chaud et de l’humide ; la terre, du froid et du sec. Quant
à l’éther, considéré comme cinquième élément, et que les alchimistes appelaient
pour cette raison « quintessence » (quinta essentia), il
contient toutes les qualités dans un état d’indifférenciation et d’équilibre
parfait ; il représente l’homogénéité primordiale dont la rupture
déterminera la production des autres éléments avec leurs oppositions. Cette
théorie est résumée dans la figure d’un symbolisme d’ailleurs purement
hermétique, que Leibnitz a placée en tête de son De arte combinatoria. »
« Maintenant, le
chaud et le froid sont respectivement des principes d’expansion et de
condensation, et correspondent ainsi rigoureusement aux forces antagonistes du
dualisme mécanique ; mais pourrait-on en dire autant du sec et de l’humide ?
Cela paraît bien difficile, et c’est seulement par leur participation du chaud
et du froid qu’on peut rattacher les éléments, feu et air d’une part, eau et
terre d’autre part, à ces deux tendances expansive et attractive (…) et ce qui
complique encore la question, c’est que, à des points de vue différents, des
oppositions également différentes peuvent être établies entre les mêmes choses
: c’est ce qui arrive, pour les éléments, suivant que l’on s’adresse à
l’alchimie ou à l’astrologie, car, tandis que la première fait appel aux
considérations précédentes, la seconde, en répartissant les éléments dans le
zodiaque, oppose le feu à l’air et la terre à l’eau [voir, par exemple, la
figure de l’archéomètre] : ici, par conséquent, l’expansion et la condensation
ne figurent même plus dans une opposition ou une corrélation quelconque (...) ».
« Signalons encore
que les deux phases [“ascendante” et “descendante”] (…) se retrouvent (…) dans
les théories hermétiques, où elles sont appelées “coagulation” et “solution” :
en vertu des lois de l’analogie, le “grand œuvre” reproduit en abrégé
l’ensemble du cycle cosmique [également caractérisé par ces deux phases]. Ce
qui est assez significatif, au point de vue où nous venons de nous placer,
c’est que les hermétistes, au lieu de séparer radicalement ces deux phases, les
unissaient au contraire dans la figuration de leur androgyne symbolique (Rebis
res bina, chose double), représentant la conjonction du soufre et du
mercure, du fixe et du volatil, en une matière unique ». (Note de Guénon) :
« voir l’Amphitheatrum Sapientiae Aeternae de Kunrath, les Clefs
d’alchimie de Basile Valentin, etc. [on pourra aussi se reporter aux Théories
& Symboles des Alchimistes d’Albert Poisson, qui nous paraît être une
excellente synthèse sur la question] ».
« Mais revenons à
l’opposition du chaud et du froid (…) : l’abaissement de la température
traduit une tendance à la différenciation, dont la solidification marque le
dernier degré, le retour à l’indifférenciation devra, dans le même ordre
d’existence, s’effectuer corrélativement, et en sens inverse, par une élévation
de température (…) si la chaleur paraît représenter la tendance qui mène vers
l’indifférenciation, il n’en est pas moins vrai que, dans cette
indifférenciation même, la chaleur et le froid doivent être également contenus
de façon à s’équilibrer parfaitement ; l’homogénéité véritable ne se réalise
pas dans un des termes de la dualité, mais seulement là où la dualité a cessé
d’être. D’autre part, si l’on considère le milieu cosmique en regardant les
deux tendances comme agissant simultanément, on s’aperçoit que, loin de marquer
la victoire complète, au moins momentanément, de l’une sur l’autre, il est [un] instant où la prépondérance commence à passer de l’une à l’autre :
c’est donc le point où ces deux tendances sont dans un équilibre qui, pour être
instable, n’en est pas moins comme une image ou un reflet de cet équilibre parfait
qui ne se réalise que dans l’indifférenciation ; et alors ce point, au
lieu d’être le plus bas, doit être véritablement moyen sous tous les rapports
(…). D’ailleurs, pour toute individualité, il y a en quelque sorte un point
d’arrêt dans la limitation, à partir duquel cette individualité même peut
servir de base à une expansion en sens inverse [au processus
d’individualisation ou d’involution] ; nous pourrions citer à ce propos
telle doctrine arabe suivant laquelle “l’extrême universalité se réalise dans
l’extrême différenciation” parce que l’individualité disparaît, en tant
qu’individualité, par là même qu’elle a réalisé la plénitude de ses
possibilités » (18).
On pourrait encore exprimer les choses autrement en disant que
« le Ciel, en tant que
pôle “positif” de la manifestation, représente d’une façon directe le Principe
par rapport à celle-ci, tandis que la Terre, en tant que pôle “négatif”, ne
peut en présenter qu’une image inversée. La “perspective” de la manifestation rapportera
donc assez naturellement au Principe même ce qui appartient réellement au Ciel,
et c’est ainsi que le “mouvement” du Ciel (mouvement au sens purement
symbolique, bien entendu, puisqu’il n’y a là rien de spatial) sera attribué
d’une certaine façon au Principe, bien que celui-ci soit nécessairement
immuable. Ce qui est plus exact au fond, c’est de parler (…) des attractions
respectives du Ciel et de la Terre, s’exerçant en sens inverse l’une de l’autre
: toute attraction produit un mouvement centripète, donc une “condensation”, à
laquelle correspondra, au pôle opposé, une “dissipation” déterminée par un
mouvement centrifuge, de façon à rétablir ou plutôt à maintenir l’équilibre
total. Il résulte de là que ce qui est “condensation” sous le rapport de la
substance est au contraire une “dissipation” sous le rapport de l’essence, et
que, inversement, ce qui est “dissipation” sous le rapport de la substance est
une “condensation” sous le rapport de l’essence ; par suite, toute
“transmutation”, au sens hermétique de ce terme [c’est-à-dire en ce qui
concerne les modalités et états de l’individualité], consistera proprement à
“dissoudre” ce qui était “coagulé” et, simultanément, à “coaguler” ce qui était
“dissous”, ces deux opérations apparemment inverses n’étant en réalité que les
deux aspects complémentaires d’une seule et même opération.
C’est pourquoi les
alchimistes disent fréquemment que “la dissolution du corps est la fixation de
l’esprit” et inversement, esprit et corps n’étant en somme pas autre chose que
l’aspect “essentiel” et l’aspect “substantiel” de l’être ; ceci peut s’entendre
de l’alternance des “vies” et des “morts”, au sens le plus général de ces mots,
puisque c’est là ce qui correspond proprement aux “condensations” et aux
“dissipations” de la tradition taoïste, de sorte que, pourrait-on dire, l’état
qui est vie pour le corps est mort pour l’esprit et inversement (19) ; et c’est pourquoi “volatiliser (ou dissoudre) le fixe et
fixer (ou coaguler) le volatil” ou “spiritualiser le corps et corporifier
l’esprit”, est dit encore “tirer le vif du mort et le mort du vif”, ce qui est
aussi, par ailleurs, une expression qorânique » (20).
D’autre part
« les alchimistes
“entendent par les eaux, les rayons et la lueur de leur feu”, et (…) ils
donnent le nom d’“ablution”, non pas à l’“action de laver quelque chose avec de
l’eau ou autre liqueur”, mais à une purification qui s’opère par le feu, de
sorte que “les anciens ont caché cette ablution sous l’énigme de la salamandre,
qu’ils disent se nourrir dans le feu, et du lin incombustible, qui s’y purifie
et s’y blanchit sans s’y consumer” [les citations viennent de Pernéty] On peut
comprendre par là qu’il soit fait de fréquentes allusions, dans le symbolisme
hermétique, à un “feu qui ne brûle pas” et à une “eau qui ne mouille pas les
mains”, et aussi que le mercure “animé”, c’est-à-dire vivifié par l’action du
soufre, soit décrit comme une “eau ignée”, et parfois même comme un “feu
liquide” » (21).
En note, Guénon signale aussi que
« La pluie doit en
effet, pour représenter les influences spirituelles, être regardée comme une
eau “céleste”, et l’on sait que les Cieux correspondent aux états informels ;
l’évaporation des eaux terrestres par la chaleur solaire est d’ailleurs l’image
d’une “transformation”, de sorte qu’il y a là comme un passage alternatif des
“eaux inférieures” aux “eaux supérieures” et inversement » ;
ce qui nous amène assez
naturellement à aborder un dernier aspect du symbolisme des éléments.
En 1929, Guénon écrivait :
« Il est
intéressant de remarquer que les foudres de Jupiter sont forgées par Vulcain,
ce qui établit un certain rapport entre le “feu céleste” et le “feu
souterrain”, … [ce dernier], en effet, était en relation directe avec le
symbolisme métallurgique, spécialement dans les mystères kabiriques » (22) ;
et il précisait, dans Le
Règne de la quantité et les signes du temps (ch. XXII) :
« Pour comprendre
ceci, il faut avant tout se souvenir que les métaux, en raison de leurs
correspondances astrales, sont en quelque sorte les “planètes du monde
inférieur” ; ils doivent donc naturellement avoir, comme les planètes
elles-mêmes dont ils reçoivent et condensent pour ainsi dire les influences
dans le milieu terrestre, un aspect “bénéfique” et un aspect “maléfique”. De
plus, puisqu’il s’agit en somme d’un reflet inférieur, ce que représente
nettement la situation même des mines métalliques à l’intérieur de la terre, le
côté “maléfique” doit facilement devenir prédominant ; il ne faut pas
oublier que, au point de vue traditionnel, les métaux et la métallurgie sont en
relation directe avec le “feu souterrain”, dont l’idée s’associe sous bien des
rapports à celle du “monde infernal” (...). En ce qui concerne cette relation
avec le “feu souterrain”, la ressemblance manifeste du nom Vulcain avec celui
du Tubalcaïn biblique est particulièrement significative ; tous deux sont
d’ailleurs représentés également comme des forgerons ; et, précisément au
sujet des forgerons, nous ajouterons que cette association avec le “monde
infernal” explique suffisamment (...) le côté “sinistre” de leur métier. Les
Kabires, d’autre part, tout en étant aussi des forgerons, avaient un double
aspect terrestre et céleste, les mettant en rapport à la fois avec les métaux
et avec les planètes correspondantes ».
D’un point de vue initiatique, il faut se rappeler, en considérant
le symbolisme de la montagne et de la caverne, que dans notre situation cyclique
« le centre,
pourrait-on dire, n’abandonna pas la montagne, mais se retira seulement de son
sommet à son intérieur ; d’autre part, ce même changement est en quelque sorte
un “renversement” par lequel, (…) le “monde céleste” (auquel se réfère
l’élévation de la montagne au dessus de la surface terrestre) est devenu en un
certain sens le “monde souterrain” (bien qu’en réalité ce ne soit pas lui qui
ait changé, mais les conditions du monde extérieur, et par conséquent son
rapport avec celui-ci) ; et ce “renversement” se trouve figuré par les
schémas respectifs de la montagne et de la caverne, qui expriment en même temps
leur complémentarisme » (23).
Il faut bien comprendre que le sens inférieur des ténèbres
« représente
proprement le “chaos”, c’est-à-dire l’état d’indifférenciation ou
d’indistinction qui est au point de départ de la manifestation, soit dans sa
totalité, soit relativement à chacun de ses états ; et ici nous voyons immédiatement
apparaître l’application de l’analogie en sens inverse, car cette
indifférenciation qu’on pourrait appeler “matérielle” en langage occidental,
est comme le reflet de l’indifférenciation principielle du non-manifesté, ce
qui est au point le plus haut se réfléchissant au point le plus bas, comme les
sommets des deux triangles opposés dans le symbole du “sceau de Salomon” (…)
cette indistinction, quand elle s’applique à la totalité de la manifestation
universelle, n’est autre que celle même de Prakriti, en tant que
celle-ci s’identifie à la hylè primordiale ou à la materia prima des
anciennes doctrines cosmologiques occidentales ; en d’autres termes, c’est
l’état de potentialité pure, qui n’est en quelque sorte qu’une image réfléchie,
et par là même inversée, de l’état principiel des possibilités non-manifestées »
(24).
On pourrait voir dans
ces indications « polaires » comme une justification métaphysique de
la « descente aux enfers » qui se déroule au début du processus
initiatique, et Guénon précise encore que
« le “noir plus
noir que le noir” (nigrum nigro nigrius), suivant l’expression des
hermétistes, est assurément, quand on le prend dans son
sens le plus immédiat et en quelque sorte le plus littéral, l’obscurité du
chaos ou des “ténèbres inférieures” ; mais il est aussi et par là même (…) un
symbole naturel des “ténèbres supérieures”. De même que le “non-agir” est
véritablement la plénitude de l’activité, ou que le “silence” contient en
lui-même tous les sons dans leur modalité parâ ou non-manifestée, ces
“ténèbres supérieures” sont en réalité la Lumière qui surpasse toute lumière,
c’est-à-dire, au-delà de toute manifestation et de toute contingence, l’aspect
principiel de la lumière elle-même ; et c’est là, et là seulement, que
s’opère en définitive la véritable jonction des extrêmes » (25).
Ainsi,
« le centre est, en
raison de son caractère principiel, ce qu’on pourrait appeler le “lieu” de la
non-manifestation ; comme tel, la couleur noire, entendue dans son sens
supérieur, lui convient donc réellement. Il faut d’ailleurs remarquer que, par
contre, la couleur blanche convient aussi au centre sous un autre rapport, nous
voulons dire en tant qu’il est le point de départ d’une “irradiation” assimilée
à celle de la lumière ; on pourrait donc dire que le centre est “blanc”
extérieurement et par rapport à la manifestation qui procède de lui, tandis
qu’il est “noir” intérieurement et en lui-même ; et ce dernier point de vue est
naturellement celui des êtres qui (…) se situent symboliquement dans le centre
même » (26).
Pour conclure, nous
voudrions donner un exemple de la manière dont M. Gilis se sert des citations
de Guénon, car elle nous paraît illustrer, par reflet, l’usage qu’il fait de la
doctrine akbarienne afin d’imposer sa manière d’envisager les choses :
« À cette première limitation [la “spéculative” sur laquelle nous allons revenir] s’en ajoute une autre,
inhérente à la nature de l’initiation maçonnique qui est une initiation de
métier. En effet, comme René Guénon l’a rappelé à maintes reprises (en se
référant typologiquement à ce que représente la caste des Vaishyas dans
l’hindouisme), une initiation de ce type ne peut transmettre que “les
connaissances qui lui conviennent spécialement” ; et celles-ci ne
représentent, en principe tout au moins, qu’une portion restreinte des “petits
mystères” tels que nous venons de les définir »
(27). C’est assez habile de se servir de cette citation que
Guénon poursuit en disant :
« mais nous n’avons pas à
insister sur ce point, puisque le sujet de la présente étude [intitulée Le
Sacerdoce et la Royauté] ne comporte proprement que la considération des
rapports des deux premières castes ».
En fait, dans Mélanges,
Guénon écrit :
« Si maintenant nous voulons
définir plus rigoureusement le domaine de ce qu’on
peut appeler les initiations de métier, nous dirons qu’elles appartiennent à
l’ordre des “petits mystères”, se rapportant au développement des possibilités
qui relèvent proprement de l’état humain, ce qui n’est pas le dernier but de
l’initiation, mais en constitue du moins obligatoirement la première phase »
(p. 76).
Et dans les Aperçus
sur l’initiation :
« Pour les Vaishyas à plus forte raison
encore que pour les Kshatriyas, le domaine initiatique qui leur convient
proprement est celui des “petits mystères” ; cette communauté de domaine,
si l’on peut dire, a d’ailleurs amené fréquemment des contacts entre les formes
d’initiation destinées aux uns et aux autres [comme la maçonnerie et la
chevalerie], et par suite, des relations assez étroites entre les organisations
par lesquelles ces formes sont pratiquées respectivement » (28).
Poursuivons la citation de
C.-A. Gilis : « Cette définition doit également être rappelée, car la confusion est grande sur ce point essentiel. Il
s’agit, d’un côté, d’une “connaissance de la nature” primordiale, ou encore de
l’ordre “physique” ou “cosmologique” opposée à l’ordre métaphysique ; de
l’autre, des mystères qui “concernent seulement les possibilités de l’état
humain” par opposition à ceux qui se rapportent à ce qui est au delà,
c’est-à-dire la réalisation des états supra-individuels et surtout la
réalisation métaphysique, qui seule importe véritablement ». En réalité,
M. Gilis nous fait ici l’aveu d’un modernisme bien profane en voyant des « oppositions »
là où il n’y a que différents aspects complémentaires de la doctrine et de la
réalisation ; et, en fait de « confusion essentielle », il n’est
pas difficile de se rendre compte que c’est lui qui la commet entre la Lumière
du Prophète, et sa perception, somme toute, très sommaire. Du reste, suivant
une parole prophétique qui va nous ramener au début de notre étude, le Prophète
a dit :
« J’ai été conçu
avant qu’Adam soit entre l’eau et l’argile ».
Or, si on met en
relation l’eau et l’argile avec les éléments qui leurs correspondent, on peut
dire que l’Esprit muhammadien est crée d’air et de feu. Cette seconde
limitation est plus essentielle que la première, car elle tient, non pas à un
état passager de dégénérescence auquel il serait possible de remédier, tout au
moins en principe, mais bien à la constitution même de la Maçonnerie. Lorsque,
dans le même chapitre, René Guénon écrit :
« Nous devons
insister sur le fait qu’une telle dégénérescence d’une organisation initiatique
ne change pourtant rien à sa nature essentielle, et que même la continuité de
la transmission suffit pour que, si des circonstances plus favorables se
présentaient, une restauration soit toujours possible, cette restauration devant
alors nécessairement être conçue comme un retour à l’état “opératif” » (29).
On ne voit pas ce que ce retour
pourrait signifier d’autre, en l’occurrence, que l’exercice traditionnel du
métier de maçon ; ni par quel miracle l’initiation maçonnique pourrait
ouvrir aux « grands mystères », même au cas où cette hypothèse, qui
apparaît à la fois comme la plus favorable et la plus improbable, était
effectivement réalisée.
Dans les faits,
« le mot “opératif”
ne doit pas être considéré exactement comme un équivalent de “pratique”, en
tant que ce dernier terme se rapporte toujours à l’“action” (…) de sorte qu’il
ne saurait être employé ici sans équivoque ni impropriété ; en réalité, il
s’agit de cet “accomplissement” de l’être qu’est la “réalisation” initiatique,
avec tout l’ensemble des moyens de divers ordres qui peuvent être employés en
vue de cette fin ; et il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’un mot de même
origine, celui d’“œuvre”, est aussi usité précisément en ce sens dans la
terminologie alchimique » (30).
Dans le même ouvrage, Guénon précise d’ailleurs que l’hermétisme
peut
« fournir tout un
symbolisme qui, par une transposition convenable, a pu même y servir parfois de
véhicule à des vérités d’un ordre plus élevé (…) une telle transposition est en
effet toujours possible, dès lors que le lien avec un principe supérieur et
véritablement transcendant n’est pas rompu, et nous avons dit que le “Grand
Œuvre” hermétique lui-même peut être regardé comme une représentation du
processus initiatique dans son ensemble (…) » (p. 261).
Ce n’est pas parce que
Michel Vâlsan n’avait pas vu cela que nous devons nous limiter à sa lecture
contestable de l’œuvre de Guénon, car cette transposition constitue, en
réalité, une des raisons profondes de toute une partie de celle-ci, comme
l’aperçu que nous avons donné dans cette étude le montre clairement.
Quant à la limitation « spéculative »,
on peut encore dire qu’
« en dehors de
toute déviation, on peut toujours, d’une façon très exacte, appliquer les
termes ‟opératifˮ et ‟spéculatifˮ, à l’égard d’une forme initiatique quelle
qu’elle soit, et même si elle ne prend pas un métier comme ‟supportˮ, en les
faisant correspondre respectivement à l’initiation effective et à l’initiation
virtuelle » (31).
Les citations tronquées dont M. Gilis donne l’exemple dans la
partie d’un livre intitulée Les Maîtres akbariens, et dont le sous titre est René Guénon, montrent
la légèreté avec laquelle il se sert de différentes autorités pour mieux
asseoir la sienne ; et du point de vue de l’initiation, il ne fait aucun
doute que la dégénérescence de la Maçonnerie n’a rien à envier à celle des « semi-profanes »
qui font une identification toute « spéculative » entre la shariyah
et la haqîqah.
Y. B.
NOTES
(1) Les
Editions de l’Œuvre, 1986, p. 68.
(2) Ch. XX p. 163 n. 1
(3) Marie en Islam 1990, ch. V p. 53.
(4) Ch. XXVIII p. 188, n. 1. Dans la maçonnerie,
ces considérations se rapportent au grade de compagnon. On peut noter que les
éléments sont aussi en relation avec les cinq « grandes années » de
12 960 ans qui composent le manvantara
de 64 800 ans. On sait, par ailleurs, que le nombre 7 est en rapport avec les «
« cieux » et les « « terres » qui « permutent » (yubadiloun),
selon l’expression coranique (14, 48) autour de la montagne « polaire » ;
et on pourrait considérer que le « renversement des pôles » présente
une certaine analogie avec le « retournement » initiatique, puisque
dans l’ordre cyclique, la « Jérusalem céleste » correspondra au « Paradis
terrestre » du cycle futur, et que dans l’ordre initiatique, le Ciel et la
Terre servent aussi à désigner la tête et les pieds de l’« « Homme
véritable ».
(5) Initiation et Réalisation spirituelle pp.
159, 160.
(6) Aperçus sur l’ésotérisme chrétien p. 64.
(7) Dans Les Sept Étendards du Califat (1993),
M. Gilis affirme que « nous sommes obligés de “croire” en Allâh » (p.
35), comme si il ignorait tout de l’intuition intellectuelle, et il parle aussi
de « réalisation suprême » (p. 139 n. 8) pour désigner la servitude,
confondant ainsi le moyen avec la fin. Dès lors, on peut comprendre qu’il
refuse la distinction entre exotérisme et ésotérisme, sans tenir compte, d’une
part, qu’il y a plus d’exotéristes que d’ésotéristes parmi les musulmans, et
d’autre part, que les rites appartenant aux deux domaines ne sont pas du tout
effectués de la même manière dans l’usage pratique.
(8) Éd.
Traditionnelles1991, pp. 33-34.
(9) Page 27.
(10) Les Sept Étendards du Califat p.127.
(11) Les Sept Étendards du Califat pp. 15, 64
et 308 ; signalons que le mot « vicaire » pour désigner le khalîfa
est de Guénon (Symboles de la Science Sacrée ch. XLV, p.282) et non
pas de Vâlsan (ibid. p. 129 n. 3) ;
cf. aussi Marie en Islam ch.
VII, p. 69.
(12) Là aussi l’incompréhension de C.-A. Gilis est
flagrante, car il semble considérer cette polarisation comme une spécificité de
certaines formes traditionnelles, sans autre précision (Les Sept Étendards,
p. 129 n. 23), alors qu’elle concerne le domaine physiologique et que, de
surcroît, elle est perceptible dans les phases préliminaires de l’initiation
effective.
(13) Corpus Hermeticum Tome I, p. 121. En considérant la réalisation comme une remontée
des cycles, on pourrait faire un rapprochement entre le corps et l’âge de fer,
le souffle et l’âge d’airain, l’âme et l’âge d’argent et l’intellect et l’âge
d’or. D’après ces indications et celles figurant à la note 4, on peut aisément
déduire que les 3 degrés de la maçonnerie bleue réalisent respectivement la « mesure »
du manvantara, suivant des modalités différentes. En outre, nous nous situons
au milieu du kalpa qui se compose de
7 manvantaras descendants et de 7 manvantaras ascendants; et comme Guénon
envisage « un double sens à la solidification », dont la descente de
la « Jérusalem céleste » représente un aspect bénéfique, on peut se
demander s’il n’y a pas dans notre localisation cyclique une réalité
spirituelle d’une autre portée.
(14) L’homme et son devenir Ch. XX, p. 164.
(15) Symboles de la Science sacrée ch. VII.
(16) Ch. XXV.
(17) Études Traditionnelles n° 429-430-431.
(18) Toutes ces citations sont tirées du n°430.
(19) On pourrait rappeler ici une autre tradition
prophétique de l’islam suivant laquelle « Les gens dorment et quand ils
meurent [par la “troisième naissance”], ils se réveillent » .
(20) La
Grande Triade, ch. VI.
(21) Symboles de la Science sacrée ch. LX.
Pour un enseignement similaire, voir aussi La Grande Triade ch. XII, où
Guénon fait un rapprochement entre la « pierre brute » et l’individualité, la «
pierre cubique » et le Sel, et la « pierre cubique à pointe » et la « pierre
philosophale ».
(22) Symboles de la science sacrée, ch. XXV.
(23) Ibid. ch. XXXI.
(24) Initiation et Réalisation spirituelle p.
240-241.
(25) Ibid. p. 228.
(26) Symboles de la Science sacrée, ch. XVI.
(27) Autorité spirituelle et pouvoir temporel ch.
II, cité dans Ordo ab chao, La Franc-Maçonnerie dans la Lumière du
Prophète, pp.44-45.
(28) Aperçus sur l’initiation, p.
251.
(29) Ibid. p. 196.
(30) Ibid. p. 195.
(31) Ibid. p.197.
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[ANNEXE]
À propos de « L’ALCHIMIE HUMAINE ET LES QUATRE ÉLÉMENTS ».
Dans sa
rubrique Courrier des lecteurs, le n° 118 de Vers la Tradition publia la mise au point suivante :
Le texte « L’alchimie et les quatre éléments » attribue
à Michel Vâlsan une position
qu’il n’a pas. On y expose, en effet, page 64, un passage
de René Guénon dans lequel il évoque la possibilité de transposer les données de l'hermétisme dans un ordre
plus
élevé – donc, dépassant le domaine des petits mystères – , et à cela on oppose une lecture contestable de l’œuvre de René
Guénon par Michel Vâlsan qui n'aurait pas vu cette possibilité. Le problème est que cette affirmation est totalement fausse. Afin de prouver ce que j'avance,
je vous donne ci-dessous les références qui conviennent…
Dans son
article inachevé Les derniers hauts grades de l’Écossisme et la réalisation descendante, M. Vâlsan écrivait : « de même qu’il y a des initiations de caractère spécifiquement cosmologique, il peut y avoir des formes traditionnelles
réduites, sinon par leur définition
première, du moins, à certaines
époques, par l’effet des vicissitudes
cycliques, à un point de vue
cosmologique, et dont le domaine normal est alors celui des “petits mystères” ». Il ajoutait
en note, ce qui
suit : « Un cas de ce genre est celui
de l’hermétisme, en tant que réadaptation des traditions grecque et égyptienne, à l’époque alexandrine, dont le caractère cosmologique et d’initiation de l’ordre des “petits mystères” ne fait pas de doute (cf. René Guénon, Aperçus sur l’Initiation, ch.
XLI), bien qu’une tradition de cet ordre
devait se rattacher elle-même originellement et par ses principes à une
doctrine réellement métaphysique, et que de ce fait une ouverture restait, malgré tout, possible, quoique de façon moins directe, pour ceux qui avaient
les qualifications nécessaires, vers
une réalisation de l’ordre des “grands mystères” » (Études Traditionnelles, 1953, p. 224).
Ainsi, dans la partie finale de sa note, M. Vâlsan envisageait-il une telle transposition. Plus exactement, et cela me semble particulièrement important à souligner, il parlait même, pour l’aspect doctrinal, d’un “rattachement” à la métaphysique, et, pour l’aspect initiatique, d’« une réalisation de l’ordre des “grands mystères” ». M. Vâlsan avait donc bien compris Guénon sur ce point précis, et il en tirait aussi des “applications” dans le domaine
de la réalisation initiatique.
Réponse de Y. B.
Nous nous sommes effectivement mal exprimé sur ce que Michel Vâlsan
n'aurait pas vu, mais il envisage l'hermétisme gréco-égyptien comme un courant « mineur », comparable
à l'aristotélisme, le néo-platonisme et la Kabbale ; et il nous semble que cette définition devrait
plutôt correspondre à la « Kabbale chrétienne » ; tandis
que Guénon parle principalement de l'hermétisme chrétien,
qui a été véhiculé par différents courants initiatiques, lesquels occupent, au sein de l'ésotérisme, une position vraiment « centrale »
puisqu'ils étaient en relation avec le Centre suprême,
le symbolisme du « Temple de Salomon » et le « pouvoir des clés ».
Dès lors que les transpositions doctrinales qu'il opère peuvent
être considérées comme un prolongement de ces courants, il n'y aurait
eu aucun inconvénient à ce que Michel Vâlsan n'y fasse pas allusion, s'il ne s'était
exprimé sur des questions
relatives à l’Occident.
Seulement, nous devons dire que cet aspect de la doctrine concerne aussi le
rôle des intermédiaires, tant sur le plan initiatique que sur celui de l’exposé des
doctrines orientales, car c'est le
premier qui ordonne le second ;
et ce dernier pourrait même avoir un effet positif,
bien que plus contingent, sur l'utilisation à rebours
qui est faite de l'hermétisme, depuis l'apparition de l'occultisme dont l'inspiration n'est
pas seulement pseudo-initiatique. Or, c'est
dans le « domaine intermédiaire », qui est le sujet de notre précédent
texte, que nous pouvons envisager
une action sur la « minorité dirigeante » qui véhicule une idéologie dissolvante afin de nous entraîner insensiblement dans un « trou noir ». Nous ne savons
pas ce que représente la prétendue « fonction » de René Guénon, mais sa conception unitive engage tous les ordres
de réalité, sans n’en exclure aucun, parce qu'elle est initiatique et universelle et, comme ce domaine concerne
aussi le passage
dans le cycle à venir, tout cela ne peut décemment pas être qualifié de mineur.
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