RENÉ GUÉNON,
L’appel
de la sagesse primordiale (sous la direction de Philippe Faure) ; Éditions du
Cerf, 2015.
Dès les premières pages de
l’introduction, le niveau « intellectuel » de cet épais volume de 535
pages est annoncé : « (…) l’engagement personnel de Guénon dans la
voie du soufisme a donné lieu à de multiples interprétation, parfois
tendancieuses et partisanes, fondées sur un amalgame hâtif entre rattachement
au soufisme et conversion à l’islam. Or, Guénon avait déclaré son hostilité à
la notion même de conversion et proclamé son rattachement aux organisations
initiatiques islamiques, préférant parler d’“installation” dans une tradition
pour des raisons d’ordre initiatique. Une telle démarche, novatrice, ne pouvait
recevoir l’approbation des docteurs de l’islam ni de la majorité des soufis,
pas plus qu’un* supra confessionnalisme
mystique nourri de l’œuvre d’Ibn Arabî ». A quoi bon formuler encore des
arguments pour démontrer l’idiotie de cette dernière phrase se référant sans
vergogne à l’inénarrable J. P. Laurant. N’ayant pas de temps à perdre, nous
préférons nous en tenir là, d’autant que les contributeurs de cet « appel
à la sagesse » ont amplement démontré leurs limites par le passée et
prouvé d’une certaine façon qu’ils n’y ont, pour la plupart, jamais répondu,
et, il n’y aucune raison logique de découvrir aujourd’hui chez les Borella,
Vivenza et consorts, quelques révélations qu’ils n’auraient pas déjà eu
l’opportunité de nous communiquer. Mais ici, l’organisateur de cette
compilation baroque a fait encore plus fort que ses prédécesseurs en insérant
les propos diffamatoires d’un certain Fenton qui donnent l’impression que son
auteur souffre de sérieuses difficultés de compréhension dans ses lectures.
Enfin, et c’est la note la plus triste de cette imposture à 34 euros : y
voir figurer le nom de Seyyed Hossein Nasr.
*
[il faut sans doute lire : « …pas plus que d’un supra
confessionnalisme… »]
***
Autrefois, les Editions Gallimard
avaient eu la bonne idée de faire appel à Luc Benoist, par l’intermédiaire de
Jean Paulhan, pour créer la Collection « Tradition » et y faire paraître,
peu de temps après la seconde guerre mondiale, les deux derniers ouvrages de Guénon
et, à leur suite, quelques autres études qui marquèrent les guénoniens. Parmi ces
œuvres, les deux livres de Guénon, Le Roi
du Monde et d’autres titres aujourd’hui épuisés, sont en cours – ou en projet
– de rééditions (chez Gallimard qui abandonne les bonnes idées) sous la
direction de quelques notables spécialistes-incompétents* figurant tous
dans l’ouvrage collectif susnommé.
Luc Benoist, qui rédigea sous le
pseudonyme de Michel de Socoa trois plaquettes sur l’Astrologie** aux éditions
traditionnelles, est également l’auteur d’un livre intéressant dont voici un
extrait*** qui nous permet
de mesurer la distance qui sépare cette personnalité des individus qui
prétendent aujourd’hui contrôler l’édition de tous les ouvrages de René Guénon :
« Rien de plus banal que cette
impuissance scientifique à remonter aux sources. Le problème des sciences
déborde à chaque instant leur domaine et leur méthode. Plus ou moins tard,
l’esprit de l’homme est amené devant le gouffre métaphysique, qui l’invite au
bond surnaturel. La démarche scientifique consiste à retarder le moment fatal,
non pas par l’allongement d’un chemin inchangeable, mais par la lenteur des
étapes, par l’accumulation d’obstacles, qu’elle-même se crée et où les savants
finissent par se perdre ; car si la raison peut contrôler, elle est in
capable d’entrainer ou d’agir. »
*
Nous n’en dirons pas plus. Les lecteurs désireux d’obtenir des informations concernant
la main mise de quelques universitaires en mal de notoriété sur l’œuvre de
Guénon à se reporter au message : « Les droits d’auteur ? Et les
droits de Guénon sur sa propre œuvre ? », posté le 13/12 /2015 sur
le blog « Œuvre de René Guénon ». Il y a là une critique concordante
aux exploits littéraires des ces gens dont les agissements seront certainement
relatés un jour ou l’autre.
**
L’une de ces plaquettes, intitulée Les
grandes conjonctions (Éd. Traditionnelles, 81) concerne les applications de
la théorie des cycles cosmiques par les bases de l’astrologie mondiale. On y
trouve notamment les principaux thèmes des plus grandes conjonctions des
planètes depuis l’an 57 avant J. C. jusqu’à l’année 1989. Il est intéressant de
noter que le thème de la dernière grande conjonction du XXème siècle, appelée doriphorie
(rassemblement de plus de cinq planètes autour du Soleil), qui coïncida avec la
chute du régime soviétique et la destruction du mur de Berlin, fut établi par
De Socoa, pour Moscou au 27décembre 89).
Les
titres des deux autres plaquettes sont La
part de Fortune et Typologie et
Caractères (même éditeur, même année de parution).
***
La cuisine des Anges ; Éd.
Tradition Universelle, Ramsès, 78 (page 32). Est-il besoin de faire remarquer
que ce court extrait inclut dans son constat les procédures courantes de la méthode
universitaire ? Il y a heureusement des exceptions (de plus en plus rares aujourd’hui
et qui n’ont rien à voir avec ceux qui ont pris le pouvoir sur l’œuvre de
Guénon). Benoist rédigea aussi une étude sur l’ésotérisme (aux éditions du PUF). Nous
attendons toujours sa réédition pour faire oublier celle d’Antoine Faivre.
*
* *
Le
Voyage Nocturne de La Mecque à Jérusalem (par Fulan)*.
Le « point », symbole du
centre de l’état humain, est à la ville de la Mecque, ce que l’
« axe » est à la ville de Jérusalem, symbole du Centre du monde, car
la « Maison visitée », al-bayt
al ma‘mûr, est également assimilable à ce dernier.
La Jérusalem est le « Pôle
céleste » des trois formes religieuses ; Rome et La Mecque
représentent le « Pôle terrestre »pour le Catholicisme et l’Islam, ce
qui signifie que le Centre de l’état humain peut-être représenté comme Pôle
terrestre et celui de l’Univers total comme Pôle céleste et l’on peut dire que
le premier est ainsi le « lieu » de l’ « Homme véritable »
et le second, celui de l’ « Homme transcendant ».
*
Ce commentaire n’implique pas qu’un Centre secondaire ne puisse représenter pleinement
le Centre principal car ce ne serait plus alors un « Centre » à
proprement parlé. Ainsi, il y a lieu de considérer également la « Ka’aba
céleste » pour le symbolisme complet de la croix dans l’ésotérisme
islamique.
***
Un
texte utile* du shaykh
al-akbar pour aborder les « Aperçus sur les Fuçûç al-hikam » de nos prochains « messages » :
[Ciel : samâ’ ; Sphère : falak ; planètes (ou astres) : kawâkib, étoiles : nujûm]
« Après
l’achèvement de la création des sept cieux (sab‘a
samawâti) en deux jours de l’Œuvre, Il inspira à chaque ciel (samâ’) son ordre et y déposa tout ce
dont les êtres engendrés ont besoin pour leur compositions, leur dissolution,
leur remplacement, leur transformation et leur passage d’un état à l’autre à
travers les cycles et les phases (dans un même cycle d’existence). Cet ordre
s’instaura par la mise en mouvement des sphères (bi-al-taharîkât al-falakiyyah) pour que se manifeste la production
des êtres dans les éléments, selon l’ordre contenu dans ce mouvement et cette
sphère.
Une
fois déliés, les cieux entrèrent en rotation. Comme ils étaient transparents en
essence et en volume pour ne pas cacher ce qui est au-delà d’eux, les regards
aperçurent les luminaires étoilés (masâbîhi
al-nujûmi) de la huitième sphère et les imaginèrent dans le ciel le plus
proche. Dieu dit : “Nous avons orné le ciel le plus proche de luminaires (wa ziyyannâ al-samâ’a al-dunyâ bimasâbih)” (41 :12), or l’ornement d’une
chose ne s’y trouve pas nécessairement ; “Comme protection” fait allusion
aux lapidations qui surviennent dans la sphère de l’éther pour brûler les
démons qui écoutent à la dérobée. Dieu a disposé pour cela “une flamme aux
aguets” (72 :9) : ce sont les étoiles filantes. Le regard transperce
l’atmosphère et atteint le ciel inférieur sans apercevoir de fissure. Il y
pénètre, mais s’en retourne “dépité et las” (67 :4). Dieu dota chacun des
sept cieux d’un astre qui y vogue selon sa parole – exalté soit-il – : “Chacun
vogue dans une sphère” (21 :33 et 36 : 40). Les sphères sont
produites par le mouvement des astres et non par celui des cieux. Le mouvement
des sept astres prouve donc que les luminaires se trouvent dans la huitième
sphère. Il a orné le ciel le plus proche de ces luminaires car c’est là que le
regard les perçoit. Le discours divin se conforma à ce que donne la vision
oculaire. C’est pourquoi il est dit : “Nous avons orné le ciel le plus
proche de luminaires” et non : “Nous les y avons créés”, car un ornement
ne se trouve pas nécessairement dans ce qu’il orne : garde et suite sont
un ornement du sultan sans être inhérent à sa personne. »
* Extrait de la traduction de Denis Gril du Kitâb al-isfâr ‘an natâ’ij al-asfâr d’Ibn ‘Arabî ; Le Dévoilement des effets du Voyage, Éd.
de L’Éclat, 1994. Nous avons ajouté en italique (entre parenthèses) les termes
arabes des définitions importantes qui ne figurent pas l’ouvrage de Gril dont
la traduction est accompagnée du texte original en regard du texte français.