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mardi 10 octobre 2023

26 rabî al-awwal 1445 / 10 oct. 2023 – Hikam ‘atâ’iyyah (extraits) – « Fonction » ou rôle... –

 


 


 

 

 

Ibn ‘atâ’allâh

 

HIKAM AL-‘ATÂ’IYYAH

 

 

 

 


 « Lorsque deux choses (amrân) provoquent en toi de l’hésitation, envisage alors celle qui est la plus pesante pour ton égo (al-nafs) et suis-là car il n’y a alors plus aucune ambigüité pour toi hormis ce qui est juste (haqân). »

 

Les commentaires attribuent ces « deux choses » aux actes (obligatoires ou surérogatoires) prescrits par la shari’ah car les penchants de l’individualité choisissent par ignorance les actes les plus « faciles » et fuient ceux qui comportent des « devoirs » (ou des charges). La Sagesse recommande de fuir ce que l’ego préfère et considère comme meilleur et d'aller vers ce qui est « pesant » pour lui et susceptible de le ramener à sa place (1)

 



« Qui veut se justifier comme étant humble est en vérité orgueilleux car il n’est pas d’humilité (affirmée) sans la volonté de se magnifier (raf‘a) et ainsi, chaque fois que tu affirmes l’humilité de ton individualité, c’est (une manifestation) de l’orgueil. »



 

Modeste (1555), du lat. modestus, « modéré », d’où « réservé, pudique », dérivé de modus, mesure, modération.

Humble (1080), du lat. humilis ; humilité, du latin chrétien humilitas, ce qui est bas (près de la terre), obscur, faible.

Avec ces définitions étymologiques, la distinction de ces deux termes apparait clairement. Dans la mystique chrétienne, l’humilité conservait son sens mais l’usage l’a déformé avec la naissance des idéologies. Aujourd’hui, lorsque l’humilité est revendiquée, on peut être certain que cela dissimule de l’orgueil, ce qui a fait dire à Guénon que l’humilité et l’orgueil sont les deux aspects, en apparence opposé, d’une seule et même chose. D’une façon plus générale, toute qualité revendiquée pour son propre bénéfice signale la présence de la vanité (2).

 



« Le meilleur que tu demandes (tatlubuhu) de Lui (Allâh) est ce que Lui demande de toi. »

 

D’un point de vue purement spirituel, la conscience de cette intention préside à la plus haute des demandes (âd‘iyah) impliquant un « retournement », c’est-à-dire une transformation au sens propre, de la du‘â’.

 

 

  

NOTES

 

(1) La même Sagesse se retrouve dans le Dharma tibétain où il est recommandé,  lorsque que deux voies se présentent à un disciple, de choisir la plus difficile. La « juste place » de l'égo dans la réalisation spirituelle consiste à le considérer comme rigoureusement nul.

(2) La majorité des traducteurs des textes du taçawwuf traduisent par « humilité » les termes arabes désignant la volonté d’effacement et l’effacement de la nafs. Cependant ici, c’est bien le terme « humble » qui convient en raison de ses acceptions ambigües.

 



 


 

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L’usage du terme « Fonction » accolé au nom de René Guénon ne souligne pas la définition de sa personne ni la qualité spirituelle de son œuvre parce que cette attribution ne correspond à rien. Le point de vue et l’intention profonde de l’œuvre de Guénon n’a aucun rapport défini avec le statut d’une fonction si noble soit-elle. L’abus de cette expression de la part de certaines personnes, m’avait incité à publier un message en 2010. Mais depuis l’arrivée des réseaux sociaux et leur nivellement qualitatif, la mention de cette fameuse fonction étant reprise sans discernement, je la remets ici avec quelques modifications.

(Fonction - 1539 -, du lat. fonctio, accomplissement, de fungi, « s’acquitter de », au sens juridique de « service public ».)

 

Au sens le plus élevé, l’idée de « fonction » est utilisé par Guénon dans le cadre précis des organisations initiatiques relativement à la hiérarchie des degrés spirituels que les initiés doivent parcourir sous la responsabilité de leurs représentants (murshîd et moqaddem pour ce qui concerne l’Islâm) possédant précisément diverses fonctions précises. Il  rappelait qu’

« une organisation initiatique comporte non seulement une hiérarchie de degrés, mais aussi une hiérarchie de fonctions, [et ce] sont là deux choses tout à fait distinctes, qu’il faut avoir bien soin de ne jamais confondre, car la fonction dont quelqu’un peut être investi, à quelque niveau que ce soit, ne lui confère pas un nouveau degré et ne modifie en rien celui qu’il possède déjà. La fonction n’a, pour ainsi dire, qu’un caractère « accidentel » par rapport au degré : l’exercice d’une fonction déterminée peut exiger la possession de tel ou tel degré, mais il n’est jamais attaché nécessairement à ce degré, si élevé d’ailleurs que celui-ci puisse être ; et, de plus, la fonction peut n’être que temporaire, elle peut prendre fin pour des raisons multiples, tandis que le degré constitue toujours une acquisition permanente, obtenue une fois pour toutes, et qui ne saurait jamais se perdre en aucune façon, et cela qu’il s’agisse d’initiation effective ou même simplement d’initiation virtuelle. »*

 Il reste qu’à propos de Guénon, nous devons cette invention de fonction à F. Schuon qui entendait bien affirmer la sienne, bien réelle pour le coup puisqu’il était censé représenter la tariqah Alawiyyah en Suisse et en France, mais au détriment de l’autorité spirituelle de Guénon qu’il ressentait comme faisant de l’ombre à ses prétentions et qu’il assimilait à une « fonction » limitée à un enseignement théorique qu’il entendait minimiser face à la qualité (supérieure ?) de sa « fonction d’instructeur spirituel ». Seulement, Guénon revendiquait ouvertement ne pas vouloir de disciple et n’exercer par conséquent aucune irshâd, en clair de n’accepter la charge d’aucune fonction, ce qu’il précisa immédiatement, lorsque cette obsession de fonction de la part de Schuon lui revint par la correspondance qu’il entretenait avec Caudron.

« (…) Je suis habitué à entendre des racontars à mon sujet, mais je me demande quelles “fonctions” pourraient bien m’être retirées par qui que ce soit, puisque je n’en ai jamais accepté nulle part ».

Dans son désir d’être shaykh avant même d’être un simple murid dont il n’a laissé aucune trace, et allant jusqu’à passer au-dessus de la fonction de moqaddem qu’il était censé être, le « shaykh ‘Aissa-Schuon » dans cette histoire, a surtout montré sa connaissance lacunaire de la réalisation initiatique et de ses degrés.  

 « Dès lors que c’est de ‟connaissance” qu’il s’agit proprement en toute initiation, il est bien évident que [sous le rapport de la suprématie de la connaissance sur toute fonction], le fait d’être investi d’une fonction n’importe en rien, même en ce qui concerne la simple connaissance théorique, et à plus forte raison en ce qui concerne la connaissance effective ; [une fonction] peut donner, par exemple, la faculté de transmettre l’initiation à d’autres, ou encore celle de diriger certains travaux, mais non pas celle d’accéder soi-même à un état plus élevé ».

          Et Guénon ajoutait

« qu’il ne saurait y avoir aucun degré ou état spirituel qui soit supérieur à celui de l’‟adepte”** ; que ceux qui y sont parvenus exercent par surcroît certaines fonctions, d’enseignement ou autres, ou qu’ils n’en exercent aucune, cela ne fait absolument aucune différence sous ce rapport ; et ce qui est vrai à cet égard pour le degré suprême l’est également, à tous les échelons de la hiérarchie, pour chacun des degrés inférieurs ».

Même en utilisant ce terme avec une acception profane, son effet ne serait pas satisfaisant. Guénon fut bien, dés 1910, co-directeur de la revue La Gnose qui cessa de paraître en 1912, et aussi professeur de philosophie au collège de St Germain en Laye. C’est selon toute vraisemblance les deux seules fonctions qu’il n’eut jamais. La revue Les Etudes Traditionnelles, à laquelle il destina la majorité de ses articles, fut bien inspirée dans son orientation par Guénon lui-même, mais sans qu’il y exerça une fonction précise en dehors de celle d’y écrire ses articles ainsi que de publier ses ouvrages chez divers éditeurs. Par conséquent, sur la simple déclaration contenue dans cette lettre à Caudron, il est permis de modérer l’importance donnée à cette idée de fonction en mode superlatif. Nous nous y autorisons d’autant plus volontiers que cette façon de présenter la personnalité du Sheykh ‘Abdul-Wâhid Yahyâ ne correspond guère à ce qu’il disait de lui-même ; n’a-t-il pas écrit :

« N’exagérez pas mon importance. Car, au fond, mes travaux ne sont qu’une “occasion” d’éveiller certaines possibilités de compréhension que rien ne pouvait donner à ceux qui en sont dépourvus (…) ».

       On pourrait se méprendre sur la simplicité de cette déclaration. De la part de Guénon, l’idée exprimée est dénuée d’humilité autant que sa personnalité fut toujours étrangère aux manifestations de l’orgueil. Ce qui est dit là, va au-delà des limites d’une fonction définie par la norme traditionnelle, car au fond, on peut considérer que toute personne d’une façon ou d’une autre a une fonction aussi modeste soit-elle, et il est évident qu’à cet égard, s’il fallait envisager une fonction, celle de Guénon par son œuvre publique et sa correspondance, apparaîtrait alors comme éminente. Pourtant lorsqu’il évoquait sa qualité d’écrivain traditionnel dans ce monde, il utilisait plutôt le terme de « rôle », qui s’accorde mieux à l’absence de toute juridiction et de toute hiérarchie. Cette idée de fonction, en tentant de statufier artificiellement la personne de Guénon, est plutôt susceptible par son abus, de conditionner l’accès à son œuvre. Enfin, l’usage de cette attribution laisse suspecter le désir cachée d’assoir sa propre autorité en s’assimilant implicitement à son héritage intellectuel. C’est d’ailleurs par là que, de proche en proche, on a vu arriver de fâcheuses déformations à l’égard des intentions de Guénon que certains des ennemis de la spiritualité islamique n’ont pas manqué d’exploiter en laissant entendre par cette fonction revendiquée la volonté guénonienne d’un appel à l’Islam face au devenir du monde moderne. Offrir, par le moyen de la diffusion littéraire, « d’éveiller certaines possibilités de compréhension que rien ne pouvait donner à ceux qui en sont dépourvus », précisément  dans le contexte anti traditionnel et sans précédent du monde occidental, représente une ouverture exceptionnelle relevant d’une autorité autre que celle des différentes fonctions traditionnelles qui, dans leurs applications, ne sauraient infailliblement prévaloir en dehors de leurs formes propres ; et au fond, s’il fallait envisager une éventuelle fonction de Guénon, ce serait une fonction au-delà de toutes les fonctions, ce qui est proprement inintelligible dans l’exacte mesure où Guénon ne peut être associé à aucune activité soumise à une hiérarchie si ce n’est celle d’al-khidr et des afrad qui ne regarde personne. En dépit des réserves que nous venons de formuler, on ferait bien de réfléchir au fait que la seule fonction que l’on peut légitimement  attribuer à Guénon est une « fonction intellectuelle » ; celle-là même susceptible de provoqué l’ouverture de la pleine activité spirituelle « à tous ceux qui aujourd’hui sont encore capables de comprendre ».

  

Wa Allâhu â‘lam.



 

          * AI, ch. XLIV « De la hiérarchie initiatique ».

** De surcroit, Guénon ne se considérait pas comme un adepte et il en donna la preuve en disant que, contrairement à lui, un adepte n’écrit plus et il ajouta qu’il tenait à « tenir son rang si modeste soit-il ». 

 

 

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 Nous avons appris le décès de Daniel Giraud survenu

le vendredi 6 octobre 2023

à Saint Girons.

 







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