LA SCIENCE DES LETTRES
CHEZ IBN ARABÎ ET RENÉ GUÉNON
(Suite)
ANNEXE *
LE
SCEAU D’ADAM
Le triangle appelé dans la science des
lettres « sceau adamique (khâtam
Adam) » rassemble les neuf
premiers nombres, de sorte que le nombre du nom Adam est 9 (Adam = 1+4+4)
suivant le petit comput, et 45 suivant le grand comput (où Adam = 1+4+40), ce nombre 45 étant d’autre part la somme de ces 9
premiers nombres (70).
Le nombre intermédiaire de cette série des 9 premiers nombres est le chiffre 5, tandis que la somme
des 5 premiers nombres est 15, qui est le nombre du nom Ève (hawâ = 1+6+8).
On figure ce sceau adamique sous la
forme suivante, où le chiffre 5 central est placé au sommet :
On remarque que la somme des nombres de
chaque côté (dil‘, dila‘) est toujours 15, ce qui constitue une
indication de la création d’Ève à partir d’une côte d’Adam. (si l’on retranche
15 de 45, c’est-à-dire Ève d’Adam, le reste est 30, le double de 15, et en
Islam la part de l’héritage de l’homme est double de celui de la femme).
En remplaçant chaque nombre de la figure par la lettre correspondante de l’alphabet arabe, on obtient la représentation suivante du Sceau d’Adam :
On remarque dans cette dernière figuration du Sceau d’Adam la présence des trois lettres du nom arabe d’Eve (hawâ) (71) dans les trois triangles de la deuxième rangée supérieure. Il est possible que ce Sceau d’Adam soit celui qui inspira au sheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ (R. Guénon) le célèbre triangle de l’androgyne combinant les noms arabes d’Adam (Adam) et Ève (Hawâ). On remarque encore que le nombre 15 est aussi celui du prophète-roi David (Dawûd : 4+1+6+4). On dit aussi que cette figure appartient au Sceau de Salomon par lequel il paracheva son royaume. On le trouve aussi sous la forme d’un carré appelé « triangle de Ghazâlî », du fait qu’Abû Hâmid al-Ghazâlî (72) le mentionne dans son ouvrage bien connu, Al-munqîd min al-dalâl (73), en présentant ses particularités étonnantes. Il dit avoir écrit à une femme dont l’accouchement était difficile, et qu’ayant consulté la figure, elle fut rapidement libérée. Les initiés à la science des secrets des lettres rapportent que cette figure comporte plus d’une centaine d’applications et ils mentionnent leurs rapports profonds avec cinq versets coraniques commençant par l’une des cinq lettres isolées ouvrant la sourate « Marie » (Maryam) (74) [kâf, hâ’, yâ’, ‘ayn, çâd] et se terminant par l’une de ces cinq lettres isolées ouvrant la sourate « La Consultation » (al-shûra) (75) [hâ’ mîm ‘ayn sîn qâf]. À partir de cette relation dont l’explication entraîne de longs développements, apparaît clairement le rapport de ce triangle avec Marie et Jésus, d’une part, et celui avec David et Salomon d’autre part, de même qu’avec le Sceau de Salomon. Il y a également des relations entre cette figure et la vingtième sourate (Tâhâ) qui s’ouvre par les deux lettres tâ et hâ dont les valeurs respectives sont 9 et 5.
La forme numérique et la forme littérale
de ce carré se présentent de la façon suivante : Les neuf chiffres symbolisent parfois les neuf sphères célestes (76), c’est-à-dire
les sept cieux, la sphère des étoiles fixes, al-kursî (le Piédestal) et celle des tours zodiacales, al-‘arsh (le Trône). On considère ce
carré (wifq) adamique à base 3 comme
un symbole de la manifestation toute entière.
C’est pourquoi on trouve dans certaines traditions anciennes
une division de la terre suivant ce carré comme l’explique clairement le sheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ dans le chapitre de
son livre La Grande Triade, intitulé LE « MING-TANG» (77), où il précise
qu’à la fin du troisième millénaire avant Jésus-Christ, la Chine était divisée
en neuf provinces conformément à la forme de ce carré adamique. C’est sur la
base de cette division que le souverain légendaire Yu le Grand établit l’empire
chinois, à la suite d’une inspiration céleste, afin que le royaume soit une
image du monde. Le lieu où réside l’empereur est le centre médian de la
préservation correspondant au chiffre 5 qui est le « milieu » des
neuf premiers nombres, et celui qui se préserve lui-même ainsi que les autres.
Car le chiffre 5 est celui de la lettre hâ’
du nom huwiyya (l’Ipséité divine) qui
synthétise la parole coranique : « Il est le Premier et le Dernier,
l’Apparent et le Caché ». Il est semblable au Pôle qui se tient à la Ka‘aba,
au milieu de l’enceinte sacrée (al-haram),
centre de La Mecque « Mère des cités ». Le haram de La Mecque comporte à la base douze portes, chaque côté en
comptant trois, suivant le nombre des mois de l’année solaire. C’est au milieu
de la cinquième région centrale que se trouve le palais de l’empereur qu’on
appelle Ming-Tang, lequel est
construit selon la forme même de l’empire tout entier, c’est-à-dire qu’il est
divisé en neuf chambres (ou compartiments), comme le triangle adamique. La
station de l’empereur dans chaque chambre au cours de l’année est en rapport
avec le mouvement du soleil dans les
douze signes zodiacaux. Le Ming-Tang
possède douze ouvertures, chaque
côté en comptant trois, en
correspondance avec les douze mois. Ainsi les visites de l’empereur dans les
provinces sont en rapport avec le cycle
solaire. Quand il a terminé ses visites, il retourne au centre médian et
polaire afin de recevoir l’assistance du Seigneur du Ciel et de la terre. Allâh dit dans le Coran :
« Il
dirige Son commandement (yudabbiru lâmra mina)
depuis le Ciel vers la Terre » (78) .
Le sheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ a indiqué
la relation symbolique entre cette figure et la dualité de la complémentarité
cosmologique exprimée en Chine par le symbolisme du yin-yan. Il a montré aussi que les nombres impairs sont disposés en
croix au milieu des quatre côtés (79). Les deux
sommes 8+1+5+9+2=25 et 4+9+5+1+6=25 [suivant leurs positions dans le carré
numérique] forment le swastika symbolisant
le pôle immuable dans son centre qui met en mouvement le monde en totalité, et
le préserve dans la mesure où le nombre 25 est celui de la complétude de la
préservation. C’est le nombre des mots contenus dans la sourate coranique
initiale, al-fâtiha, et celui des
prophètes mentionnés dans le Coran.
Abdelbaqî MEFTAH
NOTES
(70) 45 =
1+2+3+4+5+6+7+8+9 ; 45 est ainsi le nombre triangulaire de 9. Cf. aussi, A Meftah, Les clés cosmologiques et coraniques des
fuçûç al-hikam.
(71) Les valeurs
numériques des lettres indiquées dans cette dernière figure sont en quelque
sorte « universelles » dans la numérologie de l’alphabet arabe, car
elles sont invariables quel que soit le comput traditionnel utilisé. D’autre
part, la figure ne contient pas toutes les lettres du nom arabe d’Adam (alif, dâl, mîm), le mîm ne se trouvant pas dans le
tableau ; pour le faire apparaître, il faut affecter au chiffre 4, qui est
dans tous les computs de lettres arabes la valeur de la lettre dâl, la lettre mîm selon les deux petits computs (dans les deux grands computs, la
valeur numérique du mîm est 40).
(72) Surnommé « La
preuve de l’Islâm » (hujja al-islâm),
il est mort en 505 H. (1111 après JC).
(73) Cf. Erreur et délivrance, traduction française de F. Jabre, Beyrouth, 1969.
(74) Cor., XIX.
(75) Cor., XLII.
(76) Comme dans le
chapitre 20 des futûhât d’Ibn Arabi.
(77) Ch. XVI.
(78) Cor. XXXII, 5 (Version
warsh : al-sajdah, 4).
(79) Cf. La Grande Triade, chap. XVI, note
5.
(70) 45 = 1+2+3+4+5+6+7+8+9 ; 45 est ainsi le nombre triangulaire de 9. Cf. aussi, A Meftah, Les clés cosmologiques et coraniques des fuçûç al-hikam.
(71) Les valeurs
numériques des lettres indiquées dans cette dernière figure sont en quelque
sorte « universelles » dans la numérologie de l’alphabet arabe, car
elles sont invariables quel que soit le comput traditionnel utilisé. D’autre
part, la figure ne contient pas toutes les lettres du nom arabe d’Adam (alif, dâl, mîm), le mîm ne se trouvant pas dans le
tableau ; pour le faire apparaître, il faut affecter au chiffre 4, qui est
dans tous les computs de lettres arabes la valeur de la lettre dâl, la lettre mîm selon les deux petits computs (dans les deux grands computs, la
valeur numérique du mîm est 40).
(72) Surnommé « La
preuve de l’Islâm » (hujja al-islâm),
il est mort en 505 H. (1111 après JC).
(73) Cf. Erreur et délivrance, traduction française de F. Jabre, Beyrouth, 1969.
(74) Cor., XIX.
(75) Cor., XLII.
(76) Comme dans le
chapitre 20 des futûhât d’Ibn Arabi.
(77) Ch. XVI.
(78) Cor. XXXII, 5 (Version
warsh : al-sajdah, 4).
(79) Cf. La Grande Triade, chap. XVI, note
5.
PLANETE PLUS – L’homme et son message – RENÉ GUÉNON
Ce numéro spécial de la revue PLANÈTE paru en 1969 laissait une large place à la critique dont celle de Raymond Abellio qui, à cette époque, ayant le vent médiatique en poupe a bénéficié d’un long entretien. Rappelons que les éditions Gallimard (mentionnés dans la correspondance reproduite ci-dessous) lui a permis une large audience en publiant sa Structure absolue qui se voulait une continuité et un achèvement du Symbolisme de la croix, ses trois romans, son Autobiographie et ses Essais. L’influence qu’il exerça sur la littérature des années soixante et soixante-dix fut relativement conséquente pour disparaitre progressivement et tomber finalement dans l’oubli. Et c’est justice au fond, car en cédant aux modes et au climat idéologique de ces années-là, le caractère de cette démarche qui se voulait métaphysique s’est avéré n’être que la confirmation d’un simple « élan vital » dont les possibilités, par manque de rattachement traditionnel, n’ont pas seulement montré leur limite mais aussi à certains égards leur influence anti-traditionnelles. Il y a de multiples indices dans toute l’œuvre littéraire d’Abellio qui signalent la confusion du psychique et du spirituel, et notamment son ouvrage La fin de l’ésotérisme qui représente une sorte de préparation en faveur de la contre-initiation à venir. Le détournement des données traditionnelles arrachées aux « formes juives » de la Kabbale est incontestablement à l’origine du caractère suspect de cette « personnalité » qui a théorisé de façon romanesque sur le sort de l’Occident et le « terrorisme » qui lui est propre en inventant l’« absolu du terrorisme ». Ce n’est pas le lieu ici de faire une critique des ouvrages d’Abellio ; il est seulement à craindre que la retombée dans l’oubli de cette œuvre n’efface pas son influence nocive qui est susceptible de se poursuive par le biais occulte de quelques individus dont il serait aisé de deviner l’appartenance.
Nous trouvons également un texte titré « Rien sans l’initiation » de Jean During, éditeur et spécialiste de musique traditionnelle dans le monde arabo-musulman, qui vient remettre les choses au point sur l’initiation dont l’importance semble avoir complètement échappée à l’ensemble des auteurs conviés par les responsables de ce Planète Plus, à l’exception peut-être de J. Baylot. Nous connaissons During pour son ouvrage Musique et extase paru en 1988. Ici, il change quelque peu son langage pour prendre un ton guénonien avec les termes et les expressions adéquates à la rigueur de la Tradition. On ne peut certes pas lui reprocher. Mais pourquoi n’avoir pas été aussi précis pour ses études et ses articles sur la musique dans lesquels le mot mystique foisonne à longueur de page ? À supposer que la concession au formalisme universitaire fut jugée inutile ici ; cependant, l’absence de toute référence ponctuelle à celui dont il doit toute la justesse de cet exposé ne peut échapper aux connaisseurs de l’œuvre de Guénon.
Jean Baylot, sous le titre « Guénon Maçon ? », donne un rapide aperçu historique de l’« activité intellectuelle » de Guénon au sein de la Maçonnerie en ne manquant pas de le qualifier de « philosophe de la tradition (…), appelé bien que jeune mathématicien, par les première curiosités de sa vocation mystique » (sic). Pour clore cette publication, la Rédaction de Planète a publié un entretien avec le cardinal Daniélou dans lequel ce dernier confirme le rejet des réalités métaphysiques conformément aux tendances néo-thomistes de la théologie chrétienne sous l’influence de Maritain.
* * *
Extrait de la correspondance de Guénon (dont nous ignorons l’identité du destinataire) à propos de Raymond Abellio - Georges Soulès :
Le Caire, 27 août 1950.
« Je n’avais pas encore entendu parler du nouveau livre du sieur Frank-Duquesne ; il doit sûrement y avoir encore là-dedans un bel étalage d’érudition rabbinique ! – Quant à celui d’Abellio, il est certain que ce n’est guère lisible, mais le plus grave est que ses procédés paraissent bien n’avoir rien d’authentiquement traditionnel, à commencer par les prétendues ‟valeurs ésotériques” qu’il attribue aux lettres hébraïques et sur lesquelles reposent tous ses calculs ; je ne crois d’ailleurs pas que les véritables procédés des Kabbalistes aient jamais abouti à de pareilles complications numériques ; il est vrai qu’il reconnaît lui-même qu’il ne s’agit que d’une tentative de reconstitution plus ou moins hypothétique, mais je ne sais pas pourquoi les gens ont la rage de publier ainsi des choses qu’ils savent n’être pas au point… J’ai appris dernièrement que cet Abellio est un certain Jean Solesses, ancien communiste devenu ‟collaborateur” pendant la guerre, puis condamné pour ce fait à 20 ans de travaux forcés par contumace sur une dénonciation de l’‟Humanité”, et actuellement réfugié en Suisse ; ce qui est encore curieux, c’est qu’il paraît qu’il a signé à l’avance avec Gallimard un contrat pour l’édition de 10 volumes, qu’il a dû probablement s’engager à lui fournir dans un délai déterminé ! ».
*
* *
QORAN ; al-Isrâ’, 80
« Dis : Seigneur, Fais-moi entrer d'une entrée qui soit juste (صِدْقٍ) et fais-moi
sortir d’une sortie qui soit juste. Accorde-moi, venant de Toi, un pouvoir
victorieux ».
On sait que ce verset de la sourate al-isrâ’ fait allusion à l’Hégire du Prophète parti de la Mecque pour Médine. Dans ce contexte, صِدْقٍ n’a aucun terme équivalent en français. A. Penot traduit cet âyah ainsi :
« Et dis :
Seigneur, introduis-moi [dans Médine]
dans des conditions satisfaisantes et fais-moi sortit de [de La Mecque] avec une ferme résolution et accorde-moi de Ta part
un pouvoir victorieux ».
La première traduction est plus
précise sur l’un des sens du terme çidqin
mais la seconde indique la « ferme résolution » qui lui est lié
implicitement. « L’‟entrée” à laquelle il est fait allusion, explique
Penot, est celle de Médine au cours de laquelle le Prophète espère ne rien voir
de déplacé ni de désagréable (dans des conditions satisfaisantes) ; la
« sortie » est le départ de La Mecque que le Prophète veut quitter
sans regret (avec une ferme résolution) ». Penot commente : «
L’entrée de vérité peut-être considérée comme une entrée réussie et la sortie
de vérité comme une sortie réussie ». Seulement, la réussite peut tout
aussi bien s’appliquer à l’action d’un malfaisant. Il s’agit donc, dans
cette acception du terme صِدْقٍ, d’une réussite liée essentiellement au
spirituel. Cela nécessite quelques explications. La « vérité » et la
« sincérité » sont des acceptions contenues dans le terme çidqin avec le qualificatif
« véridique » que l’ont utilise généralement pour traduire les sens
de la racine çadaqa, mais en vérité
le sens profond de çidqin repose sur une
réalisation spirituelle dont ce terme qualifie la qualité des intentions et des attitudes
du çâdiq, ce qui signifie que la
réalisation spirituelle de celui qui est çâdiq
est porteuse de la promesse d’engendrer la réussite et la victoire dans toute
action.
À صِدْقٍ (çidqin),
dans le Lisân al-arab, il est
dit :
Et véridique
en action : à l’instar de celui qui est véridique dans ce qu’il
promet ; à ce sujet, Khalaf Ibn Nadbah a dit : « Quand sa terre
est arrosée par son ciel, il s’élance (prend son essor) et il appréhende, et
une promesse est certifiée (wâ‘idu
maçdaqi).
« Allâhuma, Tu m’as fait quitter le pays
qui m’était le plus cher, aussi je Te demande de le remplacer par le pays qui
T’est le plus cher. »
Bonjour,
RépondreSupprimerselon le site "INDEX DE L’ŒUVRE ET DE LA CORRESPONDANCE DE RENÉ GUÉNON", cette lettre s'inscrit dans la correspondance de Guénon avec Patrice Genty.
Cordialement,
Bonjour et merci pour la précision,
SupprimerCordialement.