LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

dimanche 30 novembre 2025

TSONG TSEN GAMPO II / C-R Ibn 'Arabî - Meftah / Dossiers Guénon (suite).

 


 


ENSEIGNEMENTS

DU ROI

TSONG TSEN GAMPO 

(Extrait 2)

 

 


Les enseignements du Roi TSONG TSEN GAMPO, « Gardien du Dharma » et « Manifestation de Tchenrezi » se présentent en quatre chapitres de dix Dharma *, chacun étant composé de trois sentences. (Voir message du 1 nov. 2024).

Présenté par Kunzang Tendzin

  

 

 

Chapitre : Les dix Dharma profonds



1 – Les trois Dharma dont on ne doit jamais se séparer

– On ne doit jamais se séparer de l’état dans lequel toutes les perceptions formelles [dont nous sommes le sujet] sont transformées dans la perception de la Forme de la Divinité.

 On ne doit jamais se séparer de la perception que tous les sons [que nous sommes amenés à entendre] sont le Mantra de la Divinité.

– On ne doit jamais se séparer de la perception que toutes les pensées [que nous avons] sont l’Esprit de la Divinité.

 

2 – Les trois Dharma à méditer clairement

– Méditer clairement notre corps comme étant celui de la Divinité

– Méditer clairement notre parole comme étant le Mantra de la Divinité

– Méditer clairement notre esprit comme étant l’Essence du Dharma.

 

3 – Les trois Profondeurs

– Si, par la profondeur de l’identification de notre corps à celui de la Divinité, l’esprit d’échec (ne pas percevoir la Divinité) disparait, c’est le  Dharma de la Profondeur.

– Si, par la profondeur de l’identification de notre parole au Mantra de la divinité, notre parole obtient la puissance, le pouvoir, c’est le Dharma de la Profondeur.

– Si, par la profondeur de l’identification de notre esprit à l’Esprit du Dharma, les trois poisons spontanément s’apaisent, alors c’est  le Dharma de la Profondeur.


4 – Les trois Fiertés

– Si, par la fierté de l’identification de notre corps à celui de la Divinité, on réalise la Divinité, c’est le Dharma de la Fierté.

– Si, par la fierté de l’identification de notre parole au Mantra de la Divinité, il y a répétition constante du Mantra, c’est le Dharma de la Fierté.

– Si l’on possède la Profondeur de la fierté constante de l’identification de notre esprit à l’Essence du Dharma, c’est le Dharma de la Fierté.

 

5 – Les trois Pouvoirs

– C’est par le pouvoir de l’identification de notre corps à la Divinité que l’on peut annihiler toutes les perceptions de la vie ordinaire.

 C’est par le pouvoir de l’identification de notre parole au Mantra de la Divinité que tous les êtres viennent à se soumettre.

 C’est par la  puissance de l’identification de notre esprit à l’Essence du Dharma que les trois poisons sont soumis.

 

6 – Les trois Surgies

– Comme la Béatitude surgit du corps, si les quatre éléments s’équilibrent en harmonie, alors c’est le Dharma de la Surgie (la cause des maladies étant le déséquilibre entre les différents éléments).

– Si, comme la puissance surgit à notre parole, les obstacles et les accidents s’apaisent spontanément, alors c’est le Dharma de la Surgie.

– Si, comme la compréhension intérieure surgit à notre esprit, les trois poisons s’apaisent spontanément, c’est le Dharma de la Surgie.


7 – Les trois Dharma du Mûrissement

– Si, ayant obtenu le mûrissement de notre corps dans la Divinité, on réalise clairement la Divinité,  alors c’est le Dharma du Mûrissement.

– Si, réalisant le mûrissement de notre parole dans le Mantra, on obtient l’aisance et la joie dans la récitation des Mantra, alors c’est le Dharma du Mûrissement.

– Si, réalisant le mûrissement de notre esprit dans l’Essence du Dharma, notre propre esprit demeure fermement dans cet état, alors c’est le Dharma du Mûrissement.

 

8 – Les trois Libérations

– Si, réalisant la libération de notre corps dans la divinité, disparaissent tout attachement et envie, c’est le Dharma de la Libération.

– Si, réalisant la libération de notre parole dans le Mantra, cesse tout discours ordinaire, alors c’est le Dharma de la Libération.

– Si, réalisant la libération de notre esprit en l’essence du Dharma, nos propres pensées se clarifient, alors c’est le Dharma de la Libération.

 

9 – Les trois Effacements

 Si, avec l’effacement du corps, on pratique les prosternations et les circumambulations, alors c’est le Dharma de l’Effacement.

 Si, avec l’effacement de la parole, on pratique les louanges et les prières,  alors c’est le Dharma de l’Effacement.

 Si, avec l’effacement du mental, on place l’esprit dans l’Essence du Dharma qui est sa nature propre, libre et spontanée, alors c’est le Dharma de l’Effacement.

 

10 – Les trois Acconplissements

 Si, par l’accomplissement de notre corps dans la Divinité, naît l’identité de la phase de création et de la phase de résorption, alors c’est le Dharma de l’Accomplissement.

 Si, par l’accomplissement de notre parole dans le Mantra, survient l’identité du Son et de la Vacuité, alors c’est le Dharma de l’Accomplissement.

 Si, par l’accomplissement naît l’état de réalisation Vacuité – Clarté,  alors c’est le Dharma de l’Accomplissement.


Ainsi se termine cet enseignement oral du Roi Tsong Tsen Gampo en quarante points de triple aspect résumant tous les principaux aspects du Dharma*.

 

* Il s’agit ici d’un second extrait de cet Enseignement diffusé dans la branche Sakyapa du Vajrayana du Dharma tibétain.

 

 




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Compte-rendu

 

Ibn ‘Arabî : La Perle blanche, Epître sur l’intellect, Traduit et annoté par D. Tournepiche, Èditions Albouraq.

Il s’agit d’un traité en cinq chapitres sur le ‘aql qu’il convient naturellement de traduire ici par lIntellect. L’ensemble exige du lecteur une bonne connaissance de la doctrine islamique et du langage akbarien. C’est dans le second chapitre que le shaykh défini l’intellect selon plusieurs points de vue après avoir exposé les principes métaphysiques de la manifestation, c’est-à-dire en termes islamiques ; la Création (al-khalq), l’Être (al-wujûd), le Non-être (‘adam / ma‘dûm‘), l’Existence (al-mawjûd / wujida) et le Possible (mumkin) : « Sache qu’Allâh, quand il a produit cet Intellect (‘aql), le joyau incomparable (jawhar fard), subsistant par soi (qâ’im bi nafsihi), localisé (mutahayyaz) suivant un point de vue – mais non localisé suivant un autre, ce qui est selon nous la position la plus juste (açahh) –, s’est manifesté directement (tajallâ) à lui par son Essence (dhât) et a infusé (afâda) en lui tous les objets de connaissance (ma‘lûmât), de sorte que la science [de l’intellect] se rapporte à la totalité [de ces objets de connaissance], à l’exception de la science qu’il possède [directement] par Allâh (‘ilmuhu bi-Llâh). Car celle-ci, l’intellect ne peut pas du tout l’embrasser en tant que science [déterminée]. Mais Allâh ne cesse de verser éternellement (abadan) dans l’intellect la science qui procède de Lui et dont il est le réceptacle (…) ». On comprends, selon cette définition, que L’Intellect est ce qui permet de « prendre conscience de ce qui est ». Le shaykh poursuit en disant qu’on l’appelle aussi al-qalam parce que la première chose qu’Allâh a manifesté est le calame ; certains l’appellent al-rûh kullî parce que la racine du nom rûh correspond à l’intellect, certains l’appellent al-haqq (la vérité), al-‘adl (le « juste milieu »), ou l’Équilibre total par lequel « ont été érigés les cieux et la terre », al-imâm al-mubîn et enfin le « Prototype évident ». Ibn ‘Arabî conclut que « l’intellect possède encore la perfection (kamâl) dans la mesure où toute chose est en acte en lui, c’est-à-dire que la science (al-‘ilm) et la puissance (al-quwâ) de l’ensemble des choses se trouvent en lui du fait de sa prédisposition à les recevoir, ou plus exactement à les contenir. Cela te montre qu’il est une réalité produite dans le temps (muhdath) qui n’est pas existante puis l’est ensuite, étant devenue le lieu dans lequel Allâh manifeste [les choses], c’est-à-dire les êtres contingents (al-hawâdith) dont il est pourvu depuis qu’il existe effectivement (wujidat ‘aynuhu) ». La suite du traité, plus complexe, aborde les applications de la métaphysique. Les qualités (çifât), le statut de l’Essence, la relation de l’Intellect avec le Producteur divin en tant que Puissance existenciatrice, la Détermination et les Possibles. Dans sa traduction, le chapitre IV pose un problème par le choix du terme « émanation » qui n’éclaircit pas la réfutation du shaykh al-akbar à l’égard des « adversaires des initiés » prétendant « qu’Allâh est Un sous tous les rapports, c’est-à-dire qu’il est dépourvu de qualité, et que n’émane de Lui que ce qui donne l’unicité (wahdâniyya), puisqu’il est unique ». Seulement, si le choix du terme « émane » se justifie sans doute ici, puisque nous avons affaire aux conceptions des exotéristes, il ne convient pas au début de ce chapitre où est exposé le principe de la « double procession », à savoir, la « production » de l’intellect par wujûd al-haqq se poursuivant ensuite, par l’Intellect, où apparaissent toutes choses : « Sache que cet intellect premier émane d’Allâh l’Unique, et que les choses émanent [de l’intellect] continuellement », suivit immédiatement par la supposition qu’il va ensuite réfuter : « [le statut] de la réalité principielle (wujûd al-haqq), d’où n’émane qu’une chose unique, n’impose pas [cette double procession]. C’est impossible puisqu’elle est douée de volonté. Si elle voulait produire la manifestation toute entière d’un seul coup, de sorte qu’aucune chose ne dépende d’une autre, cela ne présenterait, pour Allâh, aucune difficulté ». Il est certain que le concept d’émanation implique une dualité entre ce qui émane et la chose émanée comme dans l’exemple de la fumée émanant d’un feu ; or l’Intellect est « en Essence » continuellement identique au principe suprême ou total, Allâh. S’il était une « émanation », il s’en séparerait et plus aucune connaissance immédiate de son origine ne lui serait possible. Il est ensuite question de l’unité de l’Être et de ses états multiples. Le shaykh distingue les qualités (çifât) de l’Essence (dhât) et les essences (qui ne sont qu’une) en relation avec les attributs. Le texte de ce traité, encadré par une présentation et de nombreuses notes, bénéficie du travail de l’un des meilleurs traducteurs en français d’Ibn ‘Arabî. 


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Abdel-Bâqî Meftah : Le symbolisme universel des châtons des sagesses – Exposé complet des clés de compréhension du livre des Fuçûç a-hikam d’ibn al-‘Arabî ; traduction intégrale et notes par D. Tournepiche, Éditions Albouraq.

Nous avons largement parlé de cette étude sur les Fuçûç al-hikam qui intègre les correspondances du symbolisme de la cosmologie hermétique à la Révélation coranique. Sous ce nouveau titre, Meftah nous offre la troisième version des « clés » facilitant la « compréhension » de l’ésotérisme d’Ibn ‘Arabî. Les modifications apportées à cette dernière version, sans parler de la correction de nombreuses coquilles de l’édition précédente, est la restitution de l’ordre de la succession des 28 façç suivant celle des fuçûç et la recomposition de l’ensemble en trois parties. La lecture en est largement facilitée et nous ne pouvons que louer Abdel-Bâqî Meftah d’apporter autant d’attention à ce travail qui n’a suscité jusqu’ici qu’un intérêt restreint ; le silence et l’absence de référence à cet ouvrage de la part du monde universitaire peut surprendre. Il s’explique sans doute par les limites de leurs « savants » qui s’obstinent à réduire le taçawwuf à de la mystique et la réalisation spirituelle à des expériences.

 


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LES HOMMAGES A RENÉ GUÉNON

 

René Guénon et L’avènement du troisième Sceau, Éditions traditionnelles, 1991.

(Étant donné que cette série de comptes-rendus concerne exclusivement les hommages, nous ne parlerons pas de la seconde partie de ce livre sous-titré : Les clés des Demeures spirituelles dans les Futûhât d’Ibn Arabî.) 

Nous en étions resté avec le précédent « livre-hommage » de Gilis à l’idée que si la lecture de Guénon pour l’initié permet de nettoyer l’intoxication causée par la mentalité moderne, elle peut également se poursuivre pour approfondir le sens et la finalité de son initiation dont il sera seul à en réaliser les degrés. Ce sont précisément les aspects doctrinaux de cette maitrise qu’aborde Gilis dans les sept chapitres de ce livre sur Guénon en donnant quelques exemples. Nous retenons le passage suivant du troisième chapitre « L’apport de l’Hindouisme » : « (…) tous les interprètes d’Ibn Arabî en langue française utilisent le langage minutieusement élaboré par Guénon. En revanche, bien rares sont ceux qui acceptent de reconnaitre cette allégeance formelle à son enseignement. Pourtant, la qualité et la multitude des repères doctrinaux proposés sont telles qu’il n’est pratiquement aucune difficulté de traduction ou d’expression qui ne puisse être résolu par ce recours ». Comme nous allons le voir, Gilis fut loin de respecter cette « allégeance formelle ». Nous pouvons constater dans les Aperçus sur le « Retournement » de Bragard un écart significatif entre certains aspects de doctrine exposés par Guénon et les écrits de Vâlsan. Dans le premier chapitre ses Aperçus*, Bragard relève que « (…) la conception vâlsanienne du Centre suprême ne correspond pas à celle à laquelle Guénon nous a familiarisé car, dans la note précitée, Michel Vâlsan envisage la hiérarchie suprême de l’Islam par l’intermédiaire du Qutb et des deux Imâms alors qu’il n’est pas fait mention de ces deux derniers dans le Roi du Monde où le Qutb est seulement envisagé dans sa relation de subordination à l’égard de Métatron (p. 32). Par ailleurs, Michel Vâlsan conçoit l’investiture au Centre suprême comme une ‟visite” ou une ‟cérémonie” postérieure à ce qu’il considère comme devant être une ‟initiation” à la réalisation descendante (L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 179, Ed de l’Œuvre, Paris, 1984) ; seulement, en ce qui concerne l’initiation, Guénon a écrit :  ‟Le seul cas où cette condition [c’est-à-dire l’initiation] n’existe pas est celui de la réalisation descendante, parce que celle-ci présuppose que la réalisation ascendante a été accomplie jusqu’à son terme ultime” (cf. art. ‟Initiation et réalisation descendante”). D’autre part, il n’y a aucune relation ‟organique”, si l’on peut dire, entre la réalisation descendante et le Centre suprême puisque le degré spirituel de ce dernier correspond à l’‟état primordial” et au terme des ‟petits mystères” : c’est-à-dire au ‟point central où s’établit la communication directe du monde terrestre avec les états supérieurs et, à travers ceux-ci avec le principe suprême” (Le Roi du monde). Maintenant pour ce qui est de Gilis, la relation entre la réalisation descendante et le Centre suprême l’incline ‟à faire de celui-ci un centre secondaire par rapport à celui de l’Islam” (Études complémentaires sur la Califat, p. 106, n. 15) et bien qu’il le fasse en conformité avec une indication de Michel Vâlsan, il se met en contradiction formelle avec ce dernier lorsqu’il écrit que les trois Sceaux ‟correspondent à trois fonctions uniques qui relèvent directement, non de la forme islamique au sens strict, mais du Centre initiatique suprême” puisque, suivant l’indication de son Cheikh, l’investiture suprême du Cheikh al-akbar est antérieure à son investiture en tant que Sceau (L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 179) ; mais, lorsque son disciple zélé déclare : ‟c’est l’exercice de ce pouvoir [?], appartenant en propre au Centre Suprême de notre monde et déterminant pour l’ensemble de l’univers traditionnel, les “confirmations” et les “abrogations” rendues nécessaires par les circonstances [?], qui a précisément pris fin avec l’Islam, seule forme traditionnelle qui se présente de manière explicite comme la dernière Révélation divine et seule appelée à demeurer extérieurement jusqu’au terme du présent cycle”, n’est-ce pas là une manière de témoigner de son incapacité d’envisager l’ésotérisme au-delà de son aspect contingent et formel ? Selon M. Vâlsan, la notion de Sceau est ‟typiquement islamique”. Quant à la forme extérieure de la tradition islamique, c'est-à-dire sa ‟religion”, elle sera dégénérée, comme les autres formes religieuses, puisqu’un des aspects de la fonction du Mahdî consistera précisément à la revivifier ».

Là encore nous avons tenu à citer la réfutation entière malgré sa longueur en raison de l’évidence qui s’en dégage conformément à l’autorité doctrinale de Guénon. Nous avons omis les notes mais le lecteur intéressé pourra retrouver le texte intégralement dans le message posté le 17juillet 2017*Lorsque l’on s’affirme comme un fidèle de la « boussole infaillible », cette tendance récurrente à inverser le rapport de subordination du point de vue religieux à l’égard de la « métaphysique pure » et des réalités initiatiques, semble bien être une trahison à l’« allégeance formelle à son enseignement ». Il reste que l’autorité de Gilis sexprime incontestablement dans les traductions des écrits du shaykh al-akbar qui comptent parmi les meilleures, avec les réserves d’usage concernant un bon nombre de ses « commentaires » et certaines de ses conceptions lorsqu’ils sont affectées d’une volonté partisane ou d’« un souci de domination confessionnelle ».

* PDF disponible à la demande (Voir « Accueil »)

 

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Vers la Tradition : mars-juin 2001, numéro spécial 83 / 84 ; Pour nous, rené guénon 1886 – 1951 - Hommage pour le cinquantième anniversaire de son retour à Dieu - ce que nous lui devons. 

Pour le demi-siècle qui nous séparait de la mort de Guénon, le directeur de VLT, Roland Goffin, avait convié ses collaborateurs à livrer un témoignage personnel. À l’exception de deux ou trois auteurs, toutes les livraisons se conformèrent à cet exercice. Abdallah Penot qui intervenait pour la première fois dans la revue profita de l’occasion pour délivrer une sentence un peu spéciale dans un texte polémique qui ne manqua pas à l’époque de laisser perplexe et dont la gêne ressentie allait surtout pour son auteur. Nous en extrayons le passage suivant en renvoyant les personnes intéressées à l’ « hommage » lui-même intitulé « Guénon et les guénoniens » : « La réalité nous semble hélas beaucoup moins flatteuse qu’il n’y paraît à première vue et ce pour une raison très simple : il est rare en effet de trouver des ‟guénoniens” qui ne soient pas tombés dans l’un ou l’autre des travers dénoncés par celui dont ils se prétendent être les représentants quand ils ne les ont pas accumulés ; il est vrai qu’il est souvent difficile de se débarrasser des tendances mentales caractéristiques de son environnement. En d’autres termes nous pourrions dire que jamais œuvre utile n’avait été autant desservie par ceux qui se voulaient ses plus chauds partisans. » Selon Penot, les « travers » dans lesquels seraient « tombés » les « guénoniens » concerneraient les personnes revenus à la pratique de leur religion suite à la lecture des ouvrages de Guénon, et surtout ceux ayant choisi une entrée en Islâm « en vue d’obtenir ce qu’il y a de plus précieux [aux yeux d’un guénonien, c'est-à-dire] : l’initiation. » La dizaine d’exemples de cas spéciaux ciblés par l’auteur, loin de représenter une majorité de « guénoniens », pourrait tout autant illustrer les « travers » d’un occidental de culture qui, sans rien connaitre de Guénon, retournerait à sa religion ou adopterait une autre tradition lui garantissant une véritable spiritualité. Il y en existe et de pires encore. Maintenant, ces jugements concernant ces cas particuliers de « guénoniens », pour autant qu’ils semblent avoir pour objectif de minimiser la pertinence des écrits de Guénon, portent à faux puisque Penot reconnaît  au prime abord qu’il serait « toutefois difficile de déterminer quelle fut la portée réelle (de l’œuvre de Guénon) notamment dans cet Occident auquel elle était initialement destinée », ce qui d’un point de vue logique, ruine l’objectivité de sa démonstration. L’hommage aurait pourtant trouvé là son sujet s’il avait été question en effet de surmonter cette difficulté en vue de « déterminer » la nature et les occurrences de cette « portée réelle ». Quoi qu’il en soit, Il est gênant que le rédacteur d’un constat aussi calamiteux pour les personnes incriminées semble lui-même s’exclure d’une influence quelconque provenant de l’œuvre de Guénon laissant supposer que son propre cheminement en conséquence serait exempt de tout « travers ». En réalité, tout porte à croire que cet hommage incongru fut motivé par quelques « règlements de compte ». Ce qui est troublant en l’occurrence est que l’on se demande si, à travers les guénoniens, ce ne serait pas aussi Guénon lui-même qui serait visé.  Pour quelle raison en effet Penot aurait-il éprouvé le besoin de préciser qu’il n’a pas « décidé brutalement de ‟régler des comptes” avec un milieu (…) toujours soigneusement évité (…) » ?   Si tel était le cas, pourquoi se mêler des affaires de gens qui nous sont étrangers ou indifférents ? Pourtant,  parmi ces critiques, certaines ne manquent pas de vérité, comme le fait de relever la pratique de la psychanalyse de la part d’une personne se qualifiant de « guénonien ». Seulement, pour ce cas bien connu, il y avait lieu de simplement souligner une revendication abusive. Au fond, à une ou deux exceptions près, il en est de même pour les autres cas individuels très facilement identifiables. Il aurait été juste de conclure qu’il ne s’agit là que d’une minorité de guénoniens ou de prétendu guénonien. Il reste que si l’intention de l’auteur était de faire prendre conscience de certaines choses, il avait à sa disposition des moyens plus subtils, du moins  nous l’espérons. Nous disions que la critique dissimulée derrière cet hommage aurait été recevable sur le fond si elle ne s’était pas limitée aux seules personnes ayant été ramenées à la tradition par la lecture de Guénon ; on doit reconnaître à Sîdî Abdallah Penot d’avoir bien vue la cause d’une difficulté complexe, et sournoise dans ses effets, qui concerne toutes les personnes nées dans l’« environnement » d’une culture occidentale. Il est important de considérer que le premier effort à fournir pour accéder à la stabilité spirituelle au sein d’une forme traditionnelle consiste effectivement à se « débarrasser des tendances mentales » contactées par l’éducation et la culture moderne. Cet effort ne concerne plus aujourd’hui les seuls occidentaux. La presque totalité des gens vivant dans ce qui reste des sociétés traditionnelles est également concernée. Beaucoup sont démunis face à cet obstacle du fait de la puissance hégémonique mondiale des idéologies progressives et des mœurs triomphantes sur l’affaiblissement générale de la spiritualité contaminant les religions et aussi les organisations initiatiques. La première des prises de conscience consiste bien à demeurer, autant qu’il est possible, hors d’atteinte de la culture anti-traditionnelle véhiculée par les sociétés occidentales.

Parmi toutes les autres participations à cet hommage de V L T, on retient celle de Georges Servant : « L’intellectualité dans l’enseignement de René Guénon » qui, échappant à la confession individuelle demandée, souligne la centralité de l’intellect dans la réalisation métaphysique.

 

 

 

Un muslîm ne peut que souhaiter le meilleur pour ses frères même si l’un d’eux lui inflige une chose désagréable. Ainsi Le shaykh al-akbar, dans son Rûh al-quds*, montre par un « Geste » secrètement éducateur comment les walî et les çûfî sont grands jusque dans leurs défauts lorsqu’ils parviennent à les éliminer en y trouvant des portes pour faire entrer la Sincérité (al-çidq). Il s’agit de l’anecdote (numérotée 66) à propos de Abû ‘Abdallâh at-Tartûsi :

« Cet homme était de ceux qui se consacrent à la pratique de l’invocation. Je fis sa rencontre à Tlemcem. Un jour, je m’étais assis avec lui et nous parlâmes d’Abû Madyan. Au cours da la conversation, j’eus l’impression qu’il avait une attitude critique  envers Abû Madyan, due à son manque d’instruction. Aussi je devins quelque peu réservé à son égard. La nuit même, je vis en songe l’Envoyé d’Allâh – qu’Allâh lui accorde Sa grâce et Sa paix – ! Il me dit ‟ O Mohammad, tes sentiments ont changés envers at-Tartûsî  à cause d’Abû Madyan. Comment se fait-il que tu ne l’aimes pas pour son amour d’Allâh et de Son Envoyé ?”  Je répondis : ‟Dorénavent, ô Envoyé d’Allâh, je ferai comme tu dis.” Au matin, je pris de l’or et des beaux vêtements pour les offrir à at-Tartûsî et lui rapportai ce que j’avais vu. En m’entendant, il pleura et abandonna son attitude critique envers Abû Madyan, et toute l’affaire fut bénie par la grâce d’Allâh. »

           

Voir la traduction française de Gérard Lecomte, sous le titre Les soufis d’Andalousie du livre de R. W. J. Austin, qui condense deux kitâb du shaykh al-akbar : Rûh al-quds et Durrat al-fâkhirah fî dhikr.


 

"Toute chose périt sauf Sa Face"

 




 


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