LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار
lundi 2 novembre 2009
GANESHA
mercredi 6 mai 2009
LA REVUE « VERS LA TRADITION », UN AN APRÈS.
dimanche 5 avril 2009
Stanislas de Guaita ( à propos de sa correspondance)
jeudi 5 mars 2009
SHAYKH AL 'ALÂWÎ (Suite et fin)
Réactions et
précisions suite à notre compte-rendu.
(Voire l’article précédent)
La publication du compte rendu de La Voie du Taçawwûf du Sheikh ‘Alâwî paru dans le n° 108 de la revue VLT a suscité certaines critiques à l’endroit des notes et des commentaires du traducteur D. Tournepiche (et conséquemment de notre compte rendu). Outre qu’une partie de ces reproches reposent, nous l’espérons, sur un malentendu reposant sur une mauvaise formulation de notre part (et peut-être sur une partie de phrase manquante), l’essentiel de leurs contenus visait surtout l’absence de réserve et de quelques mises au point attendues dans le CR concernant principalement les notes contenant plusieurs citations de Guénon qui, pour ce lecteur, ainsi assemblées et ajoutées à des commentaires, en arrivent à dire exactement le contraire de l’enseignement du Sheikh ‘Alâwî. Nous devons préciser que (pour la première fois) la Rédaction de VLT, ne fit suivre aucune épreuve habituellement envoyée par l’imprimeur et que les corrections d’usage n’ont pu être effectuées. La note 32, qui s’étend sur trois pages, vient commenter le passage suivant :
« …l’intention pure du murîd, son détachement, le scrupule (wara’)
Puissamment déterminé, (…) le cœur exempt de tout caractère blâmable, sans
anxiété, (…) insensible à l’infortune : En tout cela est la condition de la
réalisation de la perfection (kamal) ».
En effet beaucoup de choses sont évoquées
dans cette longue note pour ce qui concerne spécifiquement « la
qualification du murîd ». Tenant compte du contexte dans
lequel le Sheikh a écrit qui ne correspond pas tout à fait à celui qui est le
nôtre actuellement et bien que ce soit justement sur cette évolution de la
situation, et en rappel de l’enseignement guénonien, que reposait les remarques
de D. T. , Il aurait sans doute été mieux accepté si celui-ci, au préalable,
avait distingué les différentes sortes de murîd, puis les différentes
possibilités de manifestation du murshîd et enfin, évoqué concernant le taçawwuf,
les difficultés liées a présence dans un monde qui lui est délibérément
hostile. Compris comme allant de soi, et ainsi sortit de son contexte, puis accolé
à des conseils venant d’un enseignement direct relevant d’un autre ordre, « la
connaissance théorique de la doctrine et la concentration, le rattachement (…) restant la condition principale et préalable » extrait des Aperçus
sur l’initiation, ainsi que les autres citations (qui doivent se lire dans
l’attention requise par l’ensemble des chapitres contenus dans cette étude et
dans Initiation et Réalisation spirituelle) n’a pas été compris, de même
que, n’a pas été acceptée la liberté prise de considérer nos conditions actuelles
(conditions d’“acquisition” du noble caractère selon la transmission excluant
la possibilité d’un cheminement pas à pas sous la direction d’un véritable murshîd).
René Guénon, considérant le rattachement, distinguait les conditions orientales
et l’état d’esprit occidental. Il n’est plus explicitement question de cela
dans la note 32, (ce qui relève de la voie occidentale étant mis de côté) mais
de la possibilité du sulûk sous la direction d’un (véritable) murshîd,
à ne pas confondre avec la fonction de moqaddem
ou celle d’un sheikh n’ayant pas encore parcouru toutes les stations de la voie
jusqu’à terme.
Comme nous n’avons, aucune compétence sur cette
question difficile, nous nous contenterons de poser les éléments de la question
qui se résument à ceci : Où va le murshîd lorsqu’il disparaît et
quelle est alors la nature actuelle de
sa guidance ? Conjointement à cette autre : le murshîd disparaît-il pour tout le monde ou seulement
pour ceux qui ne sont pas expressément qualifiés ?
Une partie de la réponse est dans la formule traditionnelle disant que lorsque le disciple est prêt, se présente alors le maître (en nous gardant de préciser s’il s’agit du maître physique ou du maître intérieur). La solution à toutes ces questions doit se faire normalement, in shâ’Allâh, dans une recherche active. Pour notre part, nous ne pouvons dire davantage.
M. R.
Suite à cette précision, nous avons reçu, la remarque suivante de D. Tournepiche :
« Cette ‟note 32” a suscité en effet des
réactions dentiques de plusieurs côtés qui me conduisent à reconnaître que son
contenu peut prêter à confusion. Pourtant, elle ne fait que reprendre, en les
articulant dans une intention précise, un ensemble de principes et de règles
techniques énoncés par R Guénon au sujet de la voie de réalisation spirituelle.
C'est volontairement que j'ai voulu les résumer dans une formule spéciale :
‟la doctrine est le maître véritable de la réalité essentielle”. Or j'ai pris soin
d'expliquer ensuite dans quel sens la doctrine devait s'entendre ici, de telle
sorte qu'aucun malentendu ne subsiste dans l'esprit du lecteur attentif.
J'estime par conséquent que les reproches qui m'ont été adressés à ce sujet ne
sont pas recevables. Au contraire, ils pourraient peut-être révéler le
contraire de ce qu'ils prétendent, à savoir qu'il faut se conformer à une
discipline rigoureuse sous la direction d'un sheikh pour assurer son profit
spirituel plutôt que de spéculer de façon artificielle comme ils me reprochent
de l'avoir fait. En réalité, le fait est que les indications données ici par
Sheikh ‘Alawî sur les conditions d'acquisition de la Perfection, quand elles
sont reçues dans les conditions de l'occident moderne, doivent être actualisées
par l'enseignement providentiel donné par R Guénon afin d'être opératives à
quelque degré.
Ce point de vue légitime n'est
effectivement pas partagé par tout le monde: il existe en quelque sorte deux
écoles (nous renvoyons d'ailleurs nos contradicteurs aux articles publiés par
nous dans VLT sur le thème de l'intellect dans l’œuvre de R
Guénon, auxquels il faudra présenter d'autres objections que des postures
scandalisées de supposés murîd convaincus de représenter l'orthodoxie,
parce qu'ils accomplissent quotidiennement les rites de la sharî'a et le
dhikr prescrit dans la dévotion à leur maître et l'enseignement normal
de leur silsila. Qu'ils sachent qu'ils n'ont nullement l'exclusivité de
cet aspect de l'enseignement traditionnel, et que ceux qui considèrent que
l'étude de la doctrine reste la base nécessaire à toute réalisation ne
l'ignorent nullement).
Il y a donc ceux qui considèrent l’œuvre
de R Guénon comme une simple ‟propédeutique” à l'entrée dans une voie, et ceux qui
considèrent que, bien loin de se réduire à cela, l’œuvre de R Guénon constitue
un enseignement opératif spécialement destiné aux occidentaux de notre époque,
qui garde son actualité une fois accompli le rattachement à une voie
traditionnelle définie. Il y a là un aspect des choses réellement important, et
totalement étranger aux ‟spéculations mentales ou pseudo intellectuelles” que certains veulent y
voir. C'est dans le fond cette perspective qui commande la rédaction de cette ‟note 32”. Nous ne vivons plus
aujourd’hui à l'époque de Junayd ou de l’Imam Shadhulî, ni même à celle de
sheikh 'Alawî, malgré sa proximité dans le temps et dans l'espace et
l'importance bien connue de sa tarîqa et de sa rûhâniyya vivante
dans l'établissement du taçawwuf en Europe (et c'est bien pour cela que
nous avons jugé utile de présenter cette traduction de la qaçîda ‟minhaj al-taçawwuf...), et une adaptation
est indispensable pour les européens (il s'agit évidemment d'une règle générale
qui suppose toujours des exceptions). Les partisans de l'intégration totale et
exclusive dans la forme risquent de se retrouver dans la situation de ‟l'arroseur arrosé” à montrer ainsi
complaisamment du doigt de soi-disant pseudo intellectuels guénoniens dévoyés.
La posture du murid scandalisé
à laquelle nous faisions allusion plus haut pourrait ainsi révéler quelques
idoles tout aussi nuisibles que la spéculation mentale désorientée qu'ils
veulent dénoncer, l'argument n'étant pas nouveau. Nombreux aujourd’hui dans
les turûq de France et de Navarre, sont ceux qui s'installent
paisiblement dans d’autres illusions, confortés par la régularité de leur
situation formelle et disciplinaire, ou s’autosuggestionnant sur la réalité de
leur abandon spirituel entre les mains de leur sheikh, qu’ils parent
éventuellement de qualités plus ou moins hypothétiques, l’hydre de l'âme et du
mental se reconstituant continuellement en s'adaptant aux circonstances.
Dans l'ivresse apaisante du dhikr collectif,
et la jouissance d'une réelle présence de la baraka, un
pharisianisme d'un nouveau genre peut ainsi se développer et prospérer là on
l'attend le moins, et il est tout aussi dangereux que l'intellectualisme réel
ou supposé visé par les objecteurs de la ‟note 32” signalés par mr Rouge. Mais un autre
principe de l'adab des gens de la voie consiste dans la
fraternité sincère, qui ne nécessite pas d'adaptation particulière comme celles
dont nous parlions plus haut, sur laquelle insiste précisément Sheikh 'Alawî,
et qui devrait normalement se traduire par un échange d'idées dépourvu
d'arrière-pensées partisanes ou d'esprit de chapelle. Or de ce côté là, étant
disposé nous-mêmes à croître en science en profitant de celle de nos compagnons
proches ou éloignés, nous dirons que nous sommes franchement déçus que les
mystérieux ‟objecteurs” de la ‟note 32” aient préféré faire part, en coulisse, de leur point de vue à M. Rouge
plutôt qu'à nous-mêmes qui sommes tout de même les premiers concernés...au
point que nous nous demandons si la mauvaise opinion qu'ils paraissent avoir de
nous n'a pas une source plus lointaine que cette ‟note 32”...
Ajoutons, puisqu'il est question de cette note, qu'elle fait partie d'un
ensemble qui en comprend 73, et qu'elle accompagne un écrit édifiant de Sheikh
'Alawî et sa traduction, sur lesquels personne jusqu'à présent ne m'a fait de
remarque particulière, lesquelles seront toujours bienvenues (même si elles
sont défavorables) si elles témoignent d'une intention droite orientée vers le
recherche de la vérité et l'accroissement de science.
Wa Allâhu akbar !
D.T.
SHAYKH AL-‘ALÂWÎ
D.
Tournepiche, collaborateur à VLT depuis quelques années, vient de faire
paraître aux éditions Albouraq une traduction de la dernière partie d’un
ouvrage en vers du Sheikh A. Ibn-Mustaphâ al-‘Alawî ; Al-risâla
al-‘alawiyya fî ba’d min al-masâ’il al-shar‘iyya, (Épître sur la voie
soufie). Ce texte, ainsi que l’explique le traducteur dans sa présentation,
est une synthèse des vérités doctrinales, des règles rituelles, des méthodes et
de l’adab qui se doivent d’être comprises et mises en œuvre par
le murîd (disciple) ayant reçu l’initiation (pacte
initiatique). Nous saluons l’initiative de Tournepiche d’avoir fait publier le
texte original en regard de sa traduction, qui ne présente aucune difficulté particulière
pour un lecteur francophone ayant les connaissances de base de la grammaire
arabe. Afin de bien préciser les intentions du Sheikh ‘Alâwî, le traducteur a
reproduit un
extrait de la préface que celui-ci rédigea pour son traité al-manh
al-quddûssiyya (le don sanctifié) :
« (…) Le
sage parmi les soufis a dit : ‟Il y a une grande
différence entre celui qui est conduit par [cette
vision directe] et celui qui s’en
enquiert à son sujet”. Les tenants de toute
science particulière s’affrontent et disputent entre eux tandis que leurs
représentants attitrés s’opposent et se contredisent. Ce n’est pas le cas de
cette noble science, pure de divisions et d’altérations ».
En effet, C’est en principe toute la différence entre
le point de vue de la théologie et celui de la réalisation spirituelle par le
dévoilement et la connaissance directe ; l’un dépend de l’activité limitée et
discursive de la raison, l’autre s’est définitivement affranchi des
conditionnements de la conscience ordinaire. C’est ainsi que la foi en la
Révélation de l’Islâm et en son Envoyé, par la ferveur du
« Grand Jihad », se
transforme en Connaissance. Le texte lui-même se compose de 132 distiques (qui
perdent hélas la sonorité de leurs rimes une fois traduits) annotés par de
longs et nombreux commentaires que certain jugeront sans doute un peu denses.
Cependant, comme il s’agit d’une traduction et par conséquent d’une
interprétation, Tournepiche a choisi, en se référant à différentes sources,
d’expliciter intellectuellement l’enseignement du Sheikh par des développements
surtout profitables aux familiers des œuvres de R. Guénon et M. Vâlsan. Le
sheikh ‘Alâwî aborde les aspects essentiels de l’intention spirituelle et de la
pratique au sein de la tariquah. Dés les premiers vers, la voie (tarîq)
est définie comme « la réalisation effective du lien fondamental qui l’unit à
l’Elu », c’est à dire du Prophète Mohammad (‘a s) lui-même. C’est par le sheikh-murshîd que s’établit le rapport
vivant à la Loi sacrée et sa Fin ultime qui est Vérité absolue. « Les
gens du banc » (ahl al-sâfâ) sont mentionnés, et,
ainsi que le commente le traducteur, le Sheikh fait allusion à l’homonymie
entre les termes arabes çuffa (banc) et çafâ (être pur) ; le
terme taçawwuf (que l’on traduit en général de façon fautive, par mystique) se compose en effet des mêmes lettres çad,
fâ et waw. Donc, « La compagnie du sheikh est obligatoire »,
« L’intention droite » et « l’orientation permanente », « l’accomplissement
des rites obligatoires », « l’effort (ijtihâd) » sont
envisagés comme la définition même du murîd (le disciple initié) ainsi
que la considération de ce dernier à l’égard de son frère dans la voie, que
l’on retrouve d’ailleurs dans toute la
spiritualité islamique. La place centrale revient sans aucun doute au murshîd
et à l’éducation (adab)
dont il est le support incontournable.
Cependant,
si l’adab du disciple envers le maître est généralement assez bien
compris, il en va différemment des qualités du maître spirituel car celles-ci
demeurent inexplicables sinon par cette éducation (adab) reçue de l’irshâd. En effet, ce sont les ressources spirituelles maintenues par l’organisation
traditionnelle de la vie sociale qui garantissent l’état d’esprit et le
désintéressement dans la préparation et l’approche du disciple et, pour le
Sheikh, « L’adab du Maître envers le disciple ». Ce dernier
point a son importance car lors de l’initiation, le pacte contracté
par le disciple le lie en retour à l’accomplissement spirituel de ce dernier.
Le
Sheikh ‘Alâwî écrit que le murshîd
« (…) Excelle
dans les relations sociales et domestiques. Clément pour les grands comme pour
les petits, / S’occupant du riche comme du pauvre. Il donne à tout ce qui
possède un droit (dhî haqq) les conseils qui lui reviennent,
/avec sévérité comme avec douceur. Il contrôle la purification des cœurs / en
leur commandant le dhikr et la discipline spirituelle (al-riyâda).
Il les préserve dans leur parcours autant qu’il le peut / jusqu’à ce que son
disciple arrive à son seigneur et maître (mawlâhu) ».
Le
contenu de ce traité nous conduit vers les difficultés posées par la tendance
accélérée vers la dissolution de toutes les formes traditionnelles. Dors et
déjà, étant donné que pratiquement plus personne n’est en mesure de souscrire
aux qualifications requises qui fondent le point d’appui nécessaire du disciple
né en Occident moderne et susceptible de recevoir ‟régulièrement” la
guidance, comment pourrait-il y avoir une présence opérative des Maîtres qui
soit, à l’instar du Sheikh ‘Alâwî, plus qu’une simple « activité de
présence » ?
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