GANESHA*
Ganesha
ou Ganapati, signifie littéralement « le Seigneur des catégories » (de gana
que A. Daniélou traduit par catégorie), c’est à dire ce qui peut faire l’objet
d’une classification. Selon le Bhagavat Tattva, le mot gana représente
une collection d’objets et le Seigneur des catégories, Ganapati,
préside à « toutes classifications permettant d’établir des relations entre les
choses, entre les différents degrés de la manifestations, c’est à dire entre le
macrocosme et microcosme »[1].
Une légende puranique relate que Pârvatî brûlait du désir
d'avoir un enfant. Il en fit part à Shiva qui lui prescrivit l’austérité (tapas
ou tapasya) durant un an, ce à quoi elle se soumit. Elle reçut ensuite une
injonction divine lui demandant d'aller dans sa chambre chercher son enfant qui
venait de naître.
Elle y
courut, le vit et fut émerveillée car il était encore plus beau que tous les
dieux réunis. Son visage brillait comme le soleil levant, sa joie ne connut
plus de limite.
Tous les
dieux et déesses se rendirent alors au mont Kailash, le séjour des
divins parents, pour contempler l’enfant glorieux et lui présentèrent leurs
hommages tout en étant ravis par sa beauté.
Les neuf
planètes[2], les Navagraha, vinrent aussi pour féliciter le couple
divin et leur fils bien-aimé. L'une d'elles, Shani ne voulut pas lever
les yeux vers l'enfant et demanda que ce soit lui qui baisse la tête.
Pârvatî
fut vexée. Shani[3] expliqua que sa
femme, jalouse, avait prédit que toute personne qu'il regarderait avec
admiration serait détruite ![4]
Pârvatî
ne le crut point et exigea que Shani fasse comme tous et admire l’enfant. Il
s'exécuta et instantanément la tête de Ganesh fut séparée de son corps et
s'envola dans l'espace jusqu'au Goloka, le monde dans lequel séjourne
Krishnâ[5]. Pârvatî se lamenta
bruyamment et créa un grand tumulte. Vishnu, comprenant le drame, partit
aussitôt sur sa monture Garuda[6] en quête d’une
nouvelle tête afin de remplacer celle qui avait disparu.
Sur les
rives de la rivière Pushpabhadra, il vit un troupeau d'éléphants
endormis. Choisissant un animal couché dont la tête était tournée vers le nord,
il la trancha et la rapporta immédiatement. Cet éléphant était en réalité un Gandharva[7]
qui espérait être libéré de son existence terrestre. Vishnu, à son retour,
plaça la tête de l'éléphant sur le cou de l'enfant Ganesh en insufflant la vie
dans le corps inanimé. Il le présenta ainsi à Pârvatî qui fut ravie
d'avoir un enfant de la sagesse et de la puissance d'un éléphant.
Vishnu
vêtit l'enfant de parures raffinées convenant à sa beauté et Himavân, le
père de Pârvatî, fit de même. Vishnu rassembla alors tous les êtres célestes,
rendit un culte à l'enfant et lui donna les huit noms par lesquels on le
connaîtrait désormais : Vighneshvara, Ganesha, Heramba,
Gajânana, Lambodara, Ekadanta, Soorpakarna et Vinâyaka.
Si Ganesh a été créé par Pârvatî sans l'intervention de Shiva, ce
dernier joue cependant un rôle essentiel puisque c’est par son pouvoir
transformateur, en réalité, que Ganesh obtient la tête de l’éléphant et réalise
ainsi un être de sagesse et de spiritualité à partir d’un garçon impétueux et
irascible. Pour obtenir cette tête d'éléphant, Shiva l'envoie en effet chercher
vers le Nord. Or l'on sait que le Nord (uttaram) est une direction
polaire correspondant à l’obtention de l'illumination et de la délivrance par
le parcours initiatique de la voie des dieux (devayana) : la tête
d'éléphant rapportée ne possède qu'une seule défense, signe qu'au terme de son
voyage initiatique vers le Nord, Ganesh a réalisé l’état suprême de la
non-dualité (advaita).
Fréderic Morlet,
dont nos lecteurs pourront lire dans ce numéro la suite de l’Introduction au
Devîmahâtmyâ[8],
signale que, pour les hindous, aucun travail, aucune entreprise ne porte de
fruits bénéfiques, qui ne soit inauguré par une offrande à Ganesh, Seigneur des
dévots et gardien des portes ; tout spécialement si les portes sont celles qui
introduisent aux arcanes de la
Science spirituelle puisque ce dieu est l’Intelligence
lumineuse qui guide l’adepte vers l’accomplissement et lui procure succès et
perfection dans sa quête.
* Commentaire de la couverture VLT du n° 117.
[1] Voir Alain Daniélou ; Le
Polythéisme hindou, ed. Buchet/Chastel.
[2]
L’astrologie hindoue ajoute les nœuds lunaires appelés Rahu et Ketu aux
sept planètes traditionnelles en leur accordant autant d’importance.
[3] Shani
représente saturne, l'une des neuf planètes divinisées sous le nom des Navagraha.
Shani porte un trident, un arc et une lance; il est le fils du Soleil (Surya).
[4] Pour comprendre ce
passage, il faut lui appliquer le symbolisme astrologique de Saturne.
[5] Selon le Brahmavaivarta-Purâna, Ganesha, à l'origine, était Krishnâ lui-même sous forme humaine.
[6] Animal-véhicule ( vâhana)
deVishnu. Garuda est un oiseau fabuleux, doté d'un corps humain et d'une
tête de vautour. Il est muni d'ailes et de serres puissantes. Il symbolise les
enseignements ésotériques des Védas. Il est l'ennemi farouche des serpents Naga.
[7]
Etre céleste, représentant l'harmonie. Les Gandharva sont représentés
sous la forme de musiciens célestes, partenaires des Apasarâ.
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