SEM
FILS DE NÛH
Selon la chronique de TABARÎ *
« Or sache que toutes les créatures sont
sorties, après Noé [ Nûh ], de Sem, de Cham et de Japhet. Les Arabes, les
Persans, les hommes blancs de visage, les gens de bien, les jurisconsultes, les
savants et les sages sont de la race de Sem ; et voici pourquoi : Un
jour Noé était endormi, le vent souleva ses vêtements et découvrit ses parties
sexuelles sans qu'il s'en aperçût. Japhet passa près de Noé, dont il vit les
parties sexuelles ; il se mit à rire aux éclats et à tourner son père en
ridicule, sans le recouvrir. Cham, frère de Japhet, arriva ensuite ; il
regarda Noé, se mit à rire aux éclats et à plaisanter, et passa outre, sans
couvrir son père. Sem vint après ses frères, et, voyant Noé dans une posture
indécente, il détourna les yeux et cacha la nudité de son père. Noé se réveilla
ensuite, et demanda à Sem ce qui s'était passé ; ayant appris que Cham et
Japhet avaient passé près de lui et qu'ils avaient ri, il les maudit en disant :
Que Dieu change la semence de vos reins! Après cela tous les hommes et les fruits
du pays de Cham devinrent noirs. Le raisin noir est du nombre de ces derniers.
Les Turcs, les Slaves et Gog et Magog,
avec quelques autre peuples qui nous sont inconnus, descendent de Japhet. Cham
et Japhet furent punis de la sorte pour avoir ri en voyant les parties
sexuelles de leur père.»
(Extrait de De la Création à David, vol. 1, Tabarî ; Les prophètes et les rois – 4 volumes – traduit
par Hermann Zotenberg, Éd. Sindbad, Paris 1980 – titre arabe : Târîkh al-Rusûl
wa-l-mulûk )*
Contrairement aux apparences, ce qui
apparaît comme nouveau dans ce cycle postdiluvien n’est pas la pudeur de Sem,
mais la moquerie, la méchanceté et la lourdeur d’une nouvelle mentalité
correspondant à la dégradation de la marche cyclique. Par sa fonction de
passeur, Nûh appartient à la typologie spirituelle du cycle précédent. Sa
mission étant accomplie, il ne manifeste plus dans cette nouvelle ère, qu'une
présence spirituelle sans forme spécifique, demeurant exclusivement dans la
demeure de sa nature essentielle. On peut considérer le geste de Sem comme
l'acte de naissance de la spiritualité sémite dont la pureté initiatique se
transmettra par l'ésotérisme des trois religions du Livre. On sait également
que Nûh a planté la vigne, ce qui vient confirmer le caractère initiatique de
sa fonction pour ce cycle.
« On
remarquera aussi que Noé est désigné comme ayant été le premier qui planta la
vigne (Genèse, IX, 20), fait qui est à rapprocher de ce que nous avons
dit plus haut sur la signification symbolique du vin et de son rôle dans les
rites initiatiques, à propos du sacrifice de Melchissédec »
(Note de René Guénon, p. 91 ; chap. XI, Le Roi du Monde,
Gallimard, 1958.
*Muhammad Ibn
Djarîr al-Tabarî est un savant sunnite du Xè siècle (838-923) qui rédigea
un commentaire du Coran et plusieurs ouvrages dont l’un des plus connus est le
traité de l’Histoire des Envoyés et des Rois: Târîkh al-Rusûl wa-l-mulûk. Cette œuvre a été résumée en langue
persane par un autre savant samanide du nom de al-Bal’amî, environ quarante
d’années après la mort de Tabarî. C’est cette version abrégée qui a été
traduite en français au XIXè siècle par l’orientaliste Hermann Zotenberg,
sous le titre : La Chronique –
Histoire des Prophètes et des Rois. Quelque temps auparavant, en 1836, Louis
Dubeux avait traduit le livre I de cette œuvre à partir des manuscrits
originaux sous le titre : CHRONIQUE D’ABOU-DJAFAR MOHAMMED TABARI (PDF
disponible sur le web). Zotenberg a
repris cette première traduction, qui s’arrête à la période ou le peuple des « Fils d’Isrâ’il » sortent d’Egypte,
mais en en supprimant les notes et le texte persan.
Muhammad
al-Tabarî a présenté les chaînes de transmission des différents récits qu’il a
cités dans son târîkh ; il s’est
en outre attaché à réunir toutes les « informations historiques »
qu’il a pu trouver selon une « critique des faits » traditionnelle à
laquelle la « mentalité historiciste » n’a plus accès ; par
conséquent il n’y a pas lieu de tenir compte des critiques émises par certains théologiens
islamiques modernes sur cet ouvrage.
Pour
ce qui est de la version d’Al-Bal’amî, les chaînes de transmission des
différents récits cités ne s’y trouvent plus et l’auteur a modifié certains
passages tout en procédant à des ajouts personnels.
Enfin,
à ceux qui étudieront cette Chronique de
Tabarî en français, nous recommandons les réserves d’usage concernant en
général tous les travaux des orientalistes.
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