VERS L’UNITÉ
La revue au programme
impossible
Lorsque
Roland Goffin fit paraître le premier numéro de Vers La Tradition (en nov.-dec.1982), l’ours des
premières livraisons comportait la mention : « bulletin d’action
traditionnelle ». Deux sentences figuraient en sous-titre ; une de
Frithjof Schuon : « Tout ce qui est traditionnel est nôtre » et une
autre dont nous ignorons l’auteur : « Face au monde moderne une seule
Révolution : la TRADITION ». Julius Evola était également une
référence bien présente dans certains textes, notamment ceux de Daniel Cologne.
(7) Lors de l'élaboration du n ° 127, notre administrateur a formulé, par mail et de façon peu plaisante, des remarques à l'un de nos collaborateurs, sans même solliciter notre avis. Le terme intrusion ne peut sans doute pas être ressenti comme tel par son auteur car, au fond, ce dernier s'est toujours considéré comme le seul vrai “directeur”de la revue.
Les
sous-titres furent abandonnés deux ans plus tard (à partir des n° 13 et 14)
pour être remplacés dans le n° 43 (Mars-Avril-Mai 91) par la sentence
maçonnique bien connue et dont R. Guénon a montré, à partir de la Lumière dans
le Ming-tang, la signification correspondante
« incluse dans le mot “Loge”(…) d’où l’expression maçonnique de“lieu très
éclairé et très régulier”(voir note 2, p. 139 ; chap. XVI de La Grande Triade, Gallimard 57), et par différents exemples
pris dans la tradition hindoue et la Kabbale hébraïque dans l’article
« Rassembler ce qui est épars » (voir chap. XLVI des
Symboles Fondamentaux de la Science Sacrée).
Peu
de temps après, VLT changeait de format (n° 45) pour
rester définitivement dans la norme d’une revue traditionnelle (1). C’est
également à partir de cette époque que R. Goffin dirigea au mieux sa revue en
intervenant le moins possible, se contentant progressivement de seulement
choisir les meilleurs textes qu’on lui proposait.
*
**
Si
l’on prend le terme “Tradition” de Vers
la Tradition, c’est à dire dans son sens général, sa signification manque
de précision : Se diriger vers quelque chose, en effet, présuppose le
choix d’un objectif particulier (2) ; le sens universel, quant à lui, en
est exclu car on ne peut entreprendre aucune action pour atteindre la Réalité
métaphysique, de même qu’il est impossible d’atteindre le continu à partir
du discontinu.
*
**
Les cent écoles développent leurs systèmes
indéfiniment comme s’ils allaient de
l’avant
sans revenir et ne peuvent jamais
rencontrer
la Vérité.
(Tchouang Tseu)
Il
était donc convenable de modifier le titre pour accueillir les textes inédits
de René Guénon. Ce dernier s’est toujours montré soucieux de la qualité de
présentation intérieure et extérieure de l’ensemble des ouvrages
composant son œuvre. Nous savons qu’il affronta de nombreuses difficultés pour
achever dans les meilleures conditions sa fonction d’“écrivain traditionnel”.
La
correspondance qu’il échangea avec A. K. Coomaraswamy nous apprend aussi qu’il
rencontra beaucoup de résistance de la part de P. Chacornac lui-même pour
obtenir le changement de titre de la revue Le
Voile d’Isis, dans laquelle
il publiait régulièrement ses articles, en Etudes
traditionnelles. Ce titre
choisi par Guénon s’ouvrait à toutes les traditions particulières de manière à
n’en favoriser aucune spécialement. Il obtint par la suite, grâce à Luc Benoist
qui dirigea la collection “Tradition” (3) pour Gallimard, de publier ses trois
derniers livres et quelques autres repris ensuite qui bénéficièrent de la grande
qualité de cette maison d’édition.
Nous
avons annoncé la modification du titre dans les éditoriaux des n°123 et 124 en
développant notre intention par des considérations générales en accord avec
l’administrateur de VLT (4) qui est intervenu dans l’éditorial du n°124 en
proposant de prendre le temps de la réflexion.
Nous
nous étions engagés auparavant auprès de P. B. pour effectuer le changement de
titre dès la publication des premiers inédits de René Guénon. Répondant au
souci de ne privilégier aucune forme traditionnelle -ni aucun ésotérisme
particulier-, nous avons donc décidé de garder, par respect pour son fondateur,
le titre « Tradition » tel qu il a toujours figuré dans la
manchette dès le premier numéro, de remplacer « Vers la » par
« La Revue » et de supprimer la formule maçonnique (5). Cela
répondait à la clarté nécessaire pour la présentation extérieure d’une revue
publiant le Cours de
philosophie et d’autres textes à venir (6) et
permettait d’éviter aussi toute interférence avec une obédience quelconque,
notamment à l’égard d’éventuels lecteurs connaissant mal l’œuvre de R. Guénon.
Le
sous-titre a été choisi en accord avec l’auteur P. B. (autorisé par les ayants
droit, responsable par conséquent de la publication des inédits et de la
correspondance choisie de R. Guénon). Ce sous-titre venait compléter et
préciser le sens général du titre de la manchette par la mention de la Tradition primordiale et [des] formes traditionnelles
particulières.
Cette
décision de modifier le titre, dés le n° 128, après avoir été acceptée par
l’administrateur a été rejetée ensuite par ce dernier dans des conditions
discutables lors de la dernière réunion annuelle de l’“Assemblée générale” de
l'Association. Une deuxième réunion convoquée par les membres du bureau
quelques jours plus tard nous amena à rendre immédiatement, sans discuter,
cette direction à celui qui désirait la reprendre pour son propre compte.
L’intrusion
de l’administrateur dans les décisions éditoriales a un précédent (7). Nous
savons qu’un violent conflit avait occasionné la démission du premier directeur
ayant succédé à R. Goffin. L’une des causes de cette violence, selon les
confidences même de cet administrateur, peu de temps après le conflit en
question, aurait été l’effet de sa propre initiative d’imprimer, sans aucune
autorisation, un numéro 114* à la place d’un numéro double (Vers La
Tradition n° 114-115) voulu
par Monsieur André Bachelet, alors directeur de publication. Notre
administrateur a beaucoup de conceptions sur les choses et, ce qui est fâcheux,
ne supporte pas de recevoir une directive, considérant qu’il n’existe personne
qui soit autorisé à lui donner un ordre quelconque.
Quoi
qu’il en soit, la fin de notre fonction de “Directeur” prend tout son sens à
présent et nous libère d’une tâche devenue pesante en raison du contrôle
permanent et insistant exercé par l’administrateur et fabricant de la revue
auquel nous laissons bien volontiers la gestion exclusive de son affaire.
L’inconséquence
d’une décision telle que celle de revenir à un ancien titre dont la
modification avait été annoncée un an auparavant dans deux éditoriaux
successifs -auxquels l’administrateur lui-même avait participé par une
proposition- signe un état d’esprit avec lequel il est impossible de travailler
sérieusement.
Nous
tenions à rendre compte le plus succinctement possible des conditions dans
lesquelles nous avons été amené à abandonner la direction de VLT afin de
dégager entièrement notre responsabilité de la confusion qui ne va pas manquer
d’apparaître aux yeux du lectorat. Nous avons également rédigé un aperçu
historique des différentes situations traversées par la succession des
directeurs de la revue de Goffin depuis le décès de ce dernier jusqu'à notre démission. Un pdf de ce texte sera d'abord diffusé
confidentiellement et, par la suite, son contenu sera mis en ligne dans un message à
venir, sous le titre « Dernier Compte rendu VLT ».
(1) Un an plus tard, à la demande de R. Goffin, nous
entamons une longue collaboration en rédigeant un compte rendu de l’ouvrage SAMKHYA
KARIKA du Swami Shraddhananda Giri qui sera publié dans le n° 50 de VLT.
(2) Par exemple, pour une personne née en dehors de la
religion ; aller vers la tradition chrétienne, islamique ou bouddhique
etc. C’est sans doute dans ce sens que l’entendait R. Goffin.
(3) La collection comporte plusieurs ouvrages posthumes
dont : Symboles
fondamentaux de la Science Sacrée qui
rassemble des articles sur le symbolisme recueillis et annotés par Michel
Vâlsan, deux ouvrages composés par Roger Maridort, etc.
(4) Celui-ci, de son côté, proposait Vivre La Tradition (afin de garder les initiales VLT). Nous avons laissé son
argument inséré par lui dans l’éditorial afin de montrer notre ouverture à toutes les propositions.
Il va sans dire que changer « vers la » pour « vivre la »
est tout simplement absurde. Depuis, nous n’avons reçu aucune proposition
orale, ni écrite, de la part des collaborateurs, des lecteurs et autres, malgré
la facilité de nous contacter par mail et par téléphone.
(5) La revue Être dirigée par Jean Klein et qui cessa de
paraître après sa mort ne pose pas, dans l’énoncé de son titre, les mêmes
difficultés que La Revue
Tradition. Jean Klein envisageait d’ailleurs le mot Être, comme il se doit, selon les trois
points de vue enseignés par Guénon, à savoir : particulier, général et
universel (par transposition).
(6) Cela se justifie d’autant plus qu’il existe en
circulation actuellement une édition mal conçue et fautive d’une partie
détachée de ce cours.
(7) Lors de l'élaboration du n ° 127, notre administrateur a formulé, par mail et de façon peu plaisante, des remarques à l'un de nos collaborateurs, sans même solliciter notre avis. Le terme intrusion ne peut sans doute pas être ressenti comme tel par son auteur car, au fond, ce dernier s'est toujours considéré comme le seul vrai “directeur”de la revue.
* DOCUMENT
Le numéro 114, tiré à 500 ex. et sans doute détruit. Il est curieux de noter le « nombre »
de ce numéro que Bachelet
avait choisi de jumeler avec le 115( numéro double 114-115).