RELIGION
DE L’AMOUR*
Merveille !
Une jeune gazelle voilée
Montrant
de son doigt pourpré
Et
faisant signe de ses paupières,
Son
champs est entre côtes et entrailles ;
Ô
Merveille, un jardin parmi les flammes !
Mon
cœur est devenu capable de toute forme :
Il
est un paturage pour les gazelles
Et
un couvent pour les moines chrétiens,
Et
un temple pour les idoles,
Et
la Kaabah du pelerin,
Et
la table de la Thorah
Et
le livre du Qorân.
Je
suis la religion de l’Amour,
Quelque
route que prennent ses chameaux,
Ma
religion et ma foi sont la vraie religion.
Ibn
‘Arabî
* Dînul-hubb
est traduit généralement par “Religion de l’Amour”, mais le sens véritable du
terme arabe dîn est culte.
JE
SUIS UN*
Je suis Vérité**, je suis créature,
Je suis Seigneur, je suis serviteur,
Je suis Trône,
je suis tapis
Et Jéhenne, je suis Perpétuité,
Je suis Eau, je
suis Feu
Et Air, je suis Terre,
Je suis
Quantité, je suis Qualité,
Je suis ce qui arrive, je suis ce qui
s’en va,
Je suis Essence,
je suis Attribut,
Je suis proximité, je suis Eloignement,
Toute
manifestation est mon Existence,
Je suis Unique, Je suis Seul.
‘Abd al-Qâdir al
jazâ’ir
*Anâ fard ; littéralement : “Je
suis Seul” (fard signifie “impair”),
c'est-à-dire : “Je suis Un sans second”.
**Haqq peut aussi signifier directement
“Dieu” mais il convient de le traduire ici par Vérité.
Dis :
Mon Seigneur, fais- moi entrer d’une véritable entrée et fais moi sortir [par
une issue] de vérité et accorde-moi, de ta part, un pouvoir victorieux
[protecteur].
Coran XVII, 80.
Sidî ‘Abdallah Penot note que le sens
littéral de ce verset est : « “Fais-moi entrer par une entrée de
vérité et fais-moi sortir par une issue de vérité”.
L’“Entrée” à laquelle il est fait
allusion est celle de Médine au cours de laquelle le Prophète (‘alayhi as-salâm) espère ne rien voir
de déplacé ni de désagréable (dans des conditions satisfaisantes) ; la
sortie est le départ de la Mecque que le Prophète (‘alayhi as-salâm) veut quitter sans regrets (avec une ferme
résolution) comme en témoigne ce hadith :
“Mon
Dieu, Tu m’as fait quitter le pays qui m’était le plus cher, aussi je te
demande de le remplacer par le pays qui t’est le plus cher” ».
Cette demande (‘du’a) transmise par Allâh –
ta’âlâ – au Prophète Mohammad concerne tout musulman quittant un lieu, une
situation, un état (maqâm) pour un
autre lieu, une autre situation, un autre état. Il est dit que le cheminement (al-sayr) est de deux natures ;
l’une, contrainte* et l’autre,
“libre”. Pour ce qui est de l’“acte libre”, l’intention que nous avons sur la
décision d’agir doit se conformer à l’ordre divin pour Sa satisfaction**. Si l’acte se soumet
aux conditions qu’Allâh a ordonnées et
que son accomplissement s’exprime selon l’intention droite, notre cheminement
est agréé et nous vaut une récompense, tout comme l’hégire de La Mekke pour
Yathrib (Médine) fût agréé et valut ensuite à l’Envoyé d’Allâh (‘alayhi as-salâm) et
aux muslimûn la récompense de la rentrée
victorieuse à La Mekke.
*La
contrainte de la condition temporelle nous soumettant aux cycles des jours, des
mois des années etc.
**Ce
qui revient à dire que l’acte, dans ce cas, est totalement désintéressé.
Du point de vue du taçawwuf, une “sortie”
(mukharj) doit être effectuée avec une intention sincère pour mériter une
“entrée” (mudkhal), meilleure*. L’ascension de ce cheminement s’achève
avec la « station » de « l’Identité suprême » (lâ maqâm).
*En effet, l’entrée
n’est meilleure que dans la mesure où le pays « qui m’était le plus
cher » est effectivement remplacé par le pays « qui est le plus cher
à Allâh –subhâna-Llâh ta’âlâ – ».