LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

mardi 5 juillet 2016

II APERÇUS SUR LES FUÇÛS AL-HIKAM de Muhyî-al-Dîn Ibn al-‘Arabî par Fulan




















« Sache que le mois (Shahr), ici du point de vue essentiel, est le serviteur parfait (al-‘abdu al-Kâmil). Lorsque la lune qu'Allâh a disposé comme une lumière, et à laquelle il a donné un Nom parmi ses Noms, se déplace, c’est Allâh qui est visé (al-murâd) et non le corps [céleste] de la lune. Ainsi la lune en tant que corps (jurm) est un lieu de manifestation du « Vrai » (haqq) dans le Nom « La Lumière » (al-nûr) qui court dans les Demeures de son serviteur [C'est-à-dire dans le mois lunaire (shahr)] limitées au nombre de vingt huit ». 
(Futûhât, chap. 71.)






Aperçu synoptique des
Fuçûç al-hikam
de
Muhyî-al-dîn Ibn al-‘Arabî *



 

*Pour une meilleure lisibilité, nous avons réparti les 28 fuçûç en quatre sections correspondant aux quartiers de la Lune dans autant de « messages » distincts ; nous restituerons ensuite, dans un seul « message », la procession des fuçûs selon la présentation de Meftah reprise par Fulan, c'est-à-dire dans l’ordre inverse des degrés parcourus par l’astre lunaire.



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Façç de la Première Demeure* – Adam

Lettre : hamza





Nom : al-badî‘, « Le Producteur initial ».
Sagesse « Divine », ilâhiyyah.
Sphère du « Calame suprême », al-qalam al-a‘lâ. 


« Celui qui crée sans modèle existant », al-badî‘, est la source du « Souffle du Miséricordieux », le « Calame suprême », al-qalam al-a‘lâ, c'est-à-dire le Premier Homme, Adam (1).
« L’Evocateur », al-bâ‘ith, qui est le Nom du façç suivant ne s’actualisent que par al-mubdî‘, c’est-à-dire « Le Premier crée. »


La Demeure se nomme al-sharatayn** (Les deux cornes) ; elle va de 0° à 12° 51’ 26” du Bélier (hamal).

* Le Nom divin régissant chaque façç  implique le Nom du façç suivant. Cette relation est manifeste lorsque la procession des fuçûç est présentée dans l’ordre inverse du déploiement cyclique comme nous le verrons plus tard.
** Al-sharatayn est le nom de l’étoile de la corne nord de la constellation du Bélier.






  
Façç de la Demeure 2 – Shîth

Lettre : ha



Nom : al-bâ‘ith, « L’Évocateur »*.
Sagesse de « L’Insufflation », nafathiyyah.
Sphère de « La Table gardée », al-lawh al-mahfûz.


Tous les Noms divins retournent vers leur principe, c'est-à-dire al-bâtin, « Le Caché » ou le non-manifesté ; et, chacun d’eux « procède de l’unique Essence principielle. Ainsi, le Nom al-bâtin, comme les autres Noms, se ramène à « L’Évocateur », al-bâ‘ith. Le premier être émané du calame al-qalam al-a‘lâ, c'est-à-dire, “La Table gardée” est Shîth (2).


La Demeure se nomme al-butayn* (Les deux cornes) ; elle va de 12° 51’ 27” à 25° 42’ 52” du Bélier (hamal).

* Le sens de al-bâ‘ith comporte aussi l’intention de susciter.






Façç de la Demeure 3 – Nûh

Lettre : ‘ayn



Nom : al-bâtin, « Le Caché ».
Sagesse de « La Plus Haute Louange », subbûhiyyah.
Sphère du « Degré de la Nature », tabî‘a.


Après la manifestation du « Dernier », al-âkhir, qui est le Nom du façç d’idrîs, il n’y a que al-bâtin, « le Caché ». La Nature (al-tabîah), qu’Ibn ‘Arabî nomme la suprême grande Mère (al-umm al-âliyyah al-kubrâ) du monde, est insaisissable, sinon dans ses effets, par le moyen de ses quatre qualités : Chaud, Froid, Sec et Humide.
Dans ce façç, le shaykh al-Akbar parle de la transcendance et de la glorification (3).


La Demeure se nomme thurayâ (Les Pléiades), elle va de 25° 42’ 53” du bélier à 8° 34’ 18” du Taureau (al-thûr).






Façç de la Demeure 4 – Idrîs

Lettre : ha



Nom : al-âkhir, « Le Dernier ».
Sagesse : « Très Sainte », qudûsiyyah.
Sphère du Degré de « La Poussière primordiale », al-habâ’.



Le corps est le dernier (al-âkhir) degré de la manifestation.
Al-habâ’, « La Poussière primordiale », c'est-à-dire la materia prima, est le lieu de manifestation de la « Réalité des réalités », le plus élevé et le dernier des degrés réunissant l’absoluité et le conditionnement avec la « Non-existence » et l’ « Existence » (4).
« [Idrîs], Nous l’avons élevé en un haut lieu. »
(Maryam, 57)


La Demeure se nomme al-dibarân (Aldébaran), du nom de l’étoile de l’œil de la constellation du Taureau (qui est l’une des quatre étoiles royale de l’Antiquité) ; elle va de 8° 34’ 19” à 21° 25’ 44” du Taureau (al-thûr).





Façç de la Demeure 5 – Ibrâhîm

Lettre : ghayn



Nom : « L’Apparent », al-zâhir.
Sagesse de « l’Amour éperdu », al-muhayyamiyyah.
Sphère du « Corps universel », al-jism al-kullî.


La Manifestation, al-zâhir, qui est le degré de la Sphère du « Corps universel », synthétise les attributs de l’Essence. Le façç d’Ibrâhîm, l’Intime, l’Ami d’Allâh,  commence ainsi : « Il a été appelé l’intime du fait de son imprégnation totale de tout ce dont a été qualifié l’Essence divine », et se termine sur la nourriture, « support du corps » (5).


La Demeure se nomme al-ha‘ah (La Tache blanche) ; elle va de 21° 25’ 45” du Taureau (al-thûr) à 4° 17’ 10” des Gémeaux (al-jawzâ’).






Façç de la Demeure 6 – Ishâq

Lettre : khâ



Nom : al-hakim, « Le Sage ».
Sagesse « Véritable », haqqiyyah.
Sphère de « La Figure universelle », al-shakl al-kullî.



« L’Englobant » n’est tel que s’il se manifeste avec toute forme. Le Sage (al-hakîm), dispose sa Sagesse en mettant chaque chose dans sa forme appropriée. À partir de la présence de « La Figure universelle » (al-shakl al-kullî), les significations se formèrent (tashakal) en « Formes » (çawar) dans le monde intermédiaires(Ishâq); en forme d’agneau dans le songe d’Ibrâhîm (6).
 « Nous avons manifesté l’homme dans sa constitution la plus parfaite. »
(Al-Tîn, 4)

La Demeure se nomme al-hana‘ah, (la cicatrice)*; elle va de 4° 17’ 11’’ à 17° 8’ 36’’ des Gémeaux (al-jawzâ’).

* Marque ‟au fer rouge” sur le cou du chameau.






Façç de la Demeure 7 - Ismâ’il

Lettre qâf



Nom : al-muhît, « Celui qui englobe ».
Sagesse « Elevée », ‘aliyyah.
Sphère du « Trône », al-’arsh.


La signification extrême du shukr, c’est l’impuissance à remercier : « Je ne peux compter (rassembler) ton éloge » (7) :
« O toi, l’âme apaisée, retourne agréable et agréée vers ton Seigneur ; entre parmi Mes Serviteurs dans Mon paradis. »
(Al-Fajr, 30-32)

« L’excellence d’Ismâ‘îl sur les autres réside dans le fait que Dieu lui a donné cette qualification (particulière) d’ ‟être agréé auprès de son Seigneur” »*.
Le Nom al-muhît est lié au Nom al-muhsî, « Celui qui compte » ; al-’arsh, « le Trône » englobe, entoure et contient (al-muhît).


La Demeure se nomme al-dhirâ’, (la coudée) ; elle va de 17° 8’ 37ˮ des Gémeaux (al-jawzâ’) à 0° du Cancer (al-saratân).

*Ibn ‘Arabî, Façç d’ Ismâ‘îl (Gilis, p.209).




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NOTES COMPLÉMENTAIRES
DES SEPT FUÇUÇ,
du premier quartier lunaire.





1. « Allâh (al-haqq) voulut voir les essences de Ses Noms très parfaits que le nombre ne saurait épuiser, et si tu veux, tu peux également dire : al-haqq voulut voir Sa propre essence (‘aîn) en un objet (kawn) global qui, étant doué de l’existence (al-wujûd), résume tout l’ordre divin (al-amr), afin de manifester par là Son mystère (sirr) à lui-même. » (Burckhardt, p. 19)
La sourate du façç d’Adam est Al-‘Alaq (Le Caillot de sang ; C., 96) ; « Elle est en correspondance avec Adam parce qu’il est le premier humain à réaliser la connaissance effective de ses premiers versets, les premiers de la Révélation coranique ». (Meftah, p. 119) ; Adam est également le premier humain « à recevoir de son Seigneur la connaissance de tous les Noms divins ». (Ibid. p. 119)
« Au sujet de la parole “Lis !”, iqra’, qui est à la fois le premier et le dixième mot de la sourate, le shaykh s’étend longuement sur la synthèse adamique (jam‘iyah adamiyyah), les intelligibles universels (kulliyât ma‘qûlah), et les convenances traditionnelles (adab), car al-qur, c’est l’union, et l’adab est la “réunion du bien tout entier”*. » (Ibid. p. 119)

* Futûhât,chap. 168.


2. Dans le façç de Shîth, Ibn ‘Arabî s’étend longuement sur la fonction sigillaire (khatamiyyah) « suivant le dernier verset de la sourate Al-Duhâ, (La Clarté de L’Aube ; C., 93 correspondant à ce façç) “Quant aux bienfaits de ton Seigneur, parles-en”. Et il parle du privilège de la fonction de Sceau de la prophétie légiférante (risalah). Le degré du Sceau de la Sainteté (Khatam al-wilayah) est celui de “L’Èminence”, çadr, dans la Sphère de la wilayah universelle, et Shîth possède le degré équivalent dans la tradition adamique, de même que la matinée est la partie éminente (çadr) de la journée. Le shaykh a donné le titre suivant au paragraphe du chapitre 559 des Futûhât relatif à la sourate Al-Duhâ : “Il révèle le secret dans la partie éminente du jour (çadr al-nahar)” ». (Meftah, p.203-204)
« Ce façç porte sur les dons (‘atâyâ) et les faveurs (minah) seigneuriales et les grâces (hibât) divines. Le nom de Shîth signifie “Don d’Allâh”. Les mots dérivés de “don” (‘atâ’) et “don gracieux” (wahb) reviennent souvent dans ce chapitre. Ce don, on le trouve mentionné dans la sourate Al-Duhâ : “Par le jour montant ! Par la nuit enveloppante ! Ton Seigneur ne t’a pas abandonné ni haï. Pour toi la Vie dernière est certes meilleure que l’existence terrestre” ». (Ibid., p. 203)



3. La sourate du façç de Nûh est Al-Qadr (La Détermination ; C., 97) ; elle « est en correspondance avec le Nom “Le Caché – Très digne de louange”. Elle renvoie à la nuit qui, d’après le shaykh, est un symbole du non-manifesté (ghayb), c'est-à-dire “Le Caché”, et l’idée de transcendance qui commande ce chapitre. La louange et la glorification se rapportent au Décret divin (qadar). La Nuit de La Détermination (Laylah al-Qadr) est en parfaite correspondance avec les deux Noms [c’est-à-dire le non-manifesté (ghayb) et la transcendance (tanzîh)], alors qu’au Jour correspondent la manifestation et la similitude (tashbîh) ». (Meftah, p.205) 
« La sourate “La Détermination” est aussi en correspondance avec la Nature, car selon le shaykh, elle est “La Grande Mère” (al-umm al-kubrâ) de toutes les formes manifestées (çuwar wujûdiyyah), l’agent qui opère en elle étant l’Esprit du Commandement divin existenciateur. » (Ibid. p. 206)


4. « …Un des Noms de perfection de Dieu est L’Élevé (al-‘alî). Mais par rapport à quoi est-Il donc élevé, puisqu’il n’y a que Lui seul ? [Les existences relatives ne pouvant pas être prises comme terme de comparaison avec l’Être suprême]. Est-Il essentiellement L’Élevé ou l’est-Il à l’égard de quelque chose ? Or, tout n’est que Lui. Il est donc élevé en Lui-même. D’autre part, puisqu’Il est l’Être de tout ce qui existe, les existences éphémères sont, elles aussi, élevées dans leur essence, car elles sont essentiellement identiques à lui. » (Burckhardt, p. 62)
Dans le chapitre 11 des Futûhât, il est dit : « La Nature et la Poussière primordiale sont frère et sœur issus d’un père et d’une mère uniques… » ; Meftah ajoute : « Si nous mentionnons cette parole, c’est uniquement du fait de son rapport avec la sourate du façç [d’Idrîs] qui est celle de La Nuit, Al-Laylah (C., 92), sœur de la sourate Laylah al-Qadr (La Nuit de la Détermination), c'est-à-dire la sourate du degré de la Nature et du façç de Nûh ». (p. 211)
 « La nuit symbolise l’aspect non-manifesté de l’ipséité divine, c’est-à-dire la transcendance et la sanctification (taqdîs), et le jour, la manifestation et la similitude »; également : « Tout ce qui est obscur dans le monde procède de la substance de la Poussière primordiale qui est la materia prima. » (Ibid.)


5. Le corps est le voile de l’esprit ; le développement accompli de la manifestation trouve sa similitude dans la forme corporelle (jism). Dans le chapitre 198 des Futûhât (section 11), le shaykh al-akbar dit : « L’origine (al-asl), c’est l’Intellect universel (al-’aql). Ensuite vient l’Âme universelle (al-nafs), qui est à la mesure de l’Intellect. La Nature (al-tabî‘ah) et la Poussière primordiale (al-habâh) viennent ensuite, également à la mesure de l’Intellect, puis le Corps universel qui est le quatrième. Il n’y a rien après lui à part les formes (çûra) ». (Meftah, p. 160)
La sourate du façç d’Ibrâhîm est Al-Bayinah (La Preuve ; C., 98). La correspondance de cette sourate « est indiquée par son cinquième verset : ‟Il ne leur a été ordonné que d’adorer Allâh en lui vouant un culte dans la tradition en tant que purs (hunafâ)” ». (Ibid., p. 214)
Enfin : « La lettre ghayn est celle de la limite ; sa valeur numérique est 1000, nombre qui termine les degrés numériques des lettres. » (Ibid., p. 213)


6. « Les rimes des premiers vers qui ouvrent ce façç : “insân”, “mizân”, “rahmân”, “awzân”, “ihsân*, renvoient au verset : “Nous avons manifesté l’homme dans la constitution la plus parfaite”, c’est-à-dire que suivant le hadîth, Allâh a manifesté Adam selon la forme d’al-rahmân. Et ce verset appartient à la sourate Al-Tîn, (Le Figuier ; C., 95), qui est celle du façç d’Ishâq. » (Meftah, p. 216)
Ibn ‘Arabî, dans la section 20 du chapitre 369, dit : « Cette voie positive (tarîqah wad’iyyah)** qui requiert la sagesse, apparaît exclusivement dans l’espèce humaine parce qu’elle est manifestée selon la forme [divine] » (ibid.). Également : « Ce façç est en correspondance avec la Figure universelle (shakl). Or la plus parfaite d’entre elles est la forme de l’être humain manifesté ‟ (...) dans la constitution la plus parfaiteˮ. C’est pourquoi le shaykh parle dans le façç d’Ishâq de la plus parfaite des formes, c’est-à-dire la Forme de Mohammad, souverain du ‟pays sûrˮ (al-balad al-amîn) dont le diable ne peut revêtit la forme, et aussi de la puissance conceptuelle (al-quwwa al-muçawwira) dévolue à l’initié parce qu’il réalise le début de ce même verset : ‟Nous avons façonné …ˮ (khalaqnâ…) par le secret de la réalisation de sa forme rahmaniennne » (Ibid.).

* Successivement : hommes, balance, mesures, perfection.
** Désigne l’ensemble des lois et des règles juridiques établies par l’usage et la tradition des juristes par opposition à celles issues de la Révélation coranique. (note 943)




7. La sourate du façç d’Ismâ‘il est Al-Fajr (L’Aube ; C., 89).
« C’est le verbe d’Ismâ’il qui convient le mieux pour représenter le Trône élevé puisqu’il est en rapport avec les Noms divins qui régissent la production de ce degré et qui s’y manifestent ; ce sont les Noms suivants : “L’Englobant – Intégrant”, al-muhît ; “Celui qui dénombre”, al-muhsî ; “Celui qui retient”, al-qâbid ; “Celui qui possède la puissance matricielle”, al-rahmân ; “Le Témoin souverain”, al-muhamîn. » (Meftah, p.155) 
« La première figure (shakl) du premier corps de la première forme (çûra) qui se manifeste dans “La Poussière primordiale” est celle du “Trône”, al-‘arsh, englobant et sphérique. C’est en lui qu’apparaissent les premiers effets de La Nature, al-tabî‘ah. Le Trône est comme l’aube (fajr) des corps, sa configuration celle des formes extérieures, sa forme celle des formes essentielles (çuwar), et sa nature celle des caractères naturels. C’est pourquoi le shaykh, dans le chapitre 295 des Futûhât dédié à la Demeure de la sourate L’ Aube (Al-Fajr), parle en détail du Trône et de la lettre qâf correspondant à son degré cosmologique. » (Ibid., p. 217)
« Si Ibn’Arabî traite exclusivement de l’agrément divin dans ce septième chapitre des Fuçûç, c’est parce que celui-ci correspond au septième degré de l’Être, c’est-à-dire, le Trône divin régi par le Nom al-muhît, ‟Celui qui Englobeˮ, et que Celui qui est assis sur le Trône n’est autre qu’al-rahmân. » (Ibid., p.218)





(À suivre)








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Un extrait des Fuçûç sur la distinction du « psychique et du « spirituel ».



(Façç de Shîth)

 



« Ainsi, celui qui reçoit la manifestation (al-mutajaliyya) [d’Allâh] ne voit que sa propre forme dans le miroir de la Réalité (mirâti al-haqq). Il ne voit pas la Réalité et il ne peut la voir avec sa science bien qu’il sache qu’il n’a rien vu si ce n’est sa propre forme, comme le miroir dans le monde sensible, lorsque tu y vois des formes, tu ne vois pas le miroir, bien que tu saches que tu n’as perçu les formes, ou ta propre forme, qu’en lui ; Allâh a fait de cela un symbole exprimant directement la manifestation de Son Essence (litajliyahi al-dhâtî) afin que celui à qui il se manifeste sache qu’il ne le voit pas. Il n’y a pas de symbole plus direct et conforme à la contemplation (bal-ru’ayh) que cette manifestation (tajaliya). Efforce-toi de voir la forme [qui se reflète] dans le miroir tout en regardant le corps du miroir ; tu ne la verras jamais en même temps. Cela est si vrai que certains observant ce symbolisme des formes réfléchies en déduisent que la forme reflétée [dans le miroir] s’interpose entre l’observateur (contemplant) et le miroir. Ceci représente le plus important de ce qu’ils ont reçu (qadara ‘alayhi) par cette science et, en réalité, la chose est vraiment telle que nous venons de le dire ; d’ailleurs, nous l’avons exposé dans les Futûhât al-Makkiyah. Si tu réalises cela, tu réalises* l’extrême limite dans la connaissance que l’être puisse réellement obtenir. Aussi, n’aspires pas au delà et ne te fatigues pas dans l’entêtement (taraqâ) à dépasser ce degré car il n’y a là, par principe et en définitive, que pur non-être.
Il est donc le miroir dans lequel tu te vois et Son miroir dans lequel Il voit ses Noms et la manifestation de ses déterminations (ahkâmahâ) qui ne sont que la forme de Son Essence (‘aynih), en sorte que les choses deviennent obscures et sujettes à confusion. Il y a parmi nous, celui qui est ignorant dans sa science et va dire : “l’incapacité à comprendre est une connaissance (idrâk)”. Mais, il y aussi a celui qui sait mais ne dit pas cela car il est au-delà de cette parole ; il lui est donné la science (‘ilm) de l’inexprimable, celui-là est le plus éminent Savant par Allâh (‘âlimu bi-Llâh). Ors, cette science n’est donnée qu’aux Sceaux des envoyés et au sceaux des rapprochés (awliyâ). »

*littéralement : « Si tu savoures cela, tu savoures… (wa idhâ dhaqta hadhâ dhaqta…) »
 







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Materia prima*

(façç d’Idrîs)

Les scolastiques appellent materia, d’une façon générale, ce qu’Aristote avait appelé ὕλη ; cette materia, comme nous l’avons déjà dit, ne doit nullement être identifiée à la « matière » des modernes, dont la notion complexe, et contradictoire même par certains côtés, semble avoir été aussi étrangère aux anciens de l’Occident qu’elle l’est aux Orientaux ; même si l’on admettait qu’elle puisse devenir cette « matière » dans certains cas particuliers, ou plutôt, pour parler plus exactement, qu’on puisse y faire rentrer après coup cette conception plus récente, elle est aussi bien d’autres choses en même temps, et ce sont ces choses diverses qu’il nous faut avoir bien soin de distinguer tout d’abord ; mais, pour les désigner toutes ensemble par une dénomination commune comme celles de ὕλη et de materia, nous n’avons pas à notre disposition, dans les langues occidentales actuelles, de meilleur terme que celui de « substance ». Avant tout, la ὕλη, en tant que principe universel, est la puissance pure, où il n’y a rien de distingué ni d’ « actualisé », et qui constitue le « support » passif de toute manifestation ; c’est donc bien, en ce sens, Prakriti ou la substance universelle, et tout ce que nous avons dit ailleurs au sujet de celle-ci s’applique également à la ὕλη ainsi entendue 1.

1 (note de Guénon) :
 Notons que le sens premier du mot ὕλη se rapporte au principe végétatif ; il y a là une allusion à la « racine » (en sanscrit mûla, terme appliqué à Prakriti) à partir de laquelle se développe la manifestation ; et l’on peut aussi y voir un certain rapport avec ce que la tradition hindoue dit de la nature « asurique » du végétal, qui plonge effectivement par ses racines dans ce qui constitue le support obscur de notre monde ; la substance est en quelque sorte le pôle ténébreux de l’existence, ainsi qu’on le verra mieux encore par la suite.

* Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, (p. 22) ; Ed. Gallimard, 1950.
 (Les réserves d’usage à l’égard de la dernière réédition chez Gallimard du RQST en raison d’une présentation inepte.)










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