« Sache que le mois (Shahr), ici du point de vue
essentiel, est le serviteur parfait (al-‘abdu al-Kâmil). Lorsque la lune qu'Allâh a disposé comme une lumière, et à
laquelle il a donné un Nom parmi ses Noms, se déplace, c’est Allâh qui
est visé (al-murâd) et non le corps [céleste] de la lune. Ainsi
la lune en tant que corps (jurm) est un lieu de manifestation du
« Vrai » (haqq) dans le Nom « La Lumière » (al-nûr)
qui court dans les Demeures de son
serviteur [C'est-à-dire dans le mois lunaire (shahr)] limitées au nombre de vingt huit ».
(Futûhât,
chap. 71.)
Aperçu synoptique des
Fuçûç
al-hikam
de
Muhyî-al-dîn Ibn al-‘Arabî *
*Pour
une meilleure lisibilité, nous avons réparti les 28 fuçûç
en quatre sections correspondant aux quartiers de la Lune dans autant de
« messages » distincts ; nous restituerons ensuite, dans un seul
« message », la procession des fuçûs
selon la présentation de Meftah reprise par Fulan, c'est-à-dire dans l’ordre
inverse des degrés parcourus par l’astre lunaire.
* *
*
ﺀ
Façç de la Première
Demeure* – Adam
Lettre : hamza
Nom :
al-badî‘, « Le Producteur initial ».
Sagesse
« Divine », ilâhiyyah.
Sphère
du « Calame suprême », al-qalam
al-a‘lâ.
« Celui qui crée sans modèle
existant », al-badî‘, est la
source du « Souffle du Miséricordieux », le « Calame
suprême », al-qalam al-a‘lâ, c'est-à-dire le Premier Homme,
Adam (1).
« L’Evocateur », al-bâ‘ith, qui est le Nom du façç suivant ne s’actualisent que par al-mubdî‘, c’est-à-dire « Le Premier crée. »
La Demeure se nomme al-sharatayn** (Les deux cornes)
; elle va de 0° à 12° 51’ 26” du Bélier (hamal).
*
Le Nom divin régissant chaque façç implique le Nom du façç suivant. Cette relation est manifeste lorsque la procession
des fuçûç est présentée dans l’ordre
inverse du déploiement cyclique comme nous le verrons plus tard.
** Al-sharatayn est le nom de
l’étoile de la corne nord de la constellation du Bélier.
ﮦ
Façç de la Demeure 2 –
Shîth
Lettre : ha
Nom :
al-bâ‘ith, « L’Évocateur »*.
Sagesse
de « L’Insufflation », nafathiyyah.
Sphère
de « La Table gardée », al-lawh
al-mahfûz.
Tous les Noms divins retournent vers leur
principe, c'est-à-dire al-bâtin,
« Le Caché » ou le non-manifesté ; et, chacun d’eux « procède de l’unique
Essence principielle. Ainsi, le Nom al-bâtin, comme les autres Noms, se ramène à « L’Évocateur », al-bâ‘ith. Le premier être émané du calame al-qalam
al-a‘lâ, c'est-à-dire, “La Table gardée” est Shîth (2).
La Demeure se nomme al-butayn* (Les deux cornes) ;
elle va de 12° 51’ 27” à 25° 42’ 52” du Bélier (hamal).
* Le sens de al-bâ‘ith comporte aussi l’intention de susciter.
ﻉ
Façç de la Demeure 3
– Nûh
Lettre : ‘ayn
Nom :
al-bâtin, « Le Caché ».
Sagesse
de « La Plus Haute Louange », subbûhiyyah.
Sphère
du « Degré de la Nature », tabî‘a.
Après la manifestation du
« Dernier », al-âkhir, qui est le Nom du façç d’idrîs, il n’y a que al-bâtin, « le Caché ». La Nature (al-tabî‘ah), qu’Ibn ‘Arabî nomme la suprême grande Mère (al-umm al-‘âliyyah al-kubrâ) du monde, est insaisissable, sinon dans ses effets, par le moyen de ses quatre
qualités : Chaud, Froid, Sec et Humide.
Dans ce façç, le shaykh al-Akbar parle de la transcendance et de la
glorification (3).
La Demeure se nomme thurayâ (Les Pléiades), elle va de 25° 42’ 53” du bélier à 8° 34’
18” du Taureau (al-thûr).
ﺡ
Façç
de
la Demeure 4 – Idrîs
Lettre : ha
Nom :
al-âkhir, « Le Dernier ».
Sagesse :
« Très Sainte », qudûsiyyah.
Sphère
du Degré de « La Poussière primordiale », al-habâ’.
Le corps est le dernier (al-âkhir) degré de la manifestation.
Al-habâ’,
« La
Poussière primordiale », c'est-à-dire la materia prima, est le lieu de manifestation de la « Réalité
des réalités », le plus élevé et le dernier des degrés réunissant
l’absoluité et le conditionnement avec la « Non-existence » et l’
« Existence » (4).
« [Idrîs],
Nous l’avons élevé en un haut lieu. »
(Maryam,
57)
La Demeure se nomme al-dibarân (Aldébaran), du nom de l’étoile de l’œil de la
constellation du Taureau (qui est l’une des quatre étoiles royale de
l’Antiquité) ; elle va de 8° 34’ 19” à 21° 25’ 44” du Taureau (al-thûr).
ﻍ
Façç
de
la Demeure 5 – Ibrâhîm
Lettre : ghayn
Nom : « L’Apparent », al-zâhir.
Sagesse de « l’Amour éperdu »,
al-muhayyamiyyah.
Sphère du « Corps universel »,
al-jism al-kullî.
La Manifestation, al-zâhir, qui est le degré de la Sphère du « Corps
universel », synthétise les attributs de l’Essence. Le façç d’Ibrâhîm, l’Intime, l’Ami d’Allâh, commence ainsi :
« Il a été appelé l’intime du fait de son imprégnation totale de tout ce
dont a été qualifié l’Essence divine », et se termine sur la nourriture,
« support du corps » (5).
La Demeure se nomme al-ha‘ah (La Tache blanche) ; elle va de 21° 25’ 45” du
Taureau (al-thûr) à 4° 17’ 10” des
Gémeaux (al-jawzâ’).
ﺥ
Façç de la Demeure 6
– Ishâq
Lettre : khâ
Nom :
al-hakim, « Le Sage ».
Sagesse
« Véritable », haqqiyyah.
Sphère
de « La Figure universelle », al-shakl
al-kullî.
« L’Englobant » n’est tel que
s’il se manifeste avec toute forme. Le Sage (al-hakîm), dispose sa Sagesse en mettant chaque chose dans sa forme
appropriée. À partir de la présence de « La Figure universelle » (al-shakl al-kullî), les significations se
formèrent (tashakal) en « Formes »
(çawar) dans le monde intermédiaires(Ishâq);
en forme d’agneau dans le songe d’Ibrâhîm (6).
« Nous avons manifesté l’homme dans sa
constitution la plus parfaite. »
(Al-Tîn,
4)
La
Demeure se nomme al-hana‘ah, (la cicatrice)*; elle va de 4°
17’ 11’’ à 17° 8’ 36’’ des Gémeaux (al-jawzâ’).
*
Marque ‟au fer rouge” sur le cou du chameau.
ﻖ
Façç de la Demeure 7
- Ismâ’il
Lettre qâf
Nom :
al-muhît, « Celui qui
englobe ».
Sagesse
« Elevée », ‘aliyyah.
Sphère
du « Trône », al-’arsh.
La
signification extrême du shukr, c’est
l’impuissance à remercier : « Je ne peux compter (rassembler) ton
éloge » (7) :
« O
toi, l’âme apaisée, retourne agréable et agréée vers ton Seigneur ; entre
parmi Mes Serviteurs dans Mon paradis. »
(Al-Fajr,
30-32)
« L’excellence d’Ismâ‘îl sur les
autres réside dans le fait que Dieu lui a donné cette qualification
(particulière) d’ ‟être agréé auprès de son Seigneur” »*.
Le Nom al-muhît est lié au Nom al-muhsî,
« Celui qui compte » ; al-’arsh,
« le Trône » englobe, entoure et contient (al-muhît).
La
Demeure se nomme al-dhirâ’, (la coudée) ;
elle va de 17° 8’ 37ˮ des Gémeaux (al-jawzâ’)
à 0° du Cancer (al-saratân).
*Ibn
‘Arabî, Façç d’ Ismâ‘îl (Gilis,
p.209).
* *
*
NOTES COMPLÉMENTAIRES
DES SEPT FUÇUÇ,
du premier quartier lunaire.
1. « Allâh (al-haqq) voulut
voir les essences de Ses Noms très parfaits que le nombre ne saurait épuiser,
et si tu veux, tu peux également dire : al-haqq voulut voir Sa propre essence (‘aîn) en un objet (kawn)
global qui, étant doué de l’existence (al-wujûd),
résume tout l’ordre divin (al-amr),
afin de manifester par là Son mystère (sirr)
à lui-même. » (Burckhardt, p. 19)
La
sourate du façç d’Adam est Al-‘Alaq (Le Caillot de sang ; C., 96) ; « Elle est en
correspondance avec Adam parce qu’il est le premier humain à réaliser la
connaissance effective de ses premiers versets, les premiers de la Révélation
coranique ». (Meftah, p. 119) ; Adam est également le premier humain
« à recevoir de son Seigneur la connaissance de tous les Noms
divins ». (Ibid. p. 119)
« Au
sujet de la parole “Lis !”, iqra’,
qui est à la fois le premier et le dixième mot de la sourate, le shaykh s’étend
longuement sur la synthèse adamique (jam‘iyah
adamiyyah), les intelligibles universels (kulliyât ma‘qûlah), et les convenances traditionnelles (adab), car al-qur, c’est l’union, et l’adab est la “réunion du bien tout entier”*. » (Ibid. p. 119)
*
Futûhât,chap. 168.
2.
Dans le façç de Shîth, Ibn ‘Arabî
s’étend longuement sur la fonction sigillaire (khatamiyyah) « suivant le dernier verset de la sourate Al-Duhâ, (La Clarté de L’Aube ;
C., 93 correspondant à ce façç) “Quant
aux bienfaits de ton Seigneur, parles-en”. Et il parle du privilège de la
fonction de Sceau de la prophétie légiférante (risalah). Le degré du Sceau de la Sainteté (Khatam al-wilayah) est celui de “L’Èminence”, çadr, dans la Sphère de la wilayah
universelle, et Shîth possède le degré équivalent dans la tradition
adamique, de même que la matinée est la partie éminente (çadr) de la journée. Le shaykh a donné le titre suivant au
paragraphe du chapitre 559 des Futûhât
relatif à la sourate Al-Duhâ :
“Il révèle le secret dans la partie éminente du jour (çadr al-nahar)” ». (Meftah, p.203-204)
« Ce
façç porte sur les dons (‘atâyâ) et les faveurs (minah) seigneuriales et les grâces (hibât) divines. Le nom de Shîth signifie
“Don d’Allâh”. Les mots dérivés de
“don” (‘atâ’) et “don gracieux” (wahb) reviennent souvent dans ce
chapitre. Ce don, on le trouve mentionné dans la sourate Al-Duhâ : “Par le jour montant ! Par la nuit
enveloppante ! Ton Seigneur ne t’a pas abandonné ni haï. Pour toi la Vie
dernière est certes meilleure que l’existence terrestre” ». (Ibid., p. 203)
3. La sourate du façç de Nûh est Al-Qadr (La Détermination ;
C., 97) ; elle « est en correspondance avec le Nom “Le Caché – Très
digne de louange”. Elle renvoie à la nuit qui, d’après le shaykh, est un
symbole du non-manifesté (ghayb),
c'est-à-dire “Le Caché”, et l’idée de transcendance qui commande ce chapitre.
La louange et la glorification se rapportent au Décret divin (qadar). La Nuit de La Détermination (Laylah
al-Qadr) est en parfaite correspondance avec les deux Noms [c’est-à-dire le
non-manifesté (ghayb) et la
transcendance (tanzîh)], alors qu’au
Jour correspondent la manifestation et la similitude (tashbîh) ». (Meftah, p.205)
« La
sourate “La Détermination” est aussi en correspondance avec la Nature, car
selon le shaykh, elle est “La Grande Mère” (al-umm
al-kubrâ) de toutes les formes manifestées (çuwar wujûdiyyah), l’agent qui opère en elle étant l’Esprit du
Commandement divin existenciateur. » (Ibid.
p. 206)
4. « …Un des
Noms de perfection de Dieu est L’Élevé (al-‘alî).
Mais par rapport à quoi est-Il donc élevé, puisqu’il n’y a que Lui seul ?
[Les existences relatives ne pouvant pas être prises comme terme de comparaison
avec l’Être suprême]. Est-Il essentiellement L’Élevé ou l’est-Il à l’égard de
quelque chose ? Or, tout n’est que Lui. Il est donc élevé en Lui-même.
D’autre part, puisqu’Il est l’Être de tout ce qui existe, les existences
éphémères sont, elles aussi, élevées dans leur essence, car elles sont
essentiellement identiques à lui. » (Burckhardt, p. 62)
Dans
le chapitre 11 des Futûhât, il est
dit : « La Nature et la Poussière primordiale sont frère et sœur
issus d’un père et d’une mère uniques… » ; Meftah ajoute :
« Si nous mentionnons cette parole, c’est uniquement du fait de son rapport
avec la sourate du façç [d’Idrîs] qui
est celle de La Nuit, Al-Laylah (C.,
92), sœur de la sourate Laylah al-Qadr
(La Nuit de la Détermination),
c'est-à-dire la sourate du degré de la Nature et du façç de Nûh ». (p. 211)
« La nuit symbolise l’aspect
non-manifesté de l’ipséité divine, c’est-à-dire la transcendance et la
sanctification (taqdîs), et le jour,
la manifestation et la similitude »; également : « Tout ce qui
est obscur dans le monde procède de la substance de la Poussière primordiale
qui est la materia prima. » (Ibid.)
5. Le corps est le
voile de l’esprit ; le développement accompli de la manifestation trouve
sa similitude dans la forme corporelle (jism).
Dans le chapitre 198 des Futûhât
(section 11), le shaykh al-akbar dit : « L’origine (al-asl), c’est l’Intellect universel (al-’aql). Ensuite vient l’Âme
universelle (al-nafs), qui est à la
mesure de l’Intellect. La Nature (al-tabî‘ah)
et la Poussière primordiale (al-habâh)
viennent ensuite, également à la mesure de l’Intellect, puis le Corps universel
qui est le quatrième. Il n’y a rien après lui à part les formes (çûra) ». (Meftah, p. 160)
La
sourate du façç d’Ibrâhîm est Al-Bayinah (La Preuve ; C., 98). La correspondance de cette sourate
« est indiquée par son cinquième verset : ‟Il ne leur a été ordonné
que d’adorer Allâh en lui vouant un
culte dans la tradition en tant que purs (hunafâ)” ».
(Ibid., p. 214)
Enfin :
« La lettre ghayn est celle de
la limite ; sa valeur numérique est 1000, nombre qui termine les degrés
numériques des lettres. » (Ibid.,
p. 213)
6. « Les
rimes des premiers vers qui ouvrent ce façç :
“insân”, “mizân”, “rahmân”, “awzân”, “ihsân”*,
renvoient
au verset : “Nous avons manifesté l’homme dans la constitution la plus
parfaite”, c’est-à-dire que suivant le
hadîth, Allâh a manifesté Adam
selon la forme d’al-rahmân. Et ce
verset appartient à la sourate Al-Tîn,
(Le Figuier ; C., 95), qui est
celle du façç d’Ishâq. »
(Meftah, p. 216)
Ibn
‘Arabî, dans la section 20 du chapitre 369, dit : « Cette voie
positive (tarîqah wad’iyyah)** qui requiert la
sagesse, apparaît exclusivement dans l’espèce humaine parce qu’elle est
manifestée selon la forme [divine] » (ibid.). Également : « Ce façç est
en correspondance avec la Figure universelle (shakl). Or la plus parfaite d’entre elles est la forme de l’être
humain manifesté ‟ (...) dans la constitution la plus parfaiteˮ. C’est pourquoi
le shaykh parle dans le façç d’Ishâq
de la plus parfaite des formes, c’est-à-dire la Forme de Mohammad, souverain du
‟pays sûrˮ (al-balad al-amîn) dont le
diable ne peut revêtit la forme, et aussi de la puissance conceptuelle (al-quwwa al-muçawwira) dévolue à
l’initié parce qu’il réalise le début de ce même verset : ‟Nous avons
façonné …ˮ (khalaqnâ…) par le secret
de la réalisation de sa forme rahmaniennne » (Ibid.).
*
Successivement : hommes, balance, mesures, perfection.
**
Désigne l’ensemble des lois et des règles juridiques établies par l’usage et la
tradition des juristes par opposition à celles issues de la Révélation
coranique. (note 943)
7.
La
sourate du façç d’Ismâ‘il est Al-Fajr (L’Aube ; C., 89).
« C’est le verbe d’Ismâ’il qui convient le mieux pour représenter le Trône élevé puisqu’il est en rapport avec les Noms divins qui régissent la production de ce degré et qui s’y manifestent ; ce sont les Noms suivants : “L’Englobant – Intégrant”, al-muhît ; “Celui qui dénombre”, al-muhsî ; “Celui qui retient”, al-qâbid ; “Celui qui possède la puissance matricielle”, al-rahmân ; “Le Témoin souverain”, al-muhamîn. » (Meftah, p.155)
« C’est le verbe d’Ismâ’il qui convient le mieux pour représenter le Trône élevé puisqu’il est en rapport avec les Noms divins qui régissent la production de ce degré et qui s’y manifestent ; ce sont les Noms suivants : “L’Englobant – Intégrant”, al-muhît ; “Celui qui dénombre”, al-muhsî ; “Celui qui retient”, al-qâbid ; “Celui qui possède la puissance matricielle”, al-rahmân ; “Le Témoin souverain”, al-muhamîn. » (Meftah, p.155)
« La première figure (shakl) du
premier corps de la première forme (çûra)
qui se manifeste dans “La Poussière primordiale” est celle du “Trône”, al-‘arsh, englobant et sphérique. C’est
en lui qu’apparaissent les premiers effets de La Nature, al-tabî‘ah. Le Trône est comme l’aube (fajr) des corps, sa configuration celle des formes extérieures, sa
forme celle des formes essentielles (çuwar),
et sa nature celle des caractères naturels. C’est pourquoi le shaykh, dans le
chapitre 295 des Futûhât dédié à la
Demeure de la sourate L’ Aube (Al-Fajr), parle en détail du Trône et de
la lettre qâf correspondant à son
degré cosmologique. » (Ibid., p. 217)
« Si
Ibn’Arabî traite exclusivement de l’agrément divin dans ce septième chapitre
des Fuçûç, c’est parce que celui-ci
correspond au septième degré de l’Être, c’est-à-dire, le Trône divin régi par
le Nom al-muhît, ‟Celui qui Englobeˮ,
et que Celui qui est assis sur le Trône n’est autre qu’al-rahmân. » (Ibid.,
p.218)
(À suivre)
* *
*
Un extrait des Fuçûç sur la distinction du « psychique et du
« spirituel ».
(Façç de Shîth)
« Ainsi,
celui qui reçoit la manifestation (al-mutajaliyya)
[d’Allâh] ne voit que sa propre forme
dans le miroir de la Réalité (mirâti al-haqq).
Il ne voit pas la Réalité et il ne peut la voir avec sa science bien qu’il
sache qu’il n’a rien vu si ce n’est sa propre forme, comme le miroir dans le
monde sensible, lorsque tu y vois des formes, tu ne vois pas le miroir, bien
que tu saches que tu n’as perçu les formes, ou ta propre forme, qu’en lui ;
Allâh a fait de cela un symbole
exprimant directement la manifestation de Son Essence (litajliyahi al-dhâtî) afin que celui à qui il se manifeste sache
qu’il ne le voit pas. Il n’y a pas de symbole plus direct et conforme à la contemplation
(bal-ru’ayh) que cette manifestation
(tajaliya). Efforce-toi de voir la
forme [qui se reflète] dans le miroir tout en regardant le corps du miroir ;
tu ne la verras jamais en même temps. Cela est si vrai que certains observant ce
symbolisme des formes réfléchies en déduisent que la forme reflétée [dans le
miroir] s’interpose entre l’observateur (contemplant) et le miroir. Ceci
représente le plus important de ce qu’ils ont reçu (qadara ‘alayhi) par cette science et, en réalité, la chose est
vraiment telle que nous venons de le dire ; d’ailleurs, nous l’avons exposé
dans les Futûhât al-Makkiyah. Si tu
réalises cela, tu réalises* l’extrême limite dans la connaissance que l’être
puisse réellement obtenir. Aussi, n’aspires pas au delà et ne te fatigues pas
dans l’entêtement (taraqâ) à dépasser
ce degré car il n’y a là, par principe et en définitive, que pur non-être.
Il
est donc le miroir dans lequel tu te vois et Son miroir dans lequel Il voit ses
Noms et la manifestation de ses déterminations (ahkâmahâ) qui ne sont que la forme
de Son Essence (‘aynih), en sorte que
les choses deviennent obscures et sujettes à confusion. Il y a parmi nous,
celui qui est ignorant dans sa science et va dire : “l’incapacité à
comprendre est une connaissance (idrâk)”.
Mais, il y aussi a celui qui sait mais ne dit pas cela car il est au-delà de
cette parole ; il lui est donné la science (‘ilm) de l’inexprimable, celui-là est le plus éminent Savant par Allâh (‘âlimu bi-Llâh). Ors, cette science n’est donnée qu’aux Sceaux des
envoyés et au sceaux des rapprochés (awliyâ). »
*littéralement :
« Si tu savoures cela, tu savoures… (wa
idhâ dhaqta hadhâ dhaqta…) »
* *
*
Materia
prima*
(façç
d’Idrîs)
Les scolastiques appellent materia,
d’une façon générale, ce qu’Aristote avait appelé ὕλη ; cette materia,
comme nous l’avons déjà dit, ne doit nullement être identifiée à la « matière »
des modernes, dont la notion complexe, et contradictoire même par certains
côtés, semble avoir été aussi étrangère aux anciens de l’Occident qu’elle l’est
aux Orientaux ; même si l’on admettait qu’elle puisse devenir cette « matière »
dans certains cas particuliers, ou plutôt, pour parler plus exactement, qu’on
puisse y faire rentrer après coup cette conception plus récente, elle est aussi
bien d’autres choses en même temps, et ce sont ces choses diverses qu’il nous
faut avoir bien soin de distinguer tout d’abord ; mais, pour les désigner
toutes ensemble par une dénomination commune comme celles de ὕλη et de materia,
nous n’avons pas à notre disposition, dans les langues occidentales actuelles,
de meilleur terme que celui de « substance ». Avant tout, la ὕλη, en tant que
principe universel, est la puissance pure, où il n’y a rien de distingué ni d’ « actualisé »,
et qui constitue le « support » passif de toute manifestation ; c’est
donc bien, en ce sens, Prakriti ou la substance universelle, et tout ce
que nous avons dit ailleurs au sujet de celle-ci s’applique également à la ὕλη
ainsi entendue
1.
1
(note de Guénon) :
Notons
que le sens premier du mot ὕλη se rapporte au principe végétatif ; il y a là
une allusion à la « racine » (en sanscrit mûla, terme appliqué à Prakriti)
à partir de laquelle se développe la manifestation ; et l’on peut aussi y
voir un certain rapport avec ce que la tradition hindoue dit de la nature «
asurique » du végétal, qui plonge effectivement par ses racines dans ce qui
constitue le support obscur de notre monde ; la substance est en quelque sorte
le pôle ténébreux de l’existence, ainsi qu’on le verra mieux encore par la
suite.
* Le Règne de la Quantité et les Signes des
Temps, (p. 22) ; Ed. Gallimard, 1950.
(Les réserves d’usage à l’égard de la dernière
réédition chez Gallimard du RQST
en raison d’une présentation inepte.)