« C'est
Lui qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune, une lumière et lui a décrété
des Demeures afin que vous sachiez compter les années et calculer le temps. Allâh
n'a créé cela qu'en toute Vérité. Il dispose les signes pour les gens qui savent. »
(Yûnus, 5.)
Les six directions de l’espace
La connaissance du langage symbolique de l’Astrologie
traditionnelle repose sur la connaissance du système astronomique. Dans
l'exposé qui va suivre, nous avons mis de côté les bases techniques de cette
science, supposant que l’approfondissement de la cosmologie en général et
de l’Astrologie en particulier concerne toute personne intéressée par les sciences
traditionnelles (1).
On sait que le Soleil dans l’Hermétisme est représenté par un
cercle avec un point au centre ; ce signe est utilisé également pour
symboliser l'Or dans la tradition hermétique. Le centre du cercle est le
Principe par lequel se déploient et s'organisent tous les éléments constitutifs
du cosmos. Si l’on considère cette figure selon les trois coordonnées que
Guénon a exposé dans Le Symbolisme de la
Croix, le point central représente l’axe vertical à partir duquel se
déploient perpendiculairement l’ensemble des plans horizontaux ; l’application
astrologique consiste en ce que l’un quelconque de ces plans, indéfiniment
extensible, intègre toutes les possibilités d’un cycle tel que celui d’une
révolution solaire. Il se définit géométriquement par une circonférence
correspondant à l’Écliptique du système astronomique dont dépend l’Horizon
horoscopique de la Domification (2). Pour actualiser effectivement la révolution solaire
sur l’Écliptique, le point central s’affirme simultanément par sa projection
sur deux positions opposées l’une à l’autre, produisant une « dualité cosmique »
qui détermine le point vernal à 0 degré du Bélier, point de départ du cycle, et
une seconde position, à 180 degrés, sur le seuil du Signe de la Balance (3). Il se produit alors une
bipolarisation qui définit l’axe équinoxial, reflétant, en mode d’ampleur, le principe transcendant de l’axe vertical de la croix
figuré astrologiquement par l’axe solsticial du Cancer et du Capricorne.
L’axe reliant les deux pôles équinoxiaux est une première
détermination directionnelle qui a pour fonction de mesurer l’espace effectué
par le Soleil suivi des six autres planètes (4). L’évolution perpétuelle des planètes sur
l’Écliptique fait que chacune d’elles accomplit un cycle annuel complet qui commence
avec l’axe Bélier-Balance et s’achève avec l'axe Vierge-Poissons. L’ensemble des
six axes reliant deux à deux tous les Signes du Zodiaque inclu toutes les
positions du Soleil que nous pouvons représenter comme les occupant
simultanément, ou successivement, c’est-à-dire selon une variation continue
dont la mesure temporelle s’effectue spatialement sur 360 degrés (5). Ces six axes, dépendant des
« six directions de l’espace » (6), se composent chacun
de deux Signes zodiacaux opposés et complémentaires ; ils manifestent un
aspect qualitatif particulier dont la totalité détermine tous les états de
l’être contenus en mode successif dans un cycle tel que celui de l’année
solaire. Le parcours des sept planètes sur l’Écliptique se déroule par
conséquent, en douze périodes qualifiées selon la hiérarchie des trois Règnes :
minéral, végétal et animal - l’état humain en étant la synthèse -,
correspondant avec la cadence des trois « mouvements », Cardinaux,
Fixes et Mutables.
Selon Ibn‘Arabî :
« Le premier Ange qu’Allâh a
créé est conforme à la Balance, et la nature de sa Maison, qui est sa part dans
cette sphère, est Chaude et Humide. [Allâh] l'a investi du Pouvoir dans le
monde de la formation durant six mille ans, puis il a fait transiter (yantaqilu) le Pouvoir (al-hukm) vers un autre [de ses
Signes] jusqu'à ce qu'il revienne à lui. Il reste connu [durant cette période] et il s'agit de la
première sphère qui s'est tournée (dâra)
dans la condition temporelle et dans laquelle commença “les jours” [non encore
distingués] par le Jour et la Nuit. Le premier mouvement du Temps commença dans
cette sphère et celle-ci a d'ores et déjà tourné au temps du Prophète (Sur lui
la Grâce et la Paix) - et c’est pour cette raison que l'Envoyé d’Allâh (Sur lui
la Grâce et la Paix) a dit : Certes, le Temps a tourné et est revenu à sa Forme
première au jour où Allâh l’a créé, et Il a placé dans les mains de cet Ange
Généreux (al-karim) (7) la clé de la création des états
transitoires et des modifications et [qui est celle] du temps dans lequel Allâh
a créé le Ciel et la Terre et dans lequel il fit apparaître (pour la première
fois “ahdatha”) la succession des nuits et les jours, et
il est Mobile (8).
Le deuxième
Ange est conforme au Scorpion (9) dont la
Maison Froide et Humide est sa part dans cette sphère. Allâh l'a investi de Son
Pouvoir dans le monde de la formation durant cinq mille ans pour chacun de ses
cycles. Allâh a placé dans ses mains la création du Feu (infernal) et il est
[un Signe] Fixe.
Le troisième Ange venant ensuite est conforme au Sagittaire dont la Maison
Chaude et Sèche est sa part dans cette sphère, [Allâh] l'a investi du Pouvoir
dans le monde de la formation durant quatre mille ans pour chacun de ses cycles
et il est l'ange Généreux qui détient dans ses mains les brides des Corps de
Lumière et de Ténèbre et Il [Allâh] a déposé dans ses mains la clef de la
création des plantes.
Le quatrième Ange qu’Allâh a créé est conforme au Capricorne dont la Maison
Froide et Sèche est sa part dans cette sphère. Il l'a investi du Pouvoir dans
le monde de la formation durant trois mille ans et cet Ange est Mobile
(Cardinal), et Allâh Le Très-Haut a placé dans ses mains la clé de la nuit et
du jour.
Le cinquième Ange qu’Allâh Le Très-Haut a créé est conforme au Verseau et
il a rendu Chaude et Humide la nature de sa Maison qui est sa part dans cette
sphère. Il a instauré sa souveraineté pour un cycle de deux mille ans. Il est
l'ange Généreux, Fixe, [et il a comme vertus] Patient et Vénérable. Il [Allâh]
a placé dans ses mains la clé des esprits.
Le sixième Ange qu’Allâh a créé est conforme au Poisson et il a rendu (ja'ala) Froide et Humide la part de cette sphère. Il [Allâh] a instauré son cycle pour
mille ans et lui a donné la direction des Corps lumineux et ténébreux en
partage avec l'Ange de ces Corps et il a placé dans ses mains la clef de la
création des animaux.
Le septième [Ange] qu’Allâh a créé est conforme au Bélier et il a fait en
sorte que cette part, dans cette sphère, soit Chaude et Sèche et a instauré son
cycle pour douze mille ans. Cet Ange est Mobile (Cardinal) et [Allâh] a placé
dans ses mains la clé de la création des accidents et des formes.
Le huitième Ange qu’Allâh Le-Très-Haut a créé est conforme au Taureau. Il [Allâh]
a fait en sorte que sa part dans cette sphère soit Froide et Sèche et il a instauré son cycle pour onze
mille ans. C’est un Ange qui possède [comme vertu] la Patience et la
Vénérabilité (hîbah), et lui revient l'acte du Samarî qui “fabriqua” (‘amala) le veau et crut voir en lui
[lorsqu'il le vit] le Dieu de Moïse (sur Lui, La Paix) (10), ainsi qu'il est dit dans un long hadîth, mais ce
n'est pas le lieu d'en parler. Il [Allâh] a placé dans ses mains la clé de la
création du Paradis et de l'Enfer.
Le neuvième
Ange qu’Allâh Le-Très-Haut a créé est conforme aux Gémeaux (taw'amaîn). [Allâh] a placé sa part dans cette sphère Chaude et
Humide, et a instauré son cycle pour dix mille ans. Il a [l'Ange] en partage,
[la Régence] avec l'Ange des Corps (al-ajsâm), et [Allâh] a placé dans ses mains
la clé de la création des métaux.
Le dixième
Ange qu’Allâh -Le-Très-Haut a créé est conforme au Cancer. Il a déposé sa part
dans cette sphère Froide et Humide et Il [Allâh] a instauré son cycle pour neuf
mille ans et cet Ange est Mobile. Et Il [Allâh] a
placé dans ses mains la clef de la création du monde (al-dunya).
Le onzième Ange qu’Allâh Le Très-Haut a créé est conforme au Lion. Il [Allâh]
a déposé sa part dans cette sphère Chaude et Sèche et il a instauré son cycle
pour huit mille ans. Il est l'Ange Généreux et il possède [comme vertu] la
Patience et la Vénérabilité (hîbah) qui l'élève.
Le douzième Ange qu’Allâh Le Très-Haut a créé est conforme à la Vierge. Il [Allâh]
a déposé sa part Froide et Sèche et a instauré son cycle pour sept mille ans.
Il [le douzième Ange] a en partage avec l'Ange des Corps et il a en propre plus
particulièrement [la gestion] des corps humains. Ainsi, le monde de la
Formation est terminé » (‘Uqlat al
mustawfiz).
Titus Burckhardt voit dans les douze
fonctions angéliques autant de « correspondances devant être comprises à
partir des reflets du terrain intellectuel dans la nature du cycle et suivant la
perspective de la production des trois mondes » en relation avec les
déterminations des Signes zodiacaux. Ces trois mondes, présent, futur et
intermédiaires (barzakh) sont, pour
Ibn ‘Arabî, trois « mouvements » ou « orientations principielles
de l’Intellect premier » ou encore trois états qui se succèdent en quatre
temps dans le cycle des 12 Signes. Les Signes Cardinaux (munqalib) sont, dans l’ordre de Signes : le Bélier, le Cancer,
la Balance, le Capricorne ; les Signes Fixes (sakûn) : le Taureau, le Lion, le Scorpion, le Verseau ;
les Signes Mutables (dhû ishtirâh) :
les Gémeaux, la Vierge, le Sagittaire, les Poissons. Pour résumer, selon Burckhardt commentant le
shaykh al-akbar, l’orientation spirituelle régissant le monde supérieur est
attribué aux Signes Fixes ; le développement des états de notre monde, aux
Signes Cardinaux ; le monde intermédiaire (barzakh) et les différents règnes naturels (métaux, plantes,
animaux et l'homme qui en représente la synthèse), aux Signes Mutables
(synthétiques ou doubles). L'auteur précise encore que les quatre Signes Mutables
synthétisent « l'immutabilité spirituelle et l'expansivité psychique dans
le composé corporel – à l’instar de la production du sel alchimique par l’union
du souffre et du mercure » (11). Le caractère commun des quatre Signes Mutables est
la capacité de transformation nécessaire pour passer à la triplicité suivante
selon la modalité de leurs éléments respectifs (12).
Dans le texte d'Ibn ‘Arabî, l’énumération des douze « Tours
zodiacales » (burûj) (13) s’ordonne à
partir du premier Ange qui est celui de la Balance ; c'est par la
détermination cardinale de celle-ci que la condition
temporelle de notre dernier cycle va en mesurer qualitativement l'espace. Cette
qualification agit naturellement sur les états et les modifications
transitoires que l'être sera amené à affronter durant son séjour terrestre, l’axe
des équinoxes représentant, comme nous venons de le voir, le plan de
réfraction des réalités supérieures pour notre monde (14). La distinction du cycle nocturne et diurne, qui sert de base à l’astrologie
lunaire, a son origine astronomique dans le secteur de la Balance, opposé au
point vernal, dont le temps cyclique est
évalué à 6000 ans, c'est-à-dire à la valeur 6, moitié des 12 (mille années), que
totalise le Signe du Bélier (15). Le départ du cycle zodiacal envisagé à partir
de la Balance n’est généralement guère compris. Il suffit pourtant de
considérer l'Unité fondamentale symbolisé par l’axe vertical qui se projette
simultanément dans la complémentarité bipolaire de ce premier axe
Bélier-Balance, symbolisant l'équilibre parfait de la Possibilité universelle
reflétée dans l'ordre manifesté. Considérer l’axe des équinoxes à partir du
Bélier ou de la Balance signifie que l'Unité (ahadiyyah), l’« Invariable milieu » du
système, permet le mouvement des révolutions planétaires à travers les douze
Signes sur la mesure des 360° du cercle écliptique correspondant, par exemple, à un grand cycle tel que
celui de notre humanité ou un cycle secondaire (de 180°) si l’on part de la
Balance (16).
Dans le parcours du cycle commençant avec le Bélier, le passage dans la Tour zodiacale de la Balance coïncide avec un « seuil » qui est la limite séparant la réalisation des « Petits Mystères » (17) de celle des « Grands Mystères » (18). Ainsi, les significations de la 14e Demeure, précédant immédiatement la Balance (et la déterminant par là même), signent les réalités spirituelles cachées dans le secret du « Sceau de la Prophétie » ; elles préfigurent la Descente spirituelle d’un nouveau cycle, en l’occurrence celui de l’Islâm, tandis que celles de la 28e Demeure symbolisent tout ce qui est en relation avec le « Sceau de la Sainteté mohammadienne », préfigurant quant à elle, la fonction du Mahdî qui s’achèvera à la fin de notre cycle humain.
NOTES
(1) La cosmologie en
relation avec le système zodiacal a été abordé par Guénon, ces notions sont
donc suffisamment connues ; d’autre part, « tout ce qui est dit
théologiquement des anges peut être dit métaphysiquement des états supérieurs
de l’être, de même que, dans le symbolisme astrologique du moyen âge, les
“cieux”, c’est-à-dire les différentes sphères planétaires et stellaires,
représentent ces mêmes états, et aussi les degrés initiatiques auxquels
correspond leur réalisation. » (L’Ésotérisme
de Dante, pp. 10 et 58-61). L'utilisation du système astronomique, selon
des intentions prédictionnelles, relevant de l’ « astromancie » n’est
pas prise en considération dans la présente étude. Nous recommandons à toutes
fins utiles les Clés spirituelles de
l'astrologie musulmane (Titus Burckhardt, Arche Milano, 1983) ;
Métaphysique de l'Astrologie
(Daniel Giraud, Veyrier, Paris, 1990); Abdelbaqî Meftah , Les Clés ontologiques et coraniques des Fuçûs
al-Hikam (traduction D. Tournepiche, Ed. Arma Artis, 2011).
(2) L’écliptique est une
bande large d’environ 30 degrés sur laquelle toutes les planètes du système
solaire effectuant leurs révolutions déterminent la mesure et le déroulement de
tous les cycles, du plus grand, qui comprend une révolution complète des 360 degrés
du Zodiaque, au plus petit, compris dans les 28-29 jours d’une révolution
lunaire ; voir Michel de Socoa, Les
grandes conjonctions (Éd. Traditionnelles, Paris 1975).
(3) C’est le premier
principe symbolisé par l’axe de l’Equateur. Le point central dans notre
représentation demeure immobile et indépendant du cercle représentant le lieu
astronomique, c’est-à-dire l’écliptique, sur lequel les planètes du système
vont effectuer leurs révolutions. Ce point central se déployant du Zénith au Nadir
correspond à l’axe vertical de la croix dont les pôles sont ici le Milieu du
Ciel et le Fond du Ciel.
(4) Elle se manifeste dans le mouvement de la
production des Signes : Les trois axes, successivement, Cardinaux, Fixes
et Mutables sont mis en relation par Burckardt avec le Mondus imaginalis.
(5) Les 360° totalisent 21
600 minutes soit 1 299 000 secondes ; la variation d'un degré sur le
cercle écliptique correspond à environ 48 heures (On doit tenir compte
d’une légère modification selon le pas journalier du Soleil, de la Lune, de
Vénus et Mercure).
(6) « (…) l’être a vers
son extérieur six côtés (correspondant aux six directions de l’espace dont il
occupe le centre), et le nombre six possède la perfection car il est le premier
nombre parfait (de la série des nombres entiers) parce que son sixième, son
tiers et sa moitié font six (autrement dit, ce nombre est égal à la somme de
ses diviseurs : 1 + 2 + 3 = 6)… » (Futûhat, chap. 362 - cité
en note par Michel Vâlsan - dans sa traduction de l’Épitre sur les facettes du cœur, d’Ibn ‘Arabî (Risâlah fî awjuhi-l-qalb).
(7) al-Karîm
signifie à la fois noble et généreux.
(8) mutaharrik : Mobile, c’est à dire qui se meut par lui-même ou encore Cardinal. Dans le
texte, ce terme qualifie l'Ange selon la Forme de la Balance.
(9) La formulation en arabe
est simplement : « Le deuxième Ange que Dieu a créé est sur le Signe
du Scorpion », c'est-à-dire qu'il régit ce Signe. Nous avons traduit par
l'Ange selon la forme de... suivi du Signe en question.
(10) Il y a ici une
allusion au processus de l'identification de l'être avec la manifestation, ce
qui est conforme à la signification cosmogonique du Taureau.
(11) Les clefs de l'Astrologie
musulmane, (pp. 25-29), et : F. Schuon, L’Oeil du Cœur, ch. III, Gallimard, 1950.
(12) L’« Imagination
créatrice » provient du « mode mutable » qui manifeste la
capacité plastique du Mondus
imaginalis .
(13) Toutes les traductions
françaises du Coran commettent la même erreur en traduisant par Les Constellations la
Sourate Al-Burûj, qui signifie précisément « Les
Signes zodiacaux ». Le terme de Constellation est d’autant plus mal choisi
qu’il ne désigne pas exclusivement le « Zodiaque
des fixes ».
(14) Allâh a « lancé » les cycles diurnes
et nocturnes dans le Temps de la Balance « En arrachant la nuit du jour
comme on arrache une peau, jetant ainsi les ténèbres comme un voile. » (Yâsîn, 37). C’est effectivement avec
l’axe des équinoxes qu’apparait la dualité ; voir à ce sujet l’article de
Guénon « Les deux nuits » (intégré dans l’ouvrage posthume Initiation et Réalisation spirituelle Ed.
Traditionnelles, 1953).
(15) Le Signe du Bélier totalise 12 000
années ; si l'on additionne successivement les 11 000 du Taureau, les
10 000 des Gémeaux et ainsi de suite jusqu’aux 1 000 des Poissons,
nous obtenons 78 000 années, soit environ trois Précessions des équinoxes.
Selon la théorie des cycles, une Grande Année est de 12 960 ans et le
Manvantara en contient 5. La durée cyclique des 12 burûj, selon Ibn 'Arabî,
correspond approximativement au total de 6 Grandes Années, c'est-à-dire 77 760
ans. Par ailleurs, la régression progressive de 1 000 années par Signe
correspond à l’accélération progressive du temps durant le déroulement
cyclique.
(16) La
réalisation spirituelle, ou plus précisément, l’Identité suprême qui en est
l’objet ultime n'est ni ascendante, ni descendante, mais une Réalité
indivisible Une et Absolue, c'est-à-dire Universelle. A ce degré (qui, en
réalité, est un « non-degré »), il n’est même plus question de
réalisation qui comporte encore, dans son ordre, la dualité de celui qui
réalise et de ce qui est réalisé. La prise de conscience dont il est question
ici se saisit directement, elle-même par elle-même ; son effectivité est
immédiate, sans association (shirk) et non localisable.
Ainsi, on peut dire que, de même que le Ciel du Soleil est situé au centre des
sphères (aflâk), de
même, la Lumière (al-nûr), reçue et portée par la Lune, symbolisant le
Principe, demeure immobile dans
« le Cœur secret du
Seigneur des mondes » (le Mystère des mystères, sir al-asrâr). L’Identité suprême ne se présente donc,
selon les deux phases, ascendante et descendante, que relativement à la manifestation
de la condition humaine, de la même façon que, relativement à la position que nous occupons actuellement dans notre
espace local, le soleil semble se lever ou se diriger vers son couchant bien
qu’il soit parfaitement immobile.
(17) Selon l'historien Julien, les Grands
Mystères étaient célébrés vers l'équinoxe d'automne, lors du passage du Soleil
dans la Balance. Quant aux Petits Mystères, ils avaient lieu vers l'équinoxe de
printemps (alors que le Soleil transite dans le Bélier) : « Il est juste de rendre un culte solennel au dieu qui s'éloigne et de lui
demander qu’il nous préserve de la puissance impie et ténébreuse » (Julien
contre Heraclius, p. 75, note 28 et p. 68, note 12 ; Sallustre le philosophe, Mario Meunier,
Éd. Véga, Paris 1931)
(18) Par conséquent, les « Grands
Mystères » sont en correspondance avec le cycle de la Balance et avec
celui de la Lune (descendante), allant de la 14e Demeure à la 28e.
*
* *
ANNEXE
Le
Signe de la Balance, Diurne, (masculin, impair), est le seul Signe Cardinal,
déterminé par l’élément Air, premier élément produit dans l’Ether (Akasha). Dans l’article inachevé,
« Les conditions de l’existence corporelle »*, Guénon avait
entreprit un commentaire cosmologique à partir du Samkhya et défini la
production de l’élément Air. Considérant ce texte, C. A. Gilis prétend que l’auteur
de La Grande Triade aurait été
embarrassé pour le terminer en raison de l’importance majeure que tient
l’élément Eau dans la tradition islamique. Cette assertion résulte d’une
confusion de plan entre la production des éléments conditionnant l’existence
corporelle et la constitution interne de la Révélation coranique. Ses propos
hasardeux ne tiennent pas compte du rigoureux processus cosmogonique décrit par
Guénon. C’est bien, en effet, par l’élément Air que l’Islâm, en tant que forme traditionnelle,
descend dans notre cycle terminal par le Signe de la Balance inaugurant un cycle
secondaire de nature récapitulative et sigillaire :
« Âkâsha, l’Éther, qui est considéré
comme l’élément le plus subtil est celui dont procèdent tous les autres
(formant, par rapport à son unité primordiale, un quaternaire de
manifestation), occupe tout l’espace physique, ainsi que nous l’avons dit (1) ; pourtant ce
n’est pas immédiatement par lui que cet espace est perçu, sa qualité
particulière n’est pas l’étendue, mais le son ; ceci nécessite quelque
explication. En effet, l’Éther, envisagé en lui-même, est primitivement
homogène ; sa différenciation, qui engendre les autres éléments (en commençant
par l’Air), a pour origine un mouvement élémentaire se produisant, à partir
d’un point initial quelconque, dans ce milieu cosmique indéfini. Ce mouvement
élémentaire est le prototype du mouvement vibratoire de la matière physique ;
au point de vue spatial, il se propage autour de son point de départ en mode
isotrope, c’est-à-dire par des ondes concentriques, en vortex hélicoïdal
suivant toutes les directions de l’espace, ce qui constitue la figure d’une
sphère indéfinie ne se fermant jamais. Pour marquer déjà les rapports qui
relient entre elles les différentes conditions de l’existence corporelle,
telles que nous les avons précédemment énumérées nous ajouterons que cette
forme sphérique est le prototype de toutes les formes : elle les contient
toutes en puissance, et sa première différenciation en mode polarisé peut être
représentée par la figuration de l’Yn-yang,
ainsi qu’il est facile de s’en rendre compte en se reportant, par exemple, à la
conception symbolique de l’Androgyne de Platon.
Le mouvement,
même élémentaire, suppose nécessairement l’espace, ainsi que le temps, et l’on
peut même dire qu’il est en quelque sorte la résultante de ces deux conditions,
puisqu’il en dépend nécessairement, comme l’effet dépend de la cause (dans laquelle
il est impliqué en puissance) (2) ; mais ce n’est pas le mouvement élémentaire,
par lui-même, qui nous donne immédiatement la perception de l’espace (ou plus
exactement de l’étendue). En effet, il importe de bien remarquer que, quand
nous parlons du mouvement qui se produit dans l’Éther à l’origine de toute
différenciation, il ne s’agit exclusivement que du mouvement élémentaire, que
nous pouvons appeler mouvement ondulatoire ou vibratoire simple (de longueur
d’onde et de période infinitésimales), pour indiquer son mode de propagation
(qui est uniforme dans l’espace et dans le temps), ou
plutôt la représentation géométrique de celui-ci ; c’est seulement en
considérant les autres éléments que nous pourrons envisager des modifications
complexes de ce mouvement vibratoire, modifications qui correspondent pour nous
à divers ordres de sensations. Ceci est d’autant plus important que c’est
précisément sur ce point que repose toute la distinction fondamentale entre les
qualités propres de l’Éther et celles de l’Air. »
(…)
« Vâyu est
l’Air, et plus particulièrement l’Air en mouvement (ou considéré comme principe
du mouvement différencié (3)
car ce mot, dans sa signification primitive, désigne proprement le souffle ou
le vent) (4) ; la mobilité est
donc considérée comme la nature caractéristique de cet élément, qui est le
premier différencié à partir de l’Éther primordial (et qui est encore neutre
comme celui-ci, la polarisation extérieure ne devant apparaître que dans la
dualité en mode complémentaire du Feu et de l’Eau). En effet, cette première différenciation
nécessite un mouvement complexe, constitué par un ensemble (combinaison ou
coordination) de mouvements vibratoires élémentaires, et déterminant une
rupture de l’homogénéité du milieu cosmique, en se propageant suivant certaines
directions particulières et déterminées partir de son point d’origine. Dès que
cette différenciation a lieu, l’espace ne doit donc plus être regardé comme
isotrope ; il peut, au contraire, être rapporté alors à un ensemble de
plusieurs directions définies, prises comme axes de coordonnées, et qui,
servant à le mesurer dans une portion quelconque de son étendue, et même,
théoriquement, dans la totalité de celle-ci, sont ce qu’on appelle les
dimensions de l’espace. »
[En note] :
(1) « L’Éther, qui est
répandu partout, pénètre en même temps l’extérieur et l’intérieur des
choses » (citation de Shankarâchârya, dans Le Démiurge, chap. 1, Ière
partie du présent livre, p. 9).
(2) Cependant, il est bien
entendu que le mouvement ne peut commencer, dans les conditions spatiale et
temporelle qui rendent sa production possible, que sous l’action (activité
extériorisée, en mode réfléchi) d’une cause principielle qui est indépendante
de ces conditions.
(3) Cette différenciation
implique avant tout l’idée d’une ou plusieurs directions spécialisées dans
l’espace (…).
(4) Le mot Vâyu
dérive de la racine verbale vâ,
aller, se mouvoir (qui s’est conservée jusqu’en français : il va, tandis
que les racines î et gâ, qui se rapportent à la même idée, se
retrouvent respectivement dans le latin
ire et dans l’anglais to go). »
*Cf. René Guénon ; Mélanges, chap. IV (Première parution dans La Gnose, n° de janvier 1912).
* * *
Les
correspondances de la 14e Demeures selon les Fuçûç al-hikam d’Ibn ‘Arabî * :
ﻥ
Façç de la Demeure 14 – ‘Uzaîr
Lettre : nûn
Nom : al-nûr,
« La Lumière ».
Sagesse « Providentielle », qadiriyyah.
Sphère « Ciel du Soleil », Samâ’ al-shams (Demeure d’Idrîs) ; Cœur du Monde, Cœur de
l’Homme, Cœur des Sphères.
Le
« Vrai », al-haqq,
« prépare une forme » en lui insufflant l’Esprit. Le shaykh al-akbar
compare l’esprit avec le soleil. Le Vrai, al-haqq,
a rattaché le lever du soleil au souffle (nafas)
de la vie par sa parole :
« Par
l’aube quand elle respire (tanafassa). »
(Al-Takwîr,
18)
« La Lumière », al-nûr, vivifie la forme en la faisant apparaitre à elle-même ; elle lui fait connaître son Seigneur. Ce degré est celui du Cœur, le pôle d’entre les degrés de la Manifestation. La présence du « Pôle dans le monde » se situe dans le quatrième Ciel, celui du Soleil (Idrîs). Il y a, dans le façç de la Sagesse du verbe de ‘Uzaîr, le secret du qadâ’a et du qadar (1).
La Demeure
se nomme al-simâk, (l’épi) ; elle va de 17° 8’
37 ” au 30ème degré de La Vierge (al-sunbulah).
(1) Ibn
‘Arabî commence ce façç par la
définition même du qadâ’a et du qadar :
« Sache
que le qadâ’a est le pouvoir d’Allâh dans les choses. Le pouvoir d’Allâh dans les choses est défini par la
science de ces choses et la science interne à ces choses. La science d’Allâh dans les choses Lui est donnée par
ces connaissances, en Lui-même ; le qadar
est la détermination du moment de leur apparition approprié à ce qu’elles sont en essence. »
« Le
secret de la prédestination dépend de la modalité du rapport entre la puissance
divine et celui qui la subit, et, l’être conditionné (al-makhlûq) n’en a aucune connaissance intuitive (dhawq) » ; Le shaykh précise
encore : « Le Décret divin, al-qadar,
est fixation du moment assigné aux choses elles-mêmes et rien de plus. »
(Meftah, p. 115-116)
« C’est
la sourate Al-’Âdiyât, “Les Chevaux qui galoppent” (C., 100),
correspondant à la position centrale de ce façç,
selon son cinquième verset disant : “Puis elles se placent ensemble au
milieu”, et au Nom divin “La Lumière” qui alimente le soleil de ce chapitre
suivant son deuxième verset : “Celles qui font jaillir des étincelles en
frappant [le sol de leurs sabots]”. » (Ibid.,
p.231)
« En ce qui concerne le rapport de la sourate “Les Chevaux qui galopent” avec al-qadar, le secret du Décret divin, et al-qada’, la Prédestination, qui constitue le sujet principal de ce façç, il apparait dans les mots suivants qu’elle contient : ’Âdiyât, murîyât, mighîrât*. » (Ibid., p. 232)
* Qui
galopent (haletant), qui font jaillir des étincelles, qui attaquent.
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