LE « SCEAU DE SALOMON »
ET
LA CROIX HORIZONTALE
La représentation
cruciforme des points cardinaux est la plus adéquate pour figurer
symboliquement les grades chevaleresques auxquels Guénon a consacré le chapitre
III de L’Ésotérisme de Dante,
c’est-à-dire Vénus (Est) pour le Prince de Mercy (26ème degré),
Mercure (Nord) pour le Chevalier du Soleil (28ème degré), Mars
(Ouest) pour le Grand Écossais de Saint André ou Patriarche des Croisades (29ème
degré) et Jupiter (sud) pour le « nec plus ultra » : le
chevalier de l’Aigle blanc et noir ou Kadoch (30èmedegré) .
Ceci étant dit, Guénon n’a pas confirmé la correspondance établie par Aroux
entre le Soleil et le « Grand Architecte » (12ème) ou le
Noachite (21ème), et tout indique que c’est en réalité le Sublime
Prince du Royal Secret, c’est-à-dire le 32ème degré, qui constitue,
en quelque sorte, la « clef de voute » de la Maçonnerie noire.
Du reste, le 31ème
et le 33ème degré représentent un développement du 32ème qui
leur est antérieur. Sur ce grade on pourrait renvoyer aux indications suivantes
de Guénon :
« Dans l’initiation à la Tien-ti-houei, le
néophyte, après être passé par différentes étapes préliminaires, dont la
dernière est désignée comme le “Cercle du Ciel et de la Terre” (Tien-ti-kiuen),
arrive finalement à la “Cité des Saules” (Mou-yang-tcheng), qui est aussi appelée la “Maison
de la Grande Paix” (Tai-ping-chouang). Le
premier de ces deux noms s’explique par le fait que le saule est, en Chine, un
symbole d’immortalité ; il équivaut donc à l’acacia dans la Maçonnerie, ou
au “rameau d’or” dans les mystères antiques ;
et, en raison de cette signification, la “Cité des Saules”
est proprement le “séjour des Immortels”.
Quant à la seconde dénomination, elle indique aussi clairement que possible
qu’il s’agit d’un lieu considéré comme “central”, car la “Grande
Paix” (en arabe Es-Sakînah) est la même chose que la Shekinah
de la Kabbale hébraïque, c’est-à-dire la “présence divine”
qui est la manifestation même de l’“Activité du Ciel”,
et qui, comme nous l’avons déjà dit, ne peut résider effectivement que dans un
tel lieu, ou dans un “sanctuaire”
traditionnel qui lui est assimilé. Ce centre peut d’ailleurs représenter,
d’après ce que nous venons de dire, soit celui du monde humain, soit celui de
l’Univers total ; le fait qu’il est au-delà du “Cercle du Ciel
et de la Terre” exprime, suivant la première
signification, que celui qui y est parvenu échappe par là même au mouvement de
la “roue cosmique” et aux vicissitudes du yin et
du yang, donc à l’alternance des vies et des morts qui en est la
conséquence, de sorte qu’il peut être dit véritablement “immortel” (1) ; et, suivant la seconde
signification, il y a là une allusion assez explicite à la situation “extra-cosmique”
du “faîte du Ciel” » (2).
Mais ce qui est
peut-être encore plus remarquable, c’est que le passage – au moins
théorique – d’un grade à l’autre s’effectue en ayant le centre à gauche, comme
dans le voyage de Dante qui commence à l’équinoxe du Printemps, c’est-à-dire à
l’Est, correspondant ici au « Prince de Mercy » auquel Guénon attache
une importance toute particulière (3).
D’après Guénon,
« L’union du “Ciel” et de la “Terre” est la
même chose que l’union des deux natures divine et humaine dans la personne du
Christ, en tant que celui-ci est considéré comme l’“Homme Universel”. Parmi les
anciens symboles du Christ se trouve l’étoile à six branches, c’est-à-dire le
double triangle du “sceau de Salomon” ; or, dans le symbolisme d’une école
hermétique à laquelle se rattachaient Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin,
le triangle droit représente la Divinité, et le triangle inversé la nature
humaine (“faite à l’image de Dieu”, comme son reflet en sens inverse dans le “miroir
des Eaux”), de sorte que l’union des deux triangles figure celle des deux
natures (Lâhût et Nâsût dans l’ésotérisme islamique) » (4). « D’autre
part, le “Ciel” et la “Terre” étant deux principes complémentaires, l’un actif
et l’autre passif, leur union peut être représentée par la figure de l’“Androgyne” » (5)
qui est
symbolisé en Islam par le couple Adam wa
Hawâ (Adam et Eve) dont la valeur numérique (45 + 6 + 15) est identique à
celle du Nom Allâh (66) et qui
s’inscrit également dans le « Sceau de Salomon » (6).
Dans cette
nouvelle figure, l’axe solsticial, représenté par les lettres wâw et dal et qui est en relation avec Moïse (Jupiter) et le Christ
(Mercure), évoque par la lecture de droite à gauche la notion de Remède (dawa) et par la lecture de gauche à
droite celle d’Amour (wadd). La
valeur numérique de ce dernier mot (6 + 4) est également celle de la lettre yâ et de la racine hubb
(8 + 2) qui, plus généralement que l’idée d’amour, évoque celle
d’« attachement » dans le sens de la racine sanskrite bagha dont est dérivé le terme
Bhagavad-Gîta, le traité du « Chant Glorieux » (7) ; et qui doit
être considéré comme un « attachement » informel, similaire à la
manière dont l’aspiration (Himma) est
« attachée » à Allâh, car prâna lui-même, au sens universel, est
« identifié en principe avec Brahma
même » (8).
L’axe équinoxial
évoque le pouvoir de vie (Hayat) et
de mort (Mawt) ; et dans le
voyage de Dante, l’ouest correspond au Mont du Purgatoire, c’est-à-dire à
l’entrée des Cieux (9)
tandis que la « seconde naissance » est une régénération psychique
assimilée à une « mort » (Est). La lecture de gauche à droite fait
allusion à l’effacement (Mawh) qui
est une racine coranique (Cor. XIII, 39 – cf. Marie
en Islam, p. 45). Seulement la lettre mîm
est aussi la finale du nom d’Adam et la lettre hâ l’initiale du nom d’Ève, c’est-à-dire que l’axe équinoxial
représente une transposition symbolique de l’Androgyne primordial ;
transposition qui semble confirmée par la valeur numérique du vocable HÂ (8 + 1)
MYM (40 + 10 + 40) qui est aussi le nombre des attributs d’Allâh (99) (10).
Contrairement
aux dires de certaines prétentions sectaires, le Triangle de l’Androgyne est
connu en Occident depuis le début du XVIIè siècle et sa
correspondance avec les lettres hébraïques d’Adam et Ève a fait l’objet de
plusieurs études dans les milieux occultistes. Toutefois, on peut remarquer que
les lettres arabes qui s’inscrivent dans la croix horizontale de cette figure
(MHWD) évoquent le nom paradisiaque du Prophète de l’Islam, c’est-à-dire Mahmûd.
La lettre mîm est en rapport avec les mystères de
la Merkaba dans la tradition
hébraïque et elle est aussi l’initiale du nom Mahdî, qui chez les Chiites est comparé à Yûsuf parce qu’il est reconnu par ses frères. En arabe, la lettre Mîm (Muhammad)
occulte la lettre Yâ (Yûsuf) qui occulte la lettre Alif (Adam) et elle est en relation avec l’adaptation cyclique du Dîn Qayyûm, c’est-à-dire l’équivalent
islamique du Sanâtana Dharma hindou (11). Mais d’un
point de vue initiatique, les trois prophètes correspondent aussi aux trois
conditions d’Atmâ : l’état de
veille ou la condition de Vaishwânara correspond
à Adam, l’état de rêve ou la
condition de Taijasa correspond à Yûsuf et l’état de sommeil profond ou la
condition de Prâjna correspond à Mohammad, en tenant compte de la
doctrine du « retournement » (12). Enfin, pour
compléter ces quelques indications sur le « Sceau de Salomon »,
signalons encore que d’après Ibn Arabî, l’Imâm de gauche régit le domaine de la
lune (Adam), de Mercure (‘Aisâ) et de Vénus (Yûsuf), et l’Imâm de droite celui
de Mars (Harûn), de Jupiter (Mûsâ) et de Saturne (Ibrahîm) (13). À cet égard,
dans le triangle de l’Androgyne, la droite est en relation avec les lettres HWA
et la gauche avec les lettres ADM : c’est-à-dire que le domaine céleste
(droite) est féminin (yin) et le
domaine terrestre (gauche) masculin (yang).
D’autre part, comme l’axe équinoxial est en rapport avec le « pouvoir des
clés » les trois fonctions suprêmes peuvent y être transposées : Adoni-Tsedeq correspond à Mars (29ème
degré) et au domaine céleste (droite) ; Kohen-Tsedeq au Soleil (32ème degré) et au domaine
intermédiaire ; et Melki-Tsedeq
à Venus (26ème degré) et au domaine terrestre (gauche). En effet la
Balance est le signe zodiacal où trône Vénus et à cet égard Guénon fait
remarquer :
« Il y aurait lieu d’examiner aussi le rapport
qui peut exister entre la Balance polaire et la Balance zodiacale ; celle-ci
est d’ailleurs regardée comme le “signe du Jugement”, et ce que nous avons dit
précédemment de la balance comme attribut de la Justice, à propos de Melki-Tsedeq,
peut faire comprendre que son nom ait été la désignation du centre spirituel
suprême » (14).
NOTES
(1) « Ce n’est encore, pour
l’“homme véritable”, que l’immortalité virtuelle, mais qui deviendra pleinement
effective par le passage direct, à partir de l’état humain, à l’état suprême et
inconditionné » (La Grande Triade).
(2) Ibid., ch. XXV, p. 166-167. Suivant le Tuileur de Vuillaume, la loge du 32ème
degré « se tient dans un lieu élevé ». Rappelons que les grades
chevaleresques sont le vestige de l’initiation royale. D’autre part, il n’est
pas improbable que la transmission des Hauts-grades permettent aux Maçons de
participer à la « caste » des Kshatriyas
pour ceux qui ne le sont pas de naissance, ce qui, en raison des possibilités
spirituelles qu’offre cette « caste », ne devrait pas les laisser
indifférents.
Toute
fonction initiatique, par son « orientation » est subordonnée à la
hiérarchie à laquelle elle appartient, ce qui ne devrait pas l’empêcher de
faire preuve d’une certaine « autonomie » (swarâj) qui « consiste, pour un roi, à ne pas se laisser
gouverner par la multitude de ceux qui doivent lui être subordonnés, et de
même, pour chacun, de ne pas se laisser gouverner par les éléments inférieurs
et contingents de son être » (Études
sur l’Hindouisme, p. 198). Seulement une « affirmation volontaire
d’autonomie (…) peut encore suivant l’usage qu’il [le kshatriya] en fera, l’écarter du but aussi bien que l’y conduire.
Le danger, en effet, est ici que la “puissance” ne soit recherchée pour
elle-même et ne devienne ainsi un obstacle au lieu d’être un appui, et que
l’individu n’en arrive à se prendre pour sa propre fin (…) ce que nous venons
de dire ne concerne que la “voie” comme telle , non le but qui, en réalité,
insistons-y encore, est toujours le même et ne peut en aucun cas être autre que
la connaissance, puisque ce n’est que par celle-ci et dans celle-ci que l’être
se “réalise” véritablement dans toutes ses possibilités » (Ibid. p. 93-94). Suivant Tilak, le swarâj, « c’est une vie centrée sur
le Soi et dépendante du Soi. Il y a un swarâj
dans ce monde-ci comme il y en a un dans l’“autre” » et Guénon dit
également : « (…) toute adoration du “Suprême” n’est elle-même, au
fond, pas autre chose qu’une forme de la recherche du “Soi” » (Ibid., p. 178) ; « (…) il
appartient au souverain de donner aux choses leurs “dénominations concrètes”,
aussi le Roi ne peut-il jamais parler à sa fantaisie ou selon ses désirs, mais
il ne doit le faire que conformément à l’ordre, c’est-à-dire à la volonté du
principe dont il tient sa légitimité et son “droit divin” » (Ibid., p. 196-197).
(3) L’Ésotérisme
de Dante, ch. VIII.
(4) Le
Symbolisme de la Croix,
ch. XXVIII, p. 188, n. 1.
(5) Ibid.,
p. 189.
(6) Ibid.,
ch. III, p. 31et ch. VI,
p. 55. « C’est l’homme “fait à l’image de Dieu”, ou plus exactement d’Elohim,
c’est-à-dire des puissances célestes, et
qui d’ailleurs ne peut être réellement tel que s’il est l’“Androgyne” constitué
par le parfait équilibre du yang et du yin. Suivant les paroles
mêmes de la Genèse (I, 27) : “Elohim créa l’homme à Son image
(littéralement “Son ombre” [Tselem]*, c’est-à-dire Son
reflet) ; à l’image d’Elohim Il le créa ; mâle et femelle”, ce qui se traduit dans l’ésotérisme islamique par l’équivalence
numérique de Adam wa Hawâ avec Allah » (La Grande Triade, ch. IX, p. 70, n. 1). L’équivalent
islamique d’Elohim est Allahumma dont la valeur numérique (106)
est identique à celle du vocable nûn (50 + 6 + 50). Guénon a également
souligné que le nombre septénaire qui est attribué aux Elohim et qui
concerne aussi Allahumma (1 + 0 + 6 = 7) « est en rapport avec la
constitution des organisations initiatiques » à propos de la vibration
initiale (Fiat lux) « qui illumine le chaos » et qui est
« communiqué par les puissances spirituelles que la Genèse hébraïque
désigne comme les Elohim » (Aperçus sur l’initiation,
ch. IV, p. 34). Le pronom de la 3ème personne du pluriel (Humma)
qui est affixé à Allâh est aussi une racine arabe qui désigne l’aspiration (Himma)
et qui est homophone avec les mots Homo, Humus, et Humanus
dont Guénon a parlé dans son étude sur Adam (Formes traditionnelles et
cycles cosmiques, p. 56). La valeur numérique du nom du père de l’humanité
(45) est identique à celle du terme Himma (5 + 40). Cette
« aspiration », c’est « la respiration considérée comme
ascendante dans sa phase initiale (prâna au sens strict de ce
mot) » (L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, p. 85-86).
C’est
à l’élite « qu’il appartient avant tout d’“aspirer” à l’initiation » (Aperçus
sur l’initiation, ch. XLIII, p. 275) et celle-ci réside dans l’incantation :
« Par (…) “incantation”(…) il faut
entendre essentiellement une aspiration de l’être vers l’Universel, ayant pour
but d’obtenir une illumination intérieure, quels que soient d’ailleurs les
moyens extérieurs, gestes (mudrâs), paroles ou sons musicaux (mantras),
figures symboliques (yantras) ou autres, qui peuvent être employés
accessoirement comme support de l’acte intérieur, et dont l’effet est de
déterminer des vibrations rythmiques qui ont une répercussion à travers la
série indéfinie des états de l’être » ; cela n’a rien de comparable « avec un acte religieux tel que la
prière » (L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, p.
164, n. 4 ; voir aussi Aperçus sur l’initiation, ch. XXIV). Dans Le
Roi du Monde, au chapitre intitulé « Le Centre suprême caché pendant
le Kali-Yuga », Guénon précise « On doit donc, comme nous le disions déjà précédemment,
parler de quelque chose qui est caché plutôt que véritablement perdu, puisqu’il
n’est pas perdu pour tous et que certains le possèdent encore intégralement ;
et, s’il en est ainsi, d’autres ont toujours la possibilité de le retrouver,
pourvu qu’ils le cherchent comme il convient, c’est-à-dire que leur intention [niyah] soit dirigée de telle sorte que,
par les vibrations harmoniques qu’elle éveille selon la loi des “actions et
réactions concordantes”, elle puisse les mettre en communication spirituelle
effective avec le centre suprême ». La niyah
c’est l’intention « par laquelle toutes les puissances de l’être doivent
être dirigées vers le Principe divin » (Symboles de la Science sacrée, ch. VIII, p. 74-75).
* Inna-l-Wujûd
fî sûrat al-haqq : la
manifestation est dans la substance non-manifestée (prakriti) :Tselem ꞊ Zhilm ꞊ Forme (Sura).
(7)
Études sur l’Hindouisme, p. 9, n. 4.
Les deux lettres H et B, constitutives
du terme Hubb, sont en relation archéométrique
avec la Sphère de la Lune dont le croissant évoque le symbolisme de la coupe et
du cœur. Ce dernier est également en relation avec « l’“athanor hermétique”, le Vase où
s’accomplit le “Grand Œuvre” (…) [dont] le feu invisible qui y est entretenu
perpétuellement correspond à la chaleur vitale qui réside dans le cœur » (Symboles de la science sacrée, ch. III, p. 29, n. 1).
L’Athanor arabe (at-tannûr) est
mentionné deux fois dans le Coran (11,
40 et 23, 27) à propos de l’épisode du Déluge qui se produisit sous le
signe zodiacal du Cancer, régit par la Lune (cf. Le dévoilement des
effets du voyage, traduit par D. Gril, p. 41), et qui correspond au
« “fond des eaux”, c’est-à-dire, au sens cosmogonique, au milieu
embryogénique dans lequel sont déposés les germes du monde manifesté, germes
correspondant dans l’ordre “macrocosmique”, au Brahmânanda ou “Œuf du monde”, et, dans l’ordre “microcosmique”, au
pinda, prototype formel de
l’individualité préexistant en mode subtil dès l’origine de la manifestation
cyclique, comme constituant une des possibilités qui devront se développer au
cours de cette manifestation » (Symboles
de la science sacrée, ch. XIX, p. 135) ; « Ajoutons, à ce propos,
que l’“oeuf philosophique”, qui joue manifestement le rôle de l’“Œuf du Monde”,
est enfermé à l’intérieur de l’athanor, mais que celui-ci peut être
lui-même assimilé au “cosmos”, et ceci dans la double application macrocosmique
et microcosmique ; la caverne pourra donc aussi être à la fois identifiée
symboliquement à l’“œuf philosophique” et à l’athanor, selon qu’on se
référera, si l’on veut, à des degrés de développement différents dans le
processus initiatique, mais en tout cas sans que sa signification fondamentale
en soit aucunement altérée » (Symboles
de la science sacrée, ch. XXXIII, p. 215). Selon l’interprétation du
Compagnon ‘Alî, at-tannûr
signifie « l’illumination de l’aurore » (tannûr as-subh) et Ibn ‘Arabî dit pour sa part que « l’Eau du
Feu voilà pour eux le four (tannûr)
et ils ne comprirent pas qu’il s’agissait de la lumière (nûr) à laquelle s’était ajouté le tâ’ de l’achèvement (tamân)
de la constitution humaine par l’existence du corps. La lumière devint “four”,
c’est-à-dire une lumière accomplie dans le monde du Royaume (Mulk), la lumière du ta’ (nûr
at-ta’) et son lieu de manifestation » (Ibn Arabî, op. cit., p. 44). Comme le signe du
Cancer correspond au solstice d’été et à la « Voie des ancêtres » (Pîtri-Yâna) on peut trouver ici
l’indication d’une « adaptation cyclique » de la « Voie de la
Terre » ; et il serait intéressant de savoir à quoi correspond,
précisément, « la lumière du Ta’ (nûr
at-tâ’) car la valeur numérique de son « illumination » (tanwîr) est 666 et qu’il y a tout lieu
de penser que cette doctrine est en relation avec l’occultation de l’Agharttha.
D’après l’enseignement kabbalistique, le patriarche Joseph est né sous le signe
du Cancer, ce qui peut être symbolisé par sa relation avec le puits creusé par
Sem, selon la tradition arabe, et dans le roman ésotérique qui lui est
consacré dans la tradition chrétienne. C’est également au solstice d’été qu’il
arrive à Héliopolis. En outre, le symbolisme de la lumière du Tâ’ n’est pas sans évoquer celui des
144 000 Èlus qui, selon Tamos, sont « marqués du Tau, signe de l’agneau (ou du Swastika,
signe d’Agni) ».
(8)
L’Homme
et son devenir selon le Vêdânta, p. 79.
(9)
L’Esotérisme de Dante, p.64-65.
(10)
Sur
le triangle de l’Androgyne : L’Islam
et la fonction de René Guénon, ch. VII, et C-A. Gilis, Les Sept Etendards du Califat, ch. XXIV.
(11) L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 154-156. Le
patriarche Joseph est considéré comme un précurseur du Christ chez les
Chrétiens. À propos du Graal, qui est un vase (grasale) et aussi un livre (gradale
ou graduale), Guénon écrit : « ce qu’il y a aussi de très
remarquable à ce point de vue, c’est que latradition biblique fait mention d’une
“coupe oraculaire”, celle de Joseph(Genèse, XLIV, 5), qui pourrait, sous
ce rapport tout au moins, être regardée comme une des formes du Graal lui-même ;
et, chose curieuse, il se trouve que c’est précisément un autre Joseph, Joseph
d’Arimathie, qui est dit être devenu le possesseur ou le gardien du Graal et
l’avoir apporté d’Orient en Bretagne » (Symboles de la science sacrée, ch. LIV, p. 275).
Joseph est le « fils de la
gauche » par rapport à Ben Yamîn (le fils de la droite) et il est vendu au
rabais (Cor. 3, 77, 16, 95). Selon Aicha’h, l’épouse du Prophète de l’Islam,
« la nature de Muhammad c’est le Coran » ; et selon Ibn Arabî,
« Sayyidunâ Muhammad est désigné comme étant la Perle Blanche (ad-Durat al-Baydâ’) qui descend sur
l’Hyacinthe Rouge (al-Yâqût al-Hamra) »
qui désigne Joseph*
(cf.L’Islam et la fonction de René Guénon,
p. 89 et 189) ainsi que la Tente du Paradis qui était la demeure d’Adam à la
Mekke (cf. C-A Gilis : La Doctrine initiatique du Pèlerinage, p. 72).
La fonction oraculaire de Joseph est
désignée chez les hébreux par l’expression Tsaphnath-Phénéakh
(interprète des choses cachées) ; le récit coranique est plus nuancé sur
ce point car Yûsuf reçoit comme Muhammad « l’interprétation des
adaptations » (tâwîl al-ahâdith)
(Cor. 12, 10), mais, il ne s’agit pas d’une « puissance déléguée par le
Pharaon » (Portal ; Les
Symboles Égyptiens, p. 102) qui lui confère celle d’Amîn.
La coupe de Joseph est faite d’argent
selon la tradition biblique, et d’or suivant la tradition arabe. Dans le Coran,
Joseph la fait mettre dans le sac de Benjamin afin de le garder près de lui
sous prétexte qu’il est un voleur, mais vraisemblablement, il ya là quelque
chose qui ressemble à une forme d’« investiture » (Cor. XII,
75) ; et on sait que Joseph est le premier à « sédentariser »
les Juifs à Gessen. Le terme arabe qui désigne le sac, rahi ,est de la même racine que les mots qui désignent les
« nomades » (rahilûn) et
Rachel (Râhil), c’est-à-dire la mère
de Joseph et Benjamin qui, suivant Saint Augustin, représente la vie
contemplative par rapport à Léa (Autorité
et pouvoir temporel, note finale) ; or c’est Rachel qui, suivant les
hébreux, aurait volé les teraphim de
Laban, tandis que selon les arabes, c’est Joseph qui aurait commis le vol sur
l’ordre de sa mère (cf. L’histoire de
Joseph selon un manuscrit oriental de Faïka Croisier, p. 20 et 217).Laban a le même sens qu’ albus (blanc) dont le féminin en hébreu
(lebanah) sert à désigner la
lune ; en latin, luna peut
signifier à la fois « blanche » et « lumineux » (Le Roi du Monde, p. 85, n. 4) et il est
curieux de remarquer que la valeur numérique du terme arabe désignant la lumière
(nûr) correspond au chapitre des Futâhât qui traite de l’Apparition
lunaire (ch. 256).
À propos du symbolisme de la coupe,
Michel Vâlsan note que « selon des commentateurs coraniques, la Sakinah,
la Présence divine, qui se trouve dans le Tâbût ou l’Arche d’Alliance (Cor. II,
248 [en dehors de cette allusion aux hébreux, la Sakinah est mentionnée 5 fois dans le Coran]) aurait eu la forme
d’un Vase en or provenant du Paradis et dans lequel était lavé le cœur des
prophètes. On peut rattacher à cette donnée traditionnelle le fait raconté de
l’enfance du Prophète [de l’Islam]. Un jour qu’il gardait les brebis deux
hommes vêtus de blanc vinrent, le prirent, lui ouvrirent la poitrine, en
retirèrent le cœur, l’ouvrirent, en retirèrent un grumeau noir ; après ils
lui lavèrent et purifièrent le cœur dans un Vase en or rempli de neige, etc. …
Autre fait analogue est la purification du cœur qui qui précéda l’Ascension
nocturne : Les anges Gabriel et Michel lavèrent le cœur du Prophète avec
de l’eau de Zemzem et le remplirent ensuite de Foi et de Sagesse qu’ils avaient
apportés dans un Vase d’Or » (cité par C-A Gilis in Textes sur le jeûne (Alger, 1989) et Études Traditionnelles, 1962,
p. 35-37). Ce qui nous parait important de signaler ici c’est le caractère
« céleste » du symbolisme de la coupe.
* la Perle Blanche
et la Hyacinthe Rouge correspondent respectivement à l’« Œuvre au
blanc » et l’« Œuvre au rouge » (G.T., ch. XII, p. 86, n. 2 ; p. 89, n. 1 ; ch. XVIII, p.
128). L’Emeraude verte est en relation avec les préadamites (la pierre tombée
du front de Lucifer et le personnage de Khidr) et la Hyacinthe Rouge est
en relation avec le tajallî adh-dhâti
(Futûhât, ch. II, section 3, trad. Vâlsan. ;
Palacios, p. 245-251-594-206-207-329).
(12)
L’Homme
et son devenir selon le Vêdânta, ch.
XII-XIII-XIV. Selon la tradition kabbalistique, l’Adam que le souffle de Dieu
n’a pas encore atteint est appelé golem et Muhammad était qualifié de ghulâm
alors que « l’inspiration divine n’était pas encore descendue sur
lui » (C-A Gilis : La Doctrine initiatique du Pèlerinage, p.
91 – à 35 ans précise l’auteur, c’est-à-dire à l’âge où Dante entame son
« voyage »). La notion de ghulâm correspond à la nature
adamique et à celle hindoue de jâti qui désigne à la fois
« naissance », « espèce » et « nature
spécifique ». L’espèce est ce qui est du côté de « la forme ou de
l’essence », tandis que les individus sont « du côté de la matière et
de la substance » (Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps,
ch. I et VI). Elle caractérise le nom (nama) qui désigne l’essence
individuelle – ce qui renvoie au symbolisme de l’Éther, de la qualité auditive
(Introduction à l’étude des doctrines hindoues, ch. VI) et de la « science
adamique » (Les sept Étendard du Califat, ch. IX), et elle est
également en rapport avec la notion de lignage spirituel (Études sur
l’Hindouisme, p. 187).
Dans le Coran, l’insufflation de l’esprit est désignée par la racine nafakha
(Cor. XV, 29) qui exprime aussi l’action de souffler dans la trompette (Cor.
XVIII, 99) dont le terme arabe çur évoque celui qui désigne la forme (Çûra).
Une autre correspondance peut être établie avec la racine Çar dont la valeur
numérique (90 + 200) est identique à celui du nom Maryam
(40 + 200 = 40) la mère du ghulâm ‘Aîsa :
« Et Nous insuflâmes (fa-nafakhnâ) dans son corps [ou en elle] de
Notre esprit » Cor. XXI, 91 ; LXVI, 12) (cf. L’Arbre du Monde
attribué à Ibn Arabî et traduit par M. Gloton, n.69, p. 159). la relation entre
cette racine et le ghulâm est indiqué par le cri (Çarrat) poussée
par l’épouse d’Abraham (Sarah) à l’annonce de la naissance d’un ghulâm (Isaac)
(Cor. LI, 29) ; la racine Çar redoublée (Çarçar) désigne la
violence des vents avec lesquels châtia le peuple de Ad (Cor. XI, 16 ;
LIV, 19 ; LXIX, 6).
Dans L’Eschatologie musulmane dans la Divine Comédie, Asin
Palacios reproduit des extraits des trois traités d’Ibn Arabî où il est
question de la trompette qui se présente comme une corne (d’abondance) dont la
partie étroite est située aux enfers et la partie large aux Paradis (p.
604-605) ce qui renvoie au symbolisme du souffle à travers les états
supra-humain. Ailleurs il précise qu’il n’y a pas de droite en Enfer et pas de
gauche au Paradis (p. 158) ce qui indique que les circumambulations sont
« solaires » au paradis et « polaires » en Enfer et permet
d’expliquer un certain aspect sinistre de la gauche ; mais ce qui mérite
d’être souligné ici, c’est que le passage d’une circumambulation à une autre
reproduit le tracé de la « double spirale » car cela s’applique
également aux états supra-humain (cf. La Grand Triade, ch.V). Quoiqu’il
en soit, les Paradis se réduisent au nombre septénaire et le « symbolisme
de la Croix » est plus adéquate pour les mettre en relation avec les maqamat,
les catégories initiatiques, et tous les symbolismes employés par Ibn Arabî
pour parler des multiples aspects du « voyage céleste » qui devrait
pouvoir être transposé par la « marche initiatique » dans l’existence
corporelle.
(13)
Michel
chodkiewicz, Le Sceau des Saints, p.
201.
(14)
Le Roi du Monde, p. 84. En
arabe, l’Orient (Mashreq) dérive
d’une racine qui désigne aussi l’illumination (Ishrâq). En outre la relation entre le nom divin Al-Fatîr (la lumière séparatrice) et Fâtima az-Zohra (Marie en Islam, p.47) dont le nom évoque celui de Vénus (az-zahra) s’explique par le fait que la
fille du Prophète est enterrée à l’Est (Est, Venus, Balance) dans la Rawda de Médine. Ailleurs Guénon écrit :
« Aditi est aussi, en un certain
sens, la “nature primordiale”, appelée en arabe El-Fitrah ». Aditi
est aussi la « mère des Devas »
et plus particulièrement des 12 Adityas ;
« Aditi n’est d’ailleurs pas sans rapport, à certains égards, avec
l’“essence végétative”, par là même qu’elle est considérée comme “déesse de la
terre” » (Symbole de la Science sacrée,
ch. LIII, p. 315). En outre Béatrice présente certaines similitudes avec
Fâtima.
Par ailleurs,
les révélations de l’apôtre Paul sur Melchissedec semblent pouvoir être misent
en en relation avec le fait qu’il fut ravi au troisième Ciel. Dans un autre
ordre d’idée, c’est aussi de ce « troisième Ciel » que Muhammad a la vision de l’Enfer d’après
certaines traditions arabes.
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