LES POITRINES DES HOMMES LIBRES SONT LES TOMBEAUX DES SECRETS صدور الأحرار قبور الأسرار

mercredi 14 juillet 2021

Y B : ANNEXE II (suite et fin).

 


NOTE SUR LES « SCEAUX »

 

 

 

Selon Ibn Arabî :

« Le Prophète – qu’Allâh répande sur lui Sa grâce unitive et Sa Paix ! – [sic] a comparé la prophétie à un mur de brique entièrement achevé à l’exception de l’emplacement d’une brique, car il était lui-même cette brique. Là où il n’a vu, comme il l’a dit, qu’une seule brique [labinatan wâhîdatan], le Sceau des saints, qui bénéficie nécessairement de la même vision, voit dans le mur l’emplacement de deux briques, qui sont d’or et d’argent ; et il se voit nécessairement convenir lui-même pour l’emplacement des deux briques manquantes : le Sceau des Saints n’est autre que ces briques, de sorte que le mur est achevé !

La raison pour laquelle il voit deux briques (est la suivante) : extérieurement, il suit la Loi du Sceau des envoyés ; c’est l’emplacement de la brique d’argent qui représente son aspect extérieur et le fait qu’il suit les prescriptions de cette loi. D’autre part, il tire secrètement d’Allâh ce qu’il suit selon la forme apparente, car il voit l’Ordre (divin) [al-Amr] selon ce qu’il est en réalité et il ne peut le voir qu’ainsi : c’est l’emplacement de la brique d’or, à l’intérieur, car il puise à la source même dont l’ange [Gabriel] tire ce qu’il inspire à l’envoyé. Si tu comprends ce à quoi je fais allusion, tu as acquis la ‟science utile” de toute chose ».

Dans cette traduction du deuxième chapitre des Fuçûç al-Hikam consacré à Seth, Mr Gilis met cette « allusion » en rapport avec le « Dépôt de la science primordiale gardée par le Centre suprême » (Connaissance des Religions, n° 41-42, p. 90-91), ce qui est plus facile à dire qu’à démontrer, car ceux qui pourrait le démontrer n’ont aucun besoin d’avoir recours à ce genre d’affirmations gratuites, courantes chez notre auteur et qui sont totalement dénuées d’intérêt doctrinal.

En réalité, la véritable difficulté que pose ce texte est la suivante : la brique de Mohammad doit-elle être associée ou dissociée des 2 briques d’Ibn Arabî et est-ce que ce dernier ne représente pas lui-même la brique du Prophète ?

D’autre part, l’emplacement du mur sur lequel manquent les 2 briques d’Ibn Arabî est situé entre l’angle Yéménite (Sud) et l’angle Syrien (Nord) de la Kaabah, mais plus près de l’angle syrien précise le Cheikh Al-Akbar, ce qui fait manifestement allusion au Nord-Est, c’est-à-dire au deva-yana. Pour bien comprendre ce dont il s’agit ici, il nous faut, une fois de plus, revenir à l’enseignement de Guénon à propos des briques perforées (swayamâtrinnâ) qui est très proche du symbolisme évoqué ici :

« il s’agit de trois briques ou pierres de forme annulaire, qui, superposées, correspondent aux ‟trois mondes”  (Terre, Atmosphère et Ciel), et qui, avec trois autres briques représentant les ‟Lumières universelles”  (Agni, Vâyu et Aditya), forment l’Axe vertical de l’Univers. De ces trois briques superposées, la plus basse correspond architecturalement au foyer (auquel l’autel lui-même est d’ailleurs identifié, étant également le lieu de la manifestation d’Agni dans le monde terrestre), et la plus haute à l’‟œil” ou ouverture centrale du dôme ; elles forment ainsi, comme le dit Coomaraswamy, à la fois une ‟cheminée” et un ‟chemin” ‟par où Agni s’achemine et nous-mêmes devons nous acheminer vers le Ciel”. En outre, permettant le passage d’un monde à un autre, qui s’effectue nécessairement suivant l’Axe de l’Univers, et cela dans les deux sens opposés, elles sont la voie par laquelle les Dêvas montent et descendent à travers ces mondes, en se servant des trois ‟Lumières universelles” comme d’autant d’échelons, conformément à un symbolisme dont l’exemple le plus connu est celui de l’‟échelle de Jacob”. Ce qui unit ces mondes et leur est en quelque sorte commun, quoique sous des modalités diverses, c’est le ‟Souffle total” (sarva-prâna), auquel correspond ici le vide central des briques superposées [et « Vâyu qui correspond au monde intermédiaire »] (Symboles de la Science sacrée, ch. XLII, p. 333-334) ; c’est aussi, suivant un autre mode d’expression équivalent au fond, le sûtrâtmâ qui, comme nous l’avons déjà expliqué ailleurs, relie tous les états de l’être entre eux et à son centre total, généralement symbolisé par le soleil, de sorte que le sûtrâtmâ lui-même est alors représenté comme un « rayon solaire », et plus précisément comme le « septième rayon » qui passe directement à travers le soleil » (Ibid.).

Ainsi, la brique d’or qui correspond à l’aspect « intérieur » et qui est située sur la partie supérieure du mur pourrait correspondre à Aditya, et la brique d’argent qui correspond à l’aspect « extérieur » et qui est située sur la partie inférieure du même mur serait alors en rapport avec Agni ; et dans cette perspective, Ibn Arabî en tant que Sceau  « intermédiaire » entre Muhammad (brique d’argent) et Aïssa (brique d’or) pourrait très bien être en relation avec Vâyu.

« Pour revenir à la considération de la plus haute des trois briques perforées de l’autel védique, on peut dire que la « porte solaire » se situe à sa face supérieure (qui est le véritable sommet de l’édifice total), et la « porte lunaire » à sa face inférieure, puisque cette brique elle-même représente le Swarga ; d’ailleurs, la sphère lunaire est effectivement décrite comme touchant à la partie supérieure de l’atmosphère ou du monde intermédiaire (Antariksha), qui est ici représenté par la brique médiane. On peut donc dire, dans les termes de la tradition hindoue, que la « porte lunaire » donne accès à l’Indra-loka (puisque Indra est le régent du Swarga) et la « porte solaire » au Brahmaloka ; dans les traditions de l’antiquité occidentale, à l’Indra-loka correspond l’« Élysée » et au Brahma loka l’« Empyrée », le premier étant« intra-cosmique » et le second « extra-cosmique » ; et nous devons ajouter que c’est la « porte solaire » seule qui est proprement la « porte étroite » dont nous avons parlé précédemment, et par laquelle l’être, sortant du Cosmos et étant par là même définitivement affranchi des conditions de toute existence manifestée, passe véritablement « de la mort à l’immortalité »* (Symboles de la Science sacrée, ch. XVIII, p. 336-337).

Ceux qui pourraient s’offusquer de la relation ainsi établie entre la fonction prophétique législative et la « porte lunaire » feraient bien de réfléchir au fait que cette relation a son fondement coranique par le biais du terme nafs qui désigne l’âme, car Allâh dit à Moïse, le fondateur de la religion : « Je t’ai assigné à moi-même  » [*] et la fonction prophétique est elle-même envisagée comme procédant de « nos âmes » : laqad jâ’a-kum rasûlun mîn anfusi-kum (cf. Marie en Islam, p. 22, n. 13 – En sanskrit le pronom personnel (soi-même – nafsî) âtmân dérive du terme qui désigne l’Esprit universel (âtmâ).

Du reste, ces quelques considérations sont aussi en rapport avec la nafs natiqah ; toutes les doctrines traditionnelles montrent que le « mental » dans l’homme est double, suivant qu’on le considère comme tourné vers les choses sensibles, ce qui est le mental pris dans son sens ordinaire et individuel, ou qu’on le  transpose dans un sens supérieur, où il s’identifie à l’hégemôn de Platon ou à l’antar-yâmi de la tradition hindoue.

Signalons encore qu’une expression akbarienne courante comme « ni par l’intellect, ni par la loi » n’implique pas nécessairement une « association » entre ces deux termes et qu’elle pourrait même faire allusion à deux domaines différents qui sont respectivement celui de l’Esprit et celui de l’Âme. Autrement dit, elle pourrait désigner la « non-dualité » ou le « secret » (sirr), c'est-à-dire l’inexprimable.

Enfin il n’est peut-être pas inutile de souligner que la conception islamique de la fonction de « Sceau » implique la considération de la succession et donc, celle corrélative du temps ; ce qui ne concerne manifestement que certains états d’existence.

« La ‟Révélation” est reçue, non dans le mental, mais dans le corps de l’être qui est ‟missionné” pour exprimer le Principe » dit Guénon à propos de la descente du Coran. C’est l’aspect charnel du Verbe selon Jean et cet aspect est assimilé par la pratique rituelle de la langue sacrée.

 

 

 

––––––––

* Selon Ibn Arabî, la Balance est sous les « étoiles fixes » où se trouve le « Lotus de la limite » du monde manifesté (Sidrât al-muntana) ; Futûhât, ch. 560,  (extraits traduits par M. Vâlsan, op.cit.). Le raf raf pourrait symboliser le « 7ème rayon ».

 [*] La référence coranique signalée dans le texte est fautive (MR).




 



* * *






ÉPILOGUE

 

 

Ces Aperçus sur le « Retournement » furent rédigés en 1996-97. Quelques années plus tard, Y. B. m’a remis un jeu de photocopie de son tapuscrit de 54 pages comprenant l’Annexe et de nombreux graphiques. Dans une correspondance doctrinale datant du 4 avril 2011, celui-ci précise que le texte de ses Aperçus dont il ne possédait aucune version numérique, est pour lui « illisible aujourd’hui » et il ajoutait : « je le reprends thème par thème en articles séparés […] surtout à usage maçonnique ». Ce fut plusieurs de ces thèmes qu’il reprit spécialement en articles pour VLT alors que j’étais responsable de cette revue. Il faut croire que certains maçons n’apprécient guère les écrits de Y. B. ; l’administrateur J. B. P. qui avait récupéré VLT à la mort de Roland Goffin, m’avait menacé de laisser tomber la fabrication de sa revue si je persistais à publier ce genre d’écrit. Sans doute pour d’autres raisons, les articles de Y. B. ne plaisaient pas d’avantage aux vâlsaniens. Que cela plaise ou déplaise, l’intérêt doctrinal susceptible d’être retiré de cette étude nous parait largement suffisant pour justifier sa publication et permettre de toucher les personnes auxquelles l’auteur entendait s’adresser. Je l’ai  donc entièrement numérisé en le découpant en XV chapitres titrés afin de le rendre plus accessible. Depuis le 23 mars 2017, date de la mise en ligne du premier extrait - « À propos de la ‟wahdah al-wujûd” et du concept de ‟réalisation suprême” » - qui constitue le chapitre VIII, la totalité du texte est parue dans La Fin des Temps modernes. J’espère que l’illisibilité reconnue par son auteur est atténuée en partie par la segmentation en chapitres. Le texte est restitué tel que, sans aucun commentaire. Il sera bientôt disponible en pdf à l’adresse suivante :

<findestempsmodernes72@gmail.com>.

 

 

MR

 




mardi 6 juillet 2021

Les troubles de l'année 1789 prévus en 1414

 Cet article fut mis en ligne le 18 mars 2010 sous le titre : « un exemple d’ ‟astromancie” traditionnelle » (111 visites).





La Révolution française prédite en l’année 1414*

 




Pierre d’Ailly (Petrus de Alliaco), né en 1330, surnommé « L'Aigle de la France » et « le marteau des hérétiques », chancelier de l’université de Paris, aumônier de Charles VI, évêque de Cambrai, cardinal, légat du pape, a composé plusieurs traités d’astronomie ou plutôt d’astrologie, où il se propose d’établir la concordance de l’astronomie et de l’histoire. L’un de ces traités a pour épitaphe : « Comme d’après les philosophes, deux vérités ne peuvent jamais se contredire, les vérités astronomiques doivent être toujours d’accord avec la théologie. » On sait que c’était aussi l’opinion de Newton .
Conformément au livre d’Albumazar (1) sur les Grandes conjonctions (2), le cardinal d’Ailly reconnaît, avec tous les astronomes de son temps, l’influence redoutable des grandes révolutions de la planète Saturne : non-seulement ses conjonctions avec Jupiter produisent un refroidissement extrême, mais elles sont fatales aux individus aussi bien qu’aux empires.
Or, en l’année 1414, le cardinal d’Ailly déclare que la huitième de ces grandes conjonctions aura lieu l’an du monde 7040, et qu’après elle, dans l’année 1789 de notre ère, une des grandes périodes de Saturne sera accomplie. « Dés lors, si le monde existe encore en ce temps là (ce que Dieu seul peut savoir), il y aura de nombreux, de grands, d’extraordinaires changements et troubles dans le monde, principalement en ce qui a rapport aux institutions (leges). » (Opp., p . 118h.)
Le cardinal ajoute qu’il ne peut pas préciser combien de temps le monde pourra survivre à cette épouvantable année 1789 ; il croit cependant qu’à la suite l’Antéchrist et son abominable gouvernement ne tarderont pas à paraître. « C’est, dit-il, sinon une certitude, du moins une conjecture très vraisemblable d’après toutes les indications astronomiques. »
Cette prédiction singulière n’est point de celles que l’ambiguïté ou le vague de leurs expressions permettent d’interpréter de différentes manières. Tout lecteur peut la vérifier dans le texte de Pierre d’Ailly, imprimé à Louvain (en 1490, suivant Launoy) avec les œuvres de Gerson (Tractatus de concordiâ astronomicae veritatis cum narratione historica, Opp., p. 117 b. et suiv.).



 * Ce texte parut en 1855 dans Le Magasin Pittoresque  (28 ème année).
(1)  De son nom arabe Abû Ma‘shar, astrologue musulman (voir notice ci-dessous).
(2) De magnis conjonctionibus ; imprimé seulement en 1515, à Venise.








Abū Ma‘shar

 

Ja‘far ibn Muḥammad al-Balkhī  (787– 886), bien connu dans le monde arabe sous le nom d'Abū Ma‘shar, vivait à Bagdad au IXe siècle. Il fut contemporain du philosophe al-Kindi et était muhadhîthun (spécialiste de la science du hadîth). Il s'intéressa tardivement au ‘ilm al-nujûm et devint un astrologue important. Il était aussi connu comme mathématicien et philosophe, ce qui fut le cas de tous les savants astrologues de son époque puisque que l’astrologie et l’astronomie, traditionnellement, ne font qu’une seule science ; ses connaissances intégraient les savoirs des cosmologies persane, grecque et mésopotamienne. Ses écrits furent traduits en latin au XIIe siècle et, par leur large diffusion, eurent une influence sur les savants de la chrétienté médiévale. C’est notamment par l'introduction : Kitab al-mudkhal al-kabīr, une des œuvres les plus importantes avec d’autres nombreux traités d’astrologie tels que ceux de d’Al-Bîrûnî, que furent transmises les sciences cosmologiques au monde européen.











Archives du blog