CHAPITRE XII
LE « SCEAU DE SALOMON »
ET
L’ARCHÉOMÈTRE
Dans
l’orientation vers l’Est qui correspond à Al-Islâm
(Karma-marga) et qui s’applique à la
« Station Mohammadienne » : l’Est correspond à l’intérieur et à
Muhammad (Sirr) ; l’Ouest à
l’Extérieur et au Christ (Rûh) ;
le Sud, qui est à droite, correspond au Premier et à Umar (Çadr) et le Nord, qui est à gauche, au Dernier et à Abu Bakr (Qalb). Ibn Arabî correspond à Huwa et à la nafs natiqah qui est en relation avec la Kamaliyyah, ce qui est conforme aux indications fournies par Mr
Gilis (1).
Guénon a écrit
dans le Roi du Monde que le nombre 5
avait une importance fondamentale dans la tradition extrême-orientale et on
pourrait en dire autant de l’Islam : les 5 piliers de l’Islam, les cinq
prières (2),
les
5 formules rituelles (3),
les 5 tahlil coraniques (4), les 5 arkan, etc., sans mentionner les racines
coraniques qui sont en relation avec le nombre 5 : les 4 mois sacrés et le
mois de Ramadân, les 4 livres sacrés
et le Coran (le 5ème Véda, le 5ème King), etc. …
Selon Guénon,
« la réalisation architecturale est considérée
comme une “hypogée” qui se ramène au symbolisme de la caverne comme une image
de l’ensemble du cosmos »,
et la caverne
est comme une « matrice » qui est désignée en arabe par la racine RHM
dont est formé le mot Rahma (Miséricorde).
Lorsque Allâh dit : « Rahmatî sabaqat Ghadabî », la
Miséricorde (Rahma) est en rapport
avec la droite et la Colère (Ghadab)
avec la gauche, bien que si la Miséricorde précède (sabaqat) la Colère, c’est parce que la Colère « procède »
de la Miséricorde qui l’emporte (ghalabat).
D’autre part, on peut également dire que la Miséricorde est en rapport avec
l’avenir qui est « devant » (Bâtin)
et la Colère avec le passé qui est « derrière » (Zhahir). Enfin, on peut établir une correspondance d’une part entre
la Miséricorde et la Colère et d’autre part, entre le Zénith et le Nadir, car al-ghadab désigne aussi une pierre très
dure (Imâm Jazûlî) qui peut être considérée comme la « pierre
fondamentale » de la création en tant que principe de contraction ou de
solidification (5).
On
pourrait établir une correspondance entre le Ciel de Saturne (Abraham) et le
nom divin Ar-Rahmân, et entre le Ciel
de la Lune (Adam) et Al-Ghadab. Dans
cette nouvelle application du « Sceau de Salomon », l’orientation est
prise en se tournant vers le Sud, c’est-à-dire que Jupiter correspond à Al-Bâtin et Mercure (Nord) à Azh-Zhâhir.
Le Soleil symbolise le Soi (Huwa) qui
correspond à la « Voie du Milieu » désignée par le verbe sabaqa dans la Parole d’Allâh.
Il existe aussi
une représentation du « Sceau de Salomon » où les positions de la
Lune et du Soleil sont interverties et à cet égard, Tamos fait remarquer que
les « douze signes du Zodiaque sont les domiciles des sept planètes ;
chaque planète a un domicile diurne et un domicile nocturne, sauf le Soleil et
la Lune qui n’ont qu’un seul domicile chacun. Le Soleil étant considéré comme
essentiellement diurne et la Lune comme essentiellement nocturne, les planètes
diurnes et nocturnes alternent régulièrement sur le parcours de la
circonférence » (6).
Ce qu’il nous
importe de souligner ici, c’est que dans cette nouvelle représentation du
« sceau de Salomon », qui a la Lune comme pôle, Jupiter correspond au
Nord (Bâtin) et Mercure au Sud (Zhâhir), tandis que Mars (Ouest) est à
gauche (Al-Akhir) et Vénus (Est) à
droite (Al-awwal), ce qui implique
que l’orientation est prise en se tournant vers le Nord, bien que cette
disposition des points cardinaux s’applique également quand l’orientation est
prise en se tournant vers l’Est (7).
L’ensemble formé par les deux
« sceaux de Salomon » reproduit les douze signes du Zodiaque
« à
l’intérieur duquel se meuvent les planètes [et] qui constitue véritablement l’“enveloppe”
du Cosmos »,
c’est-à-dire
le « cadre céleste » qui a pour fonction principale
« de
maintenir à leur place les divers éléments qu’il contient ou renferme à son
intérieur, de façon à en former un tout ordonné »
dont la signification la plus
profonde est en relation avec le symbolisme du sûtrâtmâ, le « rayon solaire » reliant « tous les
états de l’être entre eux et à son centre total » (8).
« le
symbolisme du soleil comme « “Cœur du Monde” explique d’ailleurs pourquoi le sûtrâtmâ
qui relie chaque être au Purusha central est alors représenté par le
“rayon solaire” appelé sushumnâ. Les diverses représentations du sûtrâtmâ
montrent aussi que la division apparente de Purusha, dans l’ordre “macrocosmique”
aussi bien que dans l’ordre “microcosmique”, ne doit pas être conçue comme une
fragmentation qui serait en contradiction avec son unité essentielle, mais
comme une “extension” comparable à celle des rayons à partir du centre ;
et en même temps, comme le sûtrâtmâ est assimilé à un fil (sûtra)
par sa désignation même, ce symbolisme est aussi en rapport étroit avec celui
du tissage » (9).
Dans une étude
comme celle-ci, il n’est évidemment pas possible d’envisager tous les aspects
de l’unité dans la multiplicité telle qu’elle est présentée ici, mais ceux qui
reliront l’œuvre de René Guénon n’auront sans doute aucune peine à se rendre
compte que l’Archéomètre y joue le rôle d’un yantra, et qu’il permet de dégager toute une doctrine de
l’« unicité de l’existence » qui est en relation étroite avec la fin
des 7 premiers manvantaras (10).
NOTES
(1) René Guénon et l’avènement du troisième Sceau, ch. III. Dans
l’orientation vers le Sud, celui-ci correspond à l’Intérieur et le Nord à
l’Extérieur. L’Orient (Premier) et l’Occident (Dernier) sont seulement
intervertis. Cette orientation correspond à Al-Imâm (Bhakti-mârga). On peut remarquer que la connexion entre la foi et
l’amour est en relation avec la fonction « royale » de la divinité
car la foi du commun c’est de « croire » que Dieu gouverne le
monde ; c’est là aussi une des raisons pour laquelle la véritable élite,
celle qui ne s’expose pas, se confond extérieurement avec le peuple. Ces
différentes orientations sont en rapport avec les « clés » des Futûhât et le symbolisme des
« Jours » tel qu’il est exposé par Ibn Arabî et Qâchânî, mais il
semblerait qu’elles peuvent également s’appliquer à la grammaire arabe.
(2)
La çalât (prière) du matin (Çubh) correspond à l’Est (Premier),
celle de midi (Zuhr) au Sud (Extérieur),
celle de l’après-midi (‘Açr) au Centre, celle du coucher du soleil (Maghrib) à l’Ouest (Dernier) et celle de
la nuit (‘Ishâ’) au Nord (Intérieur). La çalât
al-‘Açr est la prière du milieu (çalât
al-wusta) et la clé akbarienne, correspondant à la sourate du Coran
intitulée Al-‘Açr, traite de
« la Demeure de l’Union et de la fonction revenant à un seul de
représenter l’ensemble » (ch. 281 des Futûhât).
(3)
Les Sept Etendards du Califat, p. 88.
(4)
Le Coran et la fonction d’Hermès, p. 10.
(5)
Il
existe un certain nombre de termes péjoratifs dans le Coran qui ont un sens
ésotérique et qui peuvent être mis en relation avec cette question (M.
Chodkiewicz : Un Océan sans rivage, p. 74). Toutefois, c’est l’expression Zhalûmân Jahûlân qui est la plus
centrale (Cor. 33, 72 – le nombre 72 est un symbole universel qui se retrouve
au sein de toutes les traditions (cf. Lenain ; La Science Cabalistique, Paris 1982) et qui est en relation avec le
symbolisme maçonnique du cable-tow.
Dans le Coran, il correspond à la sourate intitulée Al-Jinn, c’est-à-dire, les facultés subtiles individualisées, et la
clé akbarienne correspondante traite de « la demeure de la Modalité de la descente
de la Révélation (al-wahy) sur les
cœurs des Saints, et la sauvegarde de ceux-ci contre les diables, fait partie
de la dignité mohammadienne » (trad. M. Vâlsan).
Suivant la
tradition arabe, « Allâh a créé
Adam selon Sa forme » ou « selon la forme du Miséricordieux (ar-Rahmân) », précision qui permet
de « localiser » cette création au Ciel de Saturne. Ainsi, la
« chute » du père de l’humanité se serait accomplie par l’« Axe
du Monde » du Ciel de Saturne à la sphère lunaire « qui est
proprement le “monde de la formation” ou le domaine de l’élaboration des formes
dans l’état subtil, point de départ de l’existence en mode individuel » (Symbole de la Science Sacrée, ch. XIX, p. 135).
(6)
La Gnose, juillet-août
1910, p. 183. On sait que l’Archéomètre est en relation avec la « science
des lettres » conçue comme une synthèse entre l’alphabet Vattan, écriture
primitive des Atlantes, et l’alphabet arabe dit « solaire » (L’Islam et la fonction de René Guénon,
p. 120 à 126).
(7)
Dans
la hiérarchie du « Pôle céleste » de l’Islam, la relation entre Abu
Bakr as-Siddiq (Nord) et la planète Jupiter est confirmée par une note de
Guénon : « Tsedeq est aussi le nom de la planète Jupiter, dont
l’ange est appelé Tsadqiel-Melek ; la similitude avec le nom de Melki-Tsedeq (auquel est
seulement ajouté El, le nom divin qui forme la terminaison commune de
tous les noms angéliques) est ici trop évidente pour qu’il y ait lieu d’y
insister. Dans l’Inde, la même planète porte le nom de Brihaspati, qui
est également le “Pontife céleste” » (Le
Roi du Monde, ch. VI, note 1, p. 55).
En ce qui
concerne la hiérarchie des Piliers (Awtâd)
de la Tradition pure (ad-Dînu-l-Hanîf),
la connexion entre Khidr et le Nord se réfère également au Ciel de Jupiter. Idrîs
pourrait être mis en correspondance avec Mercure qui est au Sud et dont la Station
est celle de l’homme ; et Ilyâs à l’Est car son nom est formé à partir
d’une racine (yâs) qui désigne le désespoir
comme celui de Yûsuf (Vénus) est formé à partir d’une racine qui signifie la
tristesse (asaf) (Cor. 12, 84). Ainsi
‘Aîsâ correspond à l’Ouest, comme dans la Station muhammadienne et au Ciel de
Mars qui est en rapport avec David car le Messie de la Kabbale est le fils de David
et le Christ (‘Aîsâ) descend de la tribu royale de Juda.
(8) Symboles de la Science Sacrée, ch. LXV.
Les aspects nocturne (layla) et diurne (nahar) du cycle journalier (yawm) sont respectivement en
correspondance avec la circumambulation « polaire » (Centre à gauche)
et la circumambulation « solaire » (Centre à droite). Dans le premier
cas (prédominance de la nuit – ténèbres –), la gauche est à l’« intérieur »
et la droite à l’ « extérieur », et dans le second (prédominance du
jour), la gauche est à l’« extérieur » et la droite à l’« intérieur ».
(9)
Ibid., ch. LXXV.
(10) Formes traditionnelles et cycles cosmiques, p. 15.
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